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Dix lunes

21 décembre 2012

Kamasutra

 

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La biberonnerie résonne de rires joyeux. Nous sommes de corvée de stérilisation. Les goupillons s’agitent dans l’eau savonneuse, les marmites se remplissent, l’eau commence à bouillir… C’est une des premières activités du matin, juste après avoir fait le tour des chambres pour servir le petit déjeuner.

La sonnerie du téléphone me fait lâcher un instant le goupillon. A l’autre bout du fil, une petite voix fluette. Elle a eu ses règles ce matin alors qu’elle a arrêté la pilule le mois dernier. Elle s’inquiète déjà de ne pas être enceinte et je m’emploie à la rassurer.

Derrière moi, les copines manient les marmites. Ca cause et ça rigole.

Mais la petite voix n’est pas vraiment apaisée. Il y a autre chose qui la tracasse. « Après avoir fait l'amour, ça coule » et je sens combien elle craint de laisser s’évader les précieux spermatozoïdes.

J’affirme l’inutilité de mettre les pieds au mur après l’amour.

Ma réponse alerte les collègues… J'entends derrière moi les rires qu'elles tentent d'étouffer. Ma seule protection est de ne pas me retourner. 

Elle m’interroge encore sur les positions les plus à même de favoriser la fécondation.
Ce qui m’entraine dans des questions et des descriptions pour le moins surprenantes quand énoncées entre deux lavages de biberons à 8h du matin.

Mes collègues auront la délicatesse de se contenir jusqu’à ce j’ai raccroché.

 

©Photo Nir Sanay

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20 décembre 2012

Pied marital...

 

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La maternité de mes débuts était de taille humaine. De la taille qui n’existe plus. Une à deux naissances avaient lieu chaque jour. Cette cadence assez tranquille nous permettait de travailler selon un rythme maintenant disparu. Chaque fin de semaine, la garde durait du samedi matin au lundi matin. Cela préservait un peu la vie sociale ; sans cette organisation, la petite équipe que nous étions aurait été sur le pont tous les week-end.

L’ambiance familiale permettait certaines libertés. Les conjoints - l’équipe était exclusivement féminine en dehors de l’obstétricien - les conjoints donc étaient conviés à partager le repas du dimanche midi afin de rompre la longue absence. Tous ne le faisaient pas mais certains sacrifiaient au rite.

C’est à cette occasion que j'ai assisté à ce dialogue d’anthologie :
Toisant son homme juste arrivé dans la tisanerie où nous prenions nos repas, ma collègue - qui ne l'avait pas vu depuis plus de 24 heures - l’interpelle  : « Mais tu n’as pas changé de chaussettes ! »
Ce degré d’intimité conjugale me laissait déjà sans voix.
Mais la réplique m’a achevée.
« Ben tu me les avais pas préparées ! »

 

….

 

©Photo nualabugeye

 

19 décembre 2012

Références...

 

6933072460_70381330b2_bElle est une mère heureuse et aimante mais l'implication physique de la maternité lui a été pesante. Elle garde un souvenir contraint de sa grossesse et de son accouchement ; se sentir ainsi soumise au bon vouloir de son corps  ! 

Le temps a passé. Avec bonheur, elle évoque pèle mêle le retour des bonnes nuits  "Ca change du biberon de deux heures du matin, hein ! ", rebondit sur sa ligne retrouvée "J’ai enfin pu virer mes fringues de femme enceinte" affirme que "C’est sur, je risque pas d’oublier ma pilule " et fait l’apologie de l’enfant unique, tradition familiale qu’elle a bien l’intention de respecter…

En me quittant un peu plus tard, elle lance "Au fait hier, j’ai vu un reportage sur les vêlages, j’ai pensé à toi "... 

 

©Photo Fourure

18 décembre 2012

Impliqué

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Leur enfant est né un peu plus tôt que prévu. C'est donc à trois qu'ils assistent à la dernière séance de préparation, heureux et fiers de présenter leur tout-petit aux deux autres couples. Les questions pleuvent.

C'est lui qui raconte, faisant un récit détaillé de toutes les étapes de l'accouchement. Il débute par  la description minutieuse de la perte des eaux, enchaine sur le départ à la maternité, évoquant au passage son rôle essentiel dans le bouclage de la valise, décrit l'accueil de la sage-femme, le premier examen. Avec fierté, il explique comment il a soutenu sa compagne en la massant, l'étirant, la berçant et souligne combien il était fatigué... Vient la poussée, "Elle s'est accrochée à mon cou, j'en ai encore des courbatures" et enfin la naissance. Pas un détail ne manque à sa narration.

Volubile, occupant l'espace de ses gestes amples, c'est une vraie pièce de théâtre qu'il est en train de jouer. Dans son enthousiasme, c'est le "on" qui préside. Le "on est arrivé" passe très bien, "on a accouché" nous attendrit, mais "on avait des contractions toutes les trois minutes" semble un peu exagéré.
Sa femme l'écoute avec le petit sourire de celle qui ne dit rien mais n'en pense pas moins...

Quand la question du recours à la péridurale leur est posée, il continue sur sa lancée. "On a pas pris la péri parce qu'on allait bien.
Sans lui faire remarquer sa maladresse, sa voisine se tourne vers elle et l'interroge directement. Comment as tu vécu les contractions ? Ca faisait mal ?
Et quand c'est lui qui ouvre la bouche pour se lancer dans une énième tirade, sa compagne pose doucement la main sur son avant bras pour l'interrompre, "Je t'ai laissé tout raconter mais pour la douleur, tu vas peut-être me laisser parler ? "

 

©Photo

 

17 décembre 2012

Comme sur des roulettes

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J'enchaine bus, TGV et couloirs du métro. En route pour tenir un stand dans une rencontre de sages-femmes, je transporte une lourde documentation, trop contente d'inaugurer ma valise à quatre roulettes. Elle m'économise bien des efforts, excepté dans les nombreux escaliers du métro parisien...

La rame arrive et je m'y engouffre. Il reste de la place sur les strapontins. Je m'y effondre sans grâce, ravie de récupérer pendant quelques stations avant d'affronter les prochaines marches.

Assis en face de moi, deux hommes, teint mat, barbe longue, front ceint de grands turbans. Des sikhs me semble-t-il. Leurs visages sont fermés, presque sévères. J'ai lancé un demi sourire resté sans réponse. De toute façon, j'ai accepté la règle parisienne, on ne sourit pas dans le métro pour ne pas passer pour une infâme provinciale, pire une touriste...

Ma valise toute neuve est posée devant moi. Le métro repart avec son habituel petit "coup de rein". Sauf que d'habitude, ma valise à deux roulettes ne bronche pas.

A quatre roulettes, elle s'élance à toute vitesse avant que je puisse réagir.  Mon voisin d'en face a juste le temps de tendre le bras pour l'intercepter avant qu'elle ne traverse tout le wagon.

En repoussant la valise vers moi, ça y est, il rigole franchement ! 

 

©Photo

 

 

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16 décembre 2012

L'imprévu...

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Ils ont tous les deux la quarantaine bien tassée.

Ils se tiennent par la main comme de jeunes amoureux... ils le sont. Dans les échanges qui suivent, ils précisent s'être rencontrés quelques mois plus tôt. Tous deux célibataires endurcis, ils avaient abandonné l'idée de trouver l'âme sœur.
Et puis le coup de foudre.

Cette grossesse est arrivée bien vite dans leur histoire. Peut-être se sont-ils sentis poussés par le temps ? Dans le souci de les accompagner au mieux, je m'autorise à poser la question.

"Non, non, dit-il, on ne s'est pas pressé de faire un enfant, c'est un accident". Mais le sourire parant leurs deux visages, leurs mains toujours jointes, leurs regards complices semblent contredire cette affirmation.

Pour leur permettre d'en dire un peu plus, je les interroge sur les circonstances de cet "accident".
"D'habitude, on utilise les préservatifs" répond-il dans une hilarité contenue.

Tout est dans le "d'habitude"...

 

©Photo Palagret Installation de Bryan Mc Cormack à Beaubourg (2011)

 

15 décembre 2012

C'est chou !

 

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Petite sortie en famille. Nous achetons des plants de choux pour les repiquer dans notre jardin.

De l'autre côté du magasin, une jeune vendeuse  fait de grands signes pour attirer mon attention. Je ne la reconnais pas tout de suite, et puis je me souviens.

Elle est suivie par une de mes collègues mais ce soir-là, elle appelle en urgence et c'est moi qui la reçoit. Allaitant son bébé de quelques semaines, elle présente  un "magnifique" engorgement. Pas de fièvre, mais des seins plus que tendus, des tétées difficiles, douloureuses et peu efficaces. Cela fait deux jours qu'elle se débat et le découragement la gagne.

Comme souvent, la simple réassurance, les explications sur le mécanisme de cet engorgement l'apaisent déjà. Mais il faut soulager ces seins trop lourds de lait. Je déroule tous les petits trucs ; le verre d'eau chaude pour vider un peu le sein afin que l'aréole soit souple et préhensible, les compresses chaudes avant la tétée pour aider le lait à couler, froides après pour leur effet anti-inflammatoire, les positions à prendre...

J'ai bien une autre idée mais... j'hésite un instant parce qu'elle ne me connaît pas et que je ne veux pas décrédibiliser tout ce que je lui ai conseillé auparavant. Et puis je me lance dans la présentation des cataplasmes de feuilles de chou et de leur effet décongestionnant.

Je ne sais pas ce qu'elle pense de ce soin peu conventionnel mais dans l'état où elle est, elle veut bien "tout" essayer.
Le coup de fil du lendemain atteste que le traitement est efficace.

C'est sans aucun doute ce qu'elle veut me signifier par son ample gestuelle. Elle désigne alternativement la barquette de choux que je tiens et ses seins qu'elle empaume à pleines mains. Elle renouvelle cet aller-retour pour être certaine que je comprenne le lien. Puis elle tend les deux bras devant elle, poings serrés, pouces levés, dans un geste de victoire... 

Nous sommes trop loin pour échanger quelques mots mais nos sourires sont complices.

 

 ©Photo Lawrence OP

14 décembre 2012

Agenda

 

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Elle a délaissé tout suivi gynécologique depuis la pose de son stérilet il y a quatre ans et s'en préoccupe à nouveau. Motivée par l'expérience d'une amie venant de subir une conisation, faire un frottis lui apparaît soudain comme une quasi urgence.

Je cherche à lui trouver une plage horaire correspondant à ses disponibilités. Plutôt le jeudi ou le vendredi parce qu'elle ne travaille pas, plutôt assez vite car elle est inquiète, plutôt le matin car son enfant est à l'école, mais pas trop tôt car il faut l'y déposer...

Je propose une première date qui ne lui convient pas. Une autre qui tombe pendant ses règles. Une autre encore. Elle hésite, je l’entends feuilleter les pages de ce que j’imagine être son agenda. Elle marmonne pour elle même "Ce jour-là, j’ai déjà dentiste", hésite encore et dans un gros soupir, confirme "D'accord pour ce vendredi là, ce sera la journée des rendez-vous chia..."

Gentiment elle tente de se rattraper. Sa phrase se termine dans un chuintement indéterminé.

 

©Photo ale © colour

 

 

13 décembre 2012

Garde à vous

 

5249624713_5f4aed5030_bElle raconte la naissance de son ainé. Sa première surprise a été de bien tolérer les contractions. Elle imaginait la tempête, ce n'est qu'une brise marine. Elle passe un long moment chez elle, certaine que son enfant est en route mais convaincue de n'être qu'aux prémices de l'accouchement. Puis le vent se renforce et les incite à partir pour la maternité.

La seconde surprise est d'apprendre qu'il n'est plus temps de poser une péridurale. La dilatation est complète, l'enfant déjà bien engagé. Elle n'a pas du tout anticipé cette situation et se sent très démunie.

Clinique privée oblige, son obstétricien est appelé. Entre temps, la sage-femme présente cherche à la rassurer. Tout se passe bien. Elle va mettre au monde sans tarder ce bébé qui ne demande qu'à naître, déjà presque posé sur le périnée. D'ailleurs, si elle le veut bien, en prenant juste un peu d'air, en soufflant doucement, il va avancer tranquillement...

Peine perdue. Sa panique va croissant ; cette douceur ne lui convient pas, ne la contient pas.

Puis le médecin arrive et elle décrit combien son autorité l'a rassurée. "Quand j’accouche, faut me donner des ordres simples. La sage-femme me parlait gentiment. Le gynéco a été plus efficace : INSPIREZ, BLOQUEZ POUSSEZ ! "

 

©Photo VSELLIS

12 décembre 2012

Jackpot

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Nous quittons à pas rapides le centre de congrès qui abrite cette rencontre professionnelle. La journée passée nous a miné le moral.

De trop nombreuses communications assurées par de doctes docteurs religieusement écoutés. De trop gentilles sages-femmes prêtes à se réjouir chaque fois qu'une once de compétence leur est reconnue. Une parole accaparée par les mandarins et le présupposé que les processus physiologiques ne méritent pas d'être analysés.

Nous sommes censés vibrer de concert à la pathologie rare et savamment gérée par un protocole pointu.

Nous fuyons donc pour aller retrouver la voiture chèrement garée au parking voisin.
Devant nous, à la caisse automatique, un austère homme d’affaire, paré de tous ses attributs, costume et cravate sombres, chemise blanche et attaché case, s'apprête à payer.

Une fois son ticket avalé, des chiffres s'alignent sur l'écran numérique. Il cherche sa monnaie, n'en trouve pas mais, sûrement conforté par l’affiche annonçant "la machine fait l'appoint", glisse un billet dans la fente dédiée.

L'appareil cliquète un instant puis laisse tomber, une à une, un nombre conséquent de petites pièces jaunes. Si conséquent que le réceptacle déborde bruyamment. L'homme se baisse pour rattraper sa monnaie tombée au sol.

En se redressant, il nous lance un grand sourire «Vous auriez du jouer aussi ! »

Inattendue complicité qui égaye enfin notre journée.

 

©Photo

 

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