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Dix lunes
12 janvier 2011

Légitime défense ?

Le 14 décembre dernier, la Fédération Hospitalière de France communiquait sur la pertinence des examens et actes médicaux. Parmi les "mis en cause", la césarienne, mode de naissance d'un enfant sur cinq.

En mars 2009, la FHF avait déjà produit un rapport consacré aux césariennes, notant un taux d'intervention toujours en croissance (+ 1.4% en 5 ans) et une pratique plus fréquente (+1.9%) dans les maternités de type I en secteur privé (21.5 %) qu'en secteur public (19.6%).
Les derniers chiffres annoncés par la FHF confirment leurs premières conclusions. Le taux de césarienne augmente encore légèrement : 20.1%en 2007, 20.23%en 2009. La différence entre maternité privée et public de type I se creuse : +  2.3%. Saluons au passage le bel effort d’une clinique parisienne, également de type I, qui voit baisser son taux de presque 6 % en 2 ans...  passant de 43,3% à  37,7 %.

Le secrétaire général du Syngof (Syndicat des gynécologues-obstétriciens) a réagi : «Je tiens tout d’abord à vous rappeler que les honoraires d’un accouchement sont cotés à l’identique avec une césarienne en secteur privé. Que la naissance se passe par les voies naturelles ou par césarienne il n'en coûte pas plus à la Sécurité sociale ».
Ce n'est pas la stricte vérité … Les honoraires du médecin sont effectivement les mêmes quel que soit le mode d’accouchement. Mais la Fédération de l'Hospitalisation Privée communiquait l’an dernier sur ses tarifs (en épinglant le secteur public…) et annonçait elle même des chiffres différents pour un accouchement (2 774,75€ ) et une césarienne (3 234,21€). Le coût pour la sécurité sociale n’est donc pas identique.
Je ne peux guère analyser plus loin car les calculs des tarifs en GHM et autres PMSI me sont particulièrement impénétrables… On peut imaginer cependant quelques frais supplémentaires pour l’assurance maladie car une intervention chirurgicale nécessite a priori un peu plus de suivi, d'examens complémentaires et traitements qu'un banal accouchement.

Mais des motivations autres que financières interviennent. Et là ce n’est pas moi qui le dit mais le Figaro, qui n'a pourtant pas la réputation d'un média hostile aux médecins. «Un bon connaisseur du monde de la santé souligne malgré tout que d'autres raisons peuvent expliquer les césariennes. Elles sont «pratiques» pour l'obstétricien quand elles sont programmées - en journée et en semaine. Et quelques cliniques se sont constitué un véritable «marché» en répondant toujours favorablement aux demandes des futures mamans que l'accouchement par voie basse inquiète.»
Il est effectivement plus simple d’organiser une césarienne qu’un accouchement à une heure dite...
Quant à répondre favorablement à la demande, encore faudrait-il se préoccuper de ce qu’elle couvre réellement. Laissons d'abord aux femmes l'espace et le temps de livrer leurs peurs, fréquent amalgame de fantasmes et d'idées reçues, afin qu'elles puissent s'en libérer.

Le secrétaire du Syngof ajoute "Si un taux croissant de césariennes est constaté, il est surtout la conséquence de conduites «défensives» des obstétriciens dont la couverture assurantielle reste insuffisante"
Que devons nous comprendre ? Il ne s’agirait donc pas de "bonnes pratiques" mais d’être inattaquable devant les tribunaux : «J’ai fait le maximum » ?
Soit la meilleure thérapeutique est réellement la césarienne et l’assurance n’a rien à voir la dedans.
Soit elle est autre et l’on choisirait sciemment de ne pas s'y conformer par souci de risque judiciaire.
Ainsi résumé, ça refroidit non ?
Allez, je l'avoue, ce raccourci brille par sa mauvaise foi. La médecine ne répond pas à une logique mathématique binaire et toute décision mêle analyse, expérience, probabilités, psychologie et bien d'autres facteurs encore.

La FHF n’est pas non plus exempte de critiques car les solutions préconisées sont surréalistes. « Le Pr Mornex, qui a dirigé son groupe de travail sur la pertinence des actes, prône des «bonnes pratiques opposables» - en clair, ne plus rembourser les examens qui ne correspondent pas aux préconisations qui font consensus au sein de la communauté médicale. «Mais elles doivent être opposables aussi en cas de conflit juridique»
Ne pas rembourser des actes quand ils ne correspondent pas au consensus, cela reviendrait à faire payer aux patients les excès de zèle des praticiens !
Quand aux préconisations opposables en cas de conflit juridique, autant annoncer le calcul par ordinateur de toute décision médicale : Grossesse banale: taper 1 / vous avez un facteur de risque : taper 2 / vous croulez sous les facteurs de risque : taper 3 et l'informatique décidera …

La décision médicale ne se prend pas en suivant un consensus, même s'il aide à éclairer nos choix, mais en prenant en compte l’ensemble des éléments médicaux, psychologiques, sociaux…

Il est certain que l'envahissement du médico-légal nous conduit à verrouiller nos dossiers, non dans le but de mieux soigner mais dans celui de nous protéger.
Il est vrai que les recours en justice sont en augmentation.
Mais la première prévention de ces excès ne serait-elle pas un dialogue honnête entre soignant et "soigné" ?

 


PS : je me répète.. cf ce billet

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Commentaires
A
Je voulais vous remercier pour la qualité de cet article même si ce qu'il relate est triste à pleurer. <br /> Je suis moi-même médecin et ne peut comprendre cette attitude de peur irraisonée du médico-légal. <br /> J'espère qu'un jour, ces mêmes médecins qui veulent se protéger sans tenir compte des recomandations ni du souhait de la maman se retrouveront au tribunal pour césa abusives...
C
je suis tout à fait d'accord avec ce que vous dîtes sur les sages femmes. elles ne sont absolument pas mises en avant et ce depuis belle lurette ! mais les choses commencent à bouger j'ai l'impression, du côté des mamans en tous cas. elles se tournent de plus en plus vers une naissance plus physiologique.<br /> c'est vrai qu'au final c'est le patient qui décide mais il faut avouer que les obstétriciens ont des armes bien affutées pour nous "forcer la main". c'est facile d'effrayer une maman sur la santé de son bébé, surtout avec cette légende urbaine qui dit que la césarienne "c'est rien du tout".
K
La différence privé/public on sait bien à quoi c'est dû... chuuuuuuuuuuut.
1
Knackie ! Ce blog est une zone pacifique, aucun risque de lynchage hein !<br /> Suis tout à fait d'accord avec ton dernier commentaire; le cercle vicieux de la judiciarisation concerne autant les soignants que les soignés..enfin certains soignants et certains soignés.. et tout le monde en paye les conséquences.<br /> OK aussi pour la frilosité générée par le manque de moyens en niveau I. (Mais ça explique pas la différence entre privé et public ).<br /> Et surtout très très très d'accord avec la place que doivent reprendre les sages-femmes...Ca ne solutionnerait pas tout mais on changerait d'éclairage et je crois qu'on tiendrait là le début d'une amorce de réponse...
K
Le truc chris c'est que justement le fait d'avoir une cicatrice sur l'utérus ce n'est pas "naturel" et ça modifie la prise en charge des grossesses ultérieures (de part cette cicatrice, mais de par aussi l'indication de la césarienne antérieure qui peut éventuellement se renouveler). <br /> C'est pour ça qu'il faut éviter les césariennes "pour rien", ça modifie le pronostic obstétrical de tous les autres accouchements.<br /> <br /> Ensuite de base un médecin c'est fait pour soigner des gens. C'est sa formation et je pense que ça doit jouer lorsqu'il suit des grossesses. Si on veut quelqu'un qui soit former pour "prendre soin", pour la physio, il y a le métier de sage-femme. Malheureusement en France rien n'est fait pour que ce soit les sf (sages-femmes) qui suivent les grossesses. Personne ne connait le métier, les couples ne sont pas au courant, les consultations ne permettent pas de manger. Si déjà les sf suivaient la majorité des grossesses je pense que ça modifierait pas mal de chose. C'est la base, bien avant de nous filer le droit de poser des stérilets mais bon...<br /> <br /> Pour finir et avant de me faire lyncher la gueule par les autres pour avoir donné mon avis, ne pas oublier que finalement ce sont les patients qui ont le pouvoir. Car au final, la médecine "défensive" elle se défend de quoi? Des attaques du patient mécontents. Le corps médical se protège avec ses "armes" qui finalement nuiront aussi à ces mêmes patients. C'est un cercle vicieux qui se met en place et en sortir ne sera pas chose aisée.
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