Quel métier !
L'entretien qui suit est diffusé, sous forme vidéo, sur le net. C'est le discours que je souhaite épingler, pas la sage-femme, aussi je me garderai d'évoquer le nom du site mais je garantis l'authenticité des paroles transcrites.
Je sais, la critique est facile, d'autant qu'il s'agit d'un film et que ma consœur est surement un tantinet plus crispée qu'au naturel.
Mais les mauvais jours, ça fait du bien d'être carnassière...
Le film débute - comme de coutume lorsqu'il s'agit d'évoquer notre profession - sur les images d'une femme en position gynécologique en train de pousser :
« Allez c'est bien, encore encore encore encore, encore, encore un peu, soufflez »
Puis débute l'interview :
Je suis sage-femme en salle d'accouchement.
Ma fonction est donc d'accueillir les patientes quand elles arrivent pour accoucher, de m'occuper d'elles pendant leur accouchement et ensuite dans les deux heures qui suivent l'accouchement, je surveille la patiente et je m'occupe de leur bébé.
Au départ je voulais être anesthésiste et en même temps j'ai passé le concours de sage-femme parce que je trouvais que ça avait l'air assez sympathique et j'ai eu la chance que les études me plaisent et j'ai pas arrêté, j'ai continué au contraire.
Maintenant il faut passer le concours de médecine pour pouvoir rentrer aux (sic) études de sages-femmes qui durent 4 ans.
Effectivement, mieux valait éviter les filières littéraires...
Une bonne sage-femme, c'est une sage-femme qui va aller tout de suite aux priorités, qui va bien savoir analyser les situations et prendre les bonnes décisions rapidement. Parce que parfois, on a très peu de temps pour agir. On a quand même la vie de la mère et de l'enfant qui sont en jeu.
Devons nous valoriser notre rôle en usant de ce type de dramatisation ? Certes, un accouchement peut parfois mal se passer et mieux vaut être accompagné par des professionnels attentifs. Mais combien de difficultés sont au contraire induites par cette attitude pessimiste qui stresse les parents ? Ne peut-on être vigilant que dans la défiance ?
Et puis bon, il faut être humaine, des fois on a besoin d'être très proches des patientes de les rassurer, donc il va falloir beaucoup de calme et de sang froid. Ce qui me plait c'est la naissance, l'accouchement, les poussées d'adrénaline bien sur. Y a des moments où c'est un peu sportif et des fois c'est agréable (rires) d'être un peu dans l'urgence.
Agréable ? Pouvons nous trouver plaisir à mettre en route l'engrenage de la médicalisation quand elle s'avère nécessaire ? Nous n'avons pourtant que la satisfaction de corriger un processus défaillant.
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Dans notre clinique on fait 1200 accouchements par an du coup ça revient à peu près à 3, 4 accouchements par jour.
Le gynécologue vient pour l'accouchement donc on se retrouve à être tous les deux sur les accouchements même quand tout se passe bien. On reste très actives malgré tout au moment de l'accouchement même si l'acte en lui-même c'est le médecin qui le fait et qui sort le bébé.
Accoucher ou être accouchée sont deux concepts différents, voire opposés. Comment ne pas s'étonner d'apprendre que c'est le médecin et non la mère qui agit, que c'est lui et non elle qui sort l'enfant ?
« C'est bon alors on pousse quand y a une contraction vous les sentez quand y en a une ou pas ? Non ? Non ? C'est moi qui vous dirait; quand je vous dis on y va, vous prenez plein d'air, vous gardez l'air vous poussez fort en tirant sur les barres en levant les coudes, le menton sur la poitrine OK ? En levant les coudes comme ça »
Comme trop souvent dans les reportages, le réflexe expulsif est négligé et la poussée dirigée banalisée. Conditionnement insidieux des futures mères au classique " inspirez bloquez poussez !"
Faut pas avoir peur de s'imposer parce qu'on est responsable de notre salle d'accouchement donc il faut vraiment avoir la force de caractère de prendre ses responsabilités éventuellement donner son avis sur les conduites à tenir même face aux médecins.
La complicité avec le gynécologue la plupart ça se passe toujours bien, on arrive toujours à un petit peu plaisanter pour détendre l'atmosphère, plaisanter avec le papa et la maman parce qu'ils connaissent bien le gynéco puisqu'ils l'on vu pendant toute la grossesse et on arrive à ce que ce soit un peu familial.
La tension qui précède la première rencontre entre un petit et ses parents est plus heureuse qu'angoissée et ne nécessite que présence et humanité pour être traversée sereinement.
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Et c'est un métier qui est passionnant parce qu'on voit beaucoup de monde et c'est tout le bon coté de la médecine ; c'est souvent des moments heureux et très heureux même.
Ben oui, tout simplement...
Pour promouvoir la profession de sage-femme (but de cette courte vidéo), il serait nécessaire d'insister sur le stress, l'adrénaline, les complications ? Est ce, comme dans les pires séries médicales, l'échange de regards intenses au dessus des masques qui fait le sel de notre métier ? Etre sage-femme, ce serait savoir s' imposer, diriger les femmes, blaguer avec les médecins, vibrer au son des divers bip attestant de la santé maternelle et fœtale ?
Alors, nous ne faisons pas tout à fait le même métier.