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Dix lunes
24 mars 2010

Aimée

Ils ont espéré longtemps un enfant, connu le parcours tortueux de la stérilité présumée, confirmée, et finalement court circuitée par une fécondation in vitro.
Les mois passent. Dans l'attente de l’accouchement, elle alterne entre angoisse et impatience, craignant le paroxysme de la naissance et l’apprivoisant petit à petit, finissant par s’y sentir prête.
Ensemble, ils préparent ce moment, désirant retrouver pour la fin de la grossesse la simplicité qui n’a pu présider à son origine. Elle souhaite accoucher le plus naturellement possible, laisser parler son corps, suivre simplement ce qu’il lui indique. Leur projet de naissance a été accepté par l’équipe.

Le jour venu, ils sont accueillis chaleureusement. Elle peut cheminer en confiance, soutenue par une sage-femme convaincue de sa compétence à mettre au monde son enfant.
Une nuit sans sommeil, puis une journée… Ils ont marché, dansé et ri, elle s'est baignée, a soufflé et chanté sa douleur. Les choses avancent doucement, trop doucement. Une autre sage-femme prend le relai, toute aussi charmante, mais moins soutenante, moins rassurante. Préoccupée par la lenteur de la dilatation, elle propose de rompre la poche des eaux.
Le travail utérin redouble de violence. Elle se retrouve assaillie de puissantes contractions, épuisée par le manque de sommeil, découragée par l’absence de soutien. Renonçant à l’idéal projeté pendant la grossesse, elle souhaite une péridurale qui lui est refusée car trop tardive. La sage femme propose un gaz antalgique* mais elle préfère s’en passer par crainte de perdre la conscience des événements.

Au fil des heures, l’épuisement et la douleur mêlés aboutissent au même résultat. Dépassée par ce qu’elle traverse, elle souhaite mourir. Oh, pas vraiment mourir, pas définitivement, juste un petit peu pour ne plus devoir affronter l’insoutenable.

Le bébé ne progresse pas, ou ne supporte plus bien l’attente, elle ne sait pas vraiment mais l’obstétricien est appelé pour donner son avis.
Se conformant à la pire des caricatures, il arrive, clamant «qu’en lui mettant deux doigts dans la chatte», il va résoudre le problème. Joignant le geste à la parole, il l’examine brutalement lors d’une contraction pour conclure sans ménagement que la naissance se fera par césarienne. Puis il repart, la laissant aux mains d’autres soignants pour préparer l'intervention. On s’affaire à la raser et lui poser une sonde urinaire sous le regard de son homme, sans se soucier de sa pudeur, de sa difficulté à se retrouver ainsi, cuisses béantes et sexe exposé.

Au dernier moment, l’anesthésiste s’oppose à la présence de son compagnon au bloc opératoire. Elle part seule, impuissante face au praticien s’affranchissant sans vergogne du contrat établi avec d’autres membres de l’équipe dans les semaines précédentes.

Son enfant voit le jour au son du verbiage vaniteux d’un chirurgien narrant ses dernières vacances.
Sa fille posée contre sa joue, elle peut quelques instants l’embrasser, lui chuchoter tendrement que son père va l’accueillir pendant que l’intervention se termine. On l'emmène ensuite pour les premiers soins.
Elle reste seule. Elle est mère mais comment le réaliser pleinement, submergée par la fatigue, envahie par les digressions vantardes de celui qui recoud son ventre.

Enfin ils se retrouvent à trois. Son compagnon a pu faire connaissance avec leur bébé, la respirer, l’embrasser, la bercer… elle est juste épuisée et soulagée que tout soit enfin terminé.
Le premier regard de sa fille l’a laisse indifférente et horrifiée de cette indifférence. Elle pleure sur cette naissance qui l'a coupée de son enfant. Son homme entend sa souffrance et s'attache à l’apaiser.
Alors, la mélodie qu’elle chantait pour le bébé encore au creux de son ventre lui revient et c’est en fredonnant qu’elles se rencontrent enfin.

*protoxyde d'azote aussi nommé gaz hilarant

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Commentaires
V
Un an après l'avoir lu pour la première fois ce récit me fait encore frissonner...merci
F
Les larmes aux yeux...
D
Terrible, odieux!<br /> <br /> Mais heureusement, parfois ça se passe autrement.<br /> Ma mère était anesthésiste en maternité. Une petite maternité, associative, pionnière des naissances respectée (banlieue proche de Paris).<br /> Elle m'a toujours présenté son travail comme, avant tout, un travail d'écoute. Elle aidait les femmes qui le voulaient bien à réfléchir sur leur rapport avec la douleur. Dans cette maternité, les péris n'étaient pas systématique, et les papas étaient le plus souvent les bienvenus pour les césarienne.<br /> <br /> J'ai eu la grande chance d'assister à une césarienne. J'avais une vingtaine d'année et je ne sais plus pourquoi j'étais passée voir ma mère. Elle m'a fait entrer au bloc où se préparait une césarienne. Je ne crois pas qu'elle était programmée (en tout cas je me souviens que le bébé avait une bosse sur la tête car il avait trop longtemps pesé sur le col). Le papa était là, juste derrière la tête de sa femme, joue contre joue. L'obstétricien était souriant et attentif. Je me souviens de la grande émotion quand il a sorti le bébé, c'est un souvenir très important dans ma vie!<br /> <br /> Et c'est grâce à ma mère que j'ai été très vite convaincue que l'accouchement était physiologique, et pas une maladie!
M
tendre coeur...<br /> je suis attristée de voir encore une autre comme celle-là...<br /> Le nombre de témoignages de femmes...<br /> La Gazette que nous sommes en train de produire pour notre asso, femmes/sages-femmes, portera le thème: césarienne....alors que je vois, recois des témoignages.... et encore un autre...<br /> <br /> Un article, dont nous avons traduit des sections, sur la césarienne naturelle....et oui vous avez bien lu!! propose un protocole différent...ca fait du bien, mais attention,ce protocole plus doux, respecte le couple, temps, l'espace, le peau à peau, voir même le choix de voir le bébé sortir...mais est uniquement réservée pour des césa prog. , maman-bébé en bonne santé, présentation tête, non-préma, pas de patho. Alors, faut toujours être critique sur tout ce qu'on voit. Une césa de luxe lorsqu'il n'y a pas d'indication clinique pour faire grimper les statistiques...dangereux<br /> <br /> Bref, ce protocole gagnerait à etre appliqué pour tous les types de césa, dans la mesure REELLE du possible.<br /> <br /> merci pour tout le partage!!!
M
tendre coeur...<br /> je suis attristée de voir encore une autre comme celle-là...<br /> Le nombre de témoignages de femmes...<br /> La Gazette que nous sommes en train de produire pour notre asso, femmes/sages-femmes, portera le thème: césarienne....alors que je vois, recois des témoignages.... et encore un autre...<br /> <br /> Un article, dont nous avons traduit des sections, sur la césarienne naturelle....et oui vous avez bien lu!! propose un protocole différent...ca fait du bien, mais attention,ce protocole plus doux, respecte le couple, temps, l'espace, le peau à peau, voir même le choix de voir le bébé sortir...mais est uniquement réservée pour des césa prog. , maman-bébé en bonne santé, présentation tête, non-préma, pas de patho. Alors, faut toujours être critique sur tout ce qu'on voit. Une césa de luxe lorsqu'il n'y a pas d'indication clinique pour faire grimper les statistiques...dangereux<br /> <br /> Bref, ce protocole gagnerait à etre appliqué pour tous les types de césa, dans la mesure REELLE du possible.<br /> <br /> merci pour tout le partage!!!
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