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Dix lunes
20 juillet 2010

Réparée

Deux mots suffisent à qualifier la belle atmosphère régnant dans cette maison, sereine et joyeuse.

Leur second enfant est né quelques jours plus tôt, dans l’intimité de leur foyer. Elle est en train de téter goulument, se détournant parfois du sein quelques secondes, comme intéressée par les bêtises du grand frère défiant l’autorité parentale. Bien vite, elle revient vers le mamelon et s’y arrime à nouveau.

Auparavant, une autre naissance, un autre lieu. Rencontre inaugurée par d’abruptes paroles «Vos contractions sont trop irrégulières pour annoncer l’accouchement, rentrez chez vous». Alors, elle ne sait plus croire ce quelle ressent, et lui ne sait plus comment l’aider. Leur confiance entamée ne sera pas restaurée par les intervenants suivants. S’enchainent un travail trop lent, le découragement, une péridurale, une poussée s'avérant laborieuse en l’absence de toute perception, puis un placenta récalcitrant, le père que l'on "invite" à sortir de la salle avec son enfant, la main du médecin fouillant l'utérus pour hâter la délivrance. Clap de fin, tout va bien.

Reste le souvenir anxieux de cette mécanique médicale si huilée qu’une fois en route, personne ne sait où elle s’arrêtera, un acte en entrainant un autre.
Et ce regret immense, son enfant a ouvert les yeux dans les bras de son père, attendant dans le couloir l'autorisation de retrouver sa compagne. La médecine a privé sa mère de ce premier regard. Blessure.

Les années sont passées. Ils ont beaucoup lu, beaucoup échangé, beaucoup réfléchi. Un nouvel enfant s’annonce et ils savent déjà qu’ils ne veulent pas risquer le même engrenage pour la naissance à venir. Tout naturellement, ils se tournent vers l’accouchement à la maison, trouvent la sage-femme qui les accompagnera tout au long de leur histoire.

Pas de réelle préparation sinon une confiance confortée à chaque rencontre dans leurs propres capacités. Aucune naïveté, aucune inconscience dans leurs démarches. Ils font le nécessaire pour pouvoir être accueillis en maternité si besoin, ouverture de dossier, consultation d’anesthésie, rendez-vous avec un obstétricien, l'un des trop rares à accepter sans ambigüité la naissance à la maison, considérant que son rôle est justement d’accueillir les parents quand la médicalisation s'impose.

Les mois s’écoulent, presque sereins. De fortes nausées, la fatigue, un sommeil échappé ; non, la grossesse n’est pas qu’un épanouissement, elle le sait et l’accepte. Elle n’est pas dans un projet idéalisé mais s'ancre dans le concret.

Les dernières semaines arrivent. Les premiers signes sont guettés, mais rien ne vient. Le temps s’écoule, se teintant au fil des jours de découragement puis de doute, le terme est maintenant dépassé.
Ils se rendent à la maternité pour une consultation, se conformant ainsi à l’accord passé entre leur sage-femme et l’obstétricien. Une autre sage-femme les accueille, charmante, mais qui déjà souhaite intervenir en décollant les membranes. Le médical s’invite avec aplomb et la mère ose à peine l’interroger. Il faut toute la conviction de son homme pour oser affirmer qu’ils n’en veulent pas. La sage-femme s’incline. L'écho de contrôle vient une dernière fois les malmener en annonçant un "petit" bébé. Qualificatif qui se révèlera erroné mais qui vient nourrir leur inquiétude. Pourquoi ne mesurons nous pas mieux l’impact de ce que nous énonçons ?

Mais leur confiance sera la plus forte. Elle accouche le lendemain, rapidement. Dès la première contraction, elle sait que le moment de la rencontre est enfin venu. Un travail rapide, "vautrée" sur un ballon, dans une position instable que son homme s’amusera à me mimer, une poussée instinctive. L'évidence. Ils plaisantent sur l’apparente inutilité de leur sage-femme «qui n’a rien fait d’autre que d’être là» et soulignent combien cette présence leur était indispensable pour avancer en toute sérénité.

La première naissance les avait mis à mal. Celle-ci leur donne une force nouvelle.

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Commentaires
P
Le rôle de la sage femme est en effet souvent réconfortant...Pour la naissance de ma petite puce, ni sage femme, ni médecin, personne car ils étaient tous en train de courir entre les salles de naissances. Je sens que ma puce va naître et suis seule (mari à l'étranger mais au téléphone) c'est alors j'appuie sur la sonnette... Personne ne vient...<br /> Je commence à paniquer (ayant eu un 2ème accouchement très douloureux) mais avec la péridurale posée, je me raccroche à cela. Une dame passe changer les poubelles de la chambre... Je l'appelle lui demandant si elle pouvait m'aider car mon enfant était en train de naître. Elle me répond qu'elle n'est pas sage-femme, je le sais... <br /> <br /> Mais enfin, je la supplie de venir tenir l'enfant et que le temps qu'elle passe la porte, ma petite serait née. Elle tremble de tous ses membres cette charmante dame. Mon mari me réconforte au téléphone. Je repose le combiné pour me concentrer sur l'effort. Et zou, Agathe est née sans l'intervention de la médecine (si juste la péri), quelle joie, quel bonheur d'accueillir cette petite vie. <br /> Je ne vous dis pas la tête des médecins quand ils sont arrivés "vous auriez pu nous attendre!!"...
L
Merci pour ce joli récit 10lunes...
1
Évidemment,l'histoire est belle, comme chaque fois que la vie nous donne l'occasion de nous confronter à nos émotions les plus vraies, les plus fortes, les plus primitives.<br /> En presque un an, j'ai déjà si souvent écrit cela. Les histoires se ressemblent et elles sont à la fois toutes différentes, simplement essentielles...<br /> Par contra Anko, tu ne me verras jamais écrire ici sur l'ANA (accouchement non assisté). C'est l'une des très rares occasions où ma formation de sage-femme me fait m'opposer aux parents... Je ne crois ni à la nature toujours bienfaitrice, ni à la médicalisation forcément malfaisante. J'en dénonce les dérives, pas l'existence.
A
Haaa l'extra ordinaire de l'ordinaire d'un AAD....J'attends le jour où il sera transcendé par un ANA =)
S
Magnifique ! Merci pour ce récit !
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