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Dix lunes

28 janvier 2011

Phase critique

Ne voilà t-il pas que ce blog semble voir passer suffisamment de lecteurs pour provoquer l’intérêt des éditions Marabout-Hachette.
Oh ! Pas pour m’engager comme auteur, juste comme critique bénévole…

C’est ainsi que j’ai reçu une proposition de « collaboration ». J’ai commencé par m’assurer de rester libre de mes propos.
En substance :
Ai-je le droit de dire que c’est l’éditeur qui m’a envoyé le livre : oui
Ai-je le droit de ne pas en parler : non
Ai-je le droit de faire une critique négative voire très négative : oui

Ainsi "rassurée", j’ai accepté de recevoir «Le cahier de grossesse des paresseuses» qui vient de paraitre.

Le principe, deux pages par semaine de grossesse, l’une décrivant l’évolution du futur nouveau-né, plutôt bien faite et expliquée sans jargon, l’autre mêlant petits récits du quotidien et mémo des choses à faire.

Les petits récits, ou billets d’humeur, sont écrits avec le ton un peu décalé propre à la chick lit. On aime ou pas ce s tyle, moi pas… Mais ils ont le mérite d’aborder pas mal de petites galères de la grossesse, du premier trimestre pas vraiment épanouissant à la crainte de l’enfant anormal en passant par la surconsommation de produits inutiles destinés à faire de vous des parents parfaits.
Quelques feuillets plus spécifiques proposent des recettes de cuisine, des astuces pour lutter contre les petits maux de la grossesse, des trucs pour rester belle ( !) ou la liste du matériel à prévoir (assez pléthorique malgré la mise en garde citée plus haut).
Quelques pages vierges sont destinées à coller des clichés de vous ventre plat (sic) ou des échographies. Souvenirs désignés…

Là où ça se gâte franchement, c’est sur le suivi de la grossesse. Il est d’abord évident que vous n’avez qu’un seul interlocuteur, le «gynéco», conseillé par votre médecin traitant (ils vont aimer) ou vos copines.
Les sages-femmes sont citées une première fois page 8, mais c’est dans le cadre des questions à poser pour choisir sa maternité «sont-elles aimables et disponibles ?» et ne réapparaissent qu’en page 114 «soyez charmantes avec les gynécos et sages-femmes de la maternité pour être dans leurs petits papiers»…
Les explications du suivi médical brillent par leurs approximations. Le taux d’albumine permet de savoir si vous avez de la tension (faux, il recherche une complication rénale liée à l’hypertension), le taux de beta HCG date la grossesse (faux, il ne permet que de l’affirmer), votre groupe sanguin sert à vérifier «si vous êtes "compatible" avec le papa» ( ?! J’imagine que c’est une allusion aux incompatibilités rhésus mais dit ainsi…).
De nombreuses vérifications sont présentées comme incontournables (toucher vaginal, calcul du risque de trisomie 21, recherche de diabète…)
En un mot, l’on vous incite à être docile et à vous conformer au suivi proposé sans chercher à en savoir plus ni à en débattre avec votre praticien.

Au final, un livre pas cher, 7.90€  (subventionné par une marque de céréales citée trois fois ?), à la mise en page aérée ponctuée de petits dessins sympa.
Sans aucun doute plus à feuilleter pour sourire que pour s’informer…

…Suis pas sure de recevoir d’autres livres moi…

NB : qui peut m'expliquer comment contourner les bugs de canalblog qui refuse de faire apparaitre les mots clas-sique et sty-le si je n'y ajoute pas un espace ?

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24 janvier 2011

L'art de la désinformation

Reportage sur l'accouchement à domicile diffusé samedi sur M6… encore visible ici.

En fait, l’émission mêle le parcours de deux couples. Le premier prépare la naissance à la maison de leur second enfant - après un premier accouchement hospitalier mal vécu -, le second  fait une énième et dernière tentative de FIV avec don d’ovocyte - elle a 46 ans - en Grèce. Cet ultime essai n’aboutira pas et il y a quelque chose de particulièrement malsain dans la présentation de cette histoire, alternant savamment mauvaises nouvelles et rebondissements riches d’espoirs pour se conclure sur l’image d’une femme en pleurs. Nous aurons même le droit d’assister à l’ouverture de l’enveloppe du laboratoire annonçant l’échec.
Sinistre voyeurisme hélas coutumier de ce type d’émission…

Mais là n’est pas mon sujet. C’est de Dinah et Mathieu dont je souhaite vous parler ici. Le reportage présente les différentes étapes de la fin de grossesse, de la dernière visite prénatale de la sage-femme à la naissance et aux heures qui suivent.
Tout se passe bien, les parents sont heureux, le bébé magnifique, la grande sœur normalement décontenancée.

Pourquoi alors mon agacement, ce sentiment diffus de manipulation ? Pour en avoir le cœur net, j’y retourne ! (Admirez ma détermination; sur M6 replay, on ne peut sauter des passages sans bloquer le déroulement et se prendre une page de publicité supplémentaire pour nous punir de notre impatience…).

A la deuxième lecture, c’est évident, voix off et mise en scène viennent dramatiser un récit qui serait sinon parfaitement charmant et banal.

Voix off présentant le reportage :
Il est 5 h Dinah vient de perdre les eaux. Leur deuxième enfant est sur le point de naitre (…) Même si Dinah sera assistée par une sage-femme qui la suit depuis plusieurs mois maintenant, un accouchement à domicile comporte toujours de nombreux risques…

Pour appuyer le commentaire, on entend alors la voix de la sage-femme «Je ne suis pas Mme Soleil, je sais très bien qu’il peut se passer n’importe quoi.»

Reprise de la voix off
D’autant que Dinah va accoucher sans péridurale et c’est sans doute ce qui fait le plus peur à son mari.
Voix du mari : «Je sais très bien qu’elle va avoir horriblement mal»
Quoi qu’il arrive, il devra garder son calme face aux souffrances de sa femme et ne devra surtout pas paniquer face à une sage-femme injoignable alors que le bébé est en train d’arriver.
On entend alors la tonalité du téléphone qui sonne dans le vide… longuement…

Et comme la dramatisation ne doit pas sembler suffisante, je soupçonne la scénarisation de certains passages.
Par exemple, Dinah annonce à sa fille de deux ans la naissance prochaine en prenant soin de lui préciser que «maman ne fera pas comme les autres dames et qu’elle n’ira pas à l’hôpital pour accoucher ». Est ce vraiment Dinah qui a eu envie de le présenter ainsi ou une demande de la production pour bien souligner l’originalité de ce choix ?
On apprend ensuite que la petite fille dort avec ses parents qui du coup «n’ont rien prévu pour le bébé, ni chambre ni berceau». Cette précision inutile ne semble là que pour mieux cataloguer le couple en insistant sur ses choix "inhabituels".

Revenons à la voix off
Malgré tout, elle a quand même du s’inscrire dans un hôpital proche de chez elle au cas où les choses se passeraient mal en dernière minute.
Catherine la sage-femme sera présente mais en cas de grave problème elle sera vite désarmée.

La phrase d’introduction du reportage « je ne suis pas Mme Soleil, je sais très bien qu’il peut se passer n’importe quoi» est reprise mais retrouve sa signification réelle car elle se poursuit ainsi «et donc il faut qu’on ait un établissement de repli». Ce qui, vous me l’accorderez, n’a pas tout à fait le même sens que le raccourci anxiogène de la présentation.

Coupure pub

Il est 5 heure du matin, Dinah vient de perdre les eaux, les contractions ont déjà commencé.
C’est seulement vers sept heures du matin qu’ils vont appeler très calmement la sage-femme.
 
Sonneries répétées du téléphone…
Sauf que Catherine ne répond pas.
Le fixe reste muet
Mathieu essaye de la joindre sur son portable.
Le répondeur se déclenche.
Le père laisse donc un message serein «Oui Catherine c’est Mathieu. C’était pour te dire que le travail avait commencé. Si tu peux nous rappeler quand tu as le message »

Il est 8 heures et ils n’ont toujours aucune nouvelle de la sage-femme… Cette fois ci c’est un peu tendu que Mathieu tente de la rappeler ; ce n’est pas elle qui va lui répondre mais une voix masculine … « Attendez, je vais aller lui dire, elle a eu un accident de voiture. Je l’appelle »
Puis Catherine commence à expliquer qu’elle a fait trois tonneaux, qu’elle s’est retrouvée aux urgences, que sa voiture est hors service. Pourtant, l’accident ne vient pas d’avoir lieu mais s’est produit la semaine précédente.

Pour avoir fréquenté quelques conjoints de sages-femmes accompagnant des accouchements à domicile, je peux témoigner que ce sont des "secrétaires" émérites, quasi aussi performants pour répondre et rassurer des parents que leur compagne.
Je n’imagine absolument pas l’un d’eux commencer par annoncer l’accident à moins qu’il ne vienne de se produire !
De même, je n’imagine pas une seconde ladite sage-femme s'attarder sur ses mésaventures avant de prendre des nouvelles des parents et surtout de les rassurer sur sa disponibilité.
J’imagine encore moins un futur père écoutant sereinement ces explications sans poser urgemment la question de sa possible présence.
Tout cela sent le montage. Un accident coco, ça le fait bien… on va en profiter pour mettre un peu de suspens… on pourrait laisser planer le doute ; la sage-femme est-elle blessée ? clouée au lit ? sans bagnole ? C’est bon ça coco !
Je ne doute pas de la réalité de l’accident - la pauvre Catherine se balade avec une minerve - mais de la spontanéité de ces échanges.

Coupure pub…

Dinah a perdu les eaux il y a quelques heures. Elle a décidé d’accoucher chez elle avec une sage-femme qui n’est toujours pas arrivée. La douleur devient difficile à gérer. Si elle avait choisi d’accoucher à l’hôpital, Dinah le sait, elle aurait sans doute craqué. Chez elle le seul refuge qu‘elle va trouver ce sont les bras de son mari qui ne sait plus vraiment quoi faire.
Il est 9 heures et la sage-femme n’est toujours pas là.                           
Le travail est long et difficile

Catherine la sage-femme arrive avec une demi-heure de retard.
Retard par rapport à quoi ???
Les parents sont rassurés ce qui n’empêche pas la douleur. Celle-ci devient de plus en plus intolérable pour Dinah qui reste concentrée sur sa respiration
Les minutes passent, Dinah continue de souffrir en silence
Les massages de Mathieu ne la soulagent plus. Celui-ci se sent complètement démuni pour aider sa femme.
Pour tenter de gérer la souffrance, Dinah ne cesse de changer d’endroit dans la maison. Elle se retrouve dans la cuisine. Elle souffre sans un bruit.

Comme Dinah apparait plutôt calme, qu’elle ne hurle pas, et donne ainsi l’impression de bien supporter le travail, il faut dramatiser un peu et la voix off multiplie les allusions à la douleur…

C’est vers 10h, cinq heures après avoir perdu les eaux …
Ah bon, je croyais que le travail était long et difficile ?!
que les choses vont brutalement s’accélérer. C’est aux toilettes qu’elle va appeler la sage-femme à l’aide, le bébé est en train d’arriver. Catherine va proposer à Dinah d’aller dans le salon.
Plusieurs minutes plus tard, Dinah va tout de même trouver la force de se déplacer.

Au final, Dinah accouchera debout dans son salon, sans aucune difficulté, d’un petit Antoine rose et paisible.

Tout cela doit sembler un peu trop facile puisque l’on redonne la parole au papa «D’après l’extérieur, on peut croire que ça été un peu dur mais bon mais moi je sais qu’elle a douillé»

Et d’ailleurs la voix off reprend : Dinah est épuisée mais heureuse.

Voilà. Manquent à ma transcription les images, les mots de Dinah, les commentaires de la sage-femme et une bonne partie des dires paternels. Mais ce reportage, une fois débarrassé de la voix off et des mises en scène propres à la télé réalité, laisserait une toute autre impression. Celle d'une naissance simple, vécue simplement.

Mais ça, c'est pas vendeur coco !


21 janvier 2011

Mictions impossibles

Massive, le cheveu dru et blanc, l’œil vif, la voix forte, elle ne passe pas inaperçue.

Elle vient pour traiter une situation invalidante, des besoins irrépressibles et très fréquents d’uriner qui la clouent chez elle. Elle fuit le marché qu’elle aimait tant, ne fait plus ses courses que dans une grande surface proche de son domicile disposant de toilettes facilement accessibles, a renoncé aux sorties organisées par le club des anciens, n’ose plus répondre aux invitations de ses amis.
75 ans, veuve, elle reste malgré son âge alerte et tonique ; mais sa vessie la condamne progressivement à la solitude.

Elle reprend espoir lorsque, osant enfin en parler à son médecin, il lui prescrit des séances de rééducation. Elle arrive chez nous bien décidée à corriger cette vessie devenue incontrôlable.

Nous travaillons donc, avec assiduité, motivation. Elle se plie sans protester à mes "exigences", répète les exercices quotidiennement, consigne avec précision ses ressentis, la fréquence de ses passages aux toilettes, note les petits progrès.
Au fil des semaines, elle reprend le contrôle de sa vessie, retrouve confiance, s’autorise une sortie au restaurant avec le club, puis s'aventure à une excursion en car. Libérée de ses anciennes contraintes, elle retrouve amis et joie de vivre.
Nous pouvons nous quitter.

Quelques mois plus tard, je la croise dans un des rayons de la supérette voisine. Quelques clients y font leurs courses, leur panier à la main. La musique de fond est discrète, l’ambiance aseptisée.
A quelques mètres l’une de l’autre, nos regards se croisent. Je n’ai pas le temps de m’approcher pour la saluer. Rompant le silence quasi monacal du temple consumériste, elle s’écrie avec force Oh ! Lola ! Ça me fait plaisir de vous voir, je pense à vous tous les jours quand je fais pipi !

Je prends de ses bonnes nouvelles puis me sauve sans oser lever les yeux sur les clients qui nous entourent.
Mais je m'amuse encore à l'idée ce qu'ils ont pu penser...

PS : Pardon pour le titre calamiteux. J'ai pas pu résister...

16 janvier 2011

Anti Mythe

Vendredi soir sur Arte, un film suivi d'un documentaire sur le thème de la dépression postnatale…

Après les avoir vus, un sentiment partagé…
Incontestablement, il était bienvenu d'aborder ce sujet. Oser montrer que ce n’est pas toujours le plus beau moment de la vie, qu'une femme ne devient pas forcément "la plus heureuse des mamans"... La façon dont l'histoire est traitée permet que l’on s’attache à cette jeune mère en détresse et éloigne ainsi le risque de jugement abrupt.

Le documentaire qui suit explique que toute femme peut être touchée, qu'il s'agit bien d'une pathologie et qu’il ne suffit pas de "se secouer" pour en sortir. Il souligne combien ces mères se retrouvent dans l’incompréhension totale de ce qu'elles traversent - état si éloigné du grand bonheur annoncé - et comment elles tentent de faire face jusqu’au craquage… C’est bien aux autres, familles, amis, soignants d’être attentifs et de savoir entendre la souffrance qu’il y a parfois derrière le sourire de façade, je suis un peu fatiguée mais ça va

Je regrette par contre que la "chute hormonale" soit la seule cause évoquée dans la fiction. Origine hormonale également reprise pendant le reportage bien que d'autres raisons psychosociales soient citées. La journaliste souhaite sans aucun doute insister sur les origines physiques de la maladie afin de déculpabiliser les femmes concernées. Mais cette explication mécaniste me semble critiquable, ne serait-ce que pour sa réciproque, l’imprégnation hormonale de la grossesse qui ferait de ces neuf mois une période de béatitude, autre légende infondée.

Le pourcentage annoncé (20%), est juste si l’on comptabilise toutes les formes de dépression, mineures ou majeures. Mais le documentaire n'envisage comme issue que la prescription d’antidépresseurs associée à une hospitalisation en unité mère enfant de plusieurs semaines... Est-ce à dire qu'une femme sur cinq devrait être hospitalisée après son accouchement ?

Michel Odent souligne ensuite qu’un accouchement mal vécu peut faire partie des facteurs déclenchant et c'est hélas une évidence. Il met en cause la médicalisation de la naissance et l'ocytocine de synthèse trop largement utilisée, bloquant la sécrétion d'ocytocine naturelle et privant ainsi les femmes de ses effets protecteurs. Il affirme qu’il n’y a pas - plus exactement qu’il n’a pas vu - de dépression post partum en cas d’accouchement à domicile.
Je m'interroge sur les mécanismes de prévention. C'est d'abord la continuité de l'accompagnement pre per et postnatal que permet l'accouchement à domicile qui me semble protectrice.

Car le documentaire a aussi le mérite d'aborder l'importance de l’accompagnement postnatal, soulignant que les sages-femmes allemandes suivent les familles plusieurs semaines après la naissance. Le commentaire précise que ce suivi n’existe pas en France. Soyons exact, il est possible mais n’est pas organisé. Les services de PMI et les sages-femmes libérales assurent cet accompagnement...s'il leur est demandé !

Mais ni les sages-femmes ni la PMI ne peuvent proposer un soutien dans la vie quotidienne. S'occuper des ainés, de la gestion de la maison, ne pas trouver d'autres bras disponibles lorsque le bébé pleure et que la mère s'épuise à le calmer... Dans le meilleur des cas, le père pourra assurer ce rôle mais le congé de paternité est bien court. Autrefois, ce quotidien était pris en charge par l'ensemble de la famille (des femmes de la famille, n'idéalisons pas !). Maintenant, chacun vit chez soi. Les couples y gagnent en indépendance mais perdent en échange repères et soutien... (les doulas sont évoquées mais pas précisément dans ce cadre d'intervention). Cet isolement, associé à l'exigence de perfection faite aux femmes est surement à prendre en compte dans l'augmentation des dépressions post partum.

Le reportage se termine sur les groupes de soutien. A défaut de rencontres dans le monde réel, le site de Maman Blues est une fenêtre virtuelle à ouvrir.

Je vous invite, si ce n'est déjà fait, à aller voir film et documentaire en ligne jusqu’à vendredi prochain.

 

 

15 janvier 2011

Partage

C’est une réunion de sages-femmes, un temps de rencontre où chacun peut évoquer son métier, son expérience, son ressenti, son vécu, ses attentes.
Un moment chaleureux où nous percevons la force de ce qui nous porte tous.
Un temps d’énergie partagée qui donne l’envie d’aller plus loin.

C’est aussi l’occasion d’évoquer les difficultés rencontrées.

L'une de nous prend la parole. Sa gorge est serrée, ses mots retenus, l’émotion affleure à chacune de ses phrases. Elle vient de passer une nuit sans sommeil auprès d’une femme dont l’accouchement était prévu à domicile. Au fil des heures, l’évidence s’est imposée. Cet enfant ne pourrait naitre à la maison.

Ils décident de partir à la maternité où la mère était inscrite - au cas où - maternité informée du projet initial... La sage-femme prévient de leur arrivée, en explique les motifs. Une fois sur place pourtant, l’obstétricien se braque. Il refuse de prendre en compte ce qui s’est passé auparavant puisque il n’en avait pas la responsabilité et exige que le protocole habituel soit suivi. Aucun respect pour la femme, son histoire, ses besoins, aucun respect non plus pour la sage-femme qui a accompagné les heures précédentes, qui sait ce qui s’y est passé, qui sait l’inutilité du protocole.

Bien plus tard, l’enfant naitra enfin, dans la tension, la fatigue, la violence.

Elle raconte. Sa voix ne tremble pas, ses yeux ne brillent pas, mais nous sentons chacune à travers ses mots sa souffrance. Il lui importe peu de ne pas avoir été entendue, que sa compétence lui ait été déniée. Non, la souffrance et la colère sourde qui l’habitent à ce moment sont celles de n’avoir pu protéger cette mère et son enfant de l’institution ; cette institution qui confond rigidité et sécurité, qui se défie du sur mesure en le prenant pour du laisser aller…

A cet instant, j’observe la main de sa voisine, autre sage-femme, qui vient de se poser sur son dos, verticalement, juste sous la nuque. Cette main, douce et immobile, affirme notre solidarité. Elle est un étai léger venant soutenir notre consœur.

Car nous partageons ce souci du bien être des couples et de leur petit, dépositaires d’un savoir que nous ne savons pas suffisamment transmettre.
Un savoir qui ne peut se dire en chiffres, en études randomisées, en odd ratio, en cohorte.
Un savoir qui s'appuie sur la force des femmes pour leur en donner plus encore.
Parce que l'histoire ne s'arrête pas à la naissance, elle se poursuit, elle recommence.

 


Sans rapport aucun (quoique...): l'on m'a demandé d'annoncer les Journées Annuelles d'Ethique qui auront lieu les 28 et 29 janvier à la Cité des Sciences. Je ne sais rien de plus que ce que dit le programme mais cet extrait du mail reçu me donne envie de relayer l'information :"Notre objectif : faire que les questionnements éthiques relatifs à la parentalité, la filiation et la place de l'embryon dans nos sociétés ne soient pas du seul domaine des spécialistes mais qu’ils puissent être appropriés et débattus par tous".

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12 janvier 2011

Légitime défense ?

Le 14 décembre dernier, la Fédération Hospitalière de France communiquait sur la pertinence des examens et actes médicaux. Parmi les "mis en cause", la césarienne, mode de naissance d'un enfant sur cinq.

En mars 2009, la FHF avait déjà produit un rapport consacré aux césariennes, notant un taux d'intervention toujours en croissance (+ 1.4% en 5 ans) et une pratique plus fréquente (+1.9%) dans les maternités de type I en secteur privé (21.5 %) qu'en secteur public (19.6%).
Les derniers chiffres annoncés par la FHF confirment leurs premières conclusions. Le taux de césarienne augmente encore légèrement : 20.1%en 2007, 20.23%en 2009. La différence entre maternité privée et public de type I se creuse : +  2.3%. Saluons au passage le bel effort d’une clinique parisienne, également de type I, qui voit baisser son taux de presque 6 % en 2 ans...  passant de 43,3% à  37,7 %.

Le secrétaire général du Syngof (Syndicat des gynécologues-obstétriciens) a réagi : «Je tiens tout d’abord à vous rappeler que les honoraires d’un accouchement sont cotés à l’identique avec une césarienne en secteur privé. Que la naissance se passe par les voies naturelles ou par césarienne il n'en coûte pas plus à la Sécurité sociale ».
Ce n'est pas la stricte vérité … Les honoraires du médecin sont effectivement les mêmes quel que soit le mode d’accouchement. Mais la Fédération de l'Hospitalisation Privée communiquait l’an dernier sur ses tarifs (en épinglant le secteur public…) et annonçait elle même des chiffres différents pour un accouchement (2 774,75€ ) et une césarienne (3 234,21€). Le coût pour la sécurité sociale n’est donc pas identique.
Je ne peux guère analyser plus loin car les calculs des tarifs en GHM et autres PMSI me sont particulièrement impénétrables… On peut imaginer cependant quelques frais supplémentaires pour l’assurance maladie car une intervention chirurgicale nécessite a priori un peu plus de suivi, d'examens complémentaires et traitements qu'un banal accouchement.

Mais des motivations autres que financières interviennent. Et là ce n’est pas moi qui le dit mais le Figaro, qui n'a pourtant pas la réputation d'un média hostile aux médecins. «Un bon connaisseur du monde de la santé souligne malgré tout que d'autres raisons peuvent expliquer les césariennes. Elles sont «pratiques» pour l'obstétricien quand elles sont programmées - en journée et en semaine. Et quelques cliniques se sont constitué un véritable «marché» en répondant toujours favorablement aux demandes des futures mamans que l'accouchement par voie basse inquiète.»
Il est effectivement plus simple d’organiser une césarienne qu’un accouchement à une heure dite...
Quant à répondre favorablement à la demande, encore faudrait-il se préoccuper de ce qu’elle couvre réellement. Laissons d'abord aux femmes l'espace et le temps de livrer leurs peurs, fréquent amalgame de fantasmes et d'idées reçues, afin qu'elles puissent s'en libérer.

Le secrétaire du Syngof ajoute "Si un taux croissant de césariennes est constaté, il est surtout la conséquence de conduites «défensives» des obstétriciens dont la couverture assurantielle reste insuffisante"
Que devons nous comprendre ? Il ne s’agirait donc pas de "bonnes pratiques" mais d’être inattaquable devant les tribunaux : «J’ai fait le maximum » ?
Soit la meilleure thérapeutique est réellement la césarienne et l’assurance n’a rien à voir la dedans.
Soit elle est autre et l’on choisirait sciemment de ne pas s'y conformer par souci de risque judiciaire.
Ainsi résumé, ça refroidit non ?
Allez, je l'avoue, ce raccourci brille par sa mauvaise foi. La médecine ne répond pas à une logique mathématique binaire et toute décision mêle analyse, expérience, probabilités, psychologie et bien d'autres facteurs encore.

La FHF n’est pas non plus exempte de critiques car les solutions préconisées sont surréalistes. « Le Pr Mornex, qui a dirigé son groupe de travail sur la pertinence des actes, prône des «bonnes pratiques opposables» - en clair, ne plus rembourser les examens qui ne correspondent pas aux préconisations qui font consensus au sein de la communauté médicale. «Mais elles doivent être opposables aussi en cas de conflit juridique»
Ne pas rembourser des actes quand ils ne correspondent pas au consensus, cela reviendrait à faire payer aux patients les excès de zèle des praticiens !
Quand aux préconisations opposables en cas de conflit juridique, autant annoncer le calcul par ordinateur de toute décision médicale : Grossesse banale: taper 1 / vous avez un facteur de risque : taper 2 / vous croulez sous les facteurs de risque : taper 3 et l'informatique décidera …

La décision médicale ne se prend pas en suivant un consensus, même s'il aide à éclairer nos choix, mais en prenant en compte l’ensemble des éléments médicaux, psychologiques, sociaux…

Il est certain que l'envahissement du médico-légal nous conduit à verrouiller nos dossiers, non dans le but de mieux soigner mais dans celui de nous protéger.
Il est vrai que les recours en justice sont en augmentation.
Mais la première prévention de ces excès ne serait-elle pas un dialogue honnête entre soignant et "soigné" ?

 


PS : je me répète.. cf ce billet

7 janvier 2011

Intimité

En fin de grossesse, ils se tracassent de savoir diagnostiquer l’avancée du travail, dans l’attente de l’arrivée de la sage-femme. Le futur père voudrait apprendre l’examen du col et de la dilatation.

La sage-femme se propose de les lui expliquer. Afin de pouvoir le guider, enfilant un doigtier et l’enduisant de lubrifiant, elle réalise elle-même un toucher vaginal.

Une fois son examen terminé, elle invite le père à faire de même. Il lui décrira ses perceptions et, forte de ce qu’elle vient de constater, elle pourra l’aider à décrypter ce qu’il ressent.

Bien évidemment, nul besoin pour lui de doigtier, mais force de l’habitude, avant d’introduire index et majeur dans le vagin de sa compagne, il les lèche avec application.

5 janvier 2011

Le chainon manquant*

France Inter hier soir. Une émission sur la naissance. Quatre invités, quatre hommes, quatre médecins, quatre professeurs. (3 obstétriciens, I.Nisand, Y.Ville, R.Henrion -ancien président de l’académie de médecine- et un pédiatre P.Vert).
Quid des sages-femmes, quid des parents ?
La naissance est chose sérieuse et ne peut être évoquée que par d’éminents spécialistes !

Sans surprise, l’émission s’ouvre sur les maisons de naissance "le projet marque le pas"...

Sans vous imposer une analyse exhaustive des débats, je retiens quelques points.
La demande pour un accouchement  moins technicisé est reconnue mais celle de l’accouchement à domicile balayée en quelques mots par I Nisand "on peut mourir à domicile". Sans surprise, il défend sa "maison de la naissance", huit salles d'accouchement au sein de la maternité de Strasbourg. Au détour d'une phrase, il reconnait enfin cette évidence, c’est la même chose qu'un espace physiologique. Effectivement, l'alternative - cependant intéressante -proposée à Hautepierre** n'est pas une maison de naissance. Les femmes sont accompagnées par les sages-femmes de garde, donc pas forcément connues et surtout pas forcément disponibles. Les sages-femmes se partagent entre les salles physiologiques et les autres et comme partout, elles font ce qu’elles peuvent…
Y Ville soulignera d’ailleurs l’intérêt du "1 pour 1" une femme, une sage-femme, organisation optimale qui supposerait une volonté forte des pouvoirs publics. Ce n’est pas le chemin que nous prenons actuellement…

I Nisand, dans son combat contre l'accouchement à domicile, envisage qu’une femme puisse accoucher à l’hôpital avec sa sage-femme et propose que l’on mette à la disposition des femmes et des sages-femmes qui le désirent le service public des maternités.
Louable intention ! Cette possibilité existe déjà, mais elle est très majoritairement refusée aux sages-femme libérales. Et lorsque la porte s’entrouvre, c’est souvent à la condition de se conformer strictement aux protocoles du services ; protocoles édictés pour pallier la multiplicité des intervenants, le manque de disponibilité des sages-femmes, protocoles standardisant les prises en charge en partant du principe qu'il vaut mieux en faire trop que pas assez.
Exactement à l’inverse de ce que l’accompagnement global permet de faire. Exactement à l'opposé de ce que parents et sages-femmes demandant cet accès au plateau technique souhaitent.
Dialogue de sourd...

Seront aussi abordées les sorties précoces. I Nisand présente le service d’hospitalisation à domicile de son établissement qu’il précise confié à « nos » sages-femmes (comme j’aime à entendre ce possessif).
Il défend la généralisation de cette organisation avec une nuance intéressante ; en ville, le service doit être assuré par les salariées, en rural (secteur plus difficile du fait des déplacements)…ben les libérales peuvent s’y coller. Que voilà une répartition harmonieuse ! Ne serait-il pas plus judicieux de travailler avec les libérales pour l’ensemble de ces visites (sachant que le prix de revient pour l'assurance maladie est alors divisé par 2 ou par 3 ?).***

Mais je retiendrai surtout cette réflexion d'Y Ville rappelant qu’en Angleterre, pour un nombre équivalent de naissances, il y a deux fois plus de sages-femmes et deux fois moins d'obstétriciens. Les chiffres sur la sécurité et la satisfaction autour de la naissance sont meilleurs là bas.

CQFD !

*le titre surréaliste de ce billet est du à la réflexion partagée par Y Ville puis I Nisand "la sage-femme est le chainon manquant"
** avec mon mauvais esprit habituel, je vous invite à observer tout particulièrement la diapositive N°9
***Il y aurait beaucoup à dire sur le développement de l’hospitalisation à domicile en périnatalité. J’y reviendrai dès que j’en aurai le temps (mes billets "d’actualités" en retard s’accumulent …).


1 janvier 2011

Voeu pieu !

Deux lieux "saints"
Saint Gaudens, maternité publique de type I en Haute Garonne « où il fait bon naitre » comme l’indique cet article. Maternité  avoisinant les 600 naissances annuelles ; une équipe en recherche, faisant preuve de disponibilité, d’écoute pour un accompagnement personnalisé.

Saint Avold, maternité PSPH* de type I en Moselle, accueillant 650 accouchement cette année. Une équipe en pleine réflexion, cherchant à améliorer ses pratiques pour mieux respecter la physiologie, en passe d’obtenir le label Hôpital amis des bébés.

La première a vu sa fréquentation augmenter de presque 50 % en 5 ans. On ne laissera pas la seconde recueillir les fruits de ses efforts. Sa disparition est annoncée comme imminente.
Que lui est-il reproché ? De manquer de rentabilité... On apprend incidemment de la bouche du directeur général que seules des maternités faisant plus de 1200 accouchements annuels seraient rentables.

En 1998, Bernard Kouchner annonçait la fermeture des maternités réalisant moins de 300 accouchements par an pour des raisons de sécurité. Cet argument de poids n'a jamais été démontré ; seule la nécessité d'adapter le "niveau de soin" au "niveau de risque" est prouvée.
Depuis, de nombreuses réflexions ont été menées afin d'orienter les femmes enceintes vers l'établissement adéquat.

Mais la médecine française a pour particularité de considérer toute grossesse, tout accouchement comme à risque. Conséquence logique, le concept de sécurité bascule progressivement vers l'orientation de toutes les femmes vers les grands centres de type III avec pour corollaire la fermeture des maternités de proximité (on comptait1379 maternités en 1975, moins de 600 actuellement).

Moins de maternités, plus de sécurité et - a priori - moins de dépenses. L'argument sécuritaire vient au secours de la nécessité économique. Que demander de plus ?

Sauf que ....
Ce n'est pas économique : La coordination nationale des hôpitaux de proximité l'affirme : Pour les maternités, les économies d'échelle sont inopérantes. Les frais de transport sanitaires explosent parallèlement aux fermetures. Les femmes sont contraintes de faire appel au 15 et à un transport par SMUR, voire à un transport héliporté avec un surcoût important et un risque d’insuffisance de moyens face à l’augmentation de la demande. Par ailleurs, le coût des actes techniques simples est moindre dans une structure de proximité (jusqu’à deux fois moins).

Ce n'est pas sécuritaire : Le nombre d’accouchements inopinés hors maternité augmente (en Isère, entre 1998 et 2005, ce nombre a été multiplié par 2.9 alors que le nombre des naissances n’a été multiplié que par 1.1**).

Les progrès de la médecine nous permettent de dépister les signes annonciateurs de complications afin que les femmes soient correctement prises en charge dans des lieux de haute technicité.
Mais lorsque tout s'annonce bien, et je le martèle dans ce blog, la "prise en charge" la plus économique et la plus sécuritaire se résume à un accompagnement attentif, au respect de la physiologie, des rythmes maternels… toutes choses que peuvent offrir de petite maternités à taille humaine ; toutes choses difficile à proposer dans le contexte des usines à bébé où les intervenants sont multiples et les actes protocolisés.

On pourrait faire tout aussi bien dans un grand centre que dans un "petit" à condition de réorganiser les prises en charge et de très largement augmenter le nombre de sages-femmes.

Une femme/une sage-femme sera donc mon vœu - totalement irréaliste -
pour l’année 2011 !

En attendant, allez signer la pétition pour la maternité de St Avold.



*participant au service public hospitalier : établissement privé de santé à but non lucratif
**Thèse  M.PONCELET, faculté de médecine de Grenoble, 2007

27 décembre 2010

Contraceptif

TGV bondé des retours de week-end… pas d’échappatoire, les wagons sont pleins.

Un petit enfant surement très fatigué envahit l'espace de ses cris. Ses parents cherchent à l’apaiser, le bercent, le cajolent, tentent de faire diversion. Rien n’y fait.
Le père se lève alors et emmène le petit plus loin, dans le sas séparant deux rames. Même de là, les pleurs emplissent le wagon

Ils cessent par intermittence, nous laissant espérer l'apaisement puis reprennent de plus belle. Le petit bonhomme s'époumone avec enthousiasme.
Les minutes s‘écoulent, les hurlements font vibrer l’air…

C’est alors que j’entends une voix masculine s’élever derrière moi, assez fort pour être audible dans le vacarme du moment.
Il s'adresse à sa compagne assise à ses cotés :
« C’est là que je me dis, faut pas qu' t'oublies ta pilule »

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