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Dix lunes
2 septembre 2009

Préhistoire

Service de gynécologie, au cœur d’un vieil hôpital fatigué. Une toute jeune fille y est hospitalisée en chambre collective pour une infection gynécologique. La pièce s’étire d’une fenêtre à l’autre. Quatre lits sont alignés, séparés d’à peine plus que la largeur d’une table de nuit. Aucune intimité n’est possible.

C’est la grande visite. Derrière le chef de service, des membres de l'équipe soignante - "surveillante", sage-femme de l’étage et infirmière de jour - mais surtout le cortège des étudiants en médecine, élèves infirmières et futures sages-femmes.

Nous nous entassons dans la chambre. Comme de coutume, chaque cas est exposé au chef de service par l’un des étudiants. La chambre commune ne laisse aucune patiente ignorante de la pathologie des voisines ; respecter le secret médical n’est pas encore une préoccupation.

Vient le tour de l’adolescente. Elle est jeune, diaphane, assortie au blanc rêche de ses draps.
Outre ses trois voisines de chambre, nous sommes bien une vingtaine, hommes et femmes, entourant son lit.
Après la présentation de son dossier, le médecin l'informe qu'il va l’examiner pour confirmer le diagnostic. Sans autres explications, il écarte le drap,  empoigne ses chevilles pour l’installer en position gynécologique et relève le bas de la chemise fournie par l’hôpital.

Elle se raidit et ferme les paupières. La main gantée s’approche de son corps crispé, insiste puis se retire au bout de trop longues secondes. Le grand patron annonce qu’elle est «inexaminable» car trop contractée. Il faudra donc «la passer au bloc» pour une courte anesthésie afin de parfaire le diagnostic. L’étudiant prend note.

Le cortège recule pour aller s’entasser dans la chambre voisine.

Personne n’a osé suggérer qu’un peu d’humanité et l’intimité d’un cabinet de consultation pourraient éviter le recours aux hypnotiques.

PS: nous sommes en 1977

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Commentaires
G
Je découvre ce blog aujourd'hui et le relis dans l'ordre, depuis le début...<br /> C'est très bien écrit, agréable à lire, et réfléchi, posé à la fois. J'aime.<br /> <br /> Je réagis sur cet article parce qu'il est terrible, où est le respect, la considération ? ... et parce qu'il fait écho pour moi avec un autre récit, le roman Les trois médecins de Martin Winckler, ou Le choeur des femmes peut-être... J'ai l'impression qu'il a une conception du rapport au patient proche de la votre, pleine d'humanité.<br /> <br /> Je m'en retourne poursuivre ma lecture.
G
Je découvre ce blog aujourd'hui et le relis dans l'ordre, depuis le début...<br /> C'est très bien écrit, agréable à lire, et réfléchi, posé à la fois. J'aime.<br /> <br /> Je réagis sur cet article parce qu'il est terrible, où est le respect, la considération ? ... et parce qu'il fait écho pour moi avec un autre récit, le roman Les trois médecins de Martin Winckler, ou Le choeur des femmes peut-être... J'ai l'impression qu'il a une conception du rapport au patient proche de la votre, pleine d'humanité.<br /> <br /> Je m'en retourne poursuivre ma lecture.
E
Cela me rappelle ma première consult post natale avec LE remplaçant de ma gynéco habituelle (malade ce jour là). <br /> Je lui explique que mon épisio est extrèmement douloureuse... J'ai quand même eu droit au spéculum et au TV (ce jour là, j'ai compris l'expression "grimper aux rideaux"). En conclusion, il me dit que ma cicatrice est très belle. Génial!<br /> Je me demande s'il a bien pris en compte ma douleur et si ses gestes si invasifs et douloureux étaient bien nécessaires.
T
j'ai pensé à la même chose que Clémence... définition du mot "viol" ? :(
A
quand je repense à la façon dont mon obstétricien m'a osculté et m'a fait mal à plusieurs reprises et devant mon homme, ça ressemble bien à ça.<br /> Heureusement c'était dans un cabinet, mais la délicatesse ne fait pas toujours partie du vocabulaire des médecins !<br /> J'ai cru que mon homme allait cogner sur l'obstétricien quand il a vu qu'il me faisait mal !!!!
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