L'inacceptable
Ils arrivent tout sourire ; elle a perdu les eaux, la naissance s’annonce pour aujourd’hui.
Nous avons préparé cet accouchement ensemble et je suis heureuse à l’idée de les retrouver pour l’arrivée de leur enfant.
Comme chaque salle de naissance est aménagée différemment, ils souhaitent les revoir pour choisir celle où naitra leur bébé. Je les accompagne dans leur circuit joyeux. Le temps de se décider, quelques minutes se passent.
Les voici installés, la consultation peut commencer.
Je pose le capteur sur son ventre et tout bascule en un instant. Les bruits du cœur sont lents, beaucoup trop lents. Pendant quelques secondes, j’espère avoir capté le pouls maternel mais il s’agit bien du bébé. Je lui demande de se tourner sur le coté gauche et la mets sous oxygène.
Les secondes s’étirent.
Le bébé ne récupère pas et je sonne pour avoir de l’aide.
En parallèle, il faut l'examiner, tenter de comprendre ce qui se passe. J’ai l’espoir irraisonné de la découvrir à dilatation complète bien qu’elle ne ressente presque pas de contractions.
Je l’aide à se déshabiller mais, lorsqu’elle retire la couche censée absorber le liquide amniotique, un flot de sang rouge s’écoule.
Le placenta s’est décollé.
En quelques minutes, elle est installée au bloc opératoire et endormie pour une césarienne en urgence.
Mais il sera trop tard.
Nous allons l’annoncer, au père d’abord, puis ensemble à la mère qui se réveille.
Leur peine immense.
Comme il serait bon de pouvoir redérouler le film.
Je repense à leur arrivée, nos retrouvailles heureuses, ces quelques minutes prises pour choisir la salle de naissance. Ce temps « perdu » a peut-être été décisif.
Plus encore que la mort de ce bébé, ce doute m’est insupportable.