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Dix lunes
13 novembre 2010

Timide

Jeune, blonde, rougissante, recroquevillée sur son siège, tête baissée, regard vague, elle se tord les mains parce que je me suis aventurée à l’interroger sur ses attentes.

Elle n’attend rien, ne souhaite rien. Elle murmure qu’elle a « juste » peur. Et de multiples craintes s’invitent au travers des quelques mots prononcés ensuite ; aiguilles, accouchement, douleur, être mère. Elle a peur de tout, de grandir, de vieillir, et par-dessus tout de se faire remarquer.

Nos premiers échanges sont laborieux. Elle n’accepte d’aborder que les aspects pratiques de sa maternité et s’attache à des détails, le nombre de pyjama, la marque du chauffe biberon. Toute son attention se concentre sur la panoplie de son futur enfant.

Il me faut la rassurer et comme je ne sais par où commencer, nous revoyons ensemble la longue liste de ce qui lui semble indispensable pour son bébé. Je tente au passage de glisser quelques mots sur les rythmes et besoins du nouveau-né. J’essaye de lui faire rayer quelques lignes de son inventaire surchargé. Elle est sans emploi et vit en colocation. Son homme a un petit boulot et occupe un minuscule studio. Ils cherchent un logement commun. Mieux vaut garder quelque argent pour leur installation.

A chaque rencontre, son embarras et sa candeur me confondent. Je m’épuise à monologuer devant cette jeune fille silencieuse, quêtant son regard, guettant une réaction. Je dois me contenter de bribes de mots, d'un soupir, de quelques bredouillements. Je m'obstine à créer les conditions d'un véritable échange mais désespère d'y parvenir.

Jusqu'au jour où, sans transition aucune, elle s'affirme enfin. Toute timidité envolée, elle interroge, commente mes réponses, évoque son accouchement prochain, son désir d’allaiter. Ils viennent d'emménager ensemble et cela semble sonner comme un nouveau départ.

Quelques jours plus tard, je laisse un message sur son répondeur pour tenter de modifier un rendez-vous. La sentant plus ancrée dans le réel, je voudrais lui donner l’occasion de faire une séance en groupe afin de partager avec d’autres futurs parents.

Elle me rappelle pour affirmer d'un ton sans appel qu’il n’est pas question de déplacer la séance. La date ne lui convient pas et il lui est d’ailleurs impossible de changer quoi que ce soit à son emploi du temps chargé ; on fera donc comme prévu !

Ainsi mouchée, je raccroche en souriant. Elle vient de m’en donner la preuve, elle a gagné en assurance et n’hésite plus à imposer son point de vue.

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Commentaires
R
pas sympa dans le fait mais tellement bon dans le fond :)
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