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Dix lunes
31 mai 2010

Toujours plus, toujours pire ?

Bref reportage le lundi de Pentecôte au journal de 20h de France 2. L’on s’y inquiète de l’inflation du taux de césarienne, plus de 20% en France, 33% aux Etats-Unis.

Outre-Atlantique, la demande de césarienne de "confort" serait en cause. Une femme témoigne avoir préféré cette solution afin «de pouvoir s’organiser», tout en évitant l’étape accouchement dont elle garde un souvenir douloureux pour son premier enfant.
Son médecin l’a encouragée à faire ce choix, affirmant que ce serait moins stressant pour l’enfant comme pour la mère… C’est oublier que les enfants nés par césarienne présentent plus souvent des difficultés d’adaptation respiratoire, c’est également omettre que la chirurgie multiplie le risque d’anomalie placentaire pouvant amener à des complications sévères lors des grossesses suivantes.

Mais il est surtout surprenant ? paradoxal ? incompréhensible ? que l’on puisse préférer le recours systématique à la chirurgie au simple respect de la physiologie. Car loin des situations périlleuses nécessitant l’intervention bienvenue de tout notre arsenal médical, il s’agit ici d'une femme lambda, présentant une grossesse tout aussi lambda. 

Pourquoi les obstétriciens s’orientent-ils si aisément vers la césarienne ?
D'une part, chaque équipe redoute la plainte, l’accusation de ne pas en avoir fait suffisamment et la chirurgie peut apparaitre comme le summum de la prise en charge - difficile d’en faire plus, effectivement ! - et donc comme un bouclier parfait à toute velléité procédurière.
D'autre part, ces interventions programmées sont économes en temps et faciles à insérer dans la journée de consultation. De plus, elles "rentabilisent" le bloc opératoire et augmentent les prix de journée versés à l'établissement.
La journaliste précise d’ailleurs «le système de santé américain, largement privatisé, explique donc en partie cette inflation de césarienne».

Et en France ? Comme l’indique cette fiche "Taux de césarienne" disponible sur le site du ministère de la santé, les mêmes causes conduisent aux mêmes effets ; en voici la conclusion : «Ces résultats illustrent le fait que le risque obstétrical n’est pas le seul déterminant. En particulier la programmation des césariennes pour des raisons organisationnelles ou de préférence des femmes est un déterminant à prendre en compte. La tarification de la césarienne pourrait également influencer le taux de césarienne dans les établissements.»

Le reportage se termine sur une manifestation des américaines contre la banalisation de la césarienne. Aurons nous à faire de même en France ?
Devrons nous manifester pour que l'accouchement par voie basse soit la norme et non l'exception ?
Devrons nous manifester pour que les femmes soient mieux accompagnées afin de ne pas redouter la mise au monde au point de préférer se faire ouvrir le ventre ?
Devrons nous enfin manifester pour prendre conscience que cette chirurgie a un coup pour la société et que cet argent pourrait être mieux utilisé ?

Dans un rapport datant de mars 2010, Amnesty International dénonce l'augmentation de la mortalité maternelle aux USA du fait des difficultés d’accès aux soins. Hélas, les Etats-Unis n'ont souvent que quelques années "d'avance" sur l'Europe.

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27 mai 2010

Cercle vicieux

Nous nous rencontrons pour une première séance de rééducation périnéale et je suis en train d’ouvrir son dossier. Je la questionne sur sa grossesse, son accouchement, sa santé en général et son périnée en particulier.
Elle saisit l'occasion pour m'interroger ; pour le moment, elle n’éprouve aucun désir…est-ce inquiétant ? Je lui confirme que cela est banal à quelques semaines de l’accouchement et lui demande comment son couple vit cette phase. Elle s'exclame que tout va bien et que son homme se montre très compréhensif et patient. Elle pourrait s’arrêter là mais murmure juste assez fort pour que je puisse l'entendre «J’ai du mal à le supporter».

Je souligne l'apparente contradiction :«Vous supportez mal que votre compagnon se montre respectueux de vos demandes ?»
En fait, c'est l’absence de proximité physique qu'elle déplore. D’une phrase, elle résume la situation : «J’ai besoin de câlin pour avoir envie de faire l'amour et il a besoin de faire l'amour pour avoir envie de me faire des câlins…»

Ce court récit me permet de vous inviter à allez lire la critique - gentiment signalée par Blandine - de "Osez l'amour pendant la grossesse" (datant de 2007) livre que je n'ai pas lu...
... et que du coup je ne lirai pas.

Pour faire bonne mesure, j'ajoute ce commentaire trouvé sur l'un des sites vendant le livre : "En Île-de-France, on estime que 45 % des couples se séparent durant les trois premières années d'un enfant. Ce guide, qui a pour but d'entretenir une certaine harmonie sexuelle, trouve également sa légitimité dans le renforcement des couples, afin qu'ils ne fassent pas tristement partie des statistiques. Certes, le plaisir sexuel n'est pas tout, il n'est pas l'unique garant de la solidité d'un couple. Mais force est de constater que la frustration ne fait qu'aggraver les tensions qui peuvent survenir en pleine période de « baby clash ». C'est la porte ouverte au classique scénario adultère-séparation. Avant d'être des parents, nous avons été des amants. Faisons en sorte de le rester. Ne culpabilisons pas de nous vautrer dans ces plaisirs faussement égoïstes. Indirectement, nos enfants nous en remercierons. Des parents amoureux font des bébés heureux."

"Entretenir une certaine harmonie sexuelle". Tant que l'on nous parlera d'hygiène sexuelle plutôt que de désir, et de nécessité conjugale plutôt que d'amour.. les câlins des uns risquent de manquer aux autres et "vice" versa !

25 mai 2010

Parc animalier

Plus souriante, moins hautaine, je l’aurais décrite comme une gourmande plantureuse. Mais ses cheveux décolorés, ses hauts talons, ses ongles rouges, ses bourrelets moulés dans une robe de jersey noir, ses clinquants et cliquetants bijoux et surtout sa conviction que son statut de journaliste de la presse féminine ne peut que forcer les portes et notre admiration… me la feront simplement qualifier de vulgaire.

Elle prévoit de rédiger un article sur notre maternité et me questionne sur la préparation à la naissance qui y est proposée. Elle m’interroge du bout des lèvres, signifiant par sa moue boudeuse que mes propos la déçoivent. Malgré mes refus, elle insiste longuement, tentant d'obtenir le récit de quelques anecdotes amusantes. Elle est en quête de spectaculaire, d’histoires croustillantes propres à éveiller la curiosité de son lectorat, le fond ne l’intéresse pas.

Comme les autres membres de l’équipe déjà interrogés, je me refuse à entrer dans son jeu et elle finit par abdiquer. Elle s’apprête à quitter la maternité mais voudrait illustrer son article de quelques clichés pris en salle de naissance. Je suis chargée de l'y accompagner.

Une seule femme est en travail cet après midi là. La visiteuse trouverait tout à fait bienvenu de pouvoir prendre quelques clichés de l'accouchement. Annonçant qu'elle va demander leur accord aux parents, la sage-femme qui les suit quitte le bureau. Elle s’éloigne déjà dans le couloir lorsque la journaliste la rappelle : «Attendez, elle est mignonne au moins ?» regrettant visiblement la manque de choix dans ce qu’elle doit confondre avec un zoo.
Le mépris dans sa voix est tel que ma collègue fait demi tour : «Puisque vous le prenez ainsi, je n’irai même pas leur proposer.»

Seule une image de salle de naissance vide et sans âme viendra illustrer l'article.

16 mai 2010

Emballée

Dernière visite de routine chez une jeune femme qui doit accoucher dans quelques jours. Elle a deux enfants en bonne santé mais a perdu un bébé en cours de grossesse et cet accident justifie une surveillance rapprochée.

Ces neuf mois se sont écoulés sereinement, les inquiétudes liées aux événements passés se sont rapidement dissipées et nos rendez-vous sont joyeux. Je commence par poser le monitoring qui va enregistrer le rythme cardiaque du bébé et les éventuelles contractions pendant une demi heure et nous discutons tranquillement de ses derniers préparatifs. Un nouveau lit d’enfant, douillet et coloré, trône dans la cuisine/salon/chambre des parents - l'unique petite chambre est le domaine des  ainés. Entre deux phrases, elle tend son bras pour la rituelle prise de tension ; l’appareil électronique fait son travail. Sans cesser nos papotages, je la libère du bracelet et jette un œil aux chiffres affichés. Sa tension est parfaite et c’est ce qui m’importe mais cet appareil "trop moderne" affiche également le pouls. Le chiffre135 clignote avec application, un peu rapide…

J’imagine qu’elle s'est agitée avant mon arrivée, avec deux jeunes enfants toniques, un logement d'une propreté rutilante, et une grosse valise qui s’expose sur la table de la cuisine, débordant de petits vêtements pastels pliés avec soin. Je ne dis rien et me promets de vérifier un peu plus tard. Après une bonne demi-heure passée au fond de fauteuils aux ressorts trop présents, je reprends son pouls qui se révèle toujours aussi rapide.

Impossible de ne pas s’y arrêter. Je cherche un peu plus loin, l’interroge sur sa consommation de café ou autres élixirs américains excitants, me préoccupe d’éventuels symptômes, lui demande à tout hasard de vérifier sa température, palpe ses mollets à la recherche d’une douleur suspecte. Rien d’anormal... sauf son pouls !
Je me résigne à appeler la maternité. Comme d’habitude, ils sont surchargés et «mon cas» leur apparait bien encombrant. Mon interlocutrice me demande de laisser la mère se reposer et de faire un nouveau contrôle dans deux heures.
Dans deux heures ? C’est bien une réponse hospitalière !  A la maternité, on laisse la femme dans une quelconque salle d’examen, on court vaquer à ses autres occupations dans les chambres voisines et on repasse à l’occasion. Je ne perds pas mon énergie à expliquer que je suis en visite à domicile, que j’ai d’autres consultations à assurer, à l’autre bout de la commune, que les allers retours vont me faire perdre un temps déjà compté, tout cela pour vérifier un rythme cardiaque inchangé depuis plus d’une heure. J’obtempère parce que je les sens débordés et ... qu'ils ne me laissent pas vraiment le choix.

J’explique tout cela à la mère, poursuis mon circuit de visite et retraverse la ville à l'heure dite.
Je la trouve sirotant tranquillement un verre de limonade. L’appareil électronique vient entourer son poignet. Quelques secondes de patience et le résultat s’affiche.130 ! Damned !

Je rappelle la maternité, demande à parler à la même sage-femme, toujours aussi débordée, qui cherche à éviter une consultation supplémentaire risquant de plus encore surcharger le service en soulignant que 130 c’est moins que 135 et que donc ça va mieux !

J’insiste pour avoir l’avis de l’interne. Il commence par me soupçonner d’avoir confondu rythme fœtal et maternel. Je me fâche un peu… Si l’on peut en effet confondre, par manque d’attention, le cœur fœtal et le pouls maternel lors d’une auscultation utérine, l’inverse est impossible. En l’occurrence, c’est lui qui fait preuve d’inattention. Je l'imagine débutant son semestre en obstétrique.

Il réfléchit à voix haute, s’inquiète de l’embouteillage de son secteur, se tracasse sur la possibilité de trouver un cardiologue disponible pour venir faire le point. Il me concède une auscultation cardiaque, mais surtout pas à la maternité, et me demande de l’adresser à son médecin traitant. Heureux de se débarrasser ainsi du problème, il raccroche.

Il est plus de 18 h et je crains qu’il ne soit malaisé de justifier auprès du généraliste une consultation urgente pour l'auscultation cardiaque d’une femme enceinte de 9 mois, tachycarde depuis plus de trois heures et refoulée par la maternité. Je préfère l’appeler moi-même, je ne suis plus à quelques minutes près !
Il me faut le nom et le téléphone de leur médecin . Elle se relève péniblement, se dandine vers la table, farfouille lentement dans une pile de papiers puis me tend triomphalement une ancienne ordonnance.

La sonnerie résonne plusieurs fois, me laissant le temps de jeter un œil à ma montre et de commencer à calculer l’heure tardive à laquelle je finirai ma tournée, une fois repartie vers mes autres rendez-vous.
A l’arrêt de la sonnerie, ce n’est pas le médecin que j’entends mais un message enregistré annonçant que le cabinet est fermé et qu’il faut appeler le 15 en cas d’urgence. J’hésite quelques secondes à chercher un autre médecin disponible mais à cette heure ci, pour ce dossier ubuesque, et une patiente à la CMU… je ne me fais guère d’illusion.

Au final, la maternité acceptera enfin de la recevoir. Elle rentrera chez elle tard dans la nuit, sans le début d'une explication mais assurée que tout va bien. Son cœur a cessé de battre la chamade.

13 mai 2010

Flash back

Elle vient d’accoucher sur le parking de la maternité, seule avec son homme, dans leur fourgonnette bariolée et bringuebalante. A peine garée, une envie de poussée irrépressible, vague déferlante, l’a submergée. Pas le temps de sortir ni de traverser les quelques mètres la séparant de la porte des urgences. Son fils est né sur la banquette de skaï. Joyeusement.

Elle affirme sa surprise, étant partie dès les premières contractions. Pourtant…

Remontons le fil de l'histoire : deux années plus tôt, elle est accueillie dans cette même maternité pour mettre au monde son premier enfant.

Elle, écolo passionnée, révoltée, naviguant hors de tous les circuits de consommation, "jusqu’au boutiste", ne trahissant jamais ses convictions ; personnalité attachante, entière et déterminée.
La sage-femme, charmante bourgeoise, très maquillée, trop parfumée, parée de colliers, boucles d’oreilles, broche et autres accessoires scintillants, réellement soucieuse du bien être des femmes mais à mille lieux des choix de vie de cette mère.

Ces deux là ne vivent pas dans le même monde.

La dilatation est rapide - trop - brutale, violente.
Et l’incompréhension mutuelle.

L’une se sent délaissée. Elle déplore un accompagnement réduit à de simples suggestions techniques, bain, postures, massages… La présence de la sage-femme ne lui est d'aucune aide, ses réassurances n'ont aucun écho. A ses plaintes répétées, la proposition finale de péridurale, aux antipodes de ce qu’elle avait projeté, finit de la convaincre de l'indifférence de la professionnelle.
L’autre se sent niée ; aucun des soutiens proposés ne semble trouver grâce et son offre d’analgésie est balayée avec fureur alors qu’elle ne souhaite qu'aider cette femme à traverser la tempête.

L'enfant nait, lors d'une expulsion vécue tout aussi violemment, dans une infinie solitude pour l'une et un profond sentiment d'impuissance pour l'autre.

La mère en garde une sourde colère, jamais exprimée. A nouveau enceinte, l'inéluctabilité du dénouement réactive son contentieux avec les sages-femmes. Elle se prépare donc au combat, se barricade dans un projet d’accouchement pointilleux, briefe abondamment son homme, résolue à ne compter que sur leurs seules forces conjuguées.

C'est pourquoi cette naissance aux portes de la maternité apparait providentielle. Elle a accouché seule, réglant ainsi ses comptes avec les sages-femmes en se prouvant l'inutilité de leur présence ... mais à proximité du lieu où elle savait pouvoir trouver de l’aide en cas de besoin.

Compromis jubilatoire.

Contentieux c lassé.

PS : de temps à autre, le logiciel fait acte d'autorité et avale tout ou partie d'un mot (cela est bien lié au mot, pas à sa police ou à sa place dans le texte). Parfois soumise au pouvoir informatique, je modifie mon texte. Parfois rebelle, je m'obstine et ne peux faire apparaitre le mot à l'écran qu'en y ajoutant une césure... ce long commentaire pour expliquer que oui, c-lassé s'écrit en un seul mot ... sauf sur 10 lunes !!!

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6 mai 2010

Une fois l'an

Hier, nous étions le 5 mai.
Le 5 mai, journée internationale de la sage-femme
Journée à l'impact très relatif... il existe des journées pour tout, il en fallait bien une pour ce qu'il est convenu de nommer le plus vieux métier du monde (enfin, l'un des deux réputé tel).

A cette occasion, l'une des ancêtres de la revue féminine, j'ai nommé ELLE, évoque notre profession dans un article plutôt sympathique qui parvient cependant à me contrarier.

Non, les sages-femmes ne «pratiquent pas certains examens cliniques» mais l'ensemble des examens cliniques nécessaires au suivi gynécologique et obstétrical des femmes en bonne santé.

Oui, elles «prescrivent des échographies» mais peuvent aussi les réaliser et certaines de mes consœurs sont des expertes reconnues. Les sages-femmes prescrivent par ailleurs bilans biologiques, traitements, rééducation, ou contraception et le stipuler aurait quelque peu précisé notre champ de compétence.

Mais surtout les sages-femmes devraient être présentées comme les professionnelles pivot de la prévention pour la santé des femmes, de la puberté à la ménopause, femmes qui désirent un enfant, qui attendent un enfant, qui le mettent au monde, qui le maternent, mais aussi femmes qui souhaitent se préserver d'une grossesse, bénéficier d'un suivi gynécologique ... nombre de raisons peuvent amener une femme à consulter une sage-femme.

Au lieu de cette présentation, je perçois à travers les lignes - ce doit être mon mauvais esprit habituel - une description de notre métier héritée du temps où les bonnes sœurs l'exerçaient  (temps pas si lointain, une amie de promotion a pris son premier poste dans un hôpital, ancien établissement religieux, où il était encore imposé de porter une sorte de cornette). Nous sommes proches, nous rassurons, nous écoutons, nous veillons,  nous participons aux actions, nous assurons les soins...
Bien évidemment...

Mais, même s'ils ne sont jamais cités, les médecins apparaissent en creux tout au long de cet article où je crois comprendre que nous ne serions là que pour mettre en œuvre leurs décisions, exercer sous leur autorité et assurer ce qui n'est pas leur cœur de métier, l'accompagnement... Quid de nos compétences et de notre autonomie ?

Cette journée internationale était célébrée hier à Paris par le CASSF, Collectif des Associations et Syndicats de Sages-Femmes. Elles y ont témoigné de leurs combats pour les femmes, toutes les femmes, pour leurs droits à la contraception, à l'IVG, à un accouchement respecté, mais aussi pour l'accès aux soins ou l'exigence de conditions de vie décentes pour les femmes en situation précaire.

Fortes, combatives, indépendantes, solidaires, en deux mots, sages femmes !

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