Suggestionnée ?
Journal de la santé, reportage annoncé sur la césarienne.
En plateau, une jeune femme témoigne de son parcours obstétrical ; une première césarienne pour présentation du siège, une seconde il y a deux ans - pour des jumelles - préférée à la voie basse que rien ne contre-indiquait car elle gardait un bon souvenir de la première naissance.
Heureuse coïncidence, cette césarienne avait été filmée pour les besoins de la même émission.
Voyage dans le temps. Nous retrouvons cette femme, ventre rond et tendu, quelques minutes avant le passage au bloc. Nous assistons ensuite à l'extraction des deux petites filles et le reportage se termine sur l’image attendue des enfants nichées dans chacun des bras maternels sous le regard ému de leur père. Le commentaire souligne que tout s’est bien passé.
Happy end.
Mais il s’agit d’une émission médicale à visée pédagogique ; un petit aparté didactique est inséré dans le récit de la naissance. Le chirurgien, interrogé sur les risques inhérents au choix de la césarienne, s’empresse de confirmer, risque infectieux, hémorragique… Il parle, vêtu de bleu, ganté, masqué devant un champ du même bleu tendu verticalement. Il ne faut pas une grande expérience du bloc opératoire pour imaginer que de l’autre coté du tissu stérile se trouve le visage - et les neurones - de la dame. D’ailleurs, le champ de la caméra s’élargit et l'on découvre les mains gantées qui s’affairent à recoudre l’abdomen béant. En écoutant dérouler la liste des complications possibles, je me demande quel peut être l'effet d’entendre qu’il existe un risque majoré lorsque l'on est allongée là ventre ouvert …
Me reviens en mémoire une étude lue il y a bien longtemps faisant état de l’impact des paroles au cours d’une intervention sous anesthésie générale. Je vous résume très grossièrement ce que j’en avais retenu * : Lors d’une banale intervention, si le chirurgien s’exclame avec conviction « P…n, ça pisse le sang ! », le patient présenterait plus de complications postopératoires que s'il y a réellement hémorragie mais que le chirurgien sifflote. (j'ai bien écrit "très grossièrement" !)
Si la parole peut faire effet sur un opéré plongé dans un sommeil artificiel, quel peut être son impact sur celle qui n’est qu’anesthésiée localement par une péridurale ?
Inutile d’échafauder des hypothèses anxieuses, le reportage précisait que tout s’était bien passé.
Retour sur le plateau et la jeune femme poursuit son récit. Surprise ! Cette seconde césarienne s’est beaucoup moins bien déroulée. Elle a fait une hémorragie, est restée en observation pendant plusieurs heures avant que le chirurgien ne vienne lui annoncer que « sa vie n’était plus en jeu »….
Si l’hémorragie est effectivement une complication possible en cas de césarienne, si la distension utérine du fait de la grossesse gémellaire majore le risque, je ne peux cependant m’empêcher de m’interroger sur l’éventuel rapport entre les réponses du médecin en pleine intervention et les suites opératoires.
* si par hasard un lecteur connaissait les références de cette étude, je suis preneuse !