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Dix lunes

27 décembre 2009

Lobby

En guise de cadeau de Noël est tombée mardi la décision prise par le Conseil Constitutionnel de censurer (entre autres) l’article donnant le droit aux sages-femmes de prescrire le suivi biologique de la contraception.

Résumons pour ceux qui ne suivent pas :
En juillet 2009, la loi HPST reconnait la compétence des sages-femmes pour le suivi gynécologique de prévention et la prescription de la contraception. (déjà évoqué ici)
Curieusement, un amendement vient contredire cette compétence en nous déniant la possibilité de prescrire les bilans biologiques nécessaires au suivi de la contraception orale. Les médecins, pourtant bien représentés à l’assemblée nationale, ne semblent pas s’offusquer de cet illogisme criant.

Cette aberration devait être corrigée dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2010. Les médecins ont alors, dans une unanimité touchante, crié aux loups et à la perte de qualité du suivi des femmes…

Au final, le Conseil Constitutionnel a déclaré cette disposition contraire à la Constitution.
Pour obtenir un banal examen sanguin, examen que nous prescrivons au quotidien dans le suivi des grossesses, il faudra aller voir son médecin.

Bilan pour la sécurité sociale :
17 € à la sage-femme pour faire de la prévention, envisager le moyen contraceptif le plus adapté et le prescrire.
22 € au médecin pour avoir droit à l’examen de sang qui va avec.

Ce qui fait, si je sais encore compter, 22 € inutilement dépensés …

Pourtant, aux yeux du Conseil Constitutionnel cet amendement n’avait pas sa place dans le projet car «ces dispositions n’ont pas d’effet ou ont un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement»

Faisons les comptes :
58% des françaises étant - selon la disgracieuse formule consacrée - en âge de procréer utilisent la pilule comme moyen contraceptif (enquête BVA INPES 2007 )

Sont considérées "en âge de procréer" les femmes de 15 à 49 ans :
Les statistiques INSEE pour l’année 2006 donnent 12 707 069 femmes concernées.
Les projections INSEE pour 2010 sont de 14 605 196 (saluons la précision de ces chiffres !).

Une grossière moyenne de ces deux nombres nous donne 13 500 000 femmes de 15 à 49 ans dont 58 % vont prendre la pilule.
Cela fait donc 7 830 000 femmes, qui vont avoir besoin, si l'on suit les recommandations de la HAS, de deux bilans la première année puis d'un bilan tous les cinq ans.

Même en ne comptant qu'un bilan tous les 5 ans, cela implique 34 millions d’euros inutilement dépensés chaque année auxquels nous pourrions ajouter quelques autres dizaines de millions dus à l'écart entre le tarif des consultations de médecin ou de sage-femme.

Allez, je l'avoue, mes calculs sont entachés d'une mauvaise foi certaine ! Bien évidemment, toutes les femmes ne s'adresseront pas à une sage-femme pour leur contraception et ces chiffres doivent être revus, très fortement, à la baisse.

Il n'empêche ! Alors que le déficit public sert à justifier nombre de décisions impopulaires, j'enrage que le lobbying médical soit assez puissant pour faire délaisser une simple mesure de bon sens. Cela n'aurait certes pas bouché le trou de la sécu mais cette incohérence législative contribuera un peu à le creuser…

Médecins : 1 point / Sécurité Sociale : 0 / Santé des femmes ???

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26 décembre 2009

Mécompte de Noêl

Elle a subi plusieurs interruptions de grossesse du fait d’une anomalie héréditaire entrainant un handicap extrêmement lourd.
A chaque grossesse, le risque pour l’enfant d’être porteur de cette anomalie est de 25 %.
A chaque grossesse, avant d’oser se réjouir, ils programment l’amniocentèse, vivent dans l’attente angoissante des résultats puis le verdict tombe, toujours mauvais, et l’interruption est décidée.
A chaque grossesse sauf cette année. Pour ce petit tout allait bien et elle a enfin connu le bonheur de porter un bébé neuf mois et de le mettre au monde.

Peu de temps après, un nouvel enfant s’est imposé, par surprise. Elle est venue me l’annoncer, lumineuse, son nourrisson au creux de ses bras, confiante dans la bonne étoile qu’il porterait au suivant.

Parce que cet enfant n’était pas attendu, parce que les conclusions du caryotype arriveraient à Noël, parce que le risque est de un sur quatre et que les statistiques étaient, largement, de leur coté…
Nous avons voulu avoir confiance en la vie.

Des larmes à la lecture des résultats, reçus le 24 décembre.
Le père Noël est nul en math, ce bébé là ne vivra pas.

21 décembre 2009

Zélé

Elle a passé une très mauvaise nuit, attentive au rythme et à l’aisance de sa respiration, à l’évolution de sa toux,  redoutant l’apparition de fièvre.

Une seule raison à son insomnie, une consultation la veille au soir pour une simple toux, sans autre symptôme.

Le médecin qui l'a reçue a immédiatement évoqué une grippe A. Il l’a mise en garde contre la gravité de l’infection, soulignant que c’était une maladie dangereuse pour elle et son enfant, rappelant qu’une femme en était morte la semaine précédente.
Pour faire bon poids, il lui a longuement décrit l’ensemble des signes d’aggravation,  l’enjoignant à se rendre au plus vite aux urgences au moindre de ces signes.

Elle n’a même pas de fièvre.
Mais ces conseils avisés lui ont fait passer la nuit la main sur sa poitrine à s’écouter anxieusement respirer.

PS : au sujet de la grippe H1N1et de l'organisation des soins, un excellente analyse à lire ici

15 décembre 2009

"Gore"

Lorsque je travaillais en salle de naissance, j’aimais montrer aux parents le placenta, la face maternelle rouge et irrégulière, la face fœtale lisse et nacrée puis, en passant ma main à l’intérieur de la poche des eaux, la « bulle » qui entourait le bébé. J’aimais leur étonnement à la vue de cet espace restreint contrastant avec le nouveau-né s’étalant sur le ventre maternel.

Nous sommes en séance de préparation, en train d’évoquer cette possible observation après la naissance. Un des pères intervient « le placenta, parait que c’est gore ! »
Il raconte ensuite que ce qualificatif lui vient d’un ami ayant perdu connaissance à la vue du placenta de sa compagne.
J'explique la présence du  sang, la fonction de filtre entre mère et fœtus qui permet de le nourrir.

Mais le "gore" plane toujours. Je tente « c’est peut-être en voyant la sage-femme observer le placenta que ton ami s’est évanoui ? »*
Cette proposition l’éclaire et il bondit :
« Oui, c’est ça !
Il a demandé à la sage-femme ce qu’elle cherchait.
Elle a répondu : "je regarde s’il ne manque pas un morceau"
Lui, il a compris qu’elle cherchait un morceau de son bébé ! »

De quoi faire un malaise effectivement…

Combien de fois ai-je donné cette réponse elliptique avant que cette anecdote ne me soit racontée ? Cette délivrance qui se fait bien après la naissance, bien après que le bébé soit blotti contre le sein maternel, que ses parents l’aient caressé, reniflé, embrassé, que quelques paroles apaisantes aient été prononcées pour dire que « non il ne crie pas », mais que « oui tout va bien et regarde comme il est rose »… Comment imaginer qu’après cet accueil un père puisse s’inquiéter de nous voir à la recherche d’un orteil ou de quelque autre partie de son petit dans la cuvette à placenta ?

Certains récits révèlent combien le décalage est grand entre ce que nous pensons transmettre et ce que les parents reçoivent…

*il peut être impressionnant de nous voir manipuler avec beaucoup d’attention le placenta à la recherche d’un cotylédon manquant…

13 décembre 2009

Bénévolat

Elle est mère depuis deux semaines et souhaite une consultation pour son bébé. Rendez-vous est pris.

La consultation se passe tranquillement. Auscultation de routine, coup d'œil sur le cordon pas encore tombé, petit tour sur le pèse bébé et mesure au mètre ruban à la demande de la mère qui s'inquiète que sa fille ait "perdu" un centimètre entre la  naissance et la consultation du médecin une semaine plus tard. Nous prenons le temps d'échanger sur le déroulement des tétées, les pleurs, les nuits. Tout cela prend une bonne demi-heure qui me semble bien employée à conforter cette jeune femme dans ses compétences maternelles, ce dont elle semblait douter.

Je demande ensuite si le bébé est enregistré sur la carte vitale. Devant la réponse négative, je sors une feuille de soin et commence à la rédiger.

«Ah bon parce qu'il faut vous payer ?»
Je suis dans un bon jour et réponds sans aucune acidité « Oui. Vous ne trouvez pas ça normal?»
«A la PMI, c'est gratuit»
«Non à la PMI, c'est payé par le conseil général et ici c'est remboursé par la sécurité sociale»
Comme elle continue à tiquer  «la consultation du médecin, vous ne l'avez pas réglée ?»
«Ah ben si, 27 €, pourtant il ne m'a pas gardée si longtemps!»*

L'étiquette de bonne sœur doit nous coller à la peau pour que les gens s'étonnent d'avoir à nous payer...

*  consultation sage-femme : 19 €

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12 décembre 2009

Suggestionnée ?

Journal de la santé, reportage annoncé sur la césarienne.

En plateau, une jeune femme témoigne de son parcours obstétrical ; une première césarienne pour présentation du siège, une seconde il y a deux ans - pour des jumelles - préférée à la voie basse que rien ne contre-indiquait car elle gardait un bon souvenir de la première naissance.
Heureuse coïncidence, cette césarienne avait été filmée pour les besoins de la même émission.

Voyage dans le temps. Nous retrouvons cette femme, ventre rond et tendu, quelques minutes avant le passage au bloc. Nous assistons ensuite à l'extraction des deux petites filles et le reportage se termine sur l’image attendue des enfants nichées dans chacun des bras maternels sous le regard ému de leur père. Le commentaire souligne que tout s’est bien passé.
Happy end.

Mais il s’agit d’une émission médicale à visée pédagogique ; un petit aparté didactique est inséré dans le récit de la naissance. Le chirurgien, interrogé sur les risques inhérents au choix de la césarienne, s’empresse de confirmer, risque infectieux, hémorragique… Il parle, vêtu de bleu, ganté, masqué devant un champ du même bleu tendu verticalement. Il ne faut pas une grande expérience du bloc opératoire pour imaginer que de l’autre coté du tissu stérile se trouve le visage - et les neurones - de la dame. D’ailleurs, le champ de la caméra s’élargit et l'on découvre les mains gantées qui s’affairent à recoudre l’abdomen béant. En écoutant dérouler la liste des complications possibles, je me demande quel peut être l'effet d’entendre qu’il existe un risque majoré lorsque l'on est allongée là ventre ouvert …

Me reviens en mémoire une étude lue il y a bien longtemps faisant état de l’impact des paroles au cours d’une intervention sous anesthésie générale. Je vous résume très grossièrement ce que j’en avais retenu * : Lors d’une banale intervention, si le chirurgien s’exclame avec conviction « P…n, ça pisse le sang ! », le patient  présenterait plus de complications postopératoires que s'il y a réellement hémorragie mais que le chirurgien sifflote. (j'ai bien écrit "très grossièrement" !)

Si la parole peut faire effet sur un opéré plongé dans un sommeil artificiel, quel peut être son impact sur celle qui n’est qu’anesthésiée localement par une péridurale ?

Inutile d’échafauder des hypothèses anxieuses, le reportage précisait que tout s’était bien passé.

Retour sur le plateau et la jeune femme poursuit son récit. Surprise ! Cette seconde césarienne s’est beaucoup moins bien déroulée. Elle a fait une hémorragie, est restée en observation pendant plusieurs heures avant que le chirurgien ne vienne lui annoncer que « sa vie n’était plus en jeu »….

Si l’hémorragie est effectivement une complication possible en cas de césarienne, si la distension utérine du fait de la grossesse gémellaire majore le risque, je ne peux cependant m’empêcher de m’interroger sur l’éventuel rapport entre les réponses du médecin en pleine intervention et les suites opératoires.


* si par hasard un lecteur connaissait les références de cette étude, je suis preneuse !

8 décembre 2009

Rugissante

Elle vient de rompre la poche des eaux dans le bain qui l’aidait à se relaxer. Le ressenti différent la fait quitter l’eau chaude. Désireuse de connaitre où en est sa dilatation, elle vient s’allonger sur le lit le temps de l’examen,  rapide toucher vaginal pour confirmer l’avancée du travail, écoute du cœur foetal.  Tout va bien, elle est à 7 cm et son petit attend tranquillement sa sortie du monde utérin.

Une fois ces quelques gestes accomplis, je ne lui propose pas explicitement de se relever tant il est évident qu’elle fait comme bon lui semble. C’est sans compter le conditionnement insidieux qui laisse penser aux femmes que l’on s’allonge pour mettre au monde.
La contraction suivante semble plus douloureuse et inconfortable. Ne voulant pas l’influencer, je reste silencieuse mais une nouvelle contraction la voit se tendre de façon asymétrique, une main repoussant son genou, le dos très étiré sur la flanc droit pendant que sa jambe gauche se fléchit. Le lit bloque ses mouvements et je l’encourage à en descendre.

Elle se lève et commence à marcher dans l’espace restreint délimité par les divers équipements imposés en salle de naissance, lit, chariots de matériel, monitoring, etc … Elle marche à petits pas lorsque une nouvelle contraction survient.
Alors, fléchissant les jambes, mains posées sur les genoux, bras tendus, dos étiré, tout en décrivant de larges cercles avec son bassin, elle se met à rugir. Venant de sa gorge serrée, un seul mot se répète « desssscend, desssscend, desssscend ».
Mes mains sur ses épaules,  je bouge avec elle, l’accompagnant dans son déhanchement.

Une autre contraction et le son, plus retenu encore, laisse penser que la poussée n’est pas loin. A la suivante, elle poursuit le même mouvement mais le chant guttural sort d’une gorge encore plus serrée.

Un dernier rugissement, la tête apparait et je n’ai que le temps de tendre les bras pour accueillir un bébé qui glisse rapidement au son de la voix maternelle…

7 décembre 2009

Heureux métier

Une collègue de PMI*, au bord de la retraite.

Une jeune femme avenante nous apporte le menu dans le restaurant où nous faisons étape.
Leurs regards se croisent et deux grands sourires illuminent leurs visages.  Quelques nouvelles du petit - "déjà trois ans !" - sont échangées. Dans la brève conversation arrachée au temps de la commande émergent quelques bribes d’une histoire mêlant grossesse, jeunesse, précarité et isolement. J'entends le soutien de cette sage-femme, aidant cette jeune mère à trouver l’énergie de sortir d’une impasse annoncée, sans qualification professionnelle, seule avec un enfant .

C’est le coup de chaud dans la salle et la jeune serveuse doit reprendre son service au pas de course. Mais avant, spontanément, elle claque deux gros baisers sur les joues de « sa » sage-femme.

Qui se retourne vers moi en disant "savoir d'où elle vient et la voir comme ça maintenant, je re-signe tout de suite !"

* Protection maternelle et infantile

6 décembre 2009

Camouflées

La chambre de pré travail est une pièce toute en longueur accueillant trois lits placés parallèlement, séparés par un simple rideau. Impossible d’ignorer ce que fait la voisine, comment elle respire, gémit, se résigne ou se révolte. Pas moyen de marcher, le seul espace disponible est occupé par le lit. Seule la femme allongée dans le premier box peut bénéficier de la présence de son compagnon car on ne peut aller vers les deux lits suivants sans troubler le semblant d’intimité installé par les pans de tissus.

Un couloir sépare cette chambre de pré travail des salles d’accouchement. Ses murs sont vert pale, le sol vert bouteille, coupé par un épais trait rouge qui symbolise l’accès à l’espace stérile. Le bloc opératoire réservé aux césariennes est situé tout au bout mais c’est le même couloir qui dessert les salles de naissance

Nous allons et venons d'un secteur à l'autre. A chaque traversée de la ligne écarlate, nous enfilons sur nos blouses une camisole de coton épais, ajoutons calot et sur-chaussures, qu’il nous faudra ensuite retirer pour partir en sens inverse.
Lorsque le temps de la naissance arrive, il faut compléter cet attirail déjà encombrant d'une troisième camisole stérile, d'un masque et de gants. Ainsi vêtues, la chaleur devient rapidement étouffante.

Trente ans plus tard, je garde le souvenir aigu de ces habillages et déshabillages chronophages décourageant nos visites, de notre inconfort en salle d’accouchement nous donnant l’envie d’en finir au plus vite. Cette inutile débauche de précautions hygiénistes se faisait aux dépends des femmes dont nous étions censées prendre soin. 

Je m’étonne maintenant de notre docilité, de notre incapacité à émettre la moindre critique devant ces rituels absurdes.
Soumises au point de nous offusquer lorsque les médecins, appelés pour certains accouchements plus difficiles, nous rejoignaient en costume de ville, dédaignant nos déguisements, stériles par essence …

2 décembre 2009

Vocable

Elle raconte sa dernière consultation, hésite, cherche ses mots.
"Ensuite, il m'a posé un écarteur"
Pendant quelques secondes je me demande quelles pouvaient être la raison et la destination de cet écarteur... Puis tout s'éclaire :
"Vous voulez dire un spéculum ?"
Elle confirme, un peu confuse de son erreur de vocabulaire.
Je réponds que bien au contraire, le mot me semble bien choisi et beaucoup plus explicatif quant à sa fonction !

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