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Dix lunes

10 janvier 2010

Coachée bis

Je déroge à la règle d'un seul message quotidien pour répondre aux commentaires du billet précédent, qui me demandent de me positionner sur les doulas. J'ai pour l'occasion ressorti de mes cartons un courrier adressé à une doula en 2008.

Les échanges entre sages-femmes et doulas sont quasi inexistants, la position des sages-femmes à votre égard oscillant le plus souvent entre indifférence et hostilité … Vous avez pris la peine d’adresser un courrier à l’ensemble des sages-femmes libérales de la région et votre volonté d’ouvrir le dialogue appelle une réponse.

L’apparition des doulas  vient questionner la profession de sage-femme. J’ai coutume de dire que c’est une mauvaise réponse à une très bonne question, celle du manque d’accompagnement proposé aux parents. En disant cela, je ne veux pas défendre la corporation des sages-femmes mais une éthique professionnelle que je porte depuis toujours et qui s’est précisée au fil des années.

Vous évoquez un soutien personnalisé durant la grossesse, l’accouchement et le post-natal. C’est exactement ce que les sages-femmes exerçant en libéral offrent.
Pourquoi introduire un nouvel élément dans cette relation ?  Je ne sais pas précisément ce que vous proposerez aux parents mais sur les sites de doulas, les thèmes évoqués correspondent au travail de la sage-femme.  Pourquoi vouloir nous déposséder d’une partie essentielle de notre métier, l’accompagnement ? La profession de sage-femme ne se résume pas à une succession d’actes techniques. Elle tire sa richesse de la « prise en charge » multiple, médicale psychologique et sociale, d’une femme mais aussi d’une famille. Les sages-femmes ayant choisi l’exercice libéral l’ont fait pour cela, pour disposer du temps et de l’espace nécessaire à cette présence.

Il y a par ailleurs un paradoxe à voir les doulas accompagner les femmes en salle de naissance  (ce que je défends cependant car je veux voir respecté le droit des parents à choisir) quand cette place est refusée aux sages-femmes libérales.
Vous le savez peut-être, aucune maternité de la région n’accepte de nous ouvrir son plateau technique…reste le choix de l’accouchement à domicile mais cette décision nous oblige à travailler sans assurance et sous la pression constante de tous les opposants. J’admire celles qui ont l’énergie et le courage de choisir cette option. Cet  engagement est bien plus qu’un choix d’exercice professionnel, c’est un choix de vie … Après beaucoup d’hésitations, je n’ai pas fait ce choix. Mais nous espérons voir s’ouvrir la possibilité d’une prise en charge globale avec la maternité X. Nous travaillons actuellement à faire avancer cette idée.

En attendant cette ouverture, nous sommes présentes dans le pré et le post natal. En assurant suivi de grossesse, préparation à la naissance, suites de couche à domicile, suivi de l’allaitement, suivi du nourrisson, rééducation périnéale, nous offrons une réelle continuité d’accompagnement aux parents.  Nous sommes par ailleurs joignables en permanence, même en dehors des heures d’ouverture du cabinet.

Effectivement, au sein des maternités, temps et disponibilité manquent cruellement. Mais l’alternative « doula » aboutirait à morceler encore l’accompagnement et réduirait les sages-femmes à n’être que des techniciennes. Un des combats de la profession est  « une femme/une sage-femme » parce que nous savons nos rapports avec les couples ne peuvent se résumer à l’apport de compétences médicales.

Il existe bien un terrain non superposable aux nôtres : celui de la prise en charge du quotidien. Ce rôle, autrefois dévolu aux familles, n’est plus assuré. C’est me semble t-il dans cette présence, apportant soutien affectif mais aussi logistique que les doulas peuvent rejoindre et compléter le travail des sages-femmes.

Un dernier point reste à évoquer,  celui de vos tarifs ; il est normal que vous soyez rémunérée pour un travail, mais cela me pose question si le même travail peut être effectué par une sage-femme et pris en charge par l’assurance maladie…

Vous le devinez, ce sujet est pour le moins épidermique… J’ai  tenté de poser  calmement mes interrogations mais peut-être le coté épidermique transparaitra-t-il quand même, pardonnez moi. Je suis de toutes mes forces attachée à la profession que j’ai choisie par vocation il y a plus de 30 ans. Je me bats pour qu’elle redevienne ce qu’elle n’aurait jamais du cesser d’être,  pour qu’elle soit au service des parents.

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10 janvier 2010

Coachée

Il fallait s'y attendre, le coaching pour femme enceinte est arrivé sur le marché. Plusieurs offres circulent sur le net.
Les annonces sont alléchantes, une grossesse heureuse, sans la moindre angoisse, un accouchement merveilleux, accompagnement des femmes en période de transition dans l'épanouissement de leur vie (sic).
Aucun tarif n'est précisé, pour savoir à combien se monnayent ces services, il faudra prendre contact avec le coach.

Quelle incompétence criante de notre part, nous professionnelles de la naissance, qui n'avons pas trouvé le Graal permettant aux femmes de vivre à coup sûr ces neufs mois sans "la moindre angoisse".
Qu'une femme ne reste pas seule face à ses questionnements est évidemment nécessaire. Mais ce soutien est déjà proposé par des professionnels de santé, qui plus est conventionnés.

Cette irruption d'une certaine forme d'économie libérale dans le système de santé apparait périlleuse. Parmi les décideurs, certains cantonneraient bien les sages-femmes aux actes techniques, en déléguant toute forme d'accompagnement à des coachs auto proclamés et non remboursés par l'assurance maternité.
Comme déjà souligné dans d'autres billets, les finances publiques gagneraient à replacer les sages-femmes au cœur de la périnatalité physiologique, à favoriser l'accouchement à domicile et en maison de naissance, à privilégier l'action préventive d'un accompagnement apaisant plutôt que l'action curative de thérapeutiques couteuses...

Les sages-femmes réclament les moyens de proposer cette prise en charge globale, continue, évidemment médicale, mais aussi psychologique et sociale. 
Du début de la grossesse à la fin du suivi post-natal, c'est une année entière partagée avec une femme, un couple, une histoire, relation chaleureuse et sécurisante qui se construit et se renforce au fil des mois et peut se poursuivre à chaque nouvel enfant. De plus, la compétence pour le suivi gynécologique récemment accordée aux sages-femmes nous permet maintenant de prolonger cet accompagnement entre deux grossesses.

Alors non, pas de coach venant rassurer une future mère en nous laissant le soin de vérifier la tension artérielle ou la hauteur utérine.
Il y a plus de 3 000 sages-femmes libérales, plus de 17 000 sages-femmes en maternité. Ne cherchez pas ailleurs, pas plus loin, elles sont là !

8 janvier 2010

Top départ

Elle termine son travail sous péridurale. Ses perceptions sont émoussées par l'anesthésie et elle ne ressent pas la pression de l'enfant. Il y a presque une heure, la sage-femme a pourtant confirmé la dilatation complète du col. Depuis, le bébé a progressé à la seule force des contractions. On devine le sommet de son crane et la sage-femme annonce qu'il est temps de pousser. La naissance est proche.

Pas de brancardage au pas de course, d’échanges de regards inquiets, de bip sonores venant rythmer le temps écoulé, de consignes énoncées d'un ton sans appel, toutes choses si coutumières aux fictions télévisées qu'elles ont envahi l'imaginaire parental.

L’ambiance est au contraire paisible. Seules deux professionnelles sont présentes en salle de naissance, la sage-femme et l’aide soignante. Elles parlent peu, encouragent la mère dans ses efforts de poussée par quelques paroles prononcées doucement. Le son du monitoring est baissé, la lumière tamisée.

Ambiance si sereine et si différente de ce qu’il avait imaginé que le père se penche vers la sage-femme et lui chuchote «Qu’est ce qu’on attend pour commencer ? »

6 janvier 2010

Mauvaise journée

Consultation "bis" pour une jeune femme dont je suis la grossesse. A l'examen du sixième mois, le bébé me semblait petit. Nous avions convenu de refaire le point deux semaines plus tard, comptant sur le repos - et les irrégularités de la croissance fœtale - pour que tout rentre dans l'ordre.  Mais la hauteur utérine reste en dessous de la "norme" et ma perception clinique d'un petit bébé persiste. Je préfère contacter la maternité qui prendra le relai pour la fin de la grossesse afin qu’elle soit reçue plus rapidement pour un contrôle échographique.
Trouver un poste qui ne sonne pas occupé, patienter, exposer l’histoire à la secrétaire qui me passe un autre service,  réexpliquer à une autre personne qui m’annonce qu’elle n’est pas la sage-femme,  résumer à nouveau le dossier à la sage-femme qui va en discuter avec l’interne…  Longue succession de gens charmants et débordés qui ne m’en veulent même pas d’ajouter un peu de pression à leur journée déjà chargée. 
La mienne ne vaut pas mieux; entre le téléphone et la rédaction d'un résumé du dossier pour la maternité, j’ai 30 bonnes minutes de retard.

… Et l’insatisfaction d’avoir consacré du temps à organiser le relai plutôt qu’à prendre soin de cette jeune femme, évidemment préoccupée par ma demande d’examen complémentaire.

La maman suivante va bien, heureusement. Mais sa petite a subi de douloureux reflux gastriques, d'abord négligés par le corps médical avant qu'un traitement ne soit finalement proposé et ce bébé enfin apaisé. Sa mère aimerait revenir sur ces premières semaines difficiles.  Un coup d’œil sur la montre m’impose d’aller à l’essentiel. Nouvelle insatisfaction.

La suivante a repris le travail et a plus envie d’évoquer sa difficulté à se séparer de son enfant que de rééduquer son périnée ; nous ne pourrons pas faire les deux et je m’entends le lui préciser.

Un coup de fil pour une "baisse de lait"; les fêtes familiales sont de véritables guet-apens. Chacun y va de son commentaire sur ce bébé qui n’a aucun rythme/tête tout le temps/ ne dort pas assez/ ne quitte pas les bras /semble bien capricieux...  atteintes récurrentes à la confiance difficilement acquise de jeunes parents qu'il me faut prendre le temps de restaurer.

Les rendez-vous se succèdent, ponctués de nombreux coups de fils et d'une consultation urgente à ajouter pour rassurer une autre mère inquiétée par des sensations inhabituelles.
La sonnette de la porte d’entrée scande mes retards accumulés.

En fin de journée, le groupe venu en préparation à la naissance patientera trop longtemps en salle d'attente pour trouver ensuite une sage-femme cherchant ses mots, perdant le fil de sa pensée, interrompue par un dernier appel de la jeune femme adressée le matin pour bilan complémentaire  qui a passé tout son après midi à la maternité. Après moult examens, on lui a confirmé que son enfant était petit mais cependant dans les normes. Tout va bien.

Pas pour moi qui repart avec l’inconfortable sentiment de n’avoir rien fait de bon…

3 janvier 2010

Renouveau

Elle prépare la naissance de son troisième enfant.
Préparation sereine, les deux précédents accouchements se sont passés sans aucune difficulté, sans douleur et même quasiment sans perception. Pour le second elle s’endormait dans l’eau chaude de la baignoire et son homme a du la porter sur le lit de naissance. Quelques instants plus tard, son bébé était dans ses bras.
Cette absence de sensation m’interroge et, tout au long de sa grossesse, je suggère des pistes pour l’aider à en comprendre le sens. Vainement.

Je passe la voir à la maternité le lendemain de cette troisième naissance. Elle me la raconte avec bonheur, décrivant avec forces détails les contractions, la douleur… « qu’est ce que j’ai eu mal ! » me répète t-elle en boucle avec un sourire éclatant.

Je tente de préciser «tu as senti plus de choses, mieux perçu la descente, eu envie de pousser?» 
« Oui, oui, bien sur, mais qu’est ce que j’ai eu mal…
»

Je reste décontenancée par l’apparente contradiction entre son évidente satisfaction et la description de sa douleur intense. 

Quelques jours plus tard, finalement perplexe devant ce paradoxe, elle souhaite en discuter à nouveau.
Petit à petit, nous élaborons ensemble une hypothèse. Tout chez elle est strict, maitrisé. Rien ne dépasse, rien de la déborde, sa coupe de cheveux, ses vêtements, sa façon de parler, d’être, tout est sous contrôle. Son métier, exercé avec passion, nécessite également beaucoup de rigueur, de maitrise de soi.
N'était-ce pas la première fois qu’elle se laissait déborder ?
Est ce que le "plaisir" de cette douleur ne résidait pas là, dans la découverte du lâcher prise, de la perte de contrôle ?

Deux ans plus tard, au cours d’un après-midi printanier, un coup de fil interrompt une consultation. C’est elle.
Elle souhaite simplement me confirmer que notre hypothèse était la bonne. Depuis cet accouchement, un champ d’expériences inédites, nouvelles sensations, débordement d’émotions s’est ouvert à elle.
Une autre vie.

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1 janvier 2010

Nouvel an, nouvel élan ?

Au sein des maisons de naissance québécoises, il est admis qu’une sage-femme peut suivre 40 à 50 femmes enceintes par an.
En France, il y a environ 830 000 naissances chaque année et plus de 20 000 sages-femmes… Faites le compte, nous sommes suffisamment nombreuses pour ouvrir des maisons de naissances réparties sur tout le territoire ! Enfin nous allons être en mesure de proposer cet accompagnement global, souhaité par les couples, revendiqué par les sages-femmes, à la fois chaleureux, préventif, sécurisant et économique.*

Quelle belle année 2010 !

...

...

Fin du «rêve». La DHOS avait annoncé l’adoption des décrets permettant cette expérimentation dans le cadre de la Loi de financement de la sécurité sociale 2010. Cette loi vient d'être publiée au journal officiel et on n'y trouve aucune mention des maisons de naissance.

Devons nous nous en étonner ? Nous avions là un projet répondant à une demande des parents comme des professionnels, économiquement viable, reconnu et en constant développement dans de nombreux autres pays.

Folie d’espérer que la France s’en inspire…

Ici, les petites maternités sont fermées et le regroupement des structures aboutit à la concentration des naissances.
Ici, les lieux d'accouchement s'éloignent du domicile des parents mais l’on affirme dans le même temps que - pour des raisons de sécurité  - une maison de naissance doit être attenante à une maternité.
Ici, les déremboursements  sont multipliés pour renflouer le budget de la sécurité sociale mais l'on renonce à mettre en œuvre des  mesures sources d'économie et répondant aux attentes des assurés afin de ne pas heurter l’électorat médical.

Les sages-femmes avaient avalé de multiples couleuvres dans l’espoir irraisonné que cela permettrait le début d’un demi-pas en avant…
Les maisons de naissance, cent fois annoncées, cent fois reportées, dénaturées avant que d’être nées…. ne seront pas pour 2010.


* Faut-il le préciser, bien évidemment toutes les femmes n’ont pas le souhait d’accoucher en maison de naissancetoutes n’en auraient pas la possibilité médicale et toutes les sages-femmes n’ont pas envie de travailler ainsi. Il ne s'agit pas d'imposer l'accouchement en MDN mais simplement de le permettre...

31 décembre 2009

Juvénile

Il y a tout juste 30 ans…

Je suis de garde pour la nuit du 31. Mon premier réveillon passé avec la responsabilité d’un service. C’est une petite maternité et je suis la seule sage-femme présente.

Une femme est en travail. Elle est arrivée avec une amie. Son compagnon, retenu par des obligations professionnelles, doit la rejoindre prochainement.
Elle accueille sereinement ses contractions. Après l'habituel bilan d'entrée confirmant que la naissance s'annonce pour la nuit, je l'installe dans sa chambre. Je promets de repasser la voir bientôt et poursuis mes visites aux accouchées.

La soirée s’étire. En traversant le couloir, je croise un homme en grande conversation avec ma collègue auxiliaire de puériculture. Il s’interroge sur l’année de naissance de son bébé, avant ou après minuit ?
Devinant sans peine qu'il est le compagnon de « mon » entrée, je m’arrête quelques instants pour répondre à sa question. Ma blouse rose me semble un passeport suffisant et si je réponds à ses interrogations avec assurance, prévoyant une naissance en début d’année prochaine (!), je ne juge pas utile de me présenter comme la sage femme de garde...

Je repars terminer les visites du soir. Je suis déjà trop loin pour l’entendre mais ma collègue me le racontera dans un grand éclat de rire ; dès que j'ai le dos tourné, il lui témoigne sa surprise « elle a l’air de s’y connaitre, la petite qu’à des boutons ! »

Effectivement j’avais à peine 21 ans et ma peau - hélas - attestait de ma jeunesse.

J’imagine son trouble lorsqu’il a compris que la « gamine » qu’il avait croisée était la sage-femme et qu’elle assumerait seule le suivi de l’accouchement !

Qui s’est déroulé sans aucun problème et à l’heure annoncée.

30 décembre 2009

De loin

Coupure de presse : "Française d’origine, Caroline était sage-femme en France et travaille à la Maison de naissance de la Vieille Capitale depuis seulement quelques mois. Elle est venue au Québec suite à une insatisfaction relativement à la pratique sage-femme dans son pays. Intégrée au système de santé, la sage-femme pratique toujours à l’hôpital, tel un obstétricien, et ne fait aucun suivi post-natal. La particularité de son travail est l’accouchement naturel et contrairement aux sages-femmes québécoises, elle ne développe pas une relation privilégiée avec la cliente; aux dires de Caroline, il arrive parfois qu’une sage-femme relègue la fin d’un accouchement en cours à une collègue lorsque son quart de travail est terminé." *

La situation française n'est pas tout à fait celle dépeinte dans ces quelques lignes. Effectivement, les sages-femmes exercent très majoritairement à l’hôpital, mais l'on compte cependant quelques 3000 libérales, dont quelques unes - moins de cent - accompagnent les naissances à domicile.  L’exercice libéral, s’il ne facilite pas la pratique de l’accouchement (pas de maisons de naissance comme au Québec, très peu d’accès aux plateaux techniques des maternités, et une pratique à domicile très décriée et sans possibilité d’assurance…) permet malgré tout de proposer une certaine continuité dans l'accompagnement pre et post natal.

Mais c'est la dernière phrase que je souhaite particulièrement relever. Sa prudente introduction laisse entendre qu’il pourrait s’agir d’une simple rumeur tellement cela semble impossible à croire… Une sage-femme peut quitter un accouchement en cours et le laisser à sa collègue !

La différence de culture se révèle en quelques mots : outre-atlantique, la sage–femme assure toute la continuité de l’accompagnement. Au sein des maternités françaises, les sages-femmes prennent des gardes et il semble normal à tous les intervenants que le relai se fasse en fonction des horaires, 3/8 industriels appliqués à la vie.

Concrètement, les québécoises ne sont -heureusement pour elles ! - pas disponibles 24h/24 mais elles travaillent en équipe restreinte. La future mère connait l’ensemble des sages-femmes susceptibles de l'accompagner. Elle appelle la sage-femme d'astreinte qui restera présente jusqu'à la naissance.
Cette organisation à l'avantage de respecter les attentes des parents tout en préservant les professionnels. Etre au service des uns ne doit pas supposer le sacrifice des autres...

Il y aurait à s'inspirer du modèle québécois. La profession de sage-femme n'existait pas; elles se sont imposées avec le soutien des parents et leur exercice n'est reconnu et légal que depuis 10 ans. C'est certainement ce combat commun parents/sages-femmes qui fait la spécificité de leur pratique.  Il existe là bas une philosophie de la naissance physiologique, de l'accompagnement, que nous gagnerions à retrouver ici...

Comme il serait bon de trouver sur le site de notre Conseil de l'Ordre des propos similaires à ceux tenus par l'OSFQ...

* coupure de presse québécoise dont j'ai perdu la référence

29 décembre 2009

De haut

C’est mon premier poste en maternité. J’y arrive forte de mon beau diplôme obtenu tout récemment …et sans aucun recul sur ce qui m’a été enseigné. Si j’ai su prendre conscience de l’inhumanité de notre accompagnement, j’ai foi en la faculté de médecine et je ne saurai  mettre en cause ce qu’elle m’a transmis. Depuis quelques années, nous assistons à des débats plus ouverts, des controverses laissant la place au doute, d'éminents professeurs avouant ne pas détenir toutes les clefs… A l’époque, les choses étaient affirmées sans nuance. La faculté savait et nous devions nous plier sans broncher à ses enseignements.

Parmi ceux-ci, un adage assurant qu’un premier enfant doit s’engager dans le bassin bien avant l’accouchement et qu’une primipare arrivant en travail avec un bébé haut est quasi promise au bloc opératoire.

Ce soir là, je la reçois, cette jeune primipare à la présentation haute que l’on m’a décrite. Je «sais» donc que son bébé ne descendra pas et que cela finira en césarienne.
Mais elle arrive juste et n’a de contractions que depuis deux heures… son col est à 3 centimètres et en dehors de ce bébé haut perché, je n’ai rien qui justifie de nous précipiter. Par ailleurs, je travaille au sein d’une maternité respectueuse de la physiologie, soucieuse de ne pas médicaliser inutilement et je devine le sourire goguenard du médecin qui accueillerait ma demande de césarienne immédiate.

Je veux ménager cette jeune femme et la préparer progressivement à « l’échec » annoncé…  Je souligne donc combien son  bébé reste haut, prévient que la dilatation sera certainement très lente.
Heureusement, ma jeunesse doit l’impressionner plus que mes paroles et elle ne tient aucun compte de mes avertissements. Deux heures plus tard, elle a envie de pousser et est effectivement à dilatation complète.

Le bébé est toujours haut, c’est, je crois, la poche des eaux qui a permis la dilatation du col.
Il m’est impossible de l’envoyer au bloc opératoire sous le simple prétexte que son enfant est à peine fixé dans le bassin. Il faut au moins tenter de le faire descendre mais je reste convaincue que ce petit ne pourra pas naitre seul et qu’au mieux il aura besoin de l’aide du forceps - la dilatation rapide ayant quelque peu tempéré mon pessimisme...

Toujours soucieuse de préserver cette mère et de la préparer à l’irruption du médical, forceps ou césarienne, j’explique à nouveau que le bébé reste haut et que la poussée sera surement laborieuse.

Le souvenir est flou et je ne sais plus combien de contractions ont été nécessaires. Je me rappelle simplement de ce bébé rapidement descendu, posé sur le périnée maternel, de cette tête brune se dégageant facilement, du visage radieux de sa maman, de ses mains se tendant pour l’attraper et le remonter vers elle.

Cela n’a duré que quelques minutes.

Précieuse leçon reçue ce jour là ; ne jamais confondre vérité statistique et parcours individuel.

28 décembre 2009

Quel métier !

L'entretien qui suit est diffusé, sous forme vidéo, sur le net. C'est le discours que je souhaite épingler, pas la sage-femme, aussi je me garderai d'évoquer le nom du site mais je garantis  l'authenticité des paroles transcrites.
Je sais, la critique est facile, d'autant qu'il s'agit d'un film et que ma consœur est surement un tantinet plus crispée qu'au naturel.
Mais les mauvais jours, ça fait du bien d'être carnassière...

Le film débute - comme de coutume lorsqu'il s'agit d'évoquer notre profession - sur les images d'une femme en position gynécologique en train de pousser :
« Allez c'est bien, encore encore encore encore, encore, encore un peu, soufflez »

Puis débute l'interview :
Je suis sage-femme en salle d'accouchement.
Ma fonction est donc d'accueillir les patientes quand elles arrivent pour accoucher, de m'occuper d'elles pendant leur accouchement et ensuite dans les deux heures qui suivent l'accouchement, je surveille la patiente et je m'occupe de leur bébé.
Au départ je voulais être anesthésiste et en même temps j'ai passé le concours de sage-femme parce que je trouvais que ça avait l'air assez sympathique et j'ai eu la chance que les études me plaisent et j'ai pas arrêté, j'ai continué au contraire.
Maintenant il faut passer le concours de médecine pour pouvoir rentrer aux (sic) études de sages-femmes qui durent 4 ans.

Effectivement,  mieux valait éviter les filières littéraires...

Une bonne sage-femme, c'est une sage-femme qui va aller tout de suite aux priorités, qui va bien savoir analyser les situations et prendre les bonnes décisions rapidement. Parce que parfois, on a très peu de temps pour agir. On a quand même la vie de la mère et de l'enfant qui sont en jeu.

Devons nous valoriser notre rôle en usant de ce type de dramatisation ? Certes, un accouchement peut parfois mal se passer et mieux vaut être accompagné par des professionnels attentifs. Mais combien de difficultés sont au contraire induites par cette attitude pessimiste qui stresse les parents ? Ne peut-on être vigilant que dans la défiance ?

Et puis bon, il faut être humaine, des fois on a besoin d'être très proches des patientes de les rassurer, donc il va falloir beaucoup de calme et de sang froid. Ce qui me plait c'est la naissance, l'accouchement, les poussées d'adrénaline bien sur. Y a des moments où c'est un peu sportif et des fois c'est agréable (rires) d'être un peu dans l'urgence.

Agréable ? Pouvons nous trouver plaisir à mettre en route l'engrenage de la médicalisation quand elle s'avère nécessaire ? Nous n'avons pourtant que la satisfaction de corriger un processus défaillant.

.../...

Dans notre clinique on fait 1200 accouchements par an du coup ça revient à peu près à 3, 4 accouchements par jour.
Le gynécologue vient pour l'accouchement donc on se retrouve à être tous les deux sur les accouchements même quand tout se passe bien. On reste très actives malgré tout au moment de l'accouchement même si l'acte en lui-même c'est le médecin qui le fait et qui sort le bébé.

Accoucher ou être accouchée sont deux concepts différents, voire opposés. Comment ne pas s'étonner d'apprendre que c'est le médecin et non la mère qui agit, que c'est lui et non elle qui sort l'enfant ?

« C'est bon alors on pousse quand y a une contraction vous les sentez quand y en a une ou pas ? Non ? Non ? C'est moi qui vous dirait; quand je vous dis on y va, vous prenez plein d'air, vous gardez l'air vous poussez fort en tirant sur les barres en levant les coudes, le menton sur la poitrine OK ? En levant les coudes comme ça »

Comme trop  souvent dans les reportages, le réflexe expulsif est négligé et la poussée dirigée banalisée. Conditionnement insidieux des futures mères au classique " inspirez bloquez poussez !"

Faut pas avoir peur de s'imposer parce qu'on est responsable de notre salle d'accouchement donc il faut vraiment avoir la force de caractère de prendre ses responsabilités éventuellement donner son avis sur les conduites à tenir même face aux médecins.
La complicité avec le gynécologue la plupart ça se passe toujours bien, on arrive toujours à un petit peu plaisanter pour détendre l'atmosphère, plaisanter avec le papa et la maman parce qu'ils connaissent bien le gynéco puisqu'ils l'on vu pendant toute la grossesse et on arrive à ce que ce soit un peu familial.

La tension qui précède la première rencontre entre un petit et ses parents est plus heureuse qu'angoissée et ne nécessite que présence et humanité pour être traversée sereinement.

..../...

Et c'est un métier qui est passionnant parce qu'on voit beaucoup de monde et c'est tout le bon coté de la médecine ; c'est souvent des moments heureux et très heureux même.

Ben oui, tout simplement...

Pour promouvoir la profession de sage-femme (but de cette courte vidéo), il serait nécessaire d'insister sur le stress, l'adrénaline, les complications ? Est ce, comme dans les pires séries médicales, l'échange de regards intenses au dessus des masques qui fait le sel de notre métier ? Etre sage-femme, ce serait savoir s' imposer, diriger les femmes, blaguer avec les médecins, vibrer au son des divers bip attestant de la santé maternelle et fœtale ?

Alors, nous ne faisons pas tout à fait le même métier.

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