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Dix lunes
15 janvier 2011

Partage

C’est une réunion de sages-femmes, un temps de rencontre où chacun peut évoquer son métier, son expérience, son ressenti, son vécu, ses attentes.
Un moment chaleureux où nous percevons la force de ce qui nous porte tous.
Un temps d’énergie partagée qui donne l’envie d’aller plus loin.

C’est aussi l’occasion d’évoquer les difficultés rencontrées.

L'une de nous prend la parole. Sa gorge est serrée, ses mots retenus, l’émotion affleure à chacune de ses phrases. Elle vient de passer une nuit sans sommeil auprès d’une femme dont l’accouchement était prévu à domicile. Au fil des heures, l’évidence s’est imposée. Cet enfant ne pourrait naitre à la maison.

Ils décident de partir à la maternité où la mère était inscrite - au cas où - maternité informée du projet initial... La sage-femme prévient de leur arrivée, en explique les motifs. Une fois sur place pourtant, l’obstétricien se braque. Il refuse de prendre en compte ce qui s’est passé auparavant puisque il n’en avait pas la responsabilité et exige que le protocole habituel soit suivi. Aucun respect pour la femme, son histoire, ses besoins, aucun respect non plus pour la sage-femme qui a accompagné les heures précédentes, qui sait ce qui s’y est passé, qui sait l’inutilité du protocole.

Bien plus tard, l’enfant naitra enfin, dans la tension, la fatigue, la violence.

Elle raconte. Sa voix ne tremble pas, ses yeux ne brillent pas, mais nous sentons chacune à travers ses mots sa souffrance. Il lui importe peu de ne pas avoir été entendue, que sa compétence lui ait été déniée. Non, la souffrance et la colère sourde qui l’habitent à ce moment sont celles de n’avoir pu protéger cette mère et son enfant de l’institution ; cette institution qui confond rigidité et sécurité, qui se défie du sur mesure en le prenant pour du laisser aller…

A cet instant, j’observe la main de sa voisine, autre sage-femme, qui vient de se poser sur son dos, verticalement, juste sous la nuque. Cette main, douce et immobile, affirme notre solidarité. Elle est un étai léger venant soutenir notre consœur.

Car nous partageons ce souci du bien être des couples et de leur petit, dépositaires d’un savoir que nous ne savons pas suffisamment transmettre.
Un savoir qui ne peut se dire en chiffres, en études randomisées, en odd ratio, en cohorte.
Un savoir qui s'appuie sur la force des femmes pour leur en donner plus encore.
Parce que l'histoire ne s'arrête pas à la naissance, elle se poursuit, elle recommence.

 


Sans rapport aucun (quoique...): l'on m'a demandé d'annoncer les Journées Annuelles d'Ethique qui auront lieu les 28 et 29 janvier à la Cité des Sciences. Je ne sais rien de plus que ce que dit le programme mais cet extrait du mail reçu me donne envie de relayer l'information :"Notre objectif : faire que les questionnements éthiques relatifs à la parentalité, la filiation et la place de l'embryon dans nos sociétés ne soient pas du seul domaine des spécialistes mais qu’ils puissent être appropriés et débattus par tous".

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Commentaires
1
Après21h, je vous contacte en MP. Il y a surement beaucoup à dire et à comprendre. Mais votre témoignage est simplement glaçant.
A
Je rêvais de cet AAD, mais quand les contractions ont commencées bébé était en siège. La SF qui me suivait, a donc décidé un transfert vers l’hôpital. <br /> <br /> L’accueil a été glacial, ma sage femme a été niée dans ses compétences et priée de n’être qu’une simple accompagnante (dans le sens pas une professionnelle). Il n’y avait aucune urgence vitale, bébé supportait bien les contractions, mais on m’a dit « césarienne » violemment. <br /> <br /> <br /> <br /> Je n’ai pas été docile, j’ai protesté, j’ai argumenté pour qu’ils tentent un accouchement par voie basse, (je l’avais précisé sur mon dossier), j’ai réclamé ma SF, j’avais besoin de l’entendre me ré expliquer cet acte chirurgical avec ses mots , j’ai tenté de gagner du temps, et puis j’ai réclamé d’avoir un moment d’intimité avec mon mari pour faire le deuil de cet AAD, parce que j’avais besoin d’être rassurée…en vain, alors j’ai pleuré, j’ai hurlé, je me suis fâchée….<br /> <br /> <br /> <br /> L’équipe m’a isolée dans une pièce, on a interdit à mon conjoint et ma SF de venir me voir, ils m’ont préparée pour la césarienne, sans ménagement, seule avec eux, épuisée et en larmes j’ai capitulée, et ils m’ont césarisée.<br /> <br /> <br /> <br /> L’histoire ne s’est pas arrêté la, mais ce serait trop long à expliquer ici et hors sujet avec cet article du blog…<br /> <br /> <br /> <br /> Merci en tout cas pour votre blog, je me délecte de vos billets si pleins d’humour, de tendresse, d’émotion et d’humilité.
C
La compagnie des cigognes salue ces dix lunes avec bonheur.ccg
1
Gwenn, as tu eu l'occasion de revoir tout cela avec "ta" sage-femme ? Il est parfois indispensable d'intervenir et les réponses proposées (imposées ? qui s'imposent ?) peuvent alors être très éloignées du projet de départ mais cependant indispensables. <br /> Il me semble que la mieux placée pour t'aider à décrypter tout cela est la sage-femme qui te suivait. Peut-être aussi peux tu demander à revoir quelqu'un de la maternité afin d'exprimer ton ressenti et de comprendre mieux leurs actes. <br /> Je suis peut-être naïve mais j'ai du mal à penser qu'ils aient pu être à la fois chaleureux, respectueux de ton projet et inutilement interventionnistes...<br /> Une chose est sure, tu ne dois pas rester seule face à "cette question que tu te poses de plus en plus".
M
Pauvre maman ... :(
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