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Dix lunes
21 juin 2010

Protégée

Ils vivent des moments difficiles ; la seconde échographie a révélé des images anormales, sans pour autant préciser une pathologie. Ils sont maintenant pris dans le tourbillon des examens complémentaires, bilans, consultations diverses afin qu’un diagnostic soit posé. Toutes les hypothèses sont plausibles, de la meilleure, une image sans signification et un enfant en parfaite santé, à la pire, anomalie génétique grave, atteinte cérébrale…

Elle doit ce jour là subir une amniocentèse. Elle a peur, peur du geste lui apparaissant agressif pour son bébé, peur du résultat de l’examen, peur de la douleur, nerfs à fleur de peau, car les tensions accumulées ces derniers jours l’ont privée de sommeil.

Son homme n’a pas été autorisé à l’accompagner.
Elle entre dans une pièce sans fenêtre et s’allonge sur le lit d’examen. Plusieurs personnes s’affairent autour d’elle. Son ventre est largement badigeonné de liquide ocre puis recouvert d’un champ stérile en papier. Encore une giclée de gel froid sur le bas de son abdomen et elle perçoit la pression de la sonde d’échographie.

L’angoisse la fige. Elle n’ose même pas tourner la tête. Son regard est rivé au plafond, assemblage de carrés blancs rythmé de fines barres de métal laqué. De temps à autre, un visage masqué traverse son champ de vision.
Elle entend l’équipe s’interroger, cherchant où piquer l'utérus afin d’obtenir suffisamment de liquide amniotique, éviter le placenta…

Elle ne comprend pas tout mais leurs mots savants, leurs questionnements multiples la bouleversent.
Trop de peur, trop de tension, elle accepte de livrer son corps mais son esprit doit s’extraire de cette salle.

Comment s’isoler ? Elle peut fermer les yeux pour ne plus voir leurs regards inquiets mais leurs parole l'envahissent. Ses bras sont immobilisés sous le champ stérile et elle ne peut couvrir ses oreilles.

Percevant sa détresse, la sage-femme se penche vers elle et cherche à la rassurer «Ne vous inquiétez pas, je ne suis là que pour vous », lui signifiant ainsi qu'elle s'est dégagée de tout geste technique pour mieux la soutenir. 
Elle murmure alors «je voudrais que vous me bouchiez les oreilles pour ne plus entendre tout ce qui se dit».

D’un geste délicat, la sage-femme vient placer ses paumes de chaque coté de son visage, créant ainsi un cocon doux et bourdonnant.
Apaisée par cette précieuse présence, yeux fermés, oreilles protégées par ces mains attentives, elle peut enfin s’évader.

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Commentaires
L
Très belle histoire! Elle me rappelle une patiente lors de mon stage en consultation maternité (je suis aide soignante et la partie soin m'avait été refusée...) J'ai pu cependant assister a des biopsie du trophoblaste... Le procédé m'a choquée, nous étions 3 dans la pièce: une gynéco, une aide soignante et moi. Les femmes arrivent en larme, l'aide soignante leur donnait les instructions. Lorsqu'elles étaient entrain de se déshabiller j'avais droit à l'avis de l'as "celle la, elle va pas nous laisser faire, faudra la piquer plusieurs fois" et autre. Puis est arrivé cette femme, maghrébine, l'aide soignante s'en méfiait car "elles hurlent et se débattent plus". Elle s'est allongé secouée de spasmes et de sanglots, le médecin lui a indiqué la procédure pendant que l'aide soignante lui préparait son petit ventre. Au moment où l'aiguille (et quelle aiguille!) lui a effleuré le ventre, la femme a fermé les yeux et est devenue statue pendant que le médecin lui labourait le placenta avec son pieu.<br /> <br /> Je crois que de ma vie, jamais je n’oublierai ses deux visages, celui d'avant le prélèvement plein de détresse et celui de cire pendant le prélèvement
1
@Ju525 Le souci de ce calcul de risque c'est que <br /> 1 ce ne sont que des probabilités, <br /> 2 que l'on ne propose pas aux parents de réfléchir avant l'examen; on devrait se poser la question avant la prise de sang de ce que l'on ferait en cas de "mauvais" résultat. Alors que souvent, on fait cet examen, pour être "rassuré" et quand tout ne va pas bien, les événements s’enchainent sans que les parents aient trop leur mot à dire.. <br /> Enfin, les 99% versus 1 %, tu le penses maintenant mais il est très difficile de vivre la fin de la grossesse sereinement lorsque la médecine a instillé le doute.
J
Comme j'aurais tellement voulu que la Sage-femme soit plus présente lors de l'amnio, demandée par ma gynéco car 1/100 risque de t21 au triple test... Et au vue de la douleur que j'ai ressenti, plus jamais je ne referai cette ponction à l'avenir... Je l'ai très mal vécu tout en sachant au fond de moi que de toute façon les résultats seraient négatifs (ce qui fût le cas), tout ça parce que la gyné m'a plus parler du 1% de problème que des 99% que bébé soit normal et donc que je me suis sentie obliger de la faire...
S
Des études montrent que les accouchements au cours desquels les femmes sont accompagnées (avec empathie evidemment) se déroulent avec moins de gestes médicaux (forceps, episio, cesariennes...), plus rapidement, et avec une perception moindre de la douleur.<br /> Je n'ai malheureusement pas eu l'occasion d'en avoir l'expérience moi-même mais cela justifie à 200% la beauté de ce métier.<br /> Alors je me joins à toi, bravo pour votre pratique de ce beau métier et bravo pour ce site!
P
Bravo pour votre blog que je découvre. J'ai pris beaucoup de plaisir à vous lire. Sur le fond comme la forme. Belle idée que ce partage. <br /> Aussi, je découvre votre métier que j'ignorais totalement, bien qu'enceinte de bientôt 6 mois.<br /> Je vais vous faire hurler mais je ne pensais pas que le personnel soignant pouvait avoir de l'empathie et considérer le patient comme autre chose qu'un dossier médicale... Je pensais qu'il s'agissait de gestes. Dénués de tout affect. Mon regard va peut-être changé...<br /> Je vais m'arrêter à ce billet pour ce soir... Il m'a particulièrement ému car proche de mon vécu, il y quelques temps.
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