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Dix lunes

7 septembre 2010

Où l’on reparle des MDN

Hier soir, au JT de 20h*, sur France 2, cette annonce : Accoucher au naturel comme à la maison. Un nouveau type de maternité fait son apparition en Europe du Nord, sans médecin et sans chirurgie, c’est le dossier de cette édition.

Premier étranglement sur le «sans médecin, sans chirurgie» souligné en négatif dès le lancement du sujet.

Puis le journaliste lance le reportage : Et d’abord cette vogue des maternités alternatives. Dans l’établissement que vous allez découvrir, il n’y a ni médecin (encore !), ni bistouri, ni péridurale mais des soins comme à la maison. La tendance vient d’Europe du Nord (faux ! cela existe depuis les années 70 aux Etats-Unis). Inutile de dire qu’elle ne fait pas l’unanimité. Certains dénoncent un diktat naturaliste ou une régression. A Namur en Belgique, c’est le dossier de cette édition

Comme je m'étouffe déjà devant mon écran, je prends mon Larousse afin de vérifier ce que je crois comprendre.
Vogue = mode. Faut-il en déduire que les femmes s'enthousiasment pour d'autres façons d'accoucher au même titre que pour quelques chiffons ?
Diktat = exigence absolue imposée par le plus fort. Le plus fort actuellement n'est-il pas le pouvoir médical qui dénie trop souvent aux parents toute capacité de choix ?
Naturaliste = relatif au naturalisme, doctrine qui affirme que la nature n’a pas d’autre cause qu’elle-même et que rien n’existe en dehors d’elle. L'accouchement en MDN n'est en rien naturaliste. Il s'agit simplement de respecter au mieux les phénomènes physiologiques, de permettre à la mère de s'adapter à ses sensations et de rester vigilant pour dépister tout incident. Ce n'est en aucun cas le refus de la médicalisation, ni une croyance béate en la bienveillance de la nature.
Régression... Nul besoin de dico !

Nous voilà, en une simple phrase de lancement, bien rhabillées !

La suite apparait plus honnête. Je retranscris ci-dessous les commentaires en voix off de la journaliste. Le reportage débute par la visite de la Maison de Naissance, accueillante et chaleureuse, suivi de l'interview des sages-femmes, et de quelques images de la naissance d'un petit Sacha. Il se termine sur un repas convivial partagé entre femmes enceintes, jeunes mères et sages-femmes.

Un nid bien douillet... la maison est à l’abri du tumulte c’est l’œuvre de trois sages-femmes, trois femmes d’expérience et de conviction.
Ca commence toujours comme ça en douceur, à l’approche du bébé, on visite pour prendre ses marques.
Cet accouchement comme le premier, la jeune femme le désire sans médecin ni bistouri, sans médicaments sans hôpital.
Et ici tout est possible, prendre un bain chaud pour dilater, s’accrocher à une écharpe pour pousser. Rien de médicalisé que des méthodes naturelles et parfois inhabituelles comme ce gros ballon pour bien placer le bébé.
Bien sur il restera la douleur, il n’y aura pas de péridurale mais des massages, du réconfort, de la parole.

En 5 ans, 200 bébés sont nés dans ces deux chambres On est loin des gros rendements des maternités, c’est un peu du sur mesure
Un accouchement moins médicalisé qu’à l’hôpital qui coute donc moins cher à la sécurité sociale belge mais les futures mères doivent cependant verser une participation de 300 euros à la Maison Des Naissances
Ici on milite donc pour du naturel. Pour autant pas question de négliger la sécurité , la surveillance est la même qu’à l’hôpital
De toute façon, elles prennent le minimum de risque, pour accoucher ici, les femmes doivent être plutôt jeunes, en excellente santé, leur bébé aussi.
En cas de problème il y a toujours la clinique à 300m et l’hôpital un peu plus loin. En 5 ans, il y a eu 4 transferts dont un en urgence. C' ’est peu mais du coté des médecins la MDN suscite quand même quelques réserves.

Un médecin au discours convenu apparait alors à l'écran : En cas de problème, et le problème peut surgir de façon brutale et  de façon inopinée, les minutes parfois comptent et le transfert de la MDN vers un hôpital outillé peut prendre du temps.

Alors que les études prouvent la sécurité des prises en charge par les sages-femmes, on nous ressort la rengaine de la complication brutale et imprévisible. Il est vrai qu'il nous reste beaucoup à comprendre sur les mécanismes qui préservent ou perturbent la physiologie de l'accouchement. Mais les études le prouvent, si l'on s'adresse à une population sans facteurs de risques particuliers, si l'on respecte les processus physiologiques, si l'on permet à la femme de lâcher prise en toute sécurité affective et psychologique, les complications sont rares, dépistées souvent bien en amont avec la possibilité d'y remédier sereinement. Dans ces conditions, l'accompagnement global (une même sage-femme tout au long de la grossesse, accouchement et suites de couches) donne d'aussi bons résultats en terme de santé maternelle et néonatale avec moins d'interventions.

Ils sont l’un avec l’autre, un précieux instant d’intimité filmé par les sages-femmes. L’ultime douleur quand le bébé arrive ;
Sacha est né le plus naturellement du monde, sans péridurale. Mais est ce que toutes les femmes doivent accoucher ainsi ?

Bénédicte de Thysebaert, sage-femme : Il n’en est pas question ; les maternités sont là pour la majorité des gens. Les MDN c’est un petit projet avec peut-être une population marginale avec des gens qui n’ont pas envie de fonctionner comme tout le monde. Et pourquoi pas ? On a aussi le droit d’avoir un autre projet.

Retour en plateau avec cette phrase de conclusion : En France, l’expérimentation devait commencer il y a 3 ou 4 ans, le décret n’est finalement jamais paru.

Motifs de cette non-parution ? Analyse sociologique ? politique ? économique ?  Interview de sages-femmes et de parents militant pour ces projets en France ?  Perspectives ?
Nous n'aurons rien de tout cela. Merci France 2 pour ce dossier "fouillé" !

* à la 20ème minute précisément si vous souhaitez le visionner (en ligne pendant une semaine)

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6 septembre 2010

Précipitée

Ils ont différé leur projet d’enfant de quelques années, le temps d’installer solidement leur vie professionnelle. Elle vient de créer son entreprise, s’inquiète de parvenir à forger sa clientèle, de pouvoir rembourser ses charges.
Un oubli de pilule peut-être, ou une prise de médicament contre indiqué… en tout cas un dérapage dans une contraception suivie et bien acceptée.

Les nausées, la fatigue, la tension de ses seins l’ont alertée. Sans y croire, elle se procure à la pharmacie voisine un test de grossesse. Elle espère y trouver la confirmation de son délire. La découverte du petit + les anéantit.
Recourir à l'IVG leur apparait alors comme une douloureuse évidence.

Pourtant, lorsqu’ils viennent me voir pour la première fois, ils n’hésitent presque plus à poursuivre la grossesse. Cette maternité vient bouleverser tous leurs projets mais ils pensent maintenant aux cellules grandissant au creux de son ventre comme à leur bébé.

Quelques semaines passent encore et je signe la déclaration de grossesse. Cet enfant sera le bienvenu.

Nous nous revoyons, souvent, car des saignements répétés viennent l’inquiéter.
La première fois, nous mettons ces pertes brunes sur le compte d’un col un peu fragile après un rapport sexuel… Mais les saignements se reproduisent, chaque fois un peu plus abondants, un peu plus écarlates. L’échographie demandée pour vérifier le placenta ne décèle rien d’anormal.

Nous nous rassurons.
Ce bébé "non désiré" est maintenant très attendu.

Puis elle m’appelle en pleurs ; elle perd beaucoup de sang et est hospitalisée en urgence. Après quelques jours de repos, les pertes semblent se tarir, l’échographie ne révèle rien de particulier et sa sortie est acceptée. Mais elle saigne à nouveau, revient en maternité pour être surveillée attentivement. Les échographies se suivent pour tenter de comprendre la cause de ces hémorragies. Un jour, on accuse le placenta, placé trop bas, le surlendemain, on affirme au contraire qu'il est loin du col utérin. La médecine ne sait rien, ne peut rien et ses allers retours à l'hôpital se répètent.

Elle espère un moment pouvoir reprendre son travail mais le repos strict est la seule thérapeutique proposée. Elle respecte scrupuleusement la consigne bien que cela mette en péril sa jeune entreprise.

Son absence forcée risque pourtant d'être écourtée. Les saignements ont redoublé et personne à la maternité ne semble très optimiste sur la poursuite de sa grossesse.

Elle est à 6 mois.

1 septembre 2010

Enthousiasme

Elle a accouché il y a quelques mois. Nous prenons le temps de faire le point après l’année si dense qui vient de s’écouler, l’attente de ce bébé, le paroxysme de l’accouchement, la nécessaire adaptation à cette nouvelle vie à trois...
Elle rayonne.
Elle évoque l’harmonie revenue, le plaisir d’avoir repris son travail, le bonheur de retrouver son petit en fin de journée, l’amour pour son homme, grandi encore par l’arrivée de leur enfant.
Quand vient le temps d’évaluer ses besoins en rééducation périnéale, je l’interroge - entre autres nombreuses questions ! -  sur sa sexualité.
Dans un éclat de rire, elle explique que cette maternité l’a révélée ; si elle ne s’estimait pas insatisfaite auparavant, son plaisir atteint maintenant des sommets jamais imaginés.

Lors de l’examen qui suit, je découvre sur la paroi vaginale une toute petite zone d’érosion, douloureuse au toucher, qui me laisse perplexe.

C’est elle qui me souffle le diagnostic… une muqueuse quelque peu "brutalisée" par des rapports fréquents et enthousiastes !

25 août 2010

Mépris

« Le comité de défense de la gynécologie médicale a certes été créé par des gynécologues mais aussi par des femmes inquiètes pour leur santé et celle des générations futures. (...) A l'heure actuelle, il ne reste que 1000 gynécologues pour près de 30 millions de femmes en âge de les consulter. (...) La moyenne d'âge des gynécologues médicaux aujourd'hui en exercice est de 57 ans. Et à chaque départ en retraite, ce sont des centaines de femmes qui se retrouvent sans suivi gynécologique. Sans compter les jeunes filles qui ne trouvent pas de thérapeutes car les consultations sont saturées et que les médecins ne prennent plus de nouvelles patientes.
La proposition de les remplacer par des sages-femmes et des infirmières pour la pilule, à des médecins pour le frottis ne va pas dans le sens d’une protection cohérente. La pose d’un spéculum n’a rien à voir avec celle d’un abaisse langue.
Dévoiler son intimité exige un endroit et un interlocuteur particuliers. C’est faire de cette médecine dédiée aux femmes une sous médecine et peu de cas des patientes ».

Ce texte d’anthologie est extrait d'un article paru dans la revue Prima de septembre 2010.
Si l’auteur de ces lignes (signées "la rédaction") avait voulu déclencher la fronde des sages-femmes et des médecins généralistes, il ne s’y serait pas pris autrement. Je ne sais pas qu’elle est son histoire et quels comptes tentent de se régler ainsi mais son article de soutien à la gynécologie médicale m'apparait bien maladroit !

Je laisse les médecins généralistes se défendre eux même en les assurant de toute ma solidarité.

Et me permets de faire à nouveau - piqure de rappel - une petite mise au point sur les compétences des sages-femmes.
La prescription de contraceptifs (et pas seulement de pilule) par les sages-femmes est possible depuis 2004 en postnatal, et pour toute femme en bonne santé depuis 2009. (Pour les infirmier(e)s, la situation est quelque peu différente puisqu' ils peuvent renouveler la prescription d’un médecin ou d’une sage-femme afin d’éviter qu’une femme ne se retrouve en panne de pilule).

Je rappelle aussi, pour répondre à la louable préoccupation de cohérence, que les sages-femmes pratiquent les frottis. Dans un autre paragraphe de l’article, il est précisé que le nombre de cancer du col de l’utérus a été divisé par 4. Ces résultats seraient-ils liés au type de diplôme du praticien réalisant le prélèvement ? Merci de bien vouloir nous faire partager le mérite de la prévention…

Et si l'on peut déplorer mon inexpérience en matière d’abaisse langue (!), la pose d’un spéculum est un geste banal pour une sage-femme.

Dois-je enfin m’attarder sur "l’endroit et l’interlocuteur particuliers" nécessaire au dévoilement de son intimité ? Il me semble que nous sommes des interlocuteurs très spécifiques et très habituées à l’intimité des femmes…

Que l'on ne se méprenne pas, je ne souhaite pas la disparition des gynécologues médicaux. Je suis heureuse de pouvoir faire appel à des médecins référents, prenant le relai pour les situations complexes dépassant mes compétences. Je demande simplement que l’on réexamine les rôles respectifs de chacun pour une collaboration efficace.
La sage-femme peut être une interlocutrice de "première ligne", parfois moins intimidante pour la jeune fille qui vient se renseigner sur une première contraception, plus facilement accessible pour la femme dont elle a suivie la grossesse. Comme nous le faisons au quotidien pour l'obstétrique, nous nous assurons de la physiologie d'une situation donnée, et dépistons ce qui pourrait faire basculer dans la pathologie. Notre rôle s'arrête précisément là.

Ce n'est pas de la "sous médecine" que de prendre le temps du dépistage et de l'accompagnement. Ce n'est pas faire "peu de cas des patientes" que de s'appuyer sur la prévention et l'écoute.

Mesdames (et Messieurs ?) de la rédaction Prima, je ne vous salue pas !

20 août 2010

Retrouvailles

Dimanche humide, trop pour partir en balade et finalement trop pour jardiner ; la pluie me fait battre en retraite. Je passe de longues minutes à nettoyer mes mains noircies de terre.
Je suis en train de les sécher lorsque mon portable "pro" sonne. Heureux hasards successifs : il n’est pas éteint bien que je ne sois pas d’astreinte, il est suffisamment proche pour que la sonnerie soit audible et je décroche sans réfléchir plus.
Une voix d’homme. Je connais bien ce couple, rencontré pour le suivi de la grossesse et la préparation à la naissance. Elle est à terme et doit accoucher au centre hospitalier, pas bien loin de chez eux…

…. trop loin cependant. Il explique en quelques mots : "elle a envie de pousser, j’ai appelé les pompiers et elle m’a dit de t’appeler aussi".
Je suis déjà dans ma voiture, m’oblige à m’arrêter un peu plus loin pour vérifier le plan, arrive peu après à leur domicile, finalement facile à repérer, le camion de pompier y est déjà garé !

La maison est silencieuse. Elle est de dos, soutenue par deux pompiers. D’un mouvement impérieux des épaules, elle se dégage, s’agenouille au sol et vient prendre appui sur un gros ballon fluo qui détonne au milieu du salon de cuir fauve.

Je m’accroupis à coté d’elle. Percevant ma présence, elle lève une paupière et me salue d’un demi sourire, concentrée sur ses ressentis, indifférente à ce qui l’entoure. Surtout, ne pas la déranger… Les pompiers attendent pourtant mon verdict. J’effleure son bras pour capter son attention et lui chuchote que je vais l’examiner. D’un hochement de tête, elle m’y autorise. Elle est à quatre pattes, bras et tête posés sur le ballon ; un rapide toucher vaginal, sans qu’elle ait à modifier sa position, me permet de confirmer : dilatation complète, tête engagée partie moyenne… trop tard pour partir. Elle semble de toute façon bien résolue à ne pas bouger.

Une contraction monte. Son souffle appuyé accompagne la progression de son bébé, ses yeux sont clos. Les pompiers  s'affairent à organiser un semblant d'ordre médical dans la pièce, aménageant une sorte de lit d'accouchement sur la table de la salle à manger.

Je fais signe que nous resterons au sol. Ils n'insistent pas et glissent un drap de papier bleu sous nos genoux.

Elle souffle quand son ventre se tend, se relâche ensuite. L'atmosphère est feutrée. A peine quelques mots murmurés de temps à autre pour l’assurer que tout va bien. Entre temps, le Samu, appelé lui aussi, est arrivé. La sérénité qui règne les surprend et je les entends s'étonner derrière nous « Ah bon, c’était un accouchement prévu à domicile ? ».
Malgré les nombreuses personnes présentes, la pièce reste calme. Les pompiers se sont retirés un peu plus loin, l’équipe du SAMU installe son matériel sans faire de bruit et je leur en sais gré.

La naissance tarde un peu. Je m’étonne de sa poussée qui me parait plus pensée qu’instinctive. Elle murmure «assise, ça poussait plus »… Je l’invite à changer de position. Elle se redresse, s’accroupit et son homme se place debout derrière elle pour la soutenir par les aisselles. Son souffle devient plus rauque. Des boucles brunes apparaissent rapidement sur le périnée. Je l’encourage à souffler doucement pour ralentir un peu la progression au passage de la vulve puis la tête se dégage toute seule. Mes doigts cherchent le cordon entourant le cou de l’enfant pour le dérouler rapidement, une autre poussée, un tout petit geste pour aider au passage des épaules et le bébé glisse entre mes mains. Il est un peu cyanosé. Le médecin du Samu voudrait couper le cordon immédiatement mais il accepte de temporiser. J'invite la mère à respirer profondément et son bébé rosit rapidement.

Il porte un prénom d’ange.

Trop peu de temps est laissé à l'émotion. La pièce s’anime soudain. Pompiers et Samu reprennent les choses en main, la maman est allongée sur un brancard, le petit examiné puis posé contre le sein maternel.
En quelques minutes, le brancard est roulé dans l’ambulance et toute la famille part pour l’hôpital.

Je rentre doucement, passant et repassant le film en boucle.

Aucune appréhension, aucune hésitation, tous les automatismes revenus comme si la dernière naissance accompagnée datait de la veille… alors que cela se compte en années.
Revenu surtout le bonheur de cet essentiel partagé.

Tout m’est revenu sauf ... le petit mouvement nécessaire à éviter la giclée de liquide amniotique qui accompagne la sortie du nouveau-né.
A genou aux pieds de la maman, j'ai oublié de reculer …

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19 août 2010

Retour au réel

Le téléphone sonne.
Je suis seule au cabinet ce matin là et prend la communication.
"Cabinet de sage-femme, bonjour !
- Bonjour, je voudrais prendre rendez-vous.
- A quel moment êtes-vous disponible ?
- Euh euh 
- raclement de gorge - euh euh euh… Avant, je voudrais savoir si on a le droit de choisir la sage-femme ?
- Bien évidemment ! Par quelle sage-femme souhaitez vous être reçue ?
- Euh euh  -
reraclement de gorge - euh euh euh… N'importe laquelle sauf Lola…"

Lola c’est moi… mais je me garde de le lui dire, ça ne ferait que la mettre en difficulté.
Je lui fixe rendez-vous avec l’une de mes collègues, note ses coordonnées avec application…
… et raccroche un peu chamboulée en m'interrogeant sur la cause de mon exclusion.

 

Ce petit extrait de la vraie vie pour tempérer les commentaires reçus ces derniers jours. Personne n'est parfait, surtout pas moi, et personne ne donne toujours le meilleur de lui même, moi non plus.
Le blog est un reflet embelli du quotidien. Je suis forcément plus encline à relater une belle rencontre qu'à avouer mes maladresses ou mes impatiences.
S'il fallait retenir quelque chose de ce que j'écris ici, c'est que l'acte de soin s'apparente à un contrat entre "soigné" et "soignant". Le soigné doit s'autoriser à affirmer ses besoins, le soignant savoir préciser et expliquer ses limites.
C'est ainsi que les uns et les autres peuvent décider de s'engager plus avant... ou pas !

18 août 2010

Merci !!!

Merci de vos bons vœux, de vos doux mots, de vos encouragements.
Je ne saurais traduire les émotions multiples qui m’ont traversée en lisant commentaires et mails reçus depuis la parution du dernier billet.
Je ne suis que la passeuse…

Régulièrement, une femme, un couple reviennent me voir pour m’annoncer une nouvelle grossesse. Immanquablement, nous évoquons la précédente. Flash back enjoué sur ce que nous avons partagé pendant presque une année, souvent conclu par une sorte de bilan de ce qu’ils en ont gardé, conscience avivée de leur responsabilité, place du médical revisitée, confiance grandie.
Parfois ils ajoutent, doucement, comme pour ne pas me peiner, «Ce bébé là naitra chez nous»
Je sais alors que nous allons nous quitter, que je n’aurais pas le plaisir de savourer plus avant nos retrouvailles, qu’une autre sage-femme les accompagnera et veillera sur eux et qu’elle fera ce que je ne sais pas faire, leur permettre de voir leur projet s’accomplir.
C’est à la fois un bonheur et une déchirure.

Pourquoi n’ai-je jamais sauté le pas ? Si près de le faire, à plusieurs reprises, puis les hasards de la vie qui disent non.
Le temps a passé, trop. Investie dans d’autres formes d’accompagnement et de militance, mon chemin est ailleurs. Je ne dis pas jamais, mais il faudrait que la vie soit sacrément sympa avec moi… (elle l’a été récemment, billet à venir).

La passeuse est celle qui donne envie, qui donne confiance, qui aide à grandir un peu... pour que l’on ait plus besoin d’elle.
Ici ou dans la vraie vie, je tente d'être celle là.

12 août 2010

365/162

87 000 visiteurs (dont d'inévitables égarés ayant tapé quelque avatar du mot sexe sur Google), 153 000 pages lues, 162ème message… Ce blog a 365 jours.

Bilan de mon année de pianotage.
Emportée par un tourbillon de souvenirs, de rencontres, d’émotions.
Absorbée par la quête du mot juste, celui qui traduira au mieux les bonheurs ou les colères.
Touchée à la lecture de vos commentaires affutés.
Angoissée lorsque le dernier billet se fait vieux et qu’aucun nouveau texte ne se profile pour nourrir l’ogre.
Stressée au rythme des connexions avec, les jours creux, la crainte commune à tous les écrivaillons « on ne m’aimerait plus ?? »

Et puis l'autre versant du blog, les messages "privés" reçus grâce à « contacter l’auteur ». Je ne m’attendais pas à cet afflux de témoignages, déposés tels des bouteilles à la mer par celles et ceux qui désespèrent d’être entendus…

Au printemps, l’accumulation de récits douloureux de femmes traumatisées - le mot n'est pas trop fort - par leur accouchement m’a bouleversée ; dépositaire de leurs paroles, solidaire évidemment mais combien impuissante.
Cet été, c’est la souffrance des étudiants qui m’est rapportée ; elle me révolte tout autant.

Ecrire pour dénoncer ce qui ne doit pas être.

Et puis hier, comme un cadeau, ce message de Béatrice. Elle raconte avoir vécu un premier accouchement qu'elle qualifie de très impersonnel, en avoir presque jalousé certaines femmes dont je transcrivais l’histoire ici. Pour son deuxième enfant, une maternité a su lui offrir l’accompagnement qu’elle souhaitait :
« J'ai vécu un accouchement de REVE, l'accouchement idéal. Il était long, certes, mais chaque intervenant a tellement respecté mon corps, mon bébé, le papa, le travail... que si c'était à refaire, ce serait absolument à l'identique ».

Je veux écrire encore si cela permet à quelques uns d’oser laisser éclore leurs désirs pour leur donner réalité…

 

PS : à l'occasion de cet "anniversaire", une pléthore de commentaires ?

10 août 2010

Subliminale

Offensive marketing reçue il y a quelques semaines, vantant les mérites d’un dispositif intra-utérin hormonal que chacun reconnaitra.

Livret papier glacé.
Esthétiques photos noir et blanc de femmes enceintes et de nouveau-nés, accompagnées de vignettes couleurs affichant des portraits de sages-femmes. Toutes sont jeunes, jolies, souriantes (et - accessoirement ! - de sexe féminin…).

Texte épuré : "Vous faites le plus beau métier du monde", déclinant ensuite notre activité en termes choisis "préparer la naissance, accueillir la vie, entourer, protéger, conseiller".

Beaux "soignés",  belles soignantes, beau métier, voilà notre ego correctement flatté !

En y regardant de plus près, les sages-femmes arborent la casaque verte propre au bloc opératoire ou la blouse blanche. Blouse commune à de nombreux professionnels de santé, si ce n'est un détail essentiel… elle est négligemment déboutonnée. Tout ceux qui ont trainé leur guêtres dans les hôpitaux savent que la blouse portée ouverte - que ce soit sur torse velu, chemise blanche ou chemisier liberty - désigne implicitement le médecin. La plèbe porte sa blouse fermée sur un soutien-gorge éventuellement sexy mais dissimulé aux regards.

Autre objet hautement symbolique présent sur toutes les vignettes, le stéthoscope, nouvelle allusion aux médecins, en particulier par la façon dont il est porté : dépassant maladroitement d’une poche ? pendu autour du cou ? Non, il serpente élégamment sur les épaules, retombant de part et d’autre du col tel un sautoir contemporain…

C’est donc avec cet argument subliminal que le laboratoire cherche à nous séduire, sollicitant officiellement les sages-femmes, suggérant officieusement les médecins.
Ne pourrions-nous avoir plaisir à n'être "que" sage-femme ?

Dernière erreur de communication dudit laboratoire : il existe sur leur site un espace "professionnels de santé" comprenant plusieurs rubriques, gynécologues, neurologues, radiologues, pharmaciens… mais nulle trace des sages-femmes.

Fâcheux oubli !

6 août 2010

Mauvaise grâce

Elle est assise en salle d’attente, je la salue et l’invite à me suivre mais elle ne se lève pas. Brandissant son agenda, elle annonce que l’un des rendez-vous fixés devra être déplacé.
«Aucun problème, allons nous installer et nous verrons cela ensuite».
Elle reste immobile et insiste. Cédant à son obstination, j’ouvre le carnet de rendez-vous mais elle ne sait plus quelle séance elle souhaite décaler. Elle consent finalement à entrer dans le bureau de consultation mais son peu d'empressement m’apparait déjà comme une première alerte.

Elle décrit des fuites urinaires quotidiennes et importantes. Jeune, une grossesse et un accouchement sans problème suivis de séances de rééducation périnéale, pas de tabac, pas de surpoids, pas de sport intensif… je ne retrouve aucun facteur de risque.

Quelque peu déconcertée, je lui demande de détailler les situations déclenchant ces fuites. 
- «Rien de précis, ca coule tout seul.
- Tout seul, vraiment, il ne se passe rien ?
- Si, si, quand je tousse ou quand j’éternue.»

Je crois un instant tenir mon diagnostic et note doctement dans son dossier "IUE* (toux, éternuement)".
Mais elle reprend «souvent aussi, ça coule tout seul».

Je tente de mieux cerner ses symptômes en posant des questions précises mais ses réponses se font de plus en plus hésitantes.
J'expose les causes possibles, une incontinence d'effort, une fistule entre vessie et vagin - fort peu probable - ou tout simplement des sécrétions vaginales abondantes. Pour établir le diagnostic, je lui propose d'observer ce qui se passe de façon plus attentive pendant quelques jours et de réaliser un test en colorant ses urines afin de déterminer avec certitude l'origine de ses pertes.

Ses yeux s'écarquillent. A la réflexion, elle penche, elle est quasi certaine, qu'il s'agit de pertes blanches. Je souligne que nous devons cependant traiter les fuites à la toux et l'éternuement. Finalement, ça ne lui arrive que rarement, «à peine une fois par trimestre» affirme-t-elle avec assurance.

En moins d’une demi-heure, nous voilà passées d'une incontinence urinaire majeure à des secrétions vaginales physiologiques - bien que profuses - et d'exceptionnelles fuites vésicales.
Le traitement se montre d’une rare efficacité !

J’évoque alors la possibilité de rééquilibrer la flore vaginale afin de diminuer les secrétions.
«Si ça marche, est ce que j’aurai quand même besoin de rééducation ? »
Difficile à affirmer puisque je n’ai encore fait aucun examen clinique. Mais devant son évidente réticence, je lui propose d'attendre la fin du traitement avant de me rappeler. Elle pourra alors juger de la nécessité des séances.

Elle s’empare de mon ordonnance avec joie et s'enfuit à pas rapides.

Je résiste à l’idée d’annuler tout de suite la série de rendez-vous. Je vais attendre qu’elle ne me rappelle pas …

*IUE : incontinence urinaire d'effort

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