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Dix lunes
21 décembre 2009

Zélé

Elle a passé une très mauvaise nuit, attentive au rythme et à l’aisance de sa respiration, à l’évolution de sa toux,  redoutant l’apparition de fièvre.

Une seule raison à son insomnie, une consultation la veille au soir pour une simple toux, sans autre symptôme.

Le médecin qui l'a reçue a immédiatement évoqué une grippe A. Il l’a mise en garde contre la gravité de l’infection, soulignant que c’était une maladie dangereuse pour elle et son enfant, rappelant qu’une femme en était morte la semaine précédente.
Pour faire bon poids, il lui a longuement décrit l’ensemble des signes d’aggravation,  l’enjoignant à se rendre au plus vite aux urgences au moindre de ces signes.

Elle n’a même pas de fièvre.
Mais ces conseils avisés lui ont fait passer la nuit la main sur sa poitrine à s’écouter anxieusement respirer.

PS : au sujet de la grippe H1N1et de l'organisation des soins, un excellente analyse à lire ici

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22 novembre 2009

Bad trip

Une jeune sage-femme me décrit ses premiers pas dans une maternité inconnue d’elle.
Dans ce lieu, à la naissance, l’enfant est immédiatement emmené dans une autre pièce, examiné, pesé, toisé, lavé et habillé. Ce n’est qu’ainsi, paré des attributs de l’humanité - cachez cette nudité que je ne saurais voir - qu’il est présenté à sa mère.

Lors du premier accouchement qu'elle accompagne, soucieuse de préserver ce temps originel et unique de la rencontre, elle pose, à l’encontre du protocole, le nouveau-né sur le ventre maternel. Pas bien longtemps, comment s'autoriser à bouleverser l’organisation du service dès son arrivée ? Quelques précieuses minutes volées aux habitudes avant la ritournelle de gestes enchainés mécaniquement sans plus savoir s’ils sont indispensables.
Quelques instants pour laisser une mère et son tout petit faire connaissance.

S’étant ainsi affranchie des règles du service, elle est vite rappelée à l’ordre par une consœur plus "expérimentée".
« Ici ce n’est pas comme ça qu’on fait, ce n’est pas notre trip »...

Ce "trip" renvoyant à la consommation de stupéfiants et à l’univers new âge en dit bien plus que le simple refus de modifier des habitudes. Il dénie l’importance de ces premiers instants et assimilent ceux qui soutiennent le contraire à des irresponsables.

Eternel conflit entre partisans et détracteurs de l’hyper-médicalisation de la naissance - en la qualifiant d’hyper, je choisis mon camp ! - qui s’impose ici de façon flagrante au détriment de l’humain.

Pourtant, combien de femmes, combien d’hommes aussi, décrivent cet instant où, lorsque le nouveau-né a plongé son regard dans le leur, ils se sont sentis définitivement, totalement, mère ou père de cet enfant là.

15 novembre 2009

Pré-jugés

Coup de fil de l’hôpital pour me demander d'assurer le suivi d'une mère et de son tout-petit en passe de quitter la maternité .
La sage-femme tient à m’avertir de certaines difficultés. Les parents, qualifiés de « peu coopérants », se montrent méfiants vis à vis de la prise en charge médicale. Le père en particulier semble opposé à tout soin pour son enfant. Ne feraient-ils pas partie d’une secte ? Du fait de la tension des relations, l’équipe accepte la sortie mais exige un relai à domicile car le nouveau-né a perdu beaucoup de poids et doit être surveillé de près.

Je connais bien la mère, suivie très régulièrement pendant sa grossesse du fait d’une pathologie diagnostiquée chez son bébé. A l’adolescence, cette jeune femme a connu de graves problèmes de santé. Les médecins avaient qualifié ses douleurs, avant de découvrir leur origine fonctionnelle, de psychosomatiques. Elle en a gardé une méfiance certaine et une sourde révolte contre ceux qui disent savoir et qui n’écoutent pas. Je ne connais pas le père mais il a également été confronté au monde hospitalier.
Ce passé médical commun et douloureux a été ravivé par le diagnostic posé pour leur enfant.

Lorsque je les rappelle, je suis déjà sur la défensive, imprégnée du récit peu amène de la sage-femme. J’espère parler à la mère, misant sur nos rencontres précédentes pour présenter ma venue sous un jour plus chaleureux qu’un contrôle téléguidé par l’hôpital. C’est le père qui décroche. Je me présente, explique l’objet de mon appel et demande à convenir d’un rendez vous. Il ne pense pas ma venue nécessaire. Je suis obligée d’insister, d’en appeler à mes visites passées, d’argumenter sur le caractère quasi obligatoire de mon passage au vu de la sortie précoce de la maternité pour obtenir un semblant d’acquiescement.

Le lendemain, je me présente à l’heure dite. Je sonne et, après un long moment au seuil de la porte, une personne inconnue vient m’ouvrir et me laisse plantée au milieu du salon vide. Je n’ose aller vers la chambre car je ne veux pas paraitre m’imposer… plus encore. Le temps s'écoule et je me sens de plus en plus indésirable. Les mots de la sage-femme, la difficulté à faire accepter ma visite, cette attente insolite me font craindre le pire. Je m’interroge sur ce père que je ne connais pas et pour lequel j’éprouve, de façon croissante au fil de ces minutes solitaires, une réelle défiance.

Il finit par venir me trouver et m’invite à le suivre auprès de sa femme. Avant tout examen, je souhaite prendre le temps de parler de l’accouchement et du séjour à la maternité. Au fil de leurs deux récits croisés, je découvre une toute autre version que celle relayée par l'hôpital. Ils ne se sont pas opposés à la prise en charge de leur enfant mais ont exigé de la comprendre, d’être informés des examens, des résultats, des traitements envisagés. Ce besoin d’explications d’abord perçu par l’équipe comme un manque de confiance, s’est ensuite, du fait de certaines de leurs convictions écologiques plutôt radicales, transformé en soupçon d’appartenance sectaire et de refus de soin.

Conclusion un peu rapide, trop bien transmise par l’hôpital, hélas trop bien admise, au risque de faire échouer un accompagnement post-natal pourtant nécessaire.
Préjugé palpable lors de mon appel qui a irrité ce père, contrarié de trouver une fois encore sur sa route une professionnelle de santé sure de son fait. C’est la mère, mise en confiance par mes visites lors de la grossesse, qui l’a convaincu d’accepter ma venue.

Les choses ainsi posées, nous pouvons enfin nous pencher sur la question du moment : comment ce bébé tête t-il ?

30 octobre 2009

Détournement

header_bgsf02

L'image ci dessus est celle du logo d'un "regroupement de sages-femmes" créé en 2009 pour s'opposer à la prescription de l'IVG par les sages-femmes.
Je continue à vouloir taire leur nom mais croyez moi sur parole, il s'agit bien de leur logo.


L'image ci-dessous est un logo généreusement offert en 2006 par Matt Daigle, graphiste, pour promouvoir l'allaitement maternel. (voir ici )


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Je vous laisse la conclusion...

27 octobre 2009

Grand écart

Ralerie facile…

Il suffit de comparer les propos tenus par le même professeur ici et .

Le premier document date de 2008. C’est un communiqué du CNGOF (Collège national des gynécologues et obstétriciens français) dont le professeur Lansac était président.  Nous pouvons y lire que la continuité des soins pose question en cas de transfert d’une maison de naissance attenante à la maternité au plateau technique de la même maternité, que la prise en charge d’une urgence désorganise l’équipe de garde (!) et que la seule bonne solution serait d’ouvrir les maternités aux sages-femmes libérales ( on doit pouvoir compter sur nos doigts les sages-femmes ayant obtenu cet accès) afin que les femmes bénéficient «de la sécurité de l’équipe médicale et du plateau technique »

Dans le second article,  le même professeur précise que faire 100 km pour accoucher ne pose aucun problème et que devoir «transférer les césariennes et autres cas problématiques n’a rien de choquant». D’ailleurs, «on ne peut pas mettre une équipe médicale dans chaque maternité ».

Dans un cas on nous ballade avec de fausses allégations sur la sécurité. En effet des études internationales démontrent que la prise en charge des accouchements physiologiques à distance des plateaux techniques obtient les mêmes résultats en termes de santé maternelle et néonatale qu'en maternité tout en diminuant le nombre des interventions.

Dans l’autre cas, on affirme banal de voyager dans la brousse pour bénéficier d’une césarienne, il faudrait simplement s’attacher à améliorer les transports.

Je ne connais pas la situation de Mayotte, si ce n’est que la maternité de Mamoudzou détient le record des naissances en France (9000naissances/an) .
Je m’étonne simplement que le même médecin puisse envisager un transfert de plusieurs dizaines de kilomètres avec sérénité là-bas quand il s’inquiète de la traversée d’un simple couloir ici.

Métropole versus Mayotte, autre version du « que vous soyez puissants ou misérables »…
La mauvaise foi sort seule gagnante de cette comparaison.

PS:  il existe de nombreuses autres approximations dans ce document du CNGOF… Par exemple  « l’entrée (lire transfert) en salle de naissance ne sera décidée que par le couple et les sages-femmes libérales ».
Faut-il comprendre que les parents n’ont pas à participer à la décision médicale ? Cette attitude serait contraire à la loi n°2002-303 relative aux droits des « malades » du 4 mars 2002..
Faut-il aussi comprendre que les sages-femmes sont incompétentes pour décider d’un transfert ? Toute l’organisation des soins obstétricaux en France serait à revoir. Les  accouchements sont tous suivis par les sages-femmes qui ont en charge la détection d’une éventuelle complication pour passer alors le relai aux obstétriciens.

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26 octobre 2009

Sororité

Les anti-IVG tentent de s’acheter une conduite au travers d’un regroupement de sages-femmes. J’en tairai le nom pour éviter de leur faire de la publicité.
Leur courrier semble avoir été adressé, (accompagné d’une enveloppe T)  à l’ensemble de la profession. Nous sommes plus de 20 000 et aucune participation financière n’est sollicitée. D’où proviennent les fonds permettant une action de cette envergure ?

Evidemment,  elles avancent masquées… «Nous nous battons pour des maternités plus sures et plus naturelles». Qu’en termes choisis ces choses là sont dites.
Sous couvert de défendre les conditions de naissance, elles torpillent le recours à l’avortement, comme si l’un s’opposait à l’autre, comme si accouchement et IVG n’étaient pas les deux facettes d’une seule histoire, celle des femmes.

Nous considérer «comme prescriptrice d’avortement ferait basculer l’équilibre fragile de notre profession».
Si nous n’avons pas encore le droit de prescrire l’IVG médicamenteuse (le lobbying hélas efficace des anti-IVG a fait retirer des amendements à plusieurs reprises), j’accompagne déjà des femmes et des couples qui se posent la question de poursuivre ou non une grossesse.
Aucune fragilité, aucune ambigüité dans ma position.
Si l’on s’adresse à une sage-femme, c’est justement parce que l’on sait pouvoir trouver auprès d’elle attention et respect ; il ne s’agit pas de juger mais d’offrir notre écoute pour aider la décision à émerger, quelle qu’elle soit.

Choisir de ne pas poursuivre une grossesse ne se fait jamais facilement
Nul ne peut s’arroger le droit de décider du devenir des femmes.

La loi Veil a été votée un an avant le début de mes études. Grâce à ce vote, je n’ai pas eu à connaitre les femmes décédant d’hémorragie ou de septicémie après un avortement clandestin.

De nos jours,  l’IVG est attaquée de toutes parts. Certains centres sont fermés, (voir ici par exemple ici), les vacations, sous-payées, sont pour la plupart assurées par des médecins militants de la première heure et donc proches de la retraite. La relève tarde à venir.

Alors oui, je me bats pour les droits des femmes et pour l’accès à l’IVG et je veux bien m’y engager plus encore pour permettre à ces femmes de trouver les réponses qu’elles attendent.

Comme militante de la naissance respectée, je dénonce l’amalgame entre défense de la physiologie et opposition à l’avortement.

Comme citoyenne, je déplore que de jeunes sages-femmes soient assez naïves pour servir de de cheval de Troie aux extrémistes.

Et comme sage-femme, je m’indigne de ces assertions qui voudraient nous faire croire que l’histoire des femmes peut se morceler, que nous devons être près d’elles quand elles accouchent mais nous en éloigner quand elles avortent.

Ma place de professionnelle est, toujours, à leurs cotés.

Edit du 29 octobre :
Un collectif de soutien à l’extension des compétences des sages-femmes à l'IVG est en train de se constituer.
Vous pouvez adresser votre mail à sforthogeniques@orange.fr en indiquant vos nom, prénom, adresse, email, profession et votre volonté de soutien ou de participation active à ce collectif.

12 septembre 2009

Play-boy

Il est de taille moyenne, chemise ouverte, cheveux et barbe poivre et sel, teint bronzé, ventre rentré, grosse montre au poignet et chaine en or autour du cou, play-boy archétypal.
Nous sommes en congrès. Les thèmes abordés réunissent sages-femmes et médecins. Il est obstétricien et son intervention du matin a été remarquée.

         Son regard balaye la salle de restaurant.
         Pas de chance, il se dirige vers notre table.

Intervention remarquable, certes par l’intérêt de son sujet mais aussi par l’arrogance de l’orateur, admonestant son public et se montrant particulièrement méprisant envers la gente féminine... à moins qu’elle ne soit très jolie fille.

C’est le cas de ma voisine de gauche, qui intéresse donc beaucoup mon nouveau voisin de droite.

Avant son arrivée, nous débattions de la taille des maternités et de leur l’impact supposé ou réel sur les protocoles.  Une prise en charge sur mesure est elle plus aisée dans de petites structures ? Est-ce que le « gigantisme » des établissements amène à des conduites à tenir figées ?
Chacun, plus ou moins englué dans les habitudes de son service,  tentait de défendre son choix d'exercice comme optimal. La discussion était passionnée.

C’était sans compter l’archétype…

Il s’est mis en tête de charmer ma voisine. Comme je lui suis parfaitement transparente- entre autres défauts rédhibitoires,  je suis de la même génération que lui - il s’adresse à elle comme si personne ne les séparait. L’interpellant sans cesse, interrompant nos conversations, il se fait insistant et promet de lui garder une place pour son atelier « pratiques » du lendemain, pourtant annoncé complet. D’autres à table seraient intéressés mais leur physique moins avantageux rend leurs sollicitations curieusement inaudibles. Le malaise s’installe, la conversation s’éteint.

Nous terminons le repas dans un silence contraint. Je suis la première à annoncer mon départ, invoquant un réveil aux aurores. Ma blonde voisine saute sur l’occasion et affirme qu’elle aussi… Puisque nous allons dans la même direction, puis-je la ramener ?

Désappointé mais pas découragé, l'archétype laisse errer son regard à la recherche d’une autre proie.

2 septembre 2009

Préhistoire

Service de gynécologie, au cœur d’un vieil hôpital fatigué. Une toute jeune fille y est hospitalisée en chambre collective pour une infection gynécologique. La pièce s’étire d’une fenêtre à l’autre. Quatre lits sont alignés, séparés d’à peine plus que la largeur d’une table de nuit. Aucune intimité n’est possible.

C’est la grande visite. Derrière le chef de service, des membres de l'équipe soignante - "surveillante", sage-femme de l’étage et infirmière de jour - mais surtout le cortège des étudiants en médecine, élèves infirmières et futures sages-femmes.

Nous nous entassons dans la chambre. Comme de coutume, chaque cas est exposé au chef de service par l’un des étudiants. La chambre commune ne laisse aucune patiente ignorante de la pathologie des voisines ; respecter le secret médical n’est pas encore une préoccupation.

Vient le tour de l’adolescente. Elle est jeune, diaphane, assortie au blanc rêche de ses draps.
Outre ses trois voisines de chambre, nous sommes bien une vingtaine, hommes et femmes, entourant son lit.
Après la présentation de son dossier, le médecin l'informe qu'il va l’examiner pour confirmer le diagnostic. Sans autres explications, il écarte le drap,  empoigne ses chevilles pour l’installer en position gynécologique et relève le bas de la chemise fournie par l’hôpital.

Elle se raidit et ferme les paupières. La main gantée s’approche de son corps crispé, insiste puis se retire au bout de trop longues secondes. Le grand patron annonce qu’elle est «inexaminable» car trop contractée. Il faudra donc «la passer au bloc» pour une courte anesthésie afin de parfaire le diagnostic. L’étudiant prend note.

Le cortège recule pour aller s’entasser dans la chambre voisine.

Personne n’a osé suggérer qu’un peu d’humanité et l’intimité d’un cabinet de consultation pourraient éviter le recours aux hypnotiques.

PS: nous sommes en 1977

1 septembre 2009

Un ton plus haut

Service maternité, la vaste salle d’attente d’un grand centre hospitalier. Quelques bacs de fausses plantes vertes tentent vainement de délimiter de plus petits espaces. Les chaises de plastique inconfortables, soudées les unes aux autres, laissent peu de place pour étaler les rondeurs. Des magazines fatigués trainent sur des tables basses. Aux cotés des couvertures passées et déchirées s’étalent de riantes brochures sur les interdits de la grossesse, alcool, tabac, régime alimentaire…

Pas de lumière du jour. Ce sont les bureaux de consultations et les secrétariats disposés tout autour qui bénéficient de fenêtres. Au centre reste ce large espace à l’éclairage artificiel et la ventilation ronronnante.

De nombreuses femmes, quelques hommes aussi, s’ennuient en silence. 
Régulièrement, l’un des cabinets s’ouvre, un médecin s’avance, dossier à la main, et annonce le nom de la patiente suivante. Une femme se lève alors avec plus ou moins d’aisance et emmène son ventre rond jusqu’à la porte.

Parfois, personne ne réagit et il faut répéter l’appel.

L’un des médecins a opté pour une autre stratégie. Lorsqu’il ouvre la porte, il ne prend pas le risque d’être amené à répéter deux fois le même nom ; il le hurle et, à chaque fois, fait sursauter la salle.

Ce jeune couple vient pour son second rendez-vous. Heurté par cet accueil tonitruant, le père a prémédité sa riposte. Lorsque leur tour arrive, leur nom est  sans surprise crié à travers le hall.
Alors, il se lève d’un bond et hurle tout aussi fortement, «c’est nous» en s’avançant vers le bureau.

28 août 2009

Harcèlement

Elle est suivie par une autre sage-femme du cabinet. Inquiète, désemparée, épuisée, c’est la troisième fois qu’elle demande une consultation en urgence. Hasard du planning, c’est la troisième fois que je la reçois.

Dès notre première rencontre, elle évoque le harcèlement moral pratiqué de façon coutumière dans son entreprise.  La forme est habituelle, en exiger toujours trop pour  renvoyer ensuite aux employés leur incapacité à faire face, égrener de petites phrases méprisantes qui font douter chacun de ses compétences et de sa valeur.

Malgré sa grossesse, l’entreprise continue à exiger d’elle des déplacements aussi  épuisants qu’inutiles. Guerre d’usure efficace, elle doute de sa fatigue, de son ressenti… «Peut-être que je m’écoute trop ?»

Son corps la rappelle à l’ordre, douleurs ligamentaires, sciatalgies, contractions utérines répétées. Rien de réellement inquiétant, juste une sonnette d’alarme.
Je l’arrêterais bien quelques jours mais elle refuse. Puisqu’il n’y a rien de grave, le week-end arrivant, elle va se reposer.
Je l’invite à contacter le médecin du travail, soulignant qu’il est en mesure de faire aménager son poste et de contre indiquer les déplacements.

Elle revient quelques semaines plus tard. Le tableau est le même ; elle n’a pas appelé la médecine du travail car elle est convaincue que ce sera inutile. Elle est stressée, insomniaque et épuisée.  Devant mon insistance, elle accepte un arrêt de quelques jours. Je lui conseille à nouveau de contacter le médecin, confiante sur la suite qu’il donnera à sa demande.

Un mois passe, nouvel appel, au début de son dernier trimestre. Pour la première fois c’est elle qui sollicite  un arrêt. Toujours rien de réellement préoccupant mais il est évident qu’elle est à bout.

J’évoque encore la médecine du travail, elle  répond démarches inefficaces. Ses tentatives n’ont rien donné et le médecin se serait simplement étonné de l’immobilisme de l’inspection du travail, prévenue elle aussi. Je parle syndicats, elle répond turn-over des employés.  Elle ne vient pas prendre un cours de mobilisation militante, je n’insiste pas et poursuis la consultation.

Elle m’explique alors, «ma chef m’a dit, maintenant que tu as une remplaçante, je ne comprends pas ce que tu fais encore au boulot ! »
Je réalise que c’est sur ordre d’un chef qui ne veut pas avoir à payer deux personnes pour le même poste que,  pour la première fois, elle souhaite être arrêtée.
Il lui a été tant demandé que sa hiérarchie s’attendait à un départ anticipé.  Mais elle a tenu bon, sa seule façon de tenir tête.
Maintenant elle dérange.

Je m'abstiens d'un commentaire  sur l’assurance maladie dont la fonction n'est pas d’aider à la gestion des entreprises… Qu’y peut-elle, elle n’est que l’otage.

Je signe le papier.

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