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Dix lunes
8 juillet 2010

Dépassée

Elle est plus affalée qu'assise contre le grand coussin qui soutient son dos. Ses cheveux s’étalent en longues flammes rousses, encadrant un visage du même blanc que les draps. Elle se refuse à bouger, n’en peut plus, n'y croit plus, se consume dans l’attente angoissée de la vague suivante. Ma main se veut légère sur son ventre, je sens le crescendo puis l’apaisement de chaque contraction, ma voix bat la mesure de sa respiration. Mes yeux rivés aux siens, je souffle, masse, encourage. Mais plus rien n’y fait, anéantie par la douleur, elle demande grâce. Je tente un nouvel examen, espérant lui annoncer une dilatation bien avancée mais il n’en est rien, elle est à 3 cm…

Cela se passe il y a longtemps, au sein d’une maternité réputée pour la qualité de sa préparation et de son accompagnement. La péridurale ne s’est pas encore banalisée et les mères qui accouchent en ce lieu comptent sur nos forces conjuguées pour traverser la tempête.

L'analgésie me semble la seule issue après ces heures de combats. J’appelle le médecin car il me faut son aval pour requérir l’anesthésiste. Il vient, procède à un rapide examen, annonce son verdict «d’accord pour une péridurale mais c’est encore trop tôt, il faut attendre 5 cm de dilatation».

Sur ces paroles lapidaires, il quitte la chambre. Désemparée, je mets quelques secondes à réaliser ce qui vient d’être dit avant de courir à sa poursuite, révoltée par cet abus de pouvoir. Rien ne justifie d'attendre. Je veux, j’exige qu’on la soulage là, tout de suite ! Dans un demi-sourire il affirme «fais-moi confiance !» et s'en va. Il est chef de service, je viens d’être embauchée. Combat inégal.

Je retourne auprès d’elle, résolue à la soutenir jusqu'au geste salvateur.
Mais, alors qu'elle perdait pied, submergée par la douleur, je la découvre en train de refaire surface. Dans l'attente imposée de l'analgésie, elle trouve une nouvelle énergie. Son visage s’apaise, sa respiration se pose, son regard s'éclaire. Nous poursuivons notre chemin commun, elle souffle, je l’accompagne. Tout est redevenu plus facile…

Le travail progresse et la dilatation exigée pour poser la péridurale est atteinte. Je la propose, elle n’en veut plus. J’insiste un peu, poussée par mon désir de démontrer au médecin qu’il a eu tort, que ce délai imposé n’a rien changé.
Mais il a eu raison. D'analgésie il n’est plus question et elle accouchera un peu plus tard, dans une sérénité retrouvée.

Expérience fondatrice, tant de fois racontée en préparation, tant de fois présente à mon esprit en salle d’accouchement, lorsqu'une mère m’assurait qu’elle ne pouvait aller plus loin.
Je sais depuis les ressources insoupçonnables d’une femme en travail.

Mais comment rassurer celle qui se décourage ? Comment l'aider à puiser au fond d'elle-même l'énergie dont elle se sent démunie ?  Il faut se garder de franchir la marge étroite entre convaincre et imposer.  Et si elle affirme que non, que ce n’est plus possible, que je ne me rends pas compte, que c’est trop dur, qu’elle a trop mal... je ne peux que m'incliner et appeler l’anesthésiste.

Reste la pensée fugace qu'il aurait pu en être autrement.

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Commentaires
C
Concernant la "douleur" du bebe pendant les contractions... Bof bof... Les etudes montrent que si tout va bien, bebe dort pendant les contractions, il ne se reveille que lors de l'expulsion (cf. "Le sommeil, le reve et l'enfant" de M. Thirion et M.L. Chalamel). <br /> <br /> Si le bebe se reveille avant, c'est un cas de soufrance foetale... <br /> <br /> Cela dit, il y a des alternatives a la peridurale, et la douleur est ressentie differemment par toutes et aussi a differentes heures de la journee (personellement j'ai eu bcp plus de mal en pleine nuit, fatiguee, qu'en pleine journee). Mais l'accompagnement est tres certainement primordial.
T
que je me reconnais dans ces peurs que tu décris... c'est troublant...<br /> Ce n'est pas finalement la douleur de mes 15h de fortes contractions qui m'a fait le plus souffrir, c'est cette aiguille posée pour le cathéter (phobie réveillée entrainant un malaise pour mon bébé et moi), la terreur de cette aiguille dans mon dos, de ces aiguilles dans mes bras, de cette sonde et autres tuyaux dans mon intimité... Toutes ces phobies réveillées qui ont fait qu'après ces 15h de bataille avec fierté, une pose de péridurale et de cathéter a bloqué toute dilatation (fermée comme une huitre la future maman, concentré sur toutes ces mutilations en moi, j'en ai oublié mon bébé),... Accouchement trop long qui malgré la bonne santé de maman et bébé c'est terminé en césarienne.<br /> <br /> Il n'y a pas a être pour ou contre la péridurale, c'est encore une fois une question d'avoir le choix. Je crois que beaucoup d'entre nous n'ont pas le choix.<br /> <br /> ps:dsl pour le pavé, çà fait du bien d'écrire ;)
O
Salut les choupinettes!<br /> Vos petites douleurs relatives de quelques heures à peine vous donnent une pâle idée de ce que peut ressentir un guerrier sur le champ de bataille qui attend le médecin, l'amputation, la mort... et vous remet à votre place. Finalement, c'est éducatif, vous en ressortez plus instruites.
E
Tout a fait d'accord avec Lyly. Ce n'est pas tant la douleur qui m'a marquée au cours de l'accouchement, que la solitude.<br /> <br /> Et puis une fois la péri posée, on n'est plus maître de rien, ensuite pour ma part les gestes médicaux se sont enchaînés, sans me demander mon avis, ni explications d'ailleurs.<br /> <br /> Je regrette que rien ne m'ait été proposé d'autre.<br /> Je reste également persuadée que les conséquences sur la mère sont bien moindres sans péri...<br /> <br /> Je n'ai pas fini de regretter cette péri, ainsi q cette présence que tu as eu auprès de cette femme.
F
Bonjour aujourd&#39;hui un message commun a tout le monde juste pour rire hier j&#39;ai passé une superbe journée je me dois de vous le dire j&#39;espère que pour vous cela a été identique, je vous souhaite une excellente fin de semaine courte puisque coupé en deux bon courage a ceux et celles qui travaillent et bon repos à ceux et celles qui sont en vacances. Bientôt je vais faire un méchoui virtuel comme l&#39;année passé sur un autre blog je vais vous envoyer une invitation j&#39;espère que vous serez nombreuses et nombreux à venir avec vos copains et copines.
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