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Dix lunes
1 août 2011

Patiente

 

C’est une habituée de la maternité. Elle y a mis au monde ses deux premiers enfants, avec la même sage-femme.
Cet heureux hasard semble vouloir se renouveler. Arrivée dans l'après-midi en tout début de travail - elle habite maintenant assez loin mais rien n’aurait pu la décourager de revenir accoucher là -  elle est à nouveau accueillie par Françoise.
Cette coïncidence semble la désigner comme la sage-femme de la famille, celle présidant quasi rituellement à l’élargissement du foyer.

Moi, je ne suis que la petite nouvelle, récemment arrivée dans cette équipe ancienne et soudée pour renforcer l’effectif… Mon diplôme tout neuf m’oblige à faire mes preuves et je double Françoise sur sa garde pour me familiariser un peu plus avec les habitudes du service.
Double invisible pour cette jeune femme, toute à sa joie de retrouver encore une fois « sa » sage-femme.…

Mais Françoise termine bientôt sa garde et le bébé, nous le savons, ne sera pas encore né. Nous annonçons à la mère que je serai seule sage-femme dans le service cette nuit. Françoise précise qu’elle reprend son poste à 7h30 le lendemain et lui promet de venir saluer le nouveau-né dès son arrivée.

Je suis maintenant la sage-femme de garde, un peu moins invisible mais toujours pas investie. La dilatation évolue doucement, tout doucement, très doucement… Les heures passent et les contractions s'espacent. Elle les tolère extrêmement bien, parvient à somnoler, voire à dormir, ne me demande que peu de présence et pas vraiment de soutien.

De temps à autre, j’entrouvre doucement la porte. Elle est allongée en chien de fusil sur le lit le plus éloigné, coté fenêtre ; son homme squatte le second lit de la chambre double où je les ai installés. A la lueur de la lampe de chevet, j’observe son visage. Si elle ouvre les yeux, j’entre pour prendre de ses nouvelles. Nous chuchotons dans la pénombre. J’écoute le cœur de son bébé qui galope tranquillement… Parfois, je l’examine pour évaluer l’avancée du travail.  Sa dilatation est d’une lenteur majestueuse, un centimètre gagné toutes les deux à trois heures…

J’évoque ici un autre temps, où l’on pouvait sans problème s’autoriser à laisser un travail avancer lentement si mère et enfant le toléraient bien…

Vers six heures du matin, elle est à huit centimètre et, pensant la naissance prochaine, je leur propose de s’installer en salle d’accouchement.

Le temps s’écoule encore sans que rien ne se passe sinon quelques contractions qu’elle accompagne d’un souffle toujours aussi paisible. Juste avant la relève, je fais un dernier point. Elle est à huit centimètre … et demi !

Peu après Françoise vient prendre son service. A peine arrivée, elle me demande comment s’est passé la naissance. Ses yeux s’écarquillent quand j’annonce que le bébé n’est toujours pas né. J’ajoute que je pense maintenant indispensable de booster cet utérus, à coup sur trop paresseux, avec de l’ocytocine.

Avant toute perfusion, Françoise souhaite revoir la maman. Elle entre dans la salle à sept heure trente.
L’enfant naît, sans aucune intervention, à peine dix minutes plus tard. L'arrivée de Françoise a "curieusement" coïncidé avec l'apparition de l'envie de pousser.

Toute la nuit, elle n’avait fait qu’attendre tranquillement, patiemment, que SA sage-femme revienne.

 

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Commentaires
1
Pas de réticences, juste le constat que 30 ans plus tard, je ne connais pas beaucoup d'endroits qui laisseraient un travail évoluer aussi lentement (de 4 à 8 cm, on est plus dans le travail que dans le pré..).
E
Le post est un peu ancien, mais ça m'intrigue, 10lunes.<br /> <br /> Je ne comprends pas bien les réticences sur le (pré)travail long - quand le bébé et la maman vont bien, s'entend. <br /> <br /> En 80, ma mère à mis 33 h pour accoucher de moi. Sans accélérateur, ni péri, ni panique de personne (bleuet, déjà à l'époque...). En 2012 j'ai mis 14h en tout à accoucher, depuis la perte des eaux (teintée) à la délivrance, et je suis bien resté 11h pour passer de 4 à 9 cm (clinique niveau 2, et ma SF libérale) et 2h en vrai travail. A aucun moment on ne m'a parlé d'ocytocine (que j'aurais refusé).
M
@ 10 lunes; => " jouer aussi sur de nombreux autres paramètres du travail" pour ma 2e fille, tout allait bien, rdv de routine à J-1, la sage-femme à mon insu et à l'occasion d'un TV m'a décollé les membranes. le soir, fissure haute de la poche des eaux et faux travail pendant 9h! la SF de nuit n'avait pas du tout l'intention de s'occuper de moi, me l'a clairement dit "on verra ça demain matin"... à 9h30, la SF de jour a fini par réaliser que ça faisait un petit moment que j'étais là et a rompu la poche des eaux et m'a mis un suppo vaginal pour accélérer la dilatation (j'ai accouché les 2 fois dans une maternité "hôpital ami des bébés", donc peu médicalisé si on le souhaite). quand j'ai réalisé que toute la douleur aurait pu être épargnée si je n'avais pas fait de faux travail (rapport à la fissure haute de la poche), je me suis retrouvée dans une telle colère et rage que j'ai fait sortir ma fille en une seule poussée et à un moment où personne n'était présent dans la salle (sauf le papa).<br /> on envisage un numéro 3.... j'ai très envie d'un AAD... me faire confiance, faire confiance à mon corps, ne pas me laisser distraire par tout ce qui se trouve autour, ne pas devoir parler, ne pas me sentir observée..... et ne pas attendre LA bonne personne pour...
K
"l'ocytocine joue un rôle dans la montée de lait, et comme dit précédemment, l'injection d'hormones de synthèse inhibe la production naturelle."<br /> Euh la demi vie du Syntocinon est de quelques minutes. En une heure, les effets d'une injection bolus après l'accouchement auront disparu et les molécules auront été dégradé. La montée de lait est un processus plus long qui se prépare en, environ 3 jours.
K
"Koa, la délivrance dirigée est effectivement banale(recommandation actuelle pour éviter les risques d'hémorragie de la délivrance). Je n'y pensais même pas en parlant d'ocytocine, car cette injection de dernière minute ne modifie pas le déroulement du travail."<br /> <br /> Pas le déroulement du travail, c'est vrai. Mais je le vois comme ça : le "but" du travail est de faire naître le bébé, et le "but" de respecter le travail est de le faire naître dans les meilleures conditions possibles, considérant que sa naissance aura un impact sur lui. <br /> <br /> "Quand tu parles d'attachement, j'imagine que tu fais référence à ce que dit Odent ?" <br /> <br /> Entre autres, mais pas seulement. C'est un phénomène physiologique connu qu'à la naissance a lieu un bouleversement hormonal, un pic d'ocytocines. C'est connu également (même si un médecin m'a affirmé le contraire lors de ma visite du 8ème mois, très tranquille et sûr de lui) que l'injection d'hormones de synthèse bloque la sécrétion de cette même hormone par le corps. <br /> <br /> "J'ai un peu de mal avec ses affirmations car elles sous entendent qu'une femme ne s'attacherait à son enfant qu'à des travers des phénomènes hormonaux. Très réducteur non ?"<br /> <br /> Non, pas du tout à mon sens : tous les processus émotionnels (l'attachement, la colère, la joie, etc etc) sont des phénomènes à la fois psychiques et physiques. Toute émotion génère des hormones dans le corps ; toute prise d'hormones a des effets sur la psyché. C'est ce qui explique notamment les effets secondaires de la pilule, des implants, etc : mal dosés, ils vont modifier la psyché de la femme. <br /> <br /> Donc, perturber le processus hormonal a des conséquences sur la psyché, mais ne revient pas à dire que l'attachement ne passe pas du tout par la psyché. <br /> <br /> "Pour l'impact sur l'allaitement, honte sur moi, je ne sais pas ! Aurais tu des références à citer, histoire que je creuse un peu ..."<br /> <br /> Je cherche et je te donne ça. Mais pour faire simple : l'ocytocine joue un rôle dans la montée de lait, et comme dit précédemment, l'injection d'hormones de synthèse inhibe la production naturelle. <br /> <br /> "mouais, ce qui me semble vraiment défavorable, c'est d'emmener le bébé immédiatement pour les soins au lieu de le laisser en peau à peau... non?"<br /> <br /> Ah, bah clairement :D Mais les deux ne s'opposent pas : emmener le bébé, c'est enlever à la mère la possibilité de ressentir sa présence (de s'en enivrer... :D), et donc déranger le processus psychique *et* physique. Pour faire un parallèle qui vaut ce qu'il vaut, c'est comme avoir envie de faire l'amour quand on est lovée contre son chéri ou quand on regarde sa photo : normalement, on sera beaucoup plus stimulée par sa présence physique. <br /> <br /> Mais injecter des hormones de synthèse, même en laissant le bébé contre sa mère, perturbe aussi le processus. On peut, hélas, le perturber de mille manières... Et ce n'est facile pour personne, ni le bébé, ni la maman, qui vont devoir réparer dans la douleur une relation qui aurait pu se mettre en place toute seule, sans efforts.
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