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Dix lunes
24 juillet 2011

Expertise

 

Marie Claire, revue médicale de référence, titre, sans honte aucune : "Contre-enquête, les dangers de l'accouchement à domicile" et débute ainsi son article "Des obstétriciens et des personnalités, telle Elisabeth Badinter, préviennent : accoucher à la maison est rétrograde et dangereux".

La féministe combative dont j’ai aimé les positions se trompait déjà de route en dénonçant les excès du maternage, confondant respect des besoins d'un tout-petit assumé par les parents et aliénation féminine.

Mais je ne la savais pas experte en santé publique, convoquée pour démontrer la supposée dangerosité d’une pratique … Ainsi les femmes faisant le choix d'accoucher à domicile seraient d’irresponsables bobos ! N'est ce pas le comble du machisme que de définir ainsi les mères, soumises à leurs envies, incapables d’analyse et de rationalité ? L'on s’offrirait une naissance à domicile sur un simple coup de tête ???

Elle se dit dégoutée par la présence d'enfants à la naissance. Le qualificatif est plus que violent et sa position demanderait à être argumentée.

Elle critique "Le Premier cri", en le qualifiant d'esthétisant. Ce film montre pourtant combien l'accouchement est dépendant des conditions de vie, comment il peut être vécu de façon différente selon la région du monde où l’on réside et la pauvreté que l'on subit.
C’est justement parce que les françaises bénéficient de bonnes conditions sanitaires, d'un suivi de qualité qui permet de prévenir les complications ou de les dépister précocement que l’on peut envisager sereinement une naissance à domicile.

Finalement, une seule phrase d'Elisabeth Badinter est à retenir, la dernière. Oublions la "régression idéologique", jugement de valeur infondé et méprisant, pour nous attarder sur la seconde partie "révèle une véritable hargne vis à vis de la technologie médicale". Cette colère est réelle, s'exprimant aussi dans les commentaires de ce blog. Mais j'attendrais de la philosophe qu'elle tente d'en comprendre les motifs plutôt que de la dénoncer.
L'envahissement médical est rarement remis en cause lorsqu’il est à la fois indispensable ET expliqué. Trop souvent la technicité, à travers des protocoles rigides, s’impose à tous. C'est bien ce que les parents rejettent, ce qui les poussent à chercher ailleurs l'accompagnement qu'ils ne trouvent plus dans les maternités.

Sur le reste de l'article, j'avais rédigé une trop longue critique que je ne vous infligerai pas. Pour résumer, l'argumentaire déployé par les professionnels de santé relève plus de l'incantation que de l'analyse rigoureuse.
Le seul chiffre des transferts varie de 10 à 43% ! *

En réalité, les études sur l’accouchement à domicile ou en maisons de naissance sont peu nombreuses et comportent de nombreux biais ; mêlant par exemple naissances à domicile prévues et inopinées, accompagnées ou non par des sages-femmes. Les taux de transfert comptabilisent des femmes qui ne prennent qu'un premier contact pour se renseigner, ou les transferts en cours de grossesse, pourtant révélateurs de la qualité du suivi ( réorienter les femmes vers une prise en charge plus médicalisée lorsqu'elle est nécessaire) et les transferts en cours d'accouchement que l'on confond trop facilement avec des transferts en urgence...

Depuis des années, des sages-femmes françaises proposent une étude de grande envergure sur l' accouchement à domicile en intégrant cette possibilité dans un réseau de périnatalité.  Cette proposition n'a pas été retenue. Leurs interlocuteurs préfèrent ne pas savoir pour continuer à accuser...

Cessons de dresser une situation contre une autre. Tout le monde ne peut ni ne veut accoucher à la maison. Tout le monde ne veut ni de doit accoucher dans un hôpital universitaire. Tentons de faire cohabiter intelligemment les différents types de prises en charge. Permettons  des relais aisés en fonction des attentes des parents et des circonstances médicales. Etudions l’impact de nos pratiques hypertechnicisées sur un accouchement banal.
Cessons d’invoquer la sacro sainte sécurité alors que les résultats français se révèlent moins bons que ceux d’autres pays européens faisant des choix différents.
Dialoguons.
Les batailles rangées sont vaines...

 

* Lors des débats sur les maisons de naissance à l'assemblée nationale, le taux de transfert variait de 29 à 67%... G. Barbier, le député qui l'avait évoquée, s'était autorisé à citer un taux de 87 %. Personne ne vérifie, pourquoi mégoter !

 



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23 juillet 2011

Quizz d'été

 

Les maisons de naissance sont le serpent de mer de la périnatalité française. Evoquées depuis 1998, discutées et votées après des débats calamiteux à l'assemblée nationale et au sénat à l'automne dernier, finalement retoquées par le conseil constitutionnel à la fin 2010... Parents et professionnels motivés ne désespèrent pourtant pas de voir ouvrir de tels lieux.

Quelques politiques semblent  soutenir leur expérimentation (très encadrée !). Trois propositions de loi ont été récemment déposées en ce sens, par Cécile Dumoulin (députée UMP), Muguette Dini (sénatrice union centriste) et Anny Poursinoff (EELV).
Si les contenus des textes de loi sont très similaires, les "exposés des motifs" révèlent de réelles différences dans la conception du "libre choix". Pour occuper l'été en attendant - si tout se passe bien - que ces projets soient débattus à l'automne, je vous propose un quizz.

Saurez-vous attribuer à chacune de nos représentantes l'extrait qui lui appartient ?

Extrait n°1 : Les maisons de naissance ont vu le jour dans les années soixante-dix et existent aujourd'hui dans plusieurs pays : États-Unis, Allemagne, Suisse, Autriche, Belgique, Suède, Royaume-Uni... On y constate d'ailleurs que le niveau de mortalité infantile et maternelle y est souvent meilleur qu'en France.

Extrait n°2 : Or, l’accouchement à domicile présente des risques sanitaires évidents, les conditions n’étant pas réunies pour garantir à la femme et à l’enfant des soins d’urgence en cas de complications.

Extrait n°3 : La « surmédicalisation » des grossesses ne peut en effet constituer une réponse globale et systématique aux besoins des femmes qui doivent avoir le choix du mode d’accouchement leur convenant le mieux, y compris à domicile. La liberté de choix, lorsqu’elle est médicalement envisageable, doit être respectée.

 

Réponses : C.D = 2 / H.D = 1 / A.P =3


PS : Mobilier design, commentaire sucré, dépassements d'honoraires évoqués mais non chiffrés, hébergement en maternité et photographe systématique.... voilà une annonce qui me laisse quelque peu songeuse.

 


19 juillet 2011

Zélés

 

Brouhaha joyeux en salle d’attente. Un groupe se retrouve pour une rencontre informelle après la naissance. Ils sont tous là, heureux de se revoir, se présentant leurs petits, échangeant déjà sur l’accouchement, les nuits ou la jalousie du plus grand.

L'oeil rieur, un père m'interpelle : "Y a des gendarmes sur le parking, ils t'attendent". J’hésite à le croire mais les trois couples insistent. A moitié convaincue, je vais voir. Effectivement, une fourgonnette de gendarmerie est garée devant le cabinet.

Mon banal étonnement teinté d'inquiétude - mais que me veut donc la police ??? - doit se percevoir ; l'homme en képi sourit et cherche à me rassurer "Ne vous inquiétez pas, rien de grave. Est ce que Mademoiselle Y et Monsieur X ont rendez-vous ici après-demain ?"
Comme je reste muette - mes neurones s'entrechoquent pour savoir ce qu'il m'est possible, secret médical oblige, de répondre - il m'offre quelques explications supplémentaires.
Collègue de Monsieur X,  il vient me prévenir que le couple sera absent au prochain rendez-vous. L’enterrement de leur vie de célibataire est organisé par leur bande de copains et ils seront l’un et l’autre "raptés" la veille au soir. Ils n’en savent évidemment rien. Attentionnés, leurs amis se sont renseigné sur le programme initialement prévu pour cette journée afin de pouvoir prévenir les personnes concernées de leur absence.
Le gendarme poursuit tranquillement en expliquant que pour mon cas, il n’avait qu'une information partielle, une consultation avec une sage-femme. Sur leur temps de service, lui et son co-équipier ont donc fait, en uniforme et fourgonnette, le tour des différentes personnes possibles avant de trouver enfin le lieu du délit.

La maréchaussée est bien dévouée !

 

 

13 juillet 2011

Déniée

 

De presque aussi loin que je me souvienne, j'affirme ma confiance dans le ressenti des femmes enceintes.
Ce jour là, ma profession de foi s'est révélée désincarnée.

Fin d'après midi. Au cinquième mois de sa grossesse, elle appelle pour partager son inquiétude. Elle ne se sent pas bien sans parvenir à préciser mieux ce qui se passe. Elle décrit quelques tiraillements abdominaux qu’elle identifie comme des contractions. Rien de violent, mais le sentiment lancinant que quelque chose ne va pas. Nous faisons un premier point par téléphone, pas de douleur, pas de signes d’infection urinaire, pas de fièvre, pas d'événement notable ces derniers jours, son bébé bouge bien... Je lui propose de la recevoir après mes rendez-vous programmés, dans moins de deux heures. Cherchant à apaiser ses craintes, j'ajoute que ses symptômes m'apparaissent tout à fait banals.

Elle arrive les traits tirés, visiblement anxieuse. A nouveau, je ne perçois rien d’inquiétant dans les sensations qu’elle décrit. Je suis rassurée et me veux rassurante. Mon cerveau refuse d’entendre la sonnette d’alarme, cette irrationnelle angoisse croissante chez une femme habituellement sereine.

Je m'attache à relativiser son ressenti ; ces tiraillements sont certainement ligamentaires, cette fatigue bien compréhensible au vu de ses deux aînés qui réclament énergie et disponibilité.
L'examen clinique va à coup sûr me permettre de la tranquilliser.

Le coeur du bébé galope, l'utérus semble un peu tendu. Au toucher vaginal, la situation bascule en quelques secondes ; son col est déjà dilaté de deux bons centimètres et la poche des eaux bombe sous mes doigts.
Adressée en urgence à l'hôpital voisin, ils ne pourront rien faire. Les quelques kilomètres qui séparent le cabinet de la maternité ont suffi à l'utérus pour poursuivre sa dilatation. Elle perdra son trop petit enfant peu après.

La croire immédiatement n’aurait, il me semble, rien changé au dénouement.
Mais je me suis retrouvée en flagrant délit de pouvoir médical. Je pensais savoir et ne l'entendais pas.
Mes belles théories sur la compétence des femmes n’ont pas résisté à cette violente mise en situation.

Cette erreur, comme d'autres, m’anime encore.
Lorsqu'une femme évoque une inquiétude irraisonnée, je tente d’en décrypter l'origine ; parfois trop d'informations erronées sur le net, trop d'affirmations sans nuance dans la presse dédiée, trop de conseils avisés des copines…

Mais s'il s’agit d’un ressenti profond, d’une "intime conviction",  je m'applique à prendre cette alerte en compte.

 

 

8 juillet 2011

Glacée

 

Rendez-vous m'est donné dans un CHU par une étudiante en sociologie qui travaille sur notre profession.

Elle m'attend au pied de l'ascenseur pour me guider dans le dédale des couloirs. Enfilade de portes et codes pianotés pour déverrouiller les passages réservés au personnel, nous arrivons dans les vestiaires.

Sa main me tend alors une blouse de ce fin intissé bleu qui tient si chaud. Mon regard doit traduire l'étonnement car elle m'explique que le bureau prévu pour l'entretien se trouve au sein du bloc obstétrical. Il ne saurait m'accueillir en tenue de ville et chaussures soupçonnées d'être poussiéreuses. Me voilà donc affublée de la blouse réglementaire et des surchaussures couleur schtroumpf assorties.

Nous quittons le sas pour pénétrer dans un couloir ponctué de larges portes. Chacune est pourvue d'un hublot permettant de jeter un oeil à l'intérieur - intimité garantie ! Ce sont les salles de naissance et les témoins lumineux indiquent qu'elles sont toutes occupées. Pourtant, le plus grand silence règne. Nous croisons quelques blouses affairées ; vertes, bleues, roses, le pale est de rigueur. Quelques pas encore et le couloir s'élargit pour accueillir le bureau central, sorte d'immense comptoir.

Trois femmes pastel assises sur de hauts tabourets sont occupées à pianoter sur des claviers. Pas une ne lève le regard, pas de mot, pas de bonjour. Je n'aurai droit qu'à un seul sourire, bien plus tard, en repartant, celui d'une sage-femme déjà croisée ailleurs.

Plus loin, une blouse rose sort d'une salle d'accouchement. La porte coulissante s'est ouverte largement et se referme automatiquement avec une lenteur confondante. Elle laisse le temps d'apercevoir le profil d'une femme allongée ; à ses cotés, un homme de dos assis sur un inconfortable tabouret. Ses cheveux sont masqués par une charlotte élastiquée blanche ; il porte l'incontournable blouse en intissé bleu, trop étroite, fermée par des liens zébrant sa chemise sombre.

Nos pas nous rapprochent de la salle. La porte n'est toujours pas refermée. Pour pallier ces temps d'expositions imposés à chaque passage d'un soignant, un étroit paravent de toile placé en regard du lit masque le corps maternel à partir de la taille ; louable mais presque dérisoire tentative pour préserver la pudeur des parturientes.

Mon oeil accroche encore la tubulure de la perfusion, le monitoring, puis le regard de cette femme qui sentant le mien peser a lentement tourné son visage vers moi. Je baisse les yeux honteusement. La porte se referme enfin.

Cette scène se fixe ainsi dans ma mémoire, suite d'images défilant au ralenti sans qu'aucun son ne les accompagne.

Retour à la réalité. Nous atteignons le bureau annoncé. Une des sages-femmes présentes me propose un café. Encore troublée par la scène précédente, j'acquiesce en ajoutant que j'ai perdu l'habitude de cette ambiance aseptisée. L'anesthésiste entré un instant pour prendre un document me toise d'un regard méprisant.

Mes derniers souvenirs d'accouchements sont des naissances à domiciles, les avant-derniers s'étaient déroulés dans une maternité alternative qui savait proposer dans ces murs la presque même chaleur que celle de la maison.
Cette brève incursion dans un grand pôle obstétrical me le confirme, ce monde là m'est devenu étranger.

 

 

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3 juillet 2011

Inaudible



La ligne téléphonique grésille au moment où je décroche. Au milieu des bourdonnements, je devine avec peine que la femme à l’autre bout du fil est en train de se présenter. Comme elle enchaine aussitôt sur une demande de rendez-vous, je ne l’interromps pas, me promettant de lui redemander ses coordonnées en fin de conversation.

Mauvaise idée.

Entre deux crépitements, je comprends que son appel concerne quelqu'un d'autre. Il s'agit d'un accouchement très récent et la jeune mère souhaiterait urgemment débuter sa rééducation postnatale.
Elle me demande de la recevoir dès le lendemain dans un créneau horaire très précis*.
Cette exigence m’irrite quelque peu. Par ailleurs, je ne comprends pas la nécessité d'une consultation aussi rapide, et imagine que mon interlocutrice en relaye mal les motifs. Je souligne donc qu’il serait quand même plus simple d’en parler directement avec la personne concernée.

Après un court silence, elle me demande si le cabinet dispose d’une adresse mail. Toujours convaincue de la légitimité de mon irritation, j’insiste en disant que le téléphone serait un mode de communication plus rapide. Peut-elle demander à cette dame de me rappeler ?

Elle répond calmement que la dame en question est -vraiment - dans la totale incapacité de téléphoner mais qu’une adresse mail nous permettrait cependant d’échanger.

Et comme ma réponse tarde à venir...

Elle précise encore, sans que son ton traduise le moindre énervement : "Sa surdité est profonde, elle ne peut pas du tout communiquer par téléphone. C’est pour cela quelle fait appel à une interprète".

Je m'empresse enfin de donner notre adresse mail... en maudissant ma stupidité !

 

*Créneau horaire, je le comprendrai ensuite, justifié par la disponibilité de l'interprète

 

 

 

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