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Dix lunes
7 avril 2010

Médiatiquement leur(re)

Un mail récent m’a gentiment sollicitée «Il me semble que cet article est susceptible de retenir votre attention».
Je prends ce message comme une invitation à commenter ce qu'il est convenu de nommer fait divers, ce que je m’étais bien gardée de faire jusque là ; sujet complexe, conclusions facilement hâtives, éléments inconnus et traitement spectaculaire par les médias...  autant de raisons pour ne pas réagir !
Commenter le commentaire est cependant un exercice auquel je veux bien m'essayer.

C'est comme ça qu'on l'appelle dans les médias, « la fausse sage-femme ». Une femme qui pratiquait des accouchements à domicile en se présentant comme « éducatrice à la naissance ». François Souverville, 58 ans avait déjà pratiqué plusieurs dizaines d'accouchements en Ariège jusqu'au jour, ou en août 2008, l'un des bébés qu'elle a aidé à naître meurt.
Pourquoi des parents se tournent-ils vers une "éducatrice à la naissance" ? Peut-être, surement, parce qu’il est difficile sinon impossible de trouver une sage-femme lorsque l’on souhaite accoucher à domicile. L'année dernière, une enquête du Conseil de l'Ordre des sages-femmes révélait «En 2008, il y a eu 1 052 accouchements à domiciles pour quelques 4 500 demandes non satisfaites».

Son procès a eu lieu le 16 mars dernier et il en est ressorti que : Le bébé est mort quelques heures après la naissance; Qu'il fallait lui prodiguer des soins que Françoise n'était pas en mesure de faire.
Cette formulation laisse penser que seule l’absence de soins adaptés a conduit au décès de l'enfant. Le suggérer ainsi participe à la tension des relations entre praticiens et familles. En cas d’accident, nous apparaissons forcément responsables puisque la médecine est réputée toute puissante… Les actions en justice contre les professionnels de santé se multiplient et ce constat amène les équipes à rigidifier les prises en charge au nom du sacro-saint médico-légal.

Et que le cordon ombilical n'a été coupé que 3 heures après la naissance selon la méthode du Lotus Birth et c'est ça qui aurait provoqué le décès de l'enfant selon les experts.
Le lotus Birth consiste à laisser le placenta relié au cordon jusqu'à ce que celui-ci se dessèche et tombe, afin de ne pas intervenir dans un processus naturel.
La circulation ombilicale s’interrompt pourtant spontanément dans les minutes qui suivent la naissance et le cordon inerte semble bien inutile. Ne pas le couper au prétexte que cela ne se fait pas spontanément m'apparait un raisonnement spécieux. Je n'ai côtoyé cette situation qu'une seule fois, au sein d'une maternité ayant accepté cette demande des parents…tentative rapidement abandonnée au vu des odeurs se dégageant du placenta. J'ai lu depuis qu’il faudrait le saler pour permettre sa conservation, ou l’enfermer dans un sac plastique… curieuses façons de ne pas intervenir dans le processus.
L'on peut s'étonner du procédé, mais le lien direct de cause à effet reste à démontrer. De nombreux "Lotus Birth" sont décrits, en particulier aux Etats Unis, et cela sans complication à déplorer.

L'Académie nationale de médecine émet quant à elle des réserves sur l'accouchement à domicile
L'occasion devait sembler trop belle ! Je souhaiterais que l’Académie de médecine s'interroge également sur les accouchements en milieu médical et notre interventionnisme potentiellement iatrogène...

et précise que les accouchements qui sont pratiqués sans accompagnement médical comportent de sérieux risques.
Ce sera la seule phrase de cette coupure de presse avec laquelle je puisse me sentir à peu près en accord. Accoucher sans accompagnement médical, c’est faire le pari qu’aucune complication ne surviendra, penser que la pathologie ne découle que des actions intempestives des professionnels. La nature forcément bienveillante est un leurre qu'il faut savoir abandonner.

Le constat une fois posé, quelles conséquences en tirer ? Les journalistes pourraient s'aventurer à soutenir la compétence des sages-femmes, insister sur la nécessaire intégration de l'accouchement à domicile dans l'offre de soin, souhaiter voir se développer la coopération entre maternités et praticiens libéraux. Ils n'en font rien.

Dans d'autres articles, il est rappelé que "Les accouchements à domicile représentent moins de 1% des naissances, et ceux qui sont effectués sans assistance médicale ne dépassent pas quelques centaines par an en France". L'enquête du conseil de l'Ordre citée plus haut annonçait «60 % des sages-femmes libérales ont déjà été sollicitées pour réaliser un accouchement à domicile mais  4,4 % d'entre elles acceptent d'en pratiquer».

Au risque de me répéter, pas d'assurance, ostracisme des équipes, frilosité des décideurs, blocage des maisons de naissance...tout cela conduit des couples à solliciter de "fausses sages-femmes", trop heureux de trouver sur leur route une personne acceptant de les accompagner.
D'autres envisagent un accouchement sans assistance aucune.

Il y a quelques années, les sages-femmes s'inquiétaient déjà de cette situation, insistant auprès du Ministère de la Santé sur la nécessaire reconnaissance de l'AAD afin de répondre aux attentes des parents et ne pas entrainer les plus déterminés d'entre eux vers des choix potentiellement dangereux. Un de nos interlocuteurs avait affirmé, lors d'une informelle "conversation de couloir"  «Il y aura un jour une complication grave, elle sera médiatisée et la question se règlera d'elle même»...

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Commentaires
E
En mettant de côté que cette personne se présentait comme accompagnatrice à l'accouchement, je me demande dans quelle mesure on ne pourrait pas parler de non assistance à personne en danger (concernant le bébé). Cela s'applique d'ailleurs aussi aux parents.<br /> Ce que je retiens de ce genre de d'informations véhiculées par la presse, c'est qu'on ne saura toujours qu'une infime partie de ce qui s'est passé réellement, ce qui amène toujours à biaiser la réalité des faits.
P
mon nouveau chez moi!!<br /> <br /> http://petitesoignante.over-blog.com
L
il est pratiquement impossible pour des parents d'accéder à un accouchement à domicile.<br /> Les maisons de naissance en France sont relativement pitoyables, par rapport à ce que proposent l'Allemagne ou les Pays Bas par exemple.<br /> <br /> Il y a un très gros vide au niveau de l'information, et non seulement les parents AAD doivent batailler pour trouver un moyen sûr de mettre leur enfant au monde chez eux ( sous entendu trouver une sage femme à qui les conditions sembleront coïncider ), mais doivent aussi se tenir silencieux face à certains gynéco qui ne se gêneront pas pour donner leur avis sur ce choix, mais aussi face à leur famille, bien souvent convaincu par ce type de faits divers, que le futur bébé et sa maman risquent gros en accouchant en dehors d'une structure médicale.<br /> <br /> Ce manque de choix est selon moi honteux, effectivement, mais je ne crois pas que ce procès servira l'AAD, au contraire.<br /> Il y a trop d'intérêts ( financiers, intellectuels, philosophiques? ) en jeux pour la médecine française, pour que les choses se bousculent.
A
je me souviens de cette affaire, enfin je me souviens surtout de l'empressement des médias à condamner l'accouchement à domicile ...
1
Il y a des tas de choses que l'article ne précise pas et j'ai effectivement lu ailleurs que F Sourville dit disposer d'un diplôme américain. Mais comme dit en début de billet, je ne souhaite pas prendre position sur le fond d'un dossier que je ne connais que très partiellement. Je ne me suis intéressée qu'au traitement médiatique et à son impact potentiel.
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