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Dix lunes
28 avril 2010

Prendre date

En septembre 2003, l’article L 6122-18 du code de la Santé Publique ouvre la possibilité "d’expérimentations relatives à l'organisation et à l'équipement sanitaires". L'occasion est ainsi donnée d'explorer une nouvelle proposition, les maisons de naissance.

Ce même mois de septembre 2003, la "Mission périnatalité" recommande l’ouverture de maisons de naissance «en nombre suffisant afin que leur évaluation ait une puissance statistique suffisante pour pouvoir conclure sur leur efficience».

En novembre 2004, le "Plan périnatalité 2005-2007" reprend les conclusions de la Mission et annonce «ces maisons de naissance constituent un moyen de diversifier l’offre de soins pour les grossesses physiologiques tout en reconnaissant la compétence des sages-femmes dans la prise en charge des femmes concernées».
Ne nous réjouissons pas trop fort, la seule mesure évoquée est «l’élaboration de textes permettant cette expérimentation» et le calendrier prévu manie le flou avec dextérité «l’expérimentation pourrait commencer dès parution des textes»

Il faut ensuite attendre un an pour que le ministère de la santé convoque, en novembre 2005, une commission comprenant différents représentants des professionnels de santé, des usagers, des maternités et de l’administration. Plusieurs réunions auront lieu jusqu’en décembre 2006 pour élaborer un cahier des charges encadrant le fonctionnement de ces futures structures.
La balle est alors dans le camp de la DHOS qui doit finaliser le cahier des charges pour la parution, courant 2007, d'un décret en conseil d'Etat. Ce décret est attendu pour lancer un appel à projets permettant l'ouverture de plusieurs maisons de naissance pour une expérimentation prévue sur trois ans.

Pourtant, le 22 juillet 2007, un article de Sandrine Blanchard, dans le Monde, indique  «le projet de Maison de Naissance est renvoyé aux calendes grecques»
La DHOS, immédiatement questionnée, assure qu’il n’est est rien.

Mais l'année se termine sans que rien ne se passe...

En janvier 2008, un cahier des charges, toujours annoncé comme "document de travail", est enfin proposé. Il réussit l'exploit de faire l’unanimité contre lui !
Les opposant à l’expérimentation le trouvent trop permissif.
Les partisans le jugent trop restrictif. Par ailleurs, de nombreuses questions ne sont pas réglées. Nul ne sait comment ces projets seront financés et assurés, ni quel sera leur statut juridique. Simples points de détails…

Lors d’une rapide présentation devant la commission nationale de la naissance, en juin 2008, constat est fait que le consensus reste à trouver. Une seconde phase de concertation est alors annoncée.

Depuis… rien !

En aout 2009, une dépêche de l’AFP annonce que l’expérimentation débutera en 2010. Le fameux décret serait en «cours d’écriture» et devrait être adopté lors de la loi de financement de la sécurité sociale. Cette loi, parue en décembre 2009, ne fait aucune mention des maisons de naissance.

Le dernier épisode en date est la fermeture de la fenêtre d’expérimentation. Elle expirait ce dimanche 25 avril. Rien n'indique cependant que cela est définitif, une ordonnance similaire avait déjà été publiée en avril 1996, un nouveau texte pourrait venir proroger la phase de test.

Officiellement, les maisons de naissance sont toujours en projet, aucune annonce de la DHOS n'est venue préciser que l'expérimentation était abandonnée. Le décret serait-il encore en cours de rédaction ? Autant d'application dans la lenteur serait risible s'il n’y avait les attentes déçues des parents et le découragement des professionnels face à une mauvaise volonté politique évidente.

Le village gaulois se refuse à prendre modèle sur ses voisins européens et campe sur ses positions. En France, les maisons de naissance, évoquées dès novembre 1998 par Bernard Kouchner (alors secrétaire d'Etat à la Santé), tanguent depuis de fausses promesses en silences piteux… et ne sont toujours pas autorisées.

PS : Certains projets tentent malgré tout d’exister ici ou en se faufilant entre les mailles des textes de lois, au prix d'une énergie démesurée, dans un équilibre fragile entre la volontés des uns, parents et sages-femmes, et les contraintes imposées par les autres, maternités partenaires.

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25 avril 2010

Réinventer l’eau chaude…

 

La Caisse Nationale d’assurance maladie communique et c’est pour le moins irritant…

Expérimentez, nous discuterons ensuite ! Il nous est demandé de tester une nouvelle organisation sans concertation préalable sur sa mise en place.

Le même article à quelques mots près, accompagnés de la même illustration bateau est sorti dans plusieurs rédactions régionales. Ce que l’on veut nous faire passer pour de l’information n’est en fait que de la communication institutionnelle. La CNAM cherche ainsi à forcer la main des sages-femmes libérales des trois départements concernés qui ont décidé  - avec le soutien de leurs syndicats - de boycotter l’expérimentation.

En effet, de nombreuses questions se posent :
- pourquoi introduire un nouvel intervenant dans le suivi déjà très morcelé de la maternité ?
- est-il vraiment nécessaire qu’une «conseillère de l’assurance maladie» se déplace pour «remettre à la mère une liste de sages-femmes pour lui permettre de faire son choix » ! La liste des sages-femmes libérales est déjà disponible dans le premier annuaire venu. Sur quels éléments pourrait-elle choisir, cette jeune mère en instance de retour à la maison ?
- comment devons nous comprendre que cette même conseillère «organise la première visite de la sage-femme»? Ne sommes-nous pas des professionnels de santé responsables, en capacité d’organiser au mieux nos visites en fonction des besoins de l’ensemble de nos "patientes" (pardon pour ce terme convenu)? Faudrait-il délaisser subitement les unes parce que les autres nous sont désignées par l’assurance maladie ?

Je ne souligne là que des points de détails. Ce qui irrite réellement les sages-femmes, c'est que l'on veuille ainsi les cantonner à l’après naissance pour pallier les problèmes de lits et de budgets hospitaliers. Le titre de l'article ose annoncer un «accompagnement personnalisé», mais cette expérimentation omet un point essentiel, le suivi sera d’autant plus personnalisé, d'autant plus confortant qu’il se fera dans la continuité d’un travail amorcé en amont, bien avant l'accouchement.

Rappelons que ce qui nous est présenté ici comme une nouveauté révolutionnant le retour à la maison existe depuis longtemps et que la seule innovation consiste en l’intervention d’une conseillère.

Comment se passer de cet intermédiaire superflu ? Rencontrer une sage-femme libérale dès le début de la grossesse, lui livrer ses besoins, ses craintes, ses attentes pour se sentir en confiance, entendue et soutenue tout au long des neufs mois.
La suite apparait alors parfaitement simple ; la prévenir de la sortie de la maternité et poursuivre dans son salon la relation débutée auparavant. Lui présenter fièrement son enfant, avoir le temps d’évoquer l’accouchement, prendre ainsi du recul sur les éventuels passages difficiles, savourer le récit des beaux moments, pouvoir la questionner sans se sentir jugée, évoquer ses peurs sans être infantilisée, être accompagnée dans ses premiers pas de mère. 

Quelques jours ou quelques semaines plus tard, ce sera avec la même sage-femme que l'on pourra rassurer le compagnon qui peine à trouver sa place, apaiser les craintes sur la jalousie des ainés, évoquer la vie du couple …

Nul besoin d’un nouvel intermédiaire pour aller à la rencontre de familles souhaitant notre visite.

Il est vrai que d’autres parents ayant tout autant besoin de notre soutien ne feront pas cette démarche. Mais je prétends que ce n’est pas le passage d’une quelconque conseillère parachutée à la maternité qui dénouera ces situations et permettra d'accueillir nos visites com

21 avril 2010

Puissante

Elle marche. Elle va mettre au monde son troisième enfant et arpente de long en large l’espace trop restreint de la salle de naissance. A chaque contraction, elle s’immobilise, les mains plaquées sur le bas de son dos, et souffle avec application le regard perdu dans le vague. Puis elle balaye sa frange d’un coup de tête, lève les yeux vers son homme assis un peu plus loin, et lui sourit pour le rassurer. Elle est arrivée il y a peu, sereine, certaine de l’avancée de son travail. L’examen n’a fait que confirmer ce qu’elle pressentait ; son col est souple et déjà dilaté à 6 cm, son bébé appuie, la naissance s’annonce proche.

Un peu plus tard, elle réclame le tabouret d’accouchement, s’y installe jambes fléchies, pieds posés bien à plat au sol, ancrée. Son homme s’est assis derrière elle, lui permettant ainsi d’appuyer son dos contre lui. Entre deux contractions, il effleure sa nuque, laisse descendre ses mains le long de ses bras dans un doux massage improvisé, remonte caresser ses cheveux. Puis une légère crispation des épaules de sa compagne vient lui signifier qu’il n’est plus temps ; elle retourne dans sa bulle et rien de doit l'y déranger, pas le moindre mouvement, le moindre son sauf celui qu’elle module elle même, mélopée lente…

L’envie de poussée est là, son souffle se renforce, se transforme en sourd grondement. Ses mains s’élèvent à la recherche d’un point d’accroche, entourent le cou de son homme, s’y arriment. Percevant son besoin, il vient placer ses bras sous ses aisselles, la soutenant et l’étirant tout au long de son effort. Elle tire, il résiste, dans un corps à corps presque brutal mais pourtant harmonieux.Très rapidement, la tête de l'enfant commence à apparaitre. Le grondement maternel gagne en puissance. Elle force sur ses jambes, s’arque boute contre le corps de son homme et commence à se lever. Il suit son mouvement et se redresse à son tour. Elle termine presque debout, jambes arquées, dos basculé en arrière, dans un équilibre précaire qui ne tient que par le contrepoids que lui oppose son compagnon. C’est dans cette tension partagée que leur enfant glissera dans mes mains au son d’un dernier cri.

Le lendemain, ils s'étonneront de se découvrir courbaturés. Pour le moment, blottis l’un contre l’autre, ils entourent leur bébé de leur double protection et savourent la douceur de cette rencontre.

13 avril 2010

Le savant

Il sait !
Rien de ce qui vous arrive ne lui échappe. Tant que vous vous en remettez à lui, totalement confiante en son diagnostic, docile et admirative devant tant de science, il est charmant.
Relation cordiale, mais relation soignant /soignée (dominant/dominée ...) bien évidemment.

C’est dans ce registre que s’est déroulée sa première grossesse. Souffrant d’une pathologie chronique complexe venant compliquer sa maternité, elle s’est soumise sans broncher aux différentes consignes, contrôles réguliers, multiples examens complémentaires, rendez-vous préconisés avec de nombreux spécialistes. Rien d'autre ne comptait que mettre au monde son enfant dans les meilleures conditions pour lui, quel qu’en soit le prix pour elle.
Elle attendait impatiemment chaque consultation avec son obstétricien, appréhendait son verdict, repartait apaisée après la sentence rassurante. La science avait parlé.

L'accouchement a été difficile, travail laborieux et douloureux mais plus rien n'avait d'importance, son petit allait bien.

A nouveau enceinte deux années plus tard, elle revient en toute confiance vers le même praticien. Forte de l’expérience passée, elle comprend mieux les contraintes liées à sa maladie, les effets de celle-ci sur la grossesse, les éléments à surveiller.

Les mois passant, elle se sent déroutée par le suivi proposé qui lui apparait bien laxiste comparé au premier. Elle surveille les résultats de ses bilans, s’inquiète de certains chiffres et réclame une consultation supplémentaire qu'elle obtient avec difficulté.
Ses inquiétudes sont balayées de trois mots,"tout va bien".

Un peu court. La première fois, on lui prédisait les pires complications, cette fois-ci, il n’y aurait qu'à laisser faire. Elle peut imaginer que l’expérience acquise modifie la prise en charge actuelle mais souhaite se l’entendre préciser clairement.

Elle insiste donc et s’aventure à demander des explications, à souligner ce qui lui apparait incohérent dans son suivi. Le savant avenant se sent-il alors déchu ? Il tonne à nouveau "tout va bien !"  déjà debout pour la raccompagner à la porte, lui signifiant ainsi qu'il refuse de s’attarder sur ses questionnements.

Dépitée, elle revient la fois suivante accompagnée de son homme, afin de se sentir plus forte et d’oser affirmer ce qui ne lui convient pas. Elle parle mais le médecin ne veut rien entendre. Elle s'obstine. Furieux de son insistance, il annonce d'un ton sans appel qu'il va la confier à un autre de ses collègues, "puisque elle ne lui fait plus confiance" ...

Louable attitude qui permettra à cette femme de trouver écoute et réponses auprès d'un médecin plus enclin au dialogue mais qui lui fera aussi - résultat collatéral - quitter l’anonymat.
Dans les couloirs de la consultation, chacun désormais la reconnaitra et la saluera par son nom, soulignant ainsi que l'histoire de sa rébellion a fait le tour du service.

9 avril 2010

Cadences

Silhouette diaphane, regard voilé, elle chuchote plus qu'elle ne parle. Trois petits à la maison, l’ainé n’a pas 3 ans, le dernier 2 mois.
Elle décrit la profonde fatigue qui ne l’a pas quittée depuis la naissance du premier enfant. Pourtant, nul accident de parcours, l'enchainement de ses grossesses était délibéré.
Perplexe devant cette apparente contradiction, je m’autorise à lui demander les raisons de ce choix.
« Nous voulions une grande famille mais je déteste être enceinte. Alors autant y aller à fond!»

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7 avril 2010

Médiatiquement leur(re)

Un mail récent m’a gentiment sollicitée «Il me semble que cet article est susceptible de retenir votre attention».
Je prends ce message comme une invitation à commenter ce qu'il est convenu de nommer fait divers, ce que je m’étais bien gardée de faire jusque là ; sujet complexe, conclusions facilement hâtives, éléments inconnus et traitement spectaculaire par les médias...  autant de raisons pour ne pas réagir !
Commenter le commentaire est cependant un exercice auquel je veux bien m'essayer.

C'est comme ça qu'on l'appelle dans les médias, « la fausse sage-femme ». Une femme qui pratiquait des accouchements à domicile en se présentant comme « éducatrice à la naissance ». François Souverville, 58 ans avait déjà pratiqué plusieurs dizaines d'accouchements en Ariège jusqu'au jour, ou en août 2008, l'un des bébés qu'elle a aidé à naître meurt.
Pourquoi des parents se tournent-ils vers une "éducatrice à la naissance" ? Peut-être, surement, parce qu’il est difficile sinon impossible de trouver une sage-femme lorsque l’on souhaite accoucher à domicile. L'année dernière, une enquête du Conseil de l'Ordre des sages-femmes révélait «En 2008, il y a eu 1 052 accouchements à domiciles pour quelques 4 500 demandes non satisfaites».

Son procès a eu lieu le 16 mars dernier et il en est ressorti que : Le bébé est mort quelques heures après la naissance; Qu'il fallait lui prodiguer des soins que Françoise n'était pas en mesure de faire.
Cette formulation laisse penser que seule l’absence de soins adaptés a conduit au décès de l'enfant. Le suggérer ainsi participe à la tension des relations entre praticiens et familles. En cas d’accident, nous apparaissons forcément responsables puisque la médecine est réputée toute puissante… Les actions en justice contre les professionnels de santé se multiplient et ce constat amène les équipes à rigidifier les prises en charge au nom du sacro-saint médico-légal.

Et que le cordon ombilical n'a été coupé que 3 heures après la naissance selon la méthode du Lotus Birth et c'est ça qui aurait provoqué le décès de l'enfant selon les experts.
Le lotus Birth consiste à laisser le placenta relié au cordon jusqu'à ce que celui-ci se dessèche et tombe, afin de ne pas intervenir dans un processus naturel.
La circulation ombilicale s’interrompt pourtant spontanément dans les minutes qui suivent la naissance et le cordon inerte semble bien inutile. Ne pas le couper au prétexte que cela ne se fait pas spontanément m'apparait un raisonnement spécieux. Je n'ai côtoyé cette situation qu'une seule fois, au sein d'une maternité ayant accepté cette demande des parents…tentative rapidement abandonnée au vu des odeurs se dégageant du placenta. J'ai lu depuis qu’il faudrait le saler pour permettre sa conservation, ou l’enfermer dans un sac plastique… curieuses façons de ne pas intervenir dans le processus.
L'on peut s'étonner du procédé, mais le lien direct de cause à effet reste à démontrer. De nombreux "Lotus Birth" sont décrits, en particulier aux Etats Unis, et cela sans complication à déplorer.

L'Académie nationale de médecine émet quant à elle des réserves sur l'accouchement à domicile
L'occasion devait sembler trop belle ! Je souhaiterais que l’Académie de médecine s'interroge également sur les accouchements en milieu médical et notre interventionnisme potentiellement iatrogène...

et précise que les accouchements qui sont pratiqués sans accompagnement médical comportent de sérieux risques.
Ce sera la seule phrase de cette coupure de presse avec laquelle je puisse me sentir à peu près en accord. Accoucher sans accompagnement médical, c’est faire le pari qu’aucune complication ne surviendra, penser que la pathologie ne découle que des actions intempestives des professionnels. La nature forcément bienveillante est un leurre qu'il faut savoir abandonner.

Le constat une fois posé, quelles conséquences en tirer ? Les journalistes pourraient s'aventurer à soutenir la compétence des sages-femmes, insister sur la nécessaire intégration de l'accouchement à domicile dans l'offre de soin, souhaiter voir se développer la coopération entre maternités et praticiens libéraux. Ils n'en font rien.

Dans d'autres articles, il est rappelé que "Les accouchements à domicile représentent moins de 1% des naissances, et ceux qui sont effectués sans assistance médicale ne dépassent pas quelques centaines par an en France". L'enquête du conseil de l'Ordre citée plus haut annonçait «60 % des sages-femmes libérales ont déjà été sollicitées pour réaliser un accouchement à domicile mais  4,4 % d'entre elles acceptent d'en pratiquer».

Au risque de me répéter, pas d'assurance, ostracisme des équipes, frilosité des décideurs, blocage des maisons de naissance...tout cela conduit des couples à solliciter de "fausses sages-femmes", trop heureux de trouver sur leur route une personne acceptant de les accompagner.
D'autres envisagent un accouchement sans assistance aucune.

Il y a quelques années, les sages-femmes s'inquiétaient déjà de cette situation, insistant auprès du Ministère de la Santé sur la nécessaire reconnaissance de l'AAD afin de répondre aux attentes des parents et ne pas entrainer les plus déterminés d'entre eux vers des choix potentiellement dangereux. Un de nos interlocuteurs avait affirmé, lors d'une informelle "conversation de couloir"  «Il y aura un jour une complication grave, elle sera médiatisée et la question se règlera d'elle même»...

3 avril 2010

Sage-femme je suis !

Evoquer la profession de sage-femme par le biais d’une professionnelle de sexe féminin doit apparaitre d’une triste banalité. Les hommes sont encore très minoritaires (moins de 2% selon le dernier rapport de la DREES)  mais ce sont eux que l’on nous présente.

Il ne s’agit donc pas de s’intéresser à notre métier mais au fait qu’il soit exercé par un homme, mal rasé de surcroit, précision destinée sans doute à souligner  sa virilité...
Il nous est par ailleurs indiqué qu'il a fait ce choix par défaut. Faute de grives urgentistes ou pédiatriques, va pour des merles ! A croire que les promotions d’étudiants sages-femmes débordent de futurs médecins recalés.

Formée à une époque où les études étaient réservées aux femmes, j’ai d'abord pensé que ce métier ne devait être exercé que par elles. Non que je dénie aux hommes la possibilité d’être attentifs, doux, respectueux ou empathiques… (n’en jetons-plus ! ) mais parce qu’il me semblait que l’accompagnement de l’accouchement passait par une proximité physique, une intimité, un partage des ressentis, une complicité qui ne pouvait exister que par la similitude des corps.

J’ai depuis compris cette évidence, la façon d'exercer résulte du parcours, de l'histoire, de la personnalité de chacun. Hommes et femmes peuvent offrir autant et aussi bien. Comme il est si élégamment écrit dans l’article : «Au-delà du sexe, c'est la personnalité» !

Mais je rugis lorsque cette différence de sexe nous est présentée comme un atout. Ainsi les hommes seraient plus doux, les femmes, sous prétexte qu’elles connaissent l’organe (!!), plus brutales. Ces simplifications m’irritent. Je pourrais au contraire objecter qu’une femme sera plus délicate car mieux à même de comprendre ce que l’on ressent quand des doigts étrangers viennent sans ménagement fouiller la profondeur d'un corps.
La douceur et le respect n’existent pas par essence, fut-elle sexuée, mais par notre façon d’être et de concevoir notre métier.

Ce qui n’apparait pas sur le net est la fin de cet article (oui, j’ai de bons informateurs).
Le journaliste précise que notre nom «désigne celle qui sait des choses sur la femme qui accouche.(sic) On ne dit donc pas sage-homme mais homme sage-femme ou maïeuticien pour faire savant».
Cette affirmation mérite quelques mots d'explication ; alors que personne ne semble s’offusquer de Mme la ministre ou Mme la professeur, Mr le sage-femme écorchait les oreilles de certains. L’académie française s’est donc piquée de les nommer maïeuticiens (la maïeutique désignait l’art de l'accouchement, Socrate, fils de sage-femme, a ainsi nommé l’art d’accoucher les esprits). Peut-être gênés par cette immodeste filiation, d’autres ont proposé "mailloticien", en référence, plus sobre, à l’emmaillotage des bébés…

Depuis, le terme de maïeutique s'est banalisé puisqu'il désigne à nouveau l'art des sages-femmes. Il était en effet disgracieux d'utiliser le néologisme "sage-femmerie" en copiant nos consœurs britanniques, "midwives" qui déclinent leur nom en "midwifery". Nous suivons donc des études de maïeutique pour devenir... sages-femmes !

Il n’empêche, le mot de sage-femme est employé - semble-t-il - depuis le Moyen-Age. Cet empressement à rebaptiser les praticiens masculins, pourtant très minoritaires, me semble plus que suspect. Il y a dans le contraste entre maïeuticien et sage-femme quelque chose qui opposerait la haute compétence de l'un à l'ignorance pragmatique de l'autre. Dérangeant.

De grâce, préservons le nom riche de sens de notre métier. Messieurs les sages-femmes, vous y avez toute votre place.

 

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