Rugissante
Elle vient de rompre la poche des eaux dans le bain qui l’aidait à se relaxer. Le ressenti différent la fait quitter l’eau chaude. Désireuse de connaitre où en est sa dilatation, elle vient s’allonger sur le lit le temps de l’examen, rapide toucher vaginal pour confirmer l’avancée du travail, écoute du cœur foetal. Tout va bien, elle est à 7 cm et son petit attend tranquillement sa sortie du monde utérin.
Une fois ces quelques gestes accomplis, je ne lui propose pas explicitement de se relever tant il est évident qu’elle fait comme bon lui semble. C’est sans compter le conditionnement insidieux qui laisse penser aux femmes que l’on s’allonge pour mettre au monde.
La contraction suivante semble plus douloureuse et inconfortable. Ne voulant pas l’influencer, je reste silencieuse mais une nouvelle contraction la voit se tendre de façon asymétrique, une main repoussant son genou, le dos très étiré sur la flanc droit pendant que sa jambe gauche se fléchit. Le lit bloque ses mouvements et je l’encourage à en descendre.
Elle se lève et commence à marcher dans l’espace restreint délimité par les divers équipements imposés en salle de naissance, lit, chariots de matériel, monitoring, etc … Elle marche à petits pas lorsque une nouvelle contraction survient.
Alors, fléchissant les jambes, mains posées sur les genoux, bras tendus, dos étiré, tout en décrivant de larges cercles avec son bassin, elle se met à rugir. Venant de sa gorge serrée, un seul mot se répète « desssscend, desssscend, desssscend ».
Mes mains sur ses épaules, je bouge avec elle, l’accompagnant dans son déhanchement.
Une autre contraction et le son, plus retenu encore, laisse penser que la poussée n’est pas loin. A la suivante, elle poursuit le même mouvement mais le chant guttural sort d’une gorge encore plus serrée.
Un dernier rugissement, la tête apparait et je n’ai que le temps de tendre les bras pour accueillir un bébé qui glisse rapidement au son de la voix maternelle…