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Dix lunes
30 août 2011

A sec

 

Dans la maternité rurale où j'ai pris mon premier poste, "accoucher à sec" faisait partie des situations redoutées par certaines femmes. En cas de rupture précoce de la poche des eaux, elles imaginaient leur utérus vidé de tout liquide amniotique et leur bébé passant dans un vagin devenu "sec". Frottement peau contre muqueuse, aie, aie, aie.

"Examinée à sec", c'est ce que m'a raconté beaucoup plus récemment cette jeune femme.

Ayant dépassé le terme de plusieurs jours, son accouchement est déclenché. Le travail est long, très long et lui vaut de nombreux touchers vaginaux pour évaluer les modifications de son col.
Elle même professionnelle de santé, elle affirme comprendre et accepter facilement les contraintes liées aux protocoles hospitaliers comme à la formation des étudiants. Une bonne volonté totale...
... qui a cependant trouvé ses limites au fil des examens répétés, souvent doublés (sage-femme + étudiant), pratiqués avec les habituels doigtiers inconfortablement constitués de deux formes de plastique découpé réunies par des soudures... très légèrement saillantes.

Les heures passant, les examens sont devenus de plus en plus pénibles, puis réellement douloureux ; d'autant que - je l’apprends grâce à son récit - l'emploi de tout lubrifiant est proscrit en salle d'accouchement. Certaines sages-femmes tentenront bien d'échapper au protocole en faisant couler un peu d’eau sur le doigtier mais l'artifice se révèlera inefficace.
Quelques semaines ont passé depuis mais son souvenir reste vif...

Je ne saurai le fin mot de l’histoire que quelques jours plus tard car si cette jeune mère a bien entendu qu’on ne pouvait utiliser de lubrifiant, elle n'a pas su ce qui justifiait de la malmener ainsi.
La raison invoquée par les "autorités médicales", c'est que les flacons de gels ne sont pas stériles.

Ben le vagin non plus !

 

NB : cette consigne que je découvre est-elle banale ou très locale ? Merci de vos éclairages.

 

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24 août 2011

Baby bad story - 1



Le premier des cinq épisodes de Baby Boom a été diffusé - tardivement ! - sur TF1 hier soir.
C'était annoncé depuis plusieurs mois, mais la communication s'est intensifiée la semaine dernière où chef de service, médecin et responsable de chaine ont entonné avec une touchante unanimité le cœur des innocents… "Baby Boom est très réaliste, très beau et particulièrement riche en émotions. "

Ma nuit fut mauvaise …
Mauvaise du fait de sa brièveté mais surtout des pensées agitées qui l’ont envahie. Car ce premier épisode offre de multiples idées de billets tant les angles d’attaque sont nombreux ; la téléréalité, ses montages, ses codes et son ton racoleur, le système hospitalier englué dans des fonctionnements rigides, les émotions des parents, les propos des équipes, et ces histoires filmées qui en disent bien plus que ce que le réalisateur ne le pensait.

Comme par exemple cette anecdote se voulant amusante.
Premier plan : Un couple est filmé lors de son arrivée à la maternité. La caméra la montre dehors, seule et marchant très péniblement, puis son homme que l’on devine resté en arrière pour garer la voiture ou attraper la valise la rejoint devant la porte des urgences.
Message : On est bien dans la real life coco, on interfère pas ! L’équipe de tournage la filme et la voit, mais évidemment, personne n’intervient. Nous serons donc spectateurs, impuissants à espérer pour cette mère un bras secourable.

Plan suivant : ils sont assis dans un bureau que je suppose être celui de l’accueil. Elle tressaute sur sa chaise au rythme des signaux visiblement nombreux que lui envoie son corps. La secrétaire constate «Il va falloir se dépêcher » et continue à compléter le formulaire.
Message : le dossier administratif est une priorité tellement intégrée que si l’on veut bien tenter d’écourter les démarches, il est inimaginable de penser les reporter.

Plan suivant. Elle est emmenée en fauteuil roulant

Plan suivant. Ils sont installés en salle d’accouchement. La sage-femme s’affaire auprès d’eux, pose de monitoring ou de perfusion, je ne sais plus. La secrétaire de l’accueil rentre dans la salle, en cherchant son stylo «Je n’ai plus rien pour écrire »
Message : du fait de son déficit, l’hôpital public restreint les dotations en matériel à un stylo par secrétaire…

La secrétaire tourne et vire, assez bruyamment, dans la salle à la recherche de son indispensable stylo bleu.
Message : il n’est pas dérangeant de déranger.

Dernier plan. La mère se crispe. Elle a mal et en plus y a un truc qui la gène, emmêlé dans ses cheveux. Son homme passe la main derrière sa tête et en extirpe quelque chose :  bingo ! On a retrouvé le stylo de la secrétaire.

 

A suivre...

 

22 août 2011

Tout et son contraire

 

L'intervention d’une sage-femme dans "Les grandes gueules", (le 18/08 entre 10 et 11h) m'a donné l'occasion d'écouter RMC. L’expérience fut éprouvante.
L'émission se voudrait informative mais s’apparente plutôt aux échanges arrosés d’un café du commerce, accompagnés des blagues graveleuses qui vont bien…
Elle débute avec quelques galéjades machistes sur "ces femmes qui déplorent d’être seules au milieu des hommes mais qui au final adorent ça"…
Puis les  intervenants abordent le périple du maire de la Seyne sur Mer (périple largement relayé ; au cœur de l’été, entre crise économique et combats libyens, un maire qui pédale doit être considéré comme une info rafraichissante).

Je souhaite revenir ici sur les interventions de Bernard Debré, professeur de médecine, urologue et député (UMP) qui argumente ainsi la nécessité de regrouper les plateaux techniques hospitaliers : "La médecine de proximité est dangereuse, on ne peut pas mettre du matériel ultrasophistiqué dans tous les hôpitaux".
Il précise un peu plus loin : "il faut parler de choses que l’on connait".
Belle déclaration d'intention qu'il s'empresse de ne pas respecter. Expert autoproclamé en périnatalité, il ose ensuite évoquer "l’enfant qui a un cordon autour du cou et qui s’étrangle, est ce que c’est prévisible ?"
Puis : "Il faut bien savoir que dans ces petites maternités, on n’est pas au courant, on ne sait pas bien faire. Le petit hôpital en bas de chez soi peut être horriblement dangereux. Il y a une présentation du siège, on ne sait pas le faire. Il y a un étranglement avec le cordon… c’est vu pendant l’accouchement, qu’est ce qu’on fait ?"
Il insiste encore "La taille est un facteur d’efficacité". Cette affirmation déclenche une nouvelle salve d'allusions machistes que je vous laisse imaginer...

Céline, la sage-femme,  s'est exprimée  sur les maisons de naissance. Elle a bien tenté d’élever le débat en évoquant les besoins des femmes. Mais son intervention a été brève et régulièrement interrompue par d'intempestifs commentaires ...

Qu'en retiendront les auditeurs distraits ?  Que les équipes de maternités de proximité sont incompétentes - merci pour elles  ! -  Et qu'un enfant peut s'étrangler avec son cordon. Inquiétude infondée fréquemment véhiculée par ceux qui n'y connaissent rien. Car s'il s'agit d'un circulaire du cordon (enroulé autour du cou), le dégager est un geste extrêmement banal que toute sage-femme peut pratiquer les yeux -presque- fermés ... A moins que Bernard Debré n'ait pensé à la procidence du cordon (je lui laisse le bénéfice du doute, imaginant qu'il a sciemment "simplifié" son discours pour le rendre accessible à ces ignares de parents). C'est un incident rare, qui se produit  généralement au moment de la rupture spontanée de la poche des eaux - donc pas forcément à la maternité - et nécessite une intervention médicale rapide. Pour les habitants de la Seyne du Mer, 55 minutes pour rejoindre la future maternité de Toulon, c'est dans ce cas précis bien trop !

Parfait argument pour justifier les maternités de proximité ...

 

Edit du 24/08 : la sage- femme s'appelle Céline ZIEGLER.

 


PS : pas d'autres suggestions pour "notre" anniversaire ?

 


18 août 2011

Cible erronée



Lors d’une récente chronique sur France Inter, Agathe André a profité du très médiatisé combat du maire de la Seyne sur Mer pour tacler les associations militant pour "l’accouchement à domicile comme au bon vieux temps des matrones". Ce très méprisant terme de matrone renvoie à l’inconscience de ces femmes se livrant aux mains de toutes aussi inconscientes praticiennes...

De nombreuses associations parentales ou professionnelles militent pourtant pour l’élargissement de l’offre de soin. Appartenant à plusieurs d’entre elles, je veux dire à Agathe André qu’elle se trompe de combat. Nos revendications portent d’abord sur la liberté de choix. Les femmes, qu'elles soient adeptes de l'hypermédicalisation ou de la simplicité d'un accouchement à la maison sont, n’en déplaise à la journaliste, en capacité de décider de ce qui leur convient le mieux.
 
Aucun totalitarisme de la part des partisans de l’AAD mais un constat : le choix n’existe pas. Les associations déplorent que la seule option actuelle soit celle de l’accouchement technicisé dans des établissements de plus en plus imposants où les femmes passent de main en main. La valeur de chacun des intervenants n’est pas en cause, c’est leur multiplicité qui interroge et dérange.

Les partisans de l’accouchement à domicile militent pour que cette option fasse partie de l'offre de soin, non par défaut car cela serait effectivement un recul pour les droits des femmes, mais au contraire intégré dans l'éventail des possibilités. Chaque femme devrait pouvoir choisir - une fois éliminées les contre-indications - d’accoucher en maternité, en maison de naissance ou à domicile. Ces options ne s’opposent pas mais se complètent. Elles n’offrent pas les mêmes ressources, ne répondent pas aux mêmes attentes.

Je ne rejoins Agathe André que sur un seul point : la politique actuelle se contrefout des besoins des femmes, des couples et des enfants à venir et s'élabore loin des réalités de terrain, calculette à la main. Si les maisons de naissance parviennent à ouvrir un jour, ce sera grâce aux économies générées par leur prise en charge moins lourde et donc moins onéreuse que celle d’une équipe hospitalière.
Principe de réalité oblige, je me réjouirai de ces ouvertures quelles que soient les mauvaises raisons qui les permettront.

Pour conclure, je m'autorise à donner deux conseils à la journaliste :
-    celui de vérifier ses sources : l’épisiotomie n’est pas à préférer à la déchirure spontanée et certains établissements hospitaliers l'ont démontré en en réduisant drastiquement le nombre.
-    celui d’éviter de recycler ses anciens textes … Il n'est pas déshonorant de défendre les mêmes idées à deux années d’écart. Mais les répéter à la virgule près, c’est faire preuve d’un cruel manque de créativité !

La défense des droits des femmes commence par un indispensable préalable. Les respecter !
Les matrones, pondeuses et chanteuses vous saluent.

 

PS : Sur le même sujet, lire aussi cette analyse de Selina Kyle.

 

 

17 août 2011

Flemmardes



Il y a 30 ans.
C’est une maternité qualifiée d'alternative, respectueuse des attentes des parents comme des besoins de l’enfant. La préparation à l'accouchement tient une grande place, alternant temps d'information, groupes de discussion et multiples séances de relaxation et respiration. Au fil des mois, de réels liens se tissent avec les futurs parents, parfaitement informés de l'accompagnement qu'ils trouveront le jour J.

A l’inverse, ce couple là nous est inconnu. Pas de préparation ni de consultation au sein de la maternité, ils ne savent rien de notre fonctionnement. Au moment de l'accouchement, elle s'est présentée à l'accueil de la maternité - la pratique actuelle d’inscription au premier jour de retard de règle n’est pas encore d’actualité - et nous l'accompagnons comme à notre habitude.

A la naissance, nous respectons ce qui s'apparente à un rituel d’accueil, selon les principes de la très en vogue "naissance sans violence".
Le nouveau-né est posé sur le ventre maternel, puis l’équipe s’éclipse quelques minutes afin de laisser les parents découvrir leur enfant en toute intimité. Une fois revenue, après m’être assurée que la circulation ombilicale est interrompue, je tends très solennellement les ciseaux au père afin qu’il coupe le cordon. Ma proposition enthousiaste ne doit pas laisser de place au refus ; il s’exécute. Avec tout autant de conviction, j'invite le père à baigner son enfant. En guise de baignoire, un berceau de plexiglas éclairé par une lumière dirigée par en dessous, nimbant l’enfant d’une douce lueur sans risquer de l’éblouir…

Pour ce petit d’homme, un accueil avec tout le respect, toute la douceur qui lui sont dus.
Pour nous, le sentiment du travail bien fait.

Sentiment quelque peu tempéré par ce père parti fêter la naissance de son petit au troquet voisin. C’est le patron du bar qui a vendu la mèche…

Ballon de rouge à la main, le géniteur se félicite de la force et de la vigueur de son "couillu de fils". Suit une petite remarque concernant le personnel : «Ah ben, celles là, elles s’emmerdent pas, pour le même prix c’est moi qu’a du couper le cordon et baigner le gamin !»

 

 


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12 août 2011

Mourir vos beaux yeux, belle Marquise, d'amour me font.



Deux ans d'existence. Pour l'occasion, je m'essaie à répertorier les recherches de ces derniers jours ayant conduit sur Dix lunes.

Evidemment, la plupart arrive très banalement avec quatre mots : blog/dix/lunes/sage-femme... minuscule ou majuscule, chiffre ou lettre, singulier ou pluriel, mélangez, secouez autant que vous le voulez, Google mon ami vous amènera ici.
Certains comptent moins bien : 9 lunes blog sage femme ou 13 lunes sage femme blog

Et puis il y a aussi...

Ceux qui vont être très déçus

  • nue et ligotée sur la table il a un scalpel
  • la sage femme me leche la chatte

Ceux qui ont un vrai problème

  • sf fille qui fait des bebes mais a qui on ne veut pas en faire : cornélien en effet

Ceux qui souhaitent s'informer

  • les sages femmes libérales peuvent-elles assurer un suivi de grossesse : oui !
  • suivi par une sage femme jusqu'au 7ème mois : puisque je vous dis que oui
  • puis je faire venir une sage femme libérale à mon domicile : oui (sauf pour la catégorie "vont être très déçus")
  • comment faire pour faire tombé des point : "sauté" ?

Ceux qui évitent tout mot inutile

  • sage femme ordonnance prise sang : oui évidemment
  • sage-femme contraception consultation diaphragme : oui toujours

Ceux qui nous informent

  • je ne viendrais pas cette après-midi : essentielle information
  • je vois vraiment pas le rapport avec leur nom : existentielle question

Ceux qui gagneraient à discuter entre eux

  • césarienne de confort remboursée / césarienne programmée attachée combien de temps
  • accouchement domicile paniquée / AAD inopiné

ou pas ...

  • qui a bien vecu sa cesarienne pour siege / cesarienne difficille de sans remettre psychologiquement

Ceux qui se méfient de la médecine

  • l'art de la désinformation maternité : quand les savoirs s'affrontent
  • toucher vaginal et intimite de la femme : quasi antinomique
  • gynécologie métier inutile : je n'irai pas jusque là

Ou pourraient s'en méfier

  • refus médecin premiere prescription pilule : où l' on se dit que la relation soignant/soigné pourrait gagner en dialogue...  
  • peut on detecter une trisomie avec un frottid pendant la grossesse : où l' on se dit que le dialogue soignant/soigné pourrait gagner en clarté...

Ceux qui cherchent un renseignement

  • liste de maisons de naissances france 2010 : réponse facile, il n'y en a pas ! Mais quelques lieux s'en rapprochent fort, en particulier le CALM et Pontoise.
  • blog sage femme knakie : y a qu'à demander, c'est ici
  • nom des sages femmes hommes : sage-femme évidemment ! (non, je ne dirai pas maïeuticien)
  • reportage mater poissy sur quelle chaine : heu...

Et puis il y a parfois ces mots sombres lancés sur une toile dont on aimerait savoir remonter le fil. Sinistres révélateurs de nos solitudes accolées sur le net.

  • rattraper un accouchement mal vécu
  • battement du coeur inaudible fin de 9eme mois
  • poche des eaux bombee a 5 mois

Je ne peux terminer cette énumération sans citer cette ancienne recherche dont la lecture m'avait serrée le cœur : phrases pour dire que l'on a perdu son bb.
Chère inconnue, j'espère très fort que depuis la vie se sera montrée plus clémente avec toi.

 


PS: Pour ces deux années d'écriture, je réclame très impoliment vos commentaires ! Critiques, attentes, propositions ...


9 août 2011

Une question de balance

 

Ils ont quitté la maternité au quatrième jour, un peu malmenés par une équipe préoccupée par leur bébé qui perdait toujours du poids. Seule l’assurance d’une consultation le lendemain a évité la sortie contre avis médical.

Les voilà donc tous les deux, presque étonnés de se retrouver dans ce lieu, devenu familier au fil des mois de la grossesse, avec ce nouvel interlocuteur, leur enfant.

Mes mots de bienvenue résonnent dans le vide. Ils restent silencieux, déjà tendus dans l’attente du verdict de la balance. Je m’incline devant ce préalable imposé à toute conversation et commence à examiner leur nouveau-né. Il me parait en pleine forme, bon tonus, pas d’ictère, une couche pleine … Je détaille ces informations rassurantes au fur et à mesure à voix haute.
Mais ils n’attendent qu’une seule chose, le chiffre.

Espérant les dérider, j’annonce me dépêcher de m’acquitter de la pesée pour les voir retrouver la parole. Leur silence confirme que je n’obtiendrais rien d’autre que quelques grommèlements anxieux tant que le poids n’aura pas été annoncé.
Je pose le bébé sur la balance : il a pris 60 g.
Je clame la bonne nouvelle et commence à le rhabiller.
Le silence persiste. Je cherche le regard de sa mère.
- « Tu me crois ou tu as besoin de le vérifier toi-même ? »
Son sourire contraint montre que ma tentative d’humour ne passe pas.

Alors, j’enlève le body, détache la couche et repose son enfant sur le pèse-bébé. Je m’efface sur le coté pour lui laisser la place. Lentement elle se lève et vient contempler le chiffre qui s’affiche.

Enfin, elle sourit.

 

6 août 2011

Au tapis mais pas KO !


Round 1  - Eté 2009
La loi HPST valide la compétence des sages-femmes pour le suivi gynécologique de prévention et la prescription de la contraception.
L’article  L5134-1 titre III du code de la santé publique est ainsi rédigé : "Les sages-femmes sont habilitées à prescrire les contraceptifs locaux et les contraceptifs hormonaux. La surveillance et le suivi biologique sont assurés par le médecin traitant."
Cette dernière phrase est un ajout aberrant à coup sur téléguidé par certains syndicats médicaux soucieux de préserver leur hégémonie dans le domaine de la contraception.
Pénurie de praticiens oblige, il était politiquement difficile de s’opposer à l’extension de nos compétences. Les élus ont du s’incliner devant cette évidence : contraception et suivi gynécologique risquent de manquer de "bras" ; nous étions toutes désignées pour pallier le déficit annoncé.
Protectionnisme solidaire, la seconde partie de la phrase vient contredire la première.

Round 2  - automne 2009
Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010 tente de réparer l’anomalie. Un amendement supprimant l’obligation du suivi biologique par un médecin est voté.

Round 3 - hiver 2009
Le conseil constitutionnel censure cette disposition, estimant quelle n’a pas sa place dans le PLFSS car elle n‘aurait pas d’incidence sur les comptes de la sécurité sociale.

Round 4  - printemps 2010
Nous retrouvons par magie notre légitimé contraceptive dans un communiqué du conseil de l’ordre des médecins ... brève alliance imposée pour mieux fustiger pharmaciens et infirmiers !

Round 5  - mars 2011
Un débat peu glorieux pour certains de nos représentants a lieu sur les bancs du sénat. Si vous n’avez pas lu ce billet lors de sa parution, faites-le ! A l'approche de 2012, il est bon de s'informer...

Round 6 - mai 2011
Le Syngof publie un ignominieux communiqué (encore disponible sur le net en cherchant un peu ...)

Round 7 - 25 mai 2011
Le Syngof présente ses excuses et retire le communiqué de son site.

Round 8 - 1er juillet2011
L’amendement 17 bis déposé par Mme Poletti propose de remplacer "La surveillance et le suivi biologique sont assurés par le médecin traitant" par "En cas de situation pathologique, la sage-femme adresse la patiente au médecin traitant". Il est adopté.

Round 9 - 13 juillet 2011
La loi est définitivement votée. Deux ans à batailler mais l'aberration législative est enfin corrigée. Réjouissons-nous !

Round 10 -4 aout 2011
Le conseil constitutionnel considère "que ces dispositions ne présentent pas de lien avec les dispositions de la proposition de loi initiale ont été adoptées selon une procédure contraire à la Constitution". L'article 41 (et d'autres dont hélas l'expérimentation - pourtant très encadrée - de prescription de l'IVG médicamenteuse par les sages-femmes) est déclaré anticonstitutionnel.

Honteux combat au service d'intérets particuliers. Le onzième round verra, j'en suis certaine, notre victoire.
Amère victoire tant d'évidence les questions de santé publique et de droit des femmes n'y auront pas eu leur place.

 


NB 1 : le bilan pour contraception oestroprogestative se résume à trois données facilement interprétables par la femme elle même vu que les normes sont écrites à coté par le laboratoire ! Le plus important est d'éliminer les contre-indications liées à des antécédents médicaux particuliers. Si le bilan biologique peut attendre, cette recherche de contre indications doit être faite dès la première prescription.

NB 2 : Pour en savoir plus : Voir ces recommandations de la Haute Autorité en Santé

NB 3 : le Syngof ne désarme pas. Lors de son dernier CA, le Dr Aubeny (Association française pour la Contraception) a réitérer "son soutien à la loi HPST autorisant les sages-femmes à prescrire la contraception. En effet, les difficultés d’accès à la contraception auprès des médecins généralistes et des gynécologues pouvant contribuer à augmenter le nombre de grossesses non désirées, le principe d’une plus grande ouverture de la prescription, à des personnels dédiés à la santé des femmes et formés en ce sens, ne peut être qu’un atout pour la population féminine",  et présenté un diaporama du modèle québécois sur la prescription partagée

Réponse du Syngof : "La majorité des membres du CA pense que ce qui se fait au Québec n’est pas transposable en France".
Pas transposable ? Ah bon ! J'aimerais tant connaître les raisons de cette impossibilité...

 

4 août 2011

Pressée


Sa fille est déjà grande. Pendant dix ans, le souvenir cauchemardesque de ce premier accouchement l‘a empêchée d’envisager une nouvelle grossesse.
Elle a finalement sauté le pas avec tant d’énergie - approche de la quarantaine et impérieux appel de la maternité - qu’elle attend des jumeaux. Voilà son quota atteint et tout risque d’y retourner ainsi écarté.

Sa fatigue et les protocoles locaux la font hospitaliser en fin de grossesse. Cela nous donne le temps de faire plus ample connaissance.
Le premier accouchement la hante toujours ; elle ne peut, ne veut imaginer celui à venir. Lors d’une énième tentative de ma part, elle clôt ainsi la discussion :
« Je les vois bien là dit-elle en posant les deux mains sur son ventre tendu. Je les vois bien là ajoute t-elle en désignant les deux berceaux sagement rangés dans un coin de la chambre. Mais, entre les deux, je ne vois rien ! »

Quand le travail s’est mis en route, entre la première contraction et la naissance du second jumeau, il s’est écoulé moins de trois quart d’heure. Pas le temps de réaliser, ou même d’appréhender. Dans un brouillard émotionnel, guidée par la tempête utérine, elle a poussé un premier enfant, puis un autre.
Cet accouchement tant redouté était terminé avant même d’avoir pensé son commencement…

Conformément à ses attentes, elle n’a rien vu.

 

1 août 2011

Patiente

 

C’est une habituée de la maternité. Elle y a mis au monde ses deux premiers enfants, avec la même sage-femme.
Cet heureux hasard semble vouloir se renouveler. Arrivée dans l'après-midi en tout début de travail - elle habite maintenant assez loin mais rien n’aurait pu la décourager de revenir accoucher là -  elle est à nouveau accueillie par Françoise.
Cette coïncidence semble la désigner comme la sage-femme de la famille, celle présidant quasi rituellement à l’élargissement du foyer.

Moi, je ne suis que la petite nouvelle, récemment arrivée dans cette équipe ancienne et soudée pour renforcer l’effectif… Mon diplôme tout neuf m’oblige à faire mes preuves et je double Françoise sur sa garde pour me familiariser un peu plus avec les habitudes du service.
Double invisible pour cette jeune femme, toute à sa joie de retrouver encore une fois « sa » sage-femme.…

Mais Françoise termine bientôt sa garde et le bébé, nous le savons, ne sera pas encore né. Nous annonçons à la mère que je serai seule sage-femme dans le service cette nuit. Françoise précise qu’elle reprend son poste à 7h30 le lendemain et lui promet de venir saluer le nouveau-né dès son arrivée.

Je suis maintenant la sage-femme de garde, un peu moins invisible mais toujours pas investie. La dilatation évolue doucement, tout doucement, très doucement… Les heures passent et les contractions s'espacent. Elle les tolère extrêmement bien, parvient à somnoler, voire à dormir, ne me demande que peu de présence et pas vraiment de soutien.

De temps à autre, j’entrouvre doucement la porte. Elle est allongée en chien de fusil sur le lit le plus éloigné, coté fenêtre ; son homme squatte le second lit de la chambre double où je les ai installés. A la lueur de la lampe de chevet, j’observe son visage. Si elle ouvre les yeux, j’entre pour prendre de ses nouvelles. Nous chuchotons dans la pénombre. J’écoute le cœur de son bébé qui galope tranquillement… Parfois, je l’examine pour évaluer l’avancée du travail.  Sa dilatation est d’une lenteur majestueuse, un centimètre gagné toutes les deux à trois heures…

J’évoque ici un autre temps, où l’on pouvait sans problème s’autoriser à laisser un travail avancer lentement si mère et enfant le toléraient bien…

Vers six heures du matin, elle est à huit centimètre et, pensant la naissance prochaine, je leur propose de s’installer en salle d’accouchement.

Le temps s’écoule encore sans que rien ne se passe sinon quelques contractions qu’elle accompagne d’un souffle toujours aussi paisible. Juste avant la relève, je fais un dernier point. Elle est à huit centimètre … et demi !

Peu après Françoise vient prendre son service. A peine arrivée, elle me demande comment s’est passé la naissance. Ses yeux s’écarquillent quand j’annonce que le bébé n’est toujours pas né. J’ajoute que je pense maintenant indispensable de booster cet utérus, à coup sur trop paresseux, avec de l’ocytocine.

Avant toute perfusion, Françoise souhaite revoir la maman. Elle entre dans la salle à sept heure trente.
L’enfant naît, sans aucune intervention, à peine dix minutes plus tard. L'arrivée de Françoise a "curieusement" coïncidé avec l'apparition de l'envie de pousser.

Toute la nuit, elle n’avait fait qu’attendre tranquillement, patiemment, que SA sage-femme revienne.

 

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