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Dix lunes
27 juin 2011

Rouge démocratie



Une amie sage-femme s’agace de se retrouver prochainement en zone rouge.
Zone rouge ?
Coup d’arrêt à la construction littorale après Xinthia ? Coup de soleil estival sur peau blanche ? Coup de bambou bancaire sur compte asséché par le blocage de nos tarifs depuis 9 ans ?

Vous n’y êtes pas !
La zone rouge est délimitée par le passage de notre éminent président en visite de non-pré-campagne électorale…

Visite justifiant la fermeture des rues qu'il va traverser et de pas mal d’autres autour pour faire bonne mesure.
Que certains aient naïvement prévu de travailler ce jour là, que des praticiens de santé aient la malheureuse idée d’avoir un cabinet située dans ladite zone, que leur agenda soit complet ce même jour ne peut entrer en ligne de compte.

Des femmes et des hommes attendent ce prochain rendez-vous. Veiller à la bonne croissance d’un tout petit ou d’un fœtus au creux du ventre, évoquer la fatigue au travail et le patron qui clame "la grossesse, c’est pas une maladie",  raconter les nuits coupées et les pleurs qui laissent désarmés, vérifier une tension un peu trop basse ou trop élevée, dire le bonheur d’accueillir cet enfant, s’inquiéter de la douleur de sa mise au monde, traiter une anémie postnatale, partager le souci du chômage alors qu’un petit s’annonce, commenter fièrement un cliché échographique, comprendre les résultats du dernier bilan, se préoccuper d’oublis répétés de pilule, montrer ce sein rouge et douloureux, entendre avec bonheur le premier galop du cœur de leur futur bébé …

Une journée de rendez-vous à reporter. La sage-femme ne sera négligemment prévenue que le vendredi soir de la totale inaccessibilité de son cabinet le mardi suivant.

La marche de l'Etat ne peut s'arrêter à ces détails.

 


 

Aux Lilas, les nouvelles sont de moins en moins bonnes(cf aussi ce billet ). La pétition est toujours en ligne !

 

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20 juin 2011

Réconciliée



Son premier enfant est né par césarienne en cours de travail car il ne supportait plus les contractions utérines.
Elle qui pendant neuf mois avait annoncé sa crainte farouche d'un accouchement médicalisé se voit brutalement projetée de l'univers presque apaisé de la salle de naissance au monde froid et aseptisé du bloc opératoire.

Elle se retrouve nue, allongée bras en «croix », poignets liés aux supports de part et d’autre de la table d'intervention. Un champ opératoire en non tissé bleu s’élève devant ses yeux, le puissant faisceau du scialytique se dirige sur son ventre, sa peau est badigeonnée de l'ocre et froid liquide désinfectant. Puis résonne le son métallique du plateau d'instrument ; la main du chirurgien s'est emparé du scalpel.
Elle est terrorisée.

Peu après, son enfant nait, crie faiblement. Elle l’entrevoit rapidement avant qu’il ne soit emmené dans la salle contigüe pour le désobstruer et l’assister dans ses premiers moments de vie extra utérine.
Il lui est ramené de longues minutes plus tard et posé contre elle, au creux de son épaule. Elle voudrait le prendre dans ses bras mais ses mains restent liées. Elle ne peut qu'appuyer sa joue contre le sommet de son crane.

Lorsqu'elle évoque ensuite cette naissance, elle désigne l’anesthésiste comme le responsable de sa détresse. C'est lui qui l’a positionnée sans ménagement, qui l’a crucifiée sur la table, qui a refusé de délier ses poignets, lui encore qui n’a pas eu les paroles empathiques dont elle avait tant besoin. Elle ne décolère pas.

A nouveau enceinte, elle retourne en consultation préanesthésique. Hasard de la vie, parmi la bonne dizaine de praticiens les assurant, c’est celui qui l’avait prise en charge lors de sa césarienne qui la reçoit.
Cette rencontre lui donne l’occasion d'exprimer la colère retenue depuis plusieurs années. Intransigeante, elle ne choisit pas ses mots, n'adoucit pas son propos et dévide âprement sa longue liste de reproches.

Elle est écoutée attentivement par le médecin qui ne cherche pas à écourter le rendez-vous. Il ne s'excuse pas, mais concède la brutalité de certains gestes, développe les motifs médicaux qui justifiaient l'enchainement de ses actes, reconnait son mutisme en le liant à l'urgence de l'intervention. Enfin il exprime son regret qu’elle ne soit pas revenue le voir plus tôt pour pouvoir s'en expliquer.

C’est ainsi quelle pourra m’annoncer avec un grand sourire « j’ai revu mon bourreau ».
Le début de l’apaisement.

 

 

16 juin 2011

Allégorique



La vie d’un cabinet se partage entre le "vrai" travail de sage-femme et l'intendance quotidienne ; secrétariat, compta, ménage, gestion des stocks… et parfois quelques imprévus.
Ce jour là, je tente d’imprimer un courrier urgent. L’arrêt de travail donné à une femme enceinte va se terminer (nous arrivons au bout des 15 jours que la loi m’accorde royalement le droit de prescrire) et je souhaite convaincre son médecin traitant de bien vouloir le prolonger. Mais l’imprimante expulse péniblement un vieux fond de poudre avant de rendre l’âme… Autre souci, ma voiture couinait bizarrement au freinage lors des visites à domicile ce matin.

Qu’à cela ne tienne, mon nom est efficacité, je vais m’empresser de régler tout cela sur la pause du repas.
Deux options s’offrent à moi, deux magasins informatiques à proximité de deux garages. Il suffit de décider au carrefour de tourner à droite ou à gauche.

Va pour la droite, un poil plus près.
Une fois dans le magasin, j'erre à la recherche d’un toner pour mon imprimante périmée (10 ans !), quasi résolue à en acheter une nouvelle tant je suis convaincue que je ne trouverai pas. Le premier vendeur consulté tient à me montrer de très jolies imprimantes qui faxent, qui copient, qui wifi, qui …… heu, une simple imprimante suffira à me combler. La seule laser en rayon (au nombre de paperasses quotidiennes à produire, le laser est le seul choix raisonnable) me parait bien fragile ; pleine de bonne volonté je demande à la voir fonctionner mais c’est moi qui trouve comment la mettre en marche !
Le supposé stagiaire passe la main à son chef de rayon qui doit vérifier s’il a une machine en stock. Pendant son enquête, je pars à la recherche d’un toner, au cas où…
Un nouveau vendeur met une mauvaise volonté certaine à me renseigner; il lui faudrait non seulement les références de l’imprimante (j’ai !) mais aussi celles du toner, (j’ai pas et j’ai jamais eu besoin de les avoir)… Démotivé, il passe le relais à un autre qui n’en sait pas plus et décrète - visiblement heureux de se débarrasser de moi - que je dois attendre le retour du premier.  
Appelez-moi patate chaude, je m’enfuis !

Je passe ensuite prendre rendez-vous au garage. Le mécanicien de l’accueil est au téléphone. Pas un regard, pas un lever de sourcil, ni bonjour, ni sourire ; debout à un mètre de lui, je suis totalement transparente. Il est en pleine commande et je patiente, longtemps ; ça semble compliqué les pièces référencées 5 /25 IF3… Je ne voudrais pas déranger. Mais lorsqu'après avoir raccroché, il entreprend de passer un nouvel appel en s’obstinant à ne pas me voir… Je m'enfuis une seconde fois.

Il me reste un peu de temps, je tente l’autre zone commerciale. Il y a des imprimantes, des toners, la vendeuse est sympathique et me conseille rapidement. Au garage d’à coté, j’attends deux secondes avant qu’un mécano arrive en souriant pour vérifier que l’on s’occupe de moi…

Y a pas à dire, à  gauche c'est mieux  !

 

NB : Désolée pour ce billet léger déconnecté des préoccupations du moment mais la discrétion des mouvements annoncés pour après demain me décourage quelque peu...  L'allégorie sera donc une dernière façon d'appeler à la mobilsation du 18 !

14 juin 2011

Lutter bis



Autre combat.  Les Lilas, maternité mythique, voient leurs conditions de travail se détériorer. Comme dans d’autres lieux phares, la qualité de l’accompagnement se dégrade sous l’influence conjointe de la tarification à l’acte, du surbooking et du médico légal… S’y ajoutent des locaux exigus contraignant à jongler sans arrêt avec le manque de place.
Il était donc prévu de reconstruire la maternité … et au passage d’en augmenter la capacité d’accueil ; lourd prix exigé pour sa survie.

Tout semblait en bonne voie puisqu'un terrain avait été trouvé, que la mairie soutenait le projet, que l'ARH* avait donné son accord.

Oui mais d’aucuns rêveraient peut-être de voir disparaitre ce lieu subversif militant de la première heure pour la légalisation de l'IVG, l’accès à la contraception, les droits des femmes et la naissance respectée.
L'ARS** a stoppé le projet et se propose de regrouper l'établissement avec une maternité de type 3… Fausse opportunité ; les Bluets en ont fait l’expérience et sont en grande difficulté

Soutenir les Lilas, c’est faire plus que souhaiter préserver un lieu et une équipe. C’est témoigner de son indignation devant la mise en pièce des établissements qui s'obstinent à vouloir pratiquer une obstétrique humaine, qui tentent d’entendre les désirs de ceux qu'ils accueillent, qui pensent la femme comme sujet et non objet de soin.

Soutenir les Lilas, c’est dénoncer une politique de santé qui s’éloigne des besoins des "soignés" pour industrialiser les prises en charge. C'est lutter contre la concentration et l'uniformisation des accouchements.
C'est se souvenir que des femmes et des hommes se sont battus il y a deux générations pour changer la naissance ... Et que tout ou presque est à recommencer.

Une pétition est à signer ici

* Agence régionale de l'hospitalisation, remplacée depuis avril 2010 par
**ARS Agence régionale de Santé



Le 18 juin, que ferez-vous ?

10 juin 2011

Lutter



La maternité du Chiva (centre hospitalier du val d'Ariège), fruit de la fusion de deux petits établissements, s'est ouverte en 2001. Une équipe solide cherche depuis 10 ans à travailler au plus près des besoins des parents en offrant une prise en charge diversifiée. Consultation prénatale, préparation à la naissance, ostéopathie, échographie, hospitalisation à domicile, rééducation périnéale, orthogénie, gynécologie, «des sages-femmes à tous les étages» ainsi que le dit l’une d’elle. Remarquables aussi l'accompagnement respectueux et la réelle liberté laissée aux femmes (baignoire, déambulation, posture …) lors de l’accouchement.

Preuve de leur succès, le nombre de naissances a augmenté de 25% en 9 ans (900 en 2001 - 1181 en 2010). Au final, cette performance n’arrange pas les affaires de l’équipe obligée de faire plus avec un personnel restant stable (les décrets de périnatalité prévoient un poste de sage-femme supplémentaire à partir de 1200 accouchements…)

Elles se sont émues de cette situation, soulignant à leur direction qu’elles ne pouvaient plus exercer en sécurité (perdre en sécurité semble hélas un argument plus efficace que perdre en humanité des soins). Leur récente "victoire" après plusieurs mois de combat sonne amèrement, aucun poste ne sera créé ! Ils seront redistribués pour concentrer l'effectif des sages-femmes en salle de naissance, en abandonnant l'échographie et en délaissant peu à peu leurs autres activités, consultation et rééducation postnatale puis préparation à la naissance puis ...
Intolérable mise en charpie d'une organisation innovante.

Renvoyer à la "ville" le maximum de soins et rentabiliser l'équipement hospitalier spécifique pourraient aussi être à l'origine de ce revirement de la direction du CHIVA. L'ouverture du plateau technique aux sages-femmes libérales semblait inconcevable hier , elle devient envisageable. 

Au CHIVA comme ailleurs, les pouvoirs publics souhaitent réserver l’hôpital aux actes techniques et externaliser les autres. Une opportunité pour développer l'accompagnement global de la naissance ? Pas de réjouissance hâtive !  Une fois les directeurs d’établissement appâtés par l’aspect financier de la démarche (augmenter le nombre d'actes sans majorer la masse salariale), il faudra convaincre assureurs et médecins - peut-être aussi certaines consœurs - de l’intérêt et de la sécurité de cette pratique.

Mais pourquoi l’un devrait-il exclure l’autre ? Plutôt que de démanteler l'hôpital, pourquoi ne pas inventer parallèllement à son ouverture aux libérales de nouvelles formes d'organisation offrant une prise en charge globale par les sages-femmes salariées ?
Les hôpitaux de Genève le proposent depuis peu (cf cet article  et cette vidéo).

La Suisse, paradis bancaire et... périnatal ? !




Bon, c’est pas tout ça mais une nouvelle journée de mobilisation parents /sages-femmes est prévue le 18 juin prochain…
Si des actions sont prévues dans votre région : faites le savoir ici aussi !
Si ce n'est pas encore organisé, il vous reste une semaine … une petite animation sur le marché, une matinée porte ouverte dans les cabinets,  un débat dans la maison de quartier ou le café activiste du coin ... toute initiative  sera bienvenue.
Et si rien n’est prévu ni prévisible, il revient à chacun, professionnels comme parents, d’inonder les médias locaux (plus accessibles) et nationaux (plus audibles) de témoignages  sur la profession et les conditions de la maternité !

Blog et mail vous sont ouverts pour que les infos circulent...

 

 

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8 juin 2011

Bien pensance



Nouvelle attaque d'une droite qui ne sait plus qui et quoi dézinguer pour démontrer son intransigeance. Un député UMP suggère en trois lignes que ces asociaux de parents pourraient claquer la prime de naissance en plaisirs divers.

900 € ...  c’est dire si on peut faire la fête ! Déjà que les bénéficiaires du RSA nous sont en ce moment présentés comme des assistés qui se la coulent douce aux dépends des honnêtes smicards. Il était urgent de souligner que fabriquer un enfant faisait gagner des sous. J'attends fébrilement la dénonciation des allocations familiales dont rien ne garantit qu’elles soient utilisées pour le bien être des - il en faut au moins deux pour en bénéficier - chérubins …
Un scandale vous dis-je.

Ce qui est scandaleux Mr Mothron, c’est de présenter comme indispensable de dépenser 900 € pour s’équiper en matériel de puériculture. Vous cautionnez un système où il faudrait forcément consommer pour "bien" vivre *, vous négligez une entraide bienvenue qui fait que l’on prête et réutilise le matériel de la meilleure amie ou de l’ainé.

Ce qui est insultant, c'est de suggérer que ces achats sont le gage d'une parentalité responsable.

Ce qui est indécent, c’est de s'autoriser à s’immiscer ainsi dans la vie des familles et leur mode de consommation sous prétexte que l’état leur fait don de quelques euros.

Dans d’autres contrées, l’arrivée d’un enfant est considérée comme un bienfait pour la société toute entière qui lui doit en échange soutien et assistance.
Ici, la parentalité est envisagée au mieux comme un plaisir égoïste, au pire comme de l'inconséquence et l'on ose se vanter de notre générosité supposée...

 

*Que Choisir - avril 2011 : "Florissant, le marché de la puériculture stimule autant l’appétit que l’imagination des ­fabricants, qui multiplient les produits. Mais ­certains sont inutiles, voire à déconseiller".


Pour se changer les idées, une vidéo de mauvaise qualité mais qui fait bien plaisir quand même !

Prochain rendez-vous le 18 juin !

 

 

3 juin 2011

Coopérer

 

Au départ en retraite de sa gynécologue de ville, elle s'est tournée vers un obstétricien exerçant en clinique privée pour son suivi annuel. Lorsque sa nouvelle grossesse s'annonce, c'est très logiquement à ce praticien qu'elle s'adresse. Il assure les premières consultations. Mais lorsqu'elle lui expose son souhait de retourner accoucher à l'hôpital qui a vu naître ses deux premiers enfants, il lui demande de poursuivre son suivi ailleurs. Il s'en explique ainsi, il préfère réserver son temps aux patientes qui accoucheront avec lui en secteur privé.
L'échange est courtois. Elle comprend sa position, il se montre respectueux de ses choix.
Il l’informe que bien évidemment, une copie de son dossier sera adressée au médecin qui prendra le relais dès qu’elle lui en aura communiqué le nom.

Ce ne sera pas un médecin. Plutôt que de rencontrer un nouveau praticien, elle préfère retrouver la sage-femme rencontrée en préparation lors de ses premières grossesses.

Lorsqu'elle appelle pour prendre rendez-vous, je lui demande de ne pas oublier les divers documents, résultats de laboratoire, échographies, frottis ... qui me permettront de créer son dossier.
Elle me rassure. Elle n'attendait que mon accord pour transmettre mes coordonnées au secrétariat, je vais recevoir sans tarder le compte-rendu de son suivi.
Agréable nouvelle. Un peu de temps gagné, quelques questions à ne pas répéter, la garantie de disposer du résultat des bilans antérieurs, d'avoir un résumé des consultations précédentes... En un mot, un passage de relais de qualité.

Le jour du rendez-vous, en voyant son nom sur l’agenda, je m’avise de n'avoir toujours rien reçu. Je note de rappeler le secrétariat pour réclamer cette fameuse copie mais ce sera déjà trop tard pour cette première consultation.

Elle arrive, s'installe et extirpe de son sac une épaisse chemise cartonnée. Ce ne sont pas les transmissions attendues mais l'ensemble des résultats de laboratoire et compte rendus d’échographie accumulés depuis sa première grossesse…

Je m'étonne alors de ne pas avoir reçu la copie promise.

Elle a bien communiqué mes coordonnées. Mais quand le spécialiste a appris que ce serait une - simple ! - sage-femme qui prendrait sa suite, il n’a plus jugé utile de transmettre quoi que ce soit. Au contraire, il  a péremptoirement affirmé que toute copie de son dossier était superflue puisqu'elle disposait déjà du double de ses prises de sang envoyé par le laboratoire…

 

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