Dites 23 !
Un carabin est en train de se tailler une solide réputation chez les sages-femmes. Je tiens à soutenir sa célébrité naissante ; le "Dr Kenny" mérite d’être connu.
Avec une déconcertante modestie, il affirme pouvoir apprendre bien plus en une année que ce que les sages-femmes étudient en cinq ans, célébrant au passage ses propres capacités d’apprentissage "rapides et efficaces " (sic), mettant en doute notre aptitude à assimiler l’immensité de son savoir, même en nous y collant vingt ans…
Il conclut en soulignant qu'il est tout aussi ridicule de vouloir remplacer des médecins par des vétérinaires (selon la surprenante suggestion d’une élue Dijonnaise) que les médecins par des sages-femmes…
Au final, ce Dr Kenny ne mérite pas que l’on s’attarde sur ses propos. Peut-être éprouverons nous juste quelque inquiétude sur sa capacité à établir un dialogue empathique et respectueux avec ses futurs patients. Mais rassurons-nous, il a choisi d’être chirurgien, ses patients seront muets puisqu’endormis.
J’en déduis qu’il a conscience de ses limites !
Revenons au fond du débat. La discussion sur ce forum d'étudiants en médecine a pour titre «Les sages-femmes seront payées comme les généralistes»
Et c’est bien là que le bât blesse. «Pourquoi faire neuf années d’études si on peut gagner la même chose en en faisant cinq ?».
Un accord avec l'assurance maladie vient d’être signé par nos syndicats. La consultation sage-femme passera de 17 et 19 € à 21 € … en septembre 2012, et à 23 € en septembre 2013. 23 €, c'est précisément le tarif actuel de la consultation du médecin généraliste. L’annonce de cette revalorisation plonge le monde médical dans un certain émoi.
Serons nous payés pareil pour faire la même chose ?
La sage-femme se préoccupe principalement de physiologie et de prévention. La maternité est son domaine, elle maîtrise parfaitement son suivi, les complications potentielles, ce qui est tolérable ou pas, ce qui doit être surveillé ou pas. Elle peut traiter l’infection urinaire ou la mycose vaginale, corriger une anémie, prescrire des substituts nicotiniques… Cependant, en cas de pathologie suspectée ou avérée, elle se doit de passer le relais au médecin compétent, généraliste ou spécialiste.
L’atout du généraliste, c’est qu'il connaît globalement sa patiente parce qu'il la suit au long cours.
L'atout de la sage-femme, c’est aussi la globalité, mais cette fois-ci "transversale". Elle prend en charge la femme comme le nouveau-né, se préoccupe de la sexualité comme de la jalousie d'un aîné. Elle assiste le quotidien, soins du cordon ou préparation d’un biberon, surveille la cicatrisation d'un périnée ou traite une lymphangite. Elle écoute les pleurs du baby blues ou l'ambivalence du désir d'enfant, rééduque un périnée ou pose un stérilet.
C’est cette compétence à s’occuper des petits maux comme des grands moments de la maternité et de la vie féminine qui fait sa spécificité.
Médecin ou sage-femme, il ne s'agit pas de faire mieux ou moins bien mais de prises en charge complémentaires. Tout est d'abord affaire de choix, celui des femmes ! (choix parfois contraint, faute de médecins disponibles...)
Nos professions doivent être pensées comme partenaires plutôt que concurrentes.
Reste une réalité : les consultations de sages-femmes sont longues, le temps nécessaire à la transversalité. En y passant trente à soixante minutes, même si le tarif annoncé semble le même, nous serons toujours bien moins payées que les généralistes.
Leur honneur est sauf !
NB : Pour mieux comprendre à quel "salaire" réel correspondent les chiffres, je vous invite à lire ce qu'en dit très honnêtement le Dr Borée