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Dix lunes
8 novembre 2010

Hors de prix

Nous l'avons suivie les trois derniers mois de sa grossesse, grossesse éprouvante et difficile chez une femme arrivée récemment dans la région, loin de sa famille et de ses amis, et dont les antécédents faisaient redouter un accouchement prématuré.

Nous l'avons accompagnée, à l’écoute de ses angoisses autant que de ses contractions utérines, disponibles aussi souvent, aussi longtemps qu’il le fallait, l'aidant à négocier entre les injonctions sans nuance de son obstétricien et la réalité de sa vie quotidienne, sa culpabilité de ne pouvoir bien s'occuper de ses ainés et sa réelle fatigue, sa dépression latente et sa négation de toute difficulté psychologique.

Nous avons fait plus que le "ERCF 2/sem TA, BU, pour ATCD acct à 32 SA" * qui nous était demandé et sans compter notre temps ; rien que de très normal, c’est notre métier. Et nous l'avons fait au tarif - bloqué depuis 8 ans - de la sécurité sociale.

Son compagnon est médecin spécialiste, un de ces spécialistes pour lesquels, dans ma région, il faut attendre de longs mois avant d’obtenir un rendez-vous. Au fil des années, j’en ai rencontrés plusieurs.
Le premier, parfaitement charmant et disponible, a changé de ton en rejoignant un groupe privé dans un bâtiment aussi luxueux qu’onéreux justifiant d’écourter les consultations pour mieux parvenir à les rentabiliser.
J’ai quitté le suivant parce qu’il venait d’afficher dans sa salle d’attente  "les CMU doivent se signaler à l’accueil".
Fuit le troisième parce que ses secrétaires se moquaient ouvertement et à très haute voix de certains patients.
Enfin, le dernier ne m'a plus revue après qu’ayant traversé la ville pour honorer un rendez-vous pris plusieurs mois auparavant, j’ai trouvé porte close et, qu’après mon appel étonné du lendemain, il n’ait pas juger bon de s’en excuser.

Je suis donc allée consulter ce nouveau médecin, encore rapidement disponible car il vient d’ouvrir son cabinet. Les locaux sentent la peinture, le sol brille, les chaises sont design, les revues de la salle d’attente ne tombent pas en lambeaux, tout est rutilant et aseptisé. La secrétaire déjà débordée ne cesse de mettre des communications en attente pour tenter de remplir un dossier ou de faire régler le patient précédent. Afin de s'assurer que personne ne parte sans payer, elle prend la carte vitale en otage dès l’arrivée.
Car ce nouveau médecin, par ailleurs compétent et sympathique, se paye au prix fort. Le tarif de ses consultations est plus de deux fois supérieur à celui de la sécurité sociale.

Après un examen réalisé avec soin, je suis repartie avec une ordonnance, quelques conseils judicieux, de rassurantes paroles, mais aussi une sourde colère de me trouver ainsi à cautionner un système que je réprouve. Une médecine pour les riches - dont je ne suis pas vraiment mais que j’ai cependant les moyens de me payer - laissant de côté les autres, les démunis.

Ici, les dépassements d'honoraires se banalisent. Là, le gouvernement souhaite que les plus pauvres payent pour avoir accès aux soins. A voir ici

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*enregistrement du rythme cardiaque fœtal (et des contractions...), tension artérielle, bandelette urinaire (recherche d'albuminurie) deux fois par semaine pour antécédent d’accouchement prématuré à 32 semaines de grossesse.



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Commentaires
T
je réagis sur les études: c'est le cas de toutes les études un peu demandeuses.<br /> <br /> Perso, je suis ingé: il est impossible de travailler à coté pour financer, nous ne sommes pas en stage aussi souvent que les médecins (mes parents sont médecins), mais aussi mal payés et autant exploités lorsque c'est le cas.<br /> <br /> Il faut arrêter avec ce genre de pleurnicheries (désolé pour la violence du terme, je n'arrive pas à en trouver un autre): cela décrédibilise totalement toute demande visant à améliorer la situation.<br /> <br /> Et non, ce n'est pas pareil que de devoir PAYER ses études: les pays où l'ont paie ses études vous voient arriver en fin de cursus avec une DETTE correspondant plus ou moins au prix d'un appart ou d'une petite maison. On est loin de cette situation, même si bien évidemment le sort d'un interne de garde n'est pas forcément enviable.
B
Je rejoins totalement Get72... La réalité est bien différente de ce que décrit Ben.
M
Une de mes patientes est allée voir une SF respectueuse de la physiologie, etc...pour de l'accompagnement global en plateau technique. Vu le dépassement demandé pour la consultation, elle s'est dit que ça n'allait peut-être pas aller pour un suivi.<br /> <br /> La SF lui a dit : "En effet, vous n'avez pas vraiment le "profil" de mes patientes. Mais faites confiance à votre maternité, faites-vous confiance et surtout ne lisez rien".<br /> <br /> Je vous passe les détails de l'accouchement, hein....
G
Une réponse à Ben : non, la formation des médecins ne leur est pas "offerte". Les étudiants en médecine, externes ou internes, sont surexploités à l'hôpital, pour un salaire misérable, et sans eux le système public ne fonctionnerait pas. Ils payent leurs frais de scolarité comme tous les autres, ne sont que très rarement nourris et logés à l'hôpital, leurs transports (nombreux pour circuler entre les divers lieux de stage) sont à leurs frais, ainsi que les nombreux livres indispensables au passage de l'examen national classant (un budget de plusieurs centaines d'euros). De plus, leurs emplois du temps surchargés ne les autorise pas à travailler à côté pour payer leurs études. Si les parents ne sont pas derrière, ils sont contraints d'engager des prêts pour tenir jusqu'à l'internat, où ils touchent le smic.<br /> <br /> Les délais d'attente, les médecins n'en sont pas responsables, puisque le nombre de médecins est une décision du gouvernement, qui a imposé au fil des ans des numerus clausus irréalistes. Quant au revenu réel, il s'avère que toutes les études sérieuses les chiffrent très inférieurs à celui des autres pays européens.<br /> <br /> Tout ceci ne cautionne nullement les dépassements d'honoraires faramineux ou les discriminations envers les patients, qui devraient être beaucoup plus sérieusement réprimés ; mais tous les médecins ne sont pas à mettre dans le même sac, et continuer à diffuser les mêmes clichés sur la profession n'arrangera en rien le profond malaise de la jeune génération médicale.<br /> <br /> Le freinage de la médecine à deux vitesses passera par une revalorisation du salaire des médecins, pour qu'ils cessent de se rattraper sur les patients, en en voyant trop et trop peu longtemps, et en leur extorquant trop de dépassements. Je ne suis hélas pas convaincue que ce freinage soit dans les projets du gouvernement...
B
Désolé, je voulais plutôt dire le contraire. Evident!!...
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