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Dix lunes
12 février 2010

Liberté, égalité, confraternité

Dans un billet récent, j’épinglais les propositions de coaching en rappelant que les sages-femmes sont là pour répondre aux besoins des couples. Dans son commentaire, Emilie s’interroge  «où sont-elles ? Je la cherche encore, ma sage-femme, pour m'accompagner chez moi pour la naissance de mon 4ème enfant... pourtant, j'ai des contacts, des ressources... je suis sage-femme !!!»

Effectivement, il est souvent difficile de trouver une sage-femme qui accompagne les accouchements à domicile …elles sont moins d’une centaine en France.

Pourquoi n’y a-t-il que 3% des libérales à proposer cet accompagnement ?

Pourquoi une pratique banale dans certains pays (Pays-Bas 30 %), en croissance dans d’autres (Royaume Uni : 1.9% en 2001, 2.7% en 2008, développement soutenu par le ministère de la Santé) est-elle aussi peu répandue en France ?

Il y a bien évidemment la question des assurances. Saluons ce grand écart légal : d’un coté l’obligation faite aux sages-femmes d’être assurées pour leurs actes (ce qui n’a rien de scandaleux en soi), de l’autre le refus des assureurs, tous prêts à nous signer un contrat… à condition d’en exclure l’accouchement à domicile !

Une démarche menée en 2009 par l’association nationale des sages-femmes libérales auprès du bureau central de tarification a rappelé les assureurs à leurs devoirs. Le BCT est tenu de nous trouver une assurance et il l’a fait .... mais pour la somme totalement prohibitive de 19000 €  alors que ¾ des sages-femmes libérales gagnent moins de 35 000€/an (et qu’un accouchement à domicile est généreusement tarifié 313 € par la sécurité sociale; forfait comprenant l’accouchement et les visites des 7 jours suivants).

Notre conseil de l’ordre, fort soucieux de légalité, rappelle chaque sage-femme à cette obligation en soulignant que l’absence d’assurance peut entrainer une amende de 45 000 € !
Mais il reste sourd à nos demandes de démarches concertées auprès des pouvoirs publics pour faire avancer le dossier (rappelons que les obstétriciens bénéficient d’une prise en charge partielle de leurs primes d’assurance par la sécurité sociale).

Cependant, si l’absence d’assurance peut dissuader les sages-femmes d'accompagner les naissances à la maison, la principale raison se trouve ailleurs, dans le regard porté sur cette pratique par le monde médical. Si l’opprobre n’était pas jeté sur l’accouchement à domicile, s’il était accepté de tous, banalisé, intégré à l’offre de soin au sein des réseaux de périnatalités, alors tout serait différent.

La sécurité de cette pratique est assurée par une "sélection" des femmes prenant en compte leurs antécédents et le déroulement de leur grossesse, par le respect strict de la physiologie, par la sécurité physique et psychique apportée par l'accompagnement global mais aussi par la possibilité d’un recours à un plateau technique. Pas d'angélisme ! Certains accouchements débutés à la maison nécessitent un transfert en maternité.  Mais dans ce cas, l’accueil fait aux sages-femmes – par d’autres sages-femmes ! - est trop souvent calamiteux.
L’une sera soupçonnée de ne pas être diplômée, l’autre verra son dossier épluché et photocopié, celle-la sera contrainte de rester à la porte de la maternité…
Les rumeurs les plus folles circulent, les réputations se tissent, hors de toute vérité.

Cet ostracisme décourage une majorité de sages-femmes tentées par l’accompagnement global. Elles  savent qu’aucune erreur, aucun oubli, aussi minimes soient-ils, ne leur seront pardonnés.
Pire encore, le moindre incident sera, malgré les études internationales démontrant le contraire, attribué au choix du domicile. Coupables a priori !

A force de défiance, plus aucun dialogue n’est possible. Les sages-femmes souhaitant défendre une autre obstétrique sont tour à tour taxées d’inconscience, d’incompétence, de sectarisme… et les équipes redoutent le transfert d’une femme en cours d’accouchement, convaincues par avance d’avoir à assumer et réparer les erreurs de leurs consœurs, forcément fautives.

Pourtant, d’autres passages de relais font partie du quotidien des équipes obstétricales… d’un établissement à un autre plus équipé pour certaines grossesses difficiles, d’un praticien à l’autre lorsqu’une femme est suivie « en ville » puis adressée à la maternité pour les dernières consultations, ou très banalement, lors du changement de garde au cours d’un accouchement.

Pourquoi cette évidence du travail en réseau, de la complémentarité des différents acteurs devient-elle subitement inconcevable lorsqu’il s’agit de naissances prévues à la maison ?

Sages-femmes à domicile, en petite maternité, en grande structure, nos combats sont les mêmes ! Apprenons à collaborer, avec des outils différents, pour des situations obstétricales différentes, dans le respect du travail de chacune.

Alors, les libérales pourront sereinement transférer vers les maternités des parents arrivant en confiance, certains d’être bien accueillis et accompagnés par d’autres praticiennes tout aussi soucieuses de leur bien être.

Alors un couple ne  se sentira plus abandonné ou trahi lorsqu'une naissance prévue au sein du foyer devra se terminer sur un plateau technique.

Alors les femmes pourront choisir leur lieu d’accouchement, en acceptant en conscience les limites et contraintes de ce choix.

Alors les sages-femmes exerceront réellement, totalement leur métier.

Toutes ensembles, toutes ensembles, toutes…

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Commentaires
M
En Belgique, les AAD sont rares (moins d'1% souhaités).<br /> <br /> Mais il existe des maisons de naissance (au moins à Bruxelles et Namur), il y a des sage-femmes qui pratiquent des AAD (et par 2, pour être sécuritaire). Le prix de l'assurance est abordable, contrairement à la France.<br /> <br /> http://www.sage-femme.be/ pour quelques renseignements
C
je commente un peu tard mais j'aimerais devenir sage-femme, et donc j'essaie de prendre le plus de renseignements possible et tu as l'air d’être quelqu'un de très informé et de très intelligent, je me permet donc de te poser une question peut être un peu naïve : qu'en est il en Belgique? Je ne parviens pas a trouver d'infos; les Maisons de naissances sont elles répandues? L'accouchement à domicile est il plus pratiqué qu'en France? le métier de sage femme est il mieux compris? <br /> <br /> <br /> <br /> Merci beaucoup pour ta réponse si tu as le temps de me répondre, et surtout merci beaucoup pour ce merveilleux blog qui me met les larmes aux yeux, me fait rire, me fait frissonner... c'est vraiment extraordinaire à lire.
E
oui, merci de me rappeler ces liens si riches, où je guette une nouvelle venue... proche de chez moi, régulièrement.J'avais un grand espoir pour ce bébé, une sage-femme a une heure de route, mais qui a refusé, 4ème bébé , peu de chance d'arriver à temps ! Elle m'a donc conseillé ( et je crois que c'est finalement ça qui m'a le plus fait "mal") de faire un projet de naissance et d'accoucher là où je travaille...J'ai donc trouvé des consoeurs pour m'accompagner le jour J, cerbères à la porte de la salle d'accouchement, pour que je puisse vivre les choses sans intrusion inutile. Sortie précoce, sous décharge évidemment,en espérant ne pas être trop fragile, avoir la force de me battre contre ceux qui voudront à toutes forces que je reste, pour mon bien et celui de mon bébé bien sûr !
1
Merci pour vos commentaires.<br /> Je suis totalement en accord avec tout ce qui a été dit. Oui, les françaises ne savent pas travailler en bonne intelligence et il y aurait beaucoup à apprendre de nos voisines, oui, les SF ne sont pas solidaires (la démarche auprès du BCT ne concernait que les libérales mais 13 demandes sur 3000 !!!), oui rien n'est idyllique dans les relais entre établissements ou praticiens, (mais au moins ne fait on pas payer le choix de la maternité ou du professionnel aux parents), oui les choses pourraient être beaucoup plus simples avec un peu de bonne volonté et de respect partagés.<br /> Une question à la lecture du commentaire d'Anne, que faut-il entendre par "mauvaise information" ?<br /> Quels sont les vecteurs en cause ?<br /> <br /> PS pour Emilie tu as été voir sur les listes de l'ANSFL et de Sophie Gamelin ? Et, à défaut d'AAD, as tu la possibilité d'être accompagnée en plateau technique ?
A
Bravo pour la justesse de vos posts... je découvre votre blog et vais devenir une lectrice assidue je crois! <br /> <br /> "Alors les femmes pourront choisir leur lieu d’accouchement, en acceptant en conscience les limites et contraintes de ce choix." <br /> Cette phrase résume parfaitement les choses... je crois malheureusement qu'hormis ce véritable problème de mauvaises connaissances des SF entre elles qui entraine une peur voire un non respect du travail de chacun(e), il existe un autre vrai souci: la mauvaise information des patientes concernant l'accouchement à domicile (et ses contraintes et limites, qui existent Mesdames, soyez en conscientes) et l'accouchement en milieu hospitalier : une meilleure information des couples sur la grossesse et l'accouchement permettrait à tous de vivre ces moments magiques en connaissance de cause et peut être d'être moins déçus quand le scénario ne correspond pas à l'idéal révé , afin ainsi de cesser de diaboliser ou l'AAD ou l'hôpital! <br /> A quand cette période où l'on arrêtera de juger et on l'on respectera vraiment le choix des uns et des autres, le travail des unes et des autres( côté professionnel mais aussi côté patients)?....
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