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Dix lunes
12 janvier 2011

Légitime défense ?

Le 14 décembre dernier, la Fédération Hospitalière de France communiquait sur la pertinence des examens et actes médicaux. Parmi les "mis en cause", la césarienne, mode de naissance d'un enfant sur cinq.

En mars 2009, la FHF avait déjà produit un rapport consacré aux césariennes, notant un taux d'intervention toujours en croissance (+ 1.4% en 5 ans) et une pratique plus fréquente (+1.9%) dans les maternités de type I en secteur privé (21.5 %) qu'en secteur public (19.6%).
Les derniers chiffres annoncés par la FHF confirment leurs premières conclusions. Le taux de césarienne augmente encore légèrement : 20.1%en 2007, 20.23%en 2009. La différence entre maternité privée et public de type I se creuse : +  2.3%. Saluons au passage le bel effort d’une clinique parisienne, également de type I, qui voit baisser son taux de presque 6 % en 2 ans...  passant de 43,3% à  37,7 %.

Le secrétaire général du Syngof (Syndicat des gynécologues-obstétriciens) a réagi : «Je tiens tout d’abord à vous rappeler que les honoraires d’un accouchement sont cotés à l’identique avec une césarienne en secteur privé. Que la naissance se passe par les voies naturelles ou par césarienne il n'en coûte pas plus à la Sécurité sociale ».
Ce n'est pas la stricte vérité … Les honoraires du médecin sont effectivement les mêmes quel que soit le mode d’accouchement. Mais la Fédération de l'Hospitalisation Privée communiquait l’an dernier sur ses tarifs (en épinglant le secteur public…) et annonçait elle même des chiffres différents pour un accouchement (2 774,75€ ) et une césarienne (3 234,21€). Le coût pour la sécurité sociale n’est donc pas identique.
Je ne peux guère analyser plus loin car les calculs des tarifs en GHM et autres PMSI me sont particulièrement impénétrables… On peut imaginer cependant quelques frais supplémentaires pour l’assurance maladie car une intervention chirurgicale nécessite a priori un peu plus de suivi, d'examens complémentaires et traitements qu'un banal accouchement.

Mais des motivations autres que financières interviennent. Et là ce n’est pas moi qui le dit mais le Figaro, qui n'a pourtant pas la réputation d'un média hostile aux médecins. «Un bon connaisseur du monde de la santé souligne malgré tout que d'autres raisons peuvent expliquer les césariennes. Elles sont «pratiques» pour l'obstétricien quand elles sont programmées - en journée et en semaine. Et quelques cliniques se sont constitué un véritable «marché» en répondant toujours favorablement aux demandes des futures mamans que l'accouchement par voie basse inquiète.»
Il est effectivement plus simple d’organiser une césarienne qu’un accouchement à une heure dite...
Quant à répondre favorablement à la demande, encore faudrait-il se préoccuper de ce qu’elle couvre réellement. Laissons d'abord aux femmes l'espace et le temps de livrer leurs peurs, fréquent amalgame de fantasmes et d'idées reçues, afin qu'elles puissent s'en libérer.

Le secrétaire du Syngof ajoute "Si un taux croissant de césariennes est constaté, il est surtout la conséquence de conduites «défensives» des obstétriciens dont la couverture assurantielle reste insuffisante"
Que devons nous comprendre ? Il ne s’agirait donc pas de "bonnes pratiques" mais d’être inattaquable devant les tribunaux : «J’ai fait le maximum » ?
Soit la meilleure thérapeutique est réellement la césarienne et l’assurance n’a rien à voir la dedans.
Soit elle est autre et l’on choisirait sciemment de ne pas s'y conformer par souci de risque judiciaire.
Ainsi résumé, ça refroidit non ?
Allez, je l'avoue, ce raccourci brille par sa mauvaise foi. La médecine ne répond pas à une logique mathématique binaire et toute décision mêle analyse, expérience, probabilités, psychologie et bien d'autres facteurs encore.

La FHF n’est pas non plus exempte de critiques car les solutions préconisées sont surréalistes. « Le Pr Mornex, qui a dirigé son groupe de travail sur la pertinence des actes, prône des «bonnes pratiques opposables» - en clair, ne plus rembourser les examens qui ne correspondent pas aux préconisations qui font consensus au sein de la communauté médicale. «Mais elles doivent être opposables aussi en cas de conflit juridique»
Ne pas rembourser des actes quand ils ne correspondent pas au consensus, cela reviendrait à faire payer aux patients les excès de zèle des praticiens !
Quand aux préconisations opposables en cas de conflit juridique, autant annoncer le calcul par ordinateur de toute décision médicale : Grossesse banale: taper 1 / vous avez un facteur de risque : taper 2 / vous croulez sous les facteurs de risque : taper 3 et l'informatique décidera …

La décision médicale ne se prend pas en suivant un consensus, même s'il aide à éclairer nos choix, mais en prenant en compte l’ensemble des éléments médicaux, psychologiques, sociaux…

Il est certain que l'envahissement du médico-légal nous conduit à verrouiller nos dossiers, non dans le but de mieux soigner mais dans celui de nous protéger.
Il est vrai que les recours en justice sont en augmentation.
Mais la première prévention de ces excès ne serait-elle pas un dialogue honnête entre soignant et "soigné" ?

 


PS : je me répète.. cf ce billet

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5 janvier 2011

Le chainon manquant*

France Inter hier soir. Une émission sur la naissance. Quatre invités, quatre hommes, quatre médecins, quatre professeurs. (3 obstétriciens, I.Nisand, Y.Ville, R.Henrion -ancien président de l’académie de médecine- et un pédiatre P.Vert).
Quid des sages-femmes, quid des parents ?
La naissance est chose sérieuse et ne peut être évoquée que par d’éminents spécialistes !

Sans surprise, l’émission s’ouvre sur les maisons de naissance "le projet marque le pas"...

Sans vous imposer une analyse exhaustive des débats, je retiens quelques points.
La demande pour un accouchement  moins technicisé est reconnue mais celle de l’accouchement à domicile balayée en quelques mots par I Nisand "on peut mourir à domicile". Sans surprise, il défend sa "maison de la naissance", huit salles d'accouchement au sein de la maternité de Strasbourg. Au détour d'une phrase, il reconnait enfin cette évidence, c’est la même chose qu'un espace physiologique. Effectivement, l'alternative - cependant intéressante -proposée à Hautepierre** n'est pas une maison de naissance. Les femmes sont accompagnées par les sages-femmes de garde, donc pas forcément connues et surtout pas forcément disponibles. Les sages-femmes se partagent entre les salles physiologiques et les autres et comme partout, elles font ce qu’elles peuvent…
Y Ville soulignera d’ailleurs l’intérêt du "1 pour 1" une femme, une sage-femme, organisation optimale qui supposerait une volonté forte des pouvoirs publics. Ce n’est pas le chemin que nous prenons actuellement…

I Nisand, dans son combat contre l'accouchement à domicile, envisage qu’une femme puisse accoucher à l’hôpital avec sa sage-femme et propose que l’on mette à la disposition des femmes et des sages-femmes qui le désirent le service public des maternités.
Louable intention ! Cette possibilité existe déjà, mais elle est très majoritairement refusée aux sages-femme libérales. Et lorsque la porte s’entrouvre, c’est souvent à la condition de se conformer strictement aux protocoles du services ; protocoles édictés pour pallier la multiplicité des intervenants, le manque de disponibilité des sages-femmes, protocoles standardisant les prises en charge en partant du principe qu'il vaut mieux en faire trop que pas assez.
Exactement à l’inverse de ce que l’accompagnement global permet de faire. Exactement à l'opposé de ce que parents et sages-femmes demandant cet accès au plateau technique souhaitent.
Dialogue de sourd...

Seront aussi abordées les sorties précoces. I Nisand présente le service d’hospitalisation à domicile de son établissement qu’il précise confié à « nos » sages-femmes (comme j’aime à entendre ce possessif).
Il défend la généralisation de cette organisation avec une nuance intéressante ; en ville, le service doit être assuré par les salariées, en rural (secteur plus difficile du fait des déplacements)…ben les libérales peuvent s’y coller. Que voilà une répartition harmonieuse ! Ne serait-il pas plus judicieux de travailler avec les libérales pour l’ensemble de ces visites (sachant que le prix de revient pour l'assurance maladie est alors divisé par 2 ou par 3 ?).***

Mais je retiendrai surtout cette réflexion d'Y Ville rappelant qu’en Angleterre, pour un nombre équivalent de naissances, il y a deux fois plus de sages-femmes et deux fois moins d'obstétriciens. Les chiffres sur la sécurité et la satisfaction autour de la naissance sont meilleurs là bas.

CQFD !

*le titre surréaliste de ce billet est du à la réflexion partagée par Y Ville puis I Nisand "la sage-femme est le chainon manquant"
** avec mon mauvais esprit habituel, je vous invite à observer tout particulièrement la diapositive N°9
***Il y aurait beaucoup à dire sur le développement de l’hospitalisation à domicile en périnatalité. J’y reviendrai dès que j’en aurai le temps (mes billets "d’actualités" en retard s’accumulent …).


1 janvier 2011

Voeu pieu !

Deux lieux "saints"
Saint Gaudens, maternité publique de type I en Haute Garonne « où il fait bon naitre » comme l’indique cet article. Maternité  avoisinant les 600 naissances annuelles ; une équipe en recherche, faisant preuve de disponibilité, d’écoute pour un accompagnement personnalisé.

Saint Avold, maternité PSPH* de type I en Moselle, accueillant 650 accouchement cette année. Une équipe en pleine réflexion, cherchant à améliorer ses pratiques pour mieux respecter la physiologie, en passe d’obtenir le label Hôpital amis des bébés.

La première a vu sa fréquentation augmenter de presque 50 % en 5 ans. On ne laissera pas la seconde recueillir les fruits de ses efforts. Sa disparition est annoncée comme imminente.
Que lui est-il reproché ? De manquer de rentabilité... On apprend incidemment de la bouche du directeur général que seules des maternités faisant plus de 1200 accouchements annuels seraient rentables.

En 1998, Bernard Kouchner annonçait la fermeture des maternités réalisant moins de 300 accouchements par an pour des raisons de sécurité. Cet argument de poids n'a jamais été démontré ; seule la nécessité d'adapter le "niveau de soin" au "niveau de risque" est prouvée.
Depuis, de nombreuses réflexions ont été menées afin d'orienter les femmes enceintes vers l'établissement adéquat.

Mais la médecine française a pour particularité de considérer toute grossesse, tout accouchement comme à risque. Conséquence logique, le concept de sécurité bascule progressivement vers l'orientation de toutes les femmes vers les grands centres de type III avec pour corollaire la fermeture des maternités de proximité (on comptait1379 maternités en 1975, moins de 600 actuellement).

Moins de maternités, plus de sécurité et - a priori - moins de dépenses. L'argument sécuritaire vient au secours de la nécessité économique. Que demander de plus ?

Sauf que ....
Ce n'est pas économique : La coordination nationale des hôpitaux de proximité l'affirme : Pour les maternités, les économies d'échelle sont inopérantes. Les frais de transport sanitaires explosent parallèlement aux fermetures. Les femmes sont contraintes de faire appel au 15 et à un transport par SMUR, voire à un transport héliporté avec un surcoût important et un risque d’insuffisance de moyens face à l’augmentation de la demande. Par ailleurs, le coût des actes techniques simples est moindre dans une structure de proximité (jusqu’à deux fois moins).

Ce n'est pas sécuritaire : Le nombre d’accouchements inopinés hors maternité augmente (en Isère, entre 1998 et 2005, ce nombre a été multiplié par 2.9 alors que le nombre des naissances n’a été multiplié que par 1.1**).

Les progrès de la médecine nous permettent de dépister les signes annonciateurs de complications afin que les femmes soient correctement prises en charge dans des lieux de haute technicité.
Mais lorsque tout s'annonce bien, et je le martèle dans ce blog, la "prise en charge" la plus économique et la plus sécuritaire se résume à un accompagnement attentif, au respect de la physiologie, des rythmes maternels… toutes choses que peuvent offrir de petite maternités à taille humaine ; toutes choses difficile à proposer dans le contexte des usines à bébé où les intervenants sont multiples et les actes protocolisés.

On pourrait faire tout aussi bien dans un grand centre que dans un "petit" à condition de réorganiser les prises en charge et de très largement augmenter le nombre de sages-femmes.

Une femme/une sage-femme sera donc mon vœu - totalement irréaliste -
pour l’année 2011 !

En attendant, allez signer la pétition pour la maternité de St Avold.



*participant au service public hospitalier : établissement privé de santé à but non lucratif
**Thèse  M.PONCELET, faculté de médecine de Grenoble, 2007

25 décembre 2010

Demande au Père Noël

François Brottes, député socialiste, vient de déposer un cadeau au pied de notre sapin en réclamant la possibilité pour les sages-femmes pratiquant les accouchements à domicile d’avoir accès à une assurance à tarif décent.

Beau geste qui aurait gagné à se montrer précis. Il évoque un coût de 25 000 € dont 6000 € pris en charge…
Les obstétriciens bénéficient depuis 2006 et à certaines conditions d’une subvention allant de 55 % à 66% (plafonnée à 12000 €) du montant de leur prime.
Hélas, les sages-femmes n’ont droit à aucune aide leur permettant de réduire le coûtde leur responsabilité civile professionnelle pour la pratique des accouchements. Les tarifs, parfaitement raisonnables pour l’exercice en maternité - entre 200 et 1200 € selon les assureurs - grimperaient à 19 000 € pour les naissances à domicile.

Pourquoi ce conditionnel ? Parce que bien évidemment aucune sage-femme n’a les moyens de verser une telle somme. Le bureau central de tarification, saisi en 2008, était dans l’obligation de nous trouver une assurance. Il s’y est conformé, mais en imposant ce tarif exorbitant.
Rappelons que l’accompagnement global* de la naissance, corollaire de l’accouchement à domicile, fait qu’une sage-femme ne peut raisonnablement s’engager pour plus d’une cinquantaine d’accouchements annuels. Cela revient à dire que la totalité de la rémunération (312.70 € pour le suivi de l’accouchement et des 7 jours suivants) ne permet même pas de financer l’assurance !

Je me sens donc en parfait accord avec ce député lorsqu’il affirme que « que les tarifs prohibitifs proposés en France viennent de fait interdire cette pratique » et qu’il interpelle notre nouvelle secrétaire d'Etat à la Santé, Mme Nora Berra, pour « connaître les dispositions qu'elle entend prendre pour évaluer la pertinence de la pratique de l'accouchement à domicile, et permettre que cette option reste offerte aux mères qui le souhaitent ».

Evaluer cette pratique en analysant les données françaises est réclamé depuis longtemps par les sages-femmes. Les études réalisées dans d'autres pays nous donnent raison mais curieusement, leur validité ne traverse pas la frontière.
A l’inverse, un certain nombre de publications étrangères récentes mélangeant allégrement accouchements programmés à domicile et accouchements inopinés, suivis par une sage-femme ou sans assistance médicale, aux résultats évidement mauvais, sont largement relayés…

Au pied du sapin, je ne demande aucun passe droit, aucun arrangement… Pouvoir compter sur l’honnêteté de nos partenaires institutionnels et médicaux serait un superbe cadeau.


*Accompagnement global : une même sage-femme assure la totalité du suivi, du début de la grossesse aux suites de couche.

17 décembre 2010

Salve 3 et mise à mort

Le site du Conseil Constitutionnel vient de publier ses conclusions au sujet de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2011. Certains articles sont déclarés non conformes. Le texte défile rapidement à coup de clics ... bref instant de joie, l’article 40 n’est pas cité.
Joie trop brève car une lecture plus attentive montre que l’article 67 est abrogé. Et l’article 67 est bien celui qui concernait l’expérimentation des maisons de naissance dans la loi définitive.

C’est donc reparti pour un tour de manège
Evidemment, les raisons invoquées ne concernent en rien l’expérimentation. Le Conseil Constitutionnel considère simplement "que ces dispositions n'ont pas d'effet ou ont un effet trop indirect sur les dépenses des régimes obligatoires de base ou des organismes concourant à leur financement ; que, par suite, elles ne trouvent pas leur place dans une loi de financement de la sécurité sociale".

Mais pour les femmes, les parents, les sages-femmes, cela veut dire qu’il faut repartir au combat.

La levée de bouclier des députés et sénateurs, téléguidés par nos amis les médecins, démontrait que tout serait mis en œuvre pour faire échec au projet.
Et nous redoutions que l’expérimentation soit vidée de son sens à coup de protocoles imposés, de proximité immédiate et autres exigences sécuritaires niant les résultats étrangers.

Mais même cette première timide amorce de demi-pas en avant ne sera pas.

Le village gaulois persiste et signe. Il ne sera pas dit que la France s'aligne sur ses voisins européens, qu'elle accède à une demande grandissante des parents, qu'elle redonne une juste place aux sages-femmes dans l’accompagnement de la maternité physiologique, qu'elle renvoie les médecins spécialistes à leur domaine d’exercice spécifique, la pathologie.

Chapeau bas messieurs les obstétriciens !
Vous avez défendu avec succès votre territoire pour continuer à expédier en quelques minutes de banales consultations, insérer index et majeur gantés de plastique dans les vagins et rassurer vos patientes par un "je serai là Madame", omettant de préciser que ce "là" désigne  les cinq dernières minutes de leur accouchement.

Vous persistez à sous-exploiter les compétences acquises au cours de longues et couteuses études financées par la collectivité.

Vous êtes convaincus que tout accouchement, quelles qu'en soient les circonstances, est une bombe en puissance. Vous méconnaissez l’impact d’un accompagnement attentif dans les phénomènes complexes de la mise au monde et vous nous refusez la possibilité de démontrer son efficacité.

Certains couples projetant un bébé pour l’année prochaine se réjouissaient de trouver un lieu conforme à leurs désirs.
Certaines sages-femmes se félicitaient d’avoir enfin la possibilité de montrer ce qu’accompagner veut dire.

Cela ne sera pas...

... tout de suite.

Mais d'évidence, nous gagnerons ce combat. Malgré l'évidente mauvaise foi de nos détracteurs, la conjugaison des attentes des parents et des professionnels, des expériences étrangères et des réalités économiques nous donnerons raison.

Soyez certains de notre détermination !

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12 décembre 2010

Salve 2

Nous assistons à un tir groupé  - d'où les titres des deux derniers billets - de communiqués divers mettant en cause toute alternative à la prise en charge habituelle de la maternité. Un nouvel exemple en est cette enquête° Ipsos commandée par le CNGOF (Collège des Gynécologues Obstétriciens Français) qui conclût fièrement que les femmes préfèrent très majoritairement accoucher à l’hôpital ( 64% ) ou en clinique ( 25% ).

C‘est heureux puisque la France ne propose guère d’autres choix.

2% souhaiteraient accoucher à domicile, ce qui fait malgré tout, rapporté aux 822 985 naissances dénombrées par l’INSEE en 2009, plus de 16 000 femmes concernées. La CNAM annonce de son côté 1945 "forfaits accouchement"* réglés aux sages-femmes pour l’année 2009. Entre ces deux chiffres, y a comme un décalage que les contre-indications à l’accouchement à domicile ne suffisent évidemment pas à expliquer. Plusieurs milliers de femmes renoncent chaque année à accoucher à la maison parce qu’aucune sage femme ne peut les accompagner (j’ai déjà exposé les raisons de cette désaffection).

Ne nous étonnons pas de ces 73% de femmes n’ayant jamais entendu parler des maisons de naissance. Il faudrait d’abord que ces lieux existent pour que les parents puissent se saisir de cette offre…l'ignorance n’est pas équivalente au refus d'en bénéficier.

Reste une question subsidiaire ; où les 9% de femmes (soit 75 000) qui ne veulent accoucher ni en maternité ni à domicile souhaitent-elles mettre leur enfant au monde ?

Je fais le pari qu’une maison de naissance leur irait bien. Faut juste les ouvrir…

° Cette enquête était prévue pour les 34ème Journées nationales du CNGOF qui se terminaient hier. On devrait prochainement pouvoir accéder à cette présentation sur leur site.

* 1945 est le nombre de "SF 118"- cotation de l'accouchement - payés directement aux sages-femmes libérales en 2009. Ce chiffre inclut quelques accouchements à domicile non programmés, et d’autres accompagnés par une sage-femme libérale sur un plateau technique. Il est extrêmement difficile de disposer de données précises.


11 décembre 2010

Salve 1

Décidément, l’Académie de médecine s'intéresse beaucoup à l’obstétrique ces derniers temps. Un nouveau communiqué vient s'opposer à l'expérimentation des maisons de naissance avec des arguments… irrecevables.

Le premier concerne l’absence d’hospitalisation qui "peut générer des conséquences très graves tant pour la mère que pour l’enfant"
Rappelons que pour être suivie et accoucher en MDN, une femme doit être en bonne santé, présenter une grossesse normale, accoucher sans difficulté et à terme. De plus, mère et nouveau-né ne pourront quitter la MDN qu'après quelques heures de surveillance et l'assurance que l'un et l'autre vont bien.
Enfin, la sortie est préparée, ils sont entourés par famille ou amis qui veillent à leur bien être et peuvent faire appel à la sage-femme à tout moment ; sage-femme qui passera très régulièrement et au moins quotidiennement les jours suivants.
Tout cela me semble beaucoup plus sécuritaire que ce que vivent nombre de mères et de bébés quittant rapidement la maternité, sans suivi, sans garantie d’avoir un soutien à leur domicile et quels que soient leurs antécédents … Non ?

Mais nos académiciens s’inquiètent également du partage des responsabilités. "En cas de transfert vers le service de gynécologie obstétrique, qui sera considéré comme responsable, la sage femme ayant suivi la grossesse et le travail ou l’obstétricien ayant terminé l’accouchement par une pose de forceps ou une césarienne ? "
Je l'ai déjà écrit ici, cette situation est excessivement banale. Dans toutes les maternités, toutes les surveillances sont confiées aux sages-femmes, charge leur étant donnée de dépister les éventuelles complications pour les référer à l’obstétricien…
Est ce mon habituel mauvais esprit ou faut-il comprendre que c'est l'indépendance de sages-femmes exerçant leurs compétences de façon autonome qui est redoutée ?

Et que dire des "solutions" proposées ?

La création d’espaces physiologiques est une excellente idée qui aurait pu se développer depuis…une génération !
La maternité mutualiste de Nantes (je profite de l’occasion pour rappeler qu’il y a une pétition à signer ici) a par exemple ouvert ses portes en 1987 avec deux salles physiologiques, murs plaqués de bois, baignoire et bassin, matelas au sol et tabouret d’accouchement…  Rien n’est plus simple que de créer ces espaces. Mais cela ne suffit pas ; il faut aussi que l’équipe présente ait la disponibilité nécessaire pour accompagner les parents. La proposition de renforcer les effectifs est donc un corollaire indispensable.
Il faudra cependant faire remarquer à nos académiciens que la demande des couples est aussi celle d’une prise en charge globale, par des professionnels connus bien en amont de la naissance.

Quand à la suggestion d’ouvrir les plateaux techniques, j’hésite entre rire et pleurer… D’abord parce que c’est possible depuis 1991 mais que les établissements se montrent plus que réticents. Surtout parce que cela ne répond en rien aux deux objections soulevées dans le communiqué ; maison de naissance attenante ou plateau technique, la situation serait identique :
- l’accouchement en plateau technique se fait en ambulatoire ; aucune hospitalisation n'est prévue ensuite.
- quant au partage des responsabilités, il est encore plus flou puisque l'éventuel relai n'est même pas marqué par un changement de lieu.
Au final, la volonté ne serait-elle pas d'assujettir les sages-femmes, et à travers elles les femmes, à l’autorité des médecins ?
Compétentes : oui
Responsables : à 100%
Mais autonomes… Non !

Enfin je m’étrangle sur la mention "privée" ? Ainsi, ce type d’accompagnement ne mériterait pas d’exister dans le public. Est-ce une façon de botter en touche en libérant les hôpitaux de cette "contrainte" ou un service rendu au privé en lui procurant de nouvelles clientes ?
Dans le privé, ce ne serait soudain plus un problème de risque, ni de responsabilité, juste un problème de fric ? Je m’étrangle vous dis-je !

PS : 60 députés de l’opposition ont saisi le conseil constitutionnel le 1er décembre en demandant le contrôle de constitutionnalité de la loi de financement de la sécurité sociale 2011. L’article 40 ne semble pas ciblé particulièrement. A suivre...

7 décembre 2010

Ejectés

L’académie de médecine s’inquiète des sorties précoces de maternité, sources de complications potentiellement graves pour les enfants.
Stairway, lectrice, m'a gentiment demandé d’expliquer que les académiciens ont tort… ça ne va pas être possible.

Effectivement, l’ictère est le plus souvent banal chez le nouveau-né mais il peut évoluer vers des complications graves, heureusement très exceptionnelles. Ces ictères peuvent se traiter à condition d’être dépistés. Le premier niveau du dépistage, simple, évident, est de surveiller la couleur de la peau.
Encore faut-il que quelqu’un s’en préoccupe…

Ce qu’il faut dénoncer, ce ne sont pas les sorties précoces mais la pénurie de lit en maternité amenant les équipes à mettre à la porte mères et bébés de plus en plus rapidement.
L’académie de médecine ne dit pas autre chose quand elle s’inquiète «de la pression administrative pour une sortie de maternité de plus en plus précoce, parfois sans avis pédiatrique et sans information adéquate des parents ».

Par manque de place et par manque de personnel, de nombreuses femmes quittent la maternité dès le deuxième ou troisième jour, sans qu'aucun accompagnement ne soit envisagé. La seule consigne donnée est de voir un médecin pour la consultation prévue en fin de mois. Dans le meilleur des cas, il sera proposé de prendre rendez-vous avec la PMI ou une sage-femme libérale, mais ce sera aux parents de faire la démarche. Dans les premières semaines, ils se retrouvent seuls, démunis et débordés. Au point d'hésiter à aller consulter, appréhendant un avis professionnel qui viendrait souligner leur incompétence supposée.

Une sortie précoce, c’est tout le contraire. C’est d’abord un choix, si possible préparé en amont, par une famille qui a envie de se retrouver rapidement dans le cocon de son foyer, de vivre à son rythme, de s’occuper de son enfant sans les contraintes imposées par la gestion des établissements.
C’est une famille qui a organisé ce retour afin que la mère puisse se reposer, en n’ayant d’autres soucis que de prendre soin d’elle même, materner son tout petit et câliner les ainés quand il y en a.
C’est une famille sachant qu’elle peut compter sur le soutien d’une sage-femme passant quotidiennement les premiers jours.
C’est une sage-femme attentive au bébé, observant son éveil, son tonus, sa croissance et … la couleur de sa peau.
Lorsque cette sage-femme est connue avant la naissance, le suivi postnatal fait lien avec celui de la grossesse. Dans cette évidence de la confiance installée au fil des mois, les questions se posent, les inquiétudes se dénouent, les gestes s'affirment.

En quelques dizaines d’années les séjours en maternité de plus d’une semaine se sont réduit à un passage éclair, sans pour autant généraliser le suivi à domicile. La rentabilité des établissements est à ce prix mais quel en est le coût réel ? Des ictères gravissimes ? Peut-être, je n’ai pas trouvé de données françaises sur la question (mais je n’ai pas beaucoup cherché). Mais que penser des arrêts précoces d’allaitement, des dépressions sournoises, des troubles de la relation mère enfant, des couples en difficulté devant des pleurs incompréhensibles ?

Ces complications là sont moins visibles, moins explosives. Sont elles moins couteuses ? Le soutien social est un élément essentiel du bien être postnatal. Dans une société du chacun pour soi, quel mal faisons-nous en pensant suffisant qu’une mère et son bébé quittent la maternité en bonne santé ?


Rien à voir : j'ai déjà écrit ici sur ces lieux "alternatifs" qui sont en train de disparaitre. L'une de ces équipes se bat pour préserver ses valeurs et met en ligne une pétition. Contrairement à ce que son nom pourrait laisser croire, c'est une maternité et non une maison de naissance. Mais toute son histoire s'est construite - jusque dans un passé récent - sur le profond respect des parents venant y accoucher.

30 novembre 2010

Rigueur

Fin des années 70. L’hôpital est déjà à la recherche de la formule magique, celle qui permettrait de garantir le bon déroulement de l’accouchement par le respect de diverses normes.
Ainsi, de nombreuses règles définissent rythme et régularité des contractions, temps de dilatation et durée de l’expulsion.
Concept absurde qui imagine appliquer la rationalité mathématique à l’imprévisibilité de l’humain.

Il était donc inscrit que la phase dite d’expulsion - quel méchant mot pour désigner ce moment - ne pouvait dépasser 20 minutes.
Pari souvent tenable si l’on donne le temps à l'enfant de cheminer dans le bassin maternel, si l'on attend que l’envie de pousser s’impose, si la mère est libre de ses mouvements.
Pari irréaliste pour une femme en position gynécologique sommée de pousser dès dilatation complète. Mais le protocole disait aussi qu'il fallait s'y atteler sans tarder …

Chaque matin, l'équipe se réunissait. Les accouchements de la veille étaient commentés au travers de leur épais dossier. Parmi les documents contenus, le tracé du monitoring. Les femmes étaient reliées à la machine tout au long de leur travail et le papier défilant à la vitesse d’un centimètre par minute en décomptait les différentes phases.
Lors du staff, les accordéons gris pale quadrillés de noir s’étiraient entre les mains du "patron". Deux courbes s'y répondaient, l’une pour les contractions utérines, l’autre pour le rythme cardiaque du bébé. L'ensemble était parsemé de notes manuscrites ; tension, température, médications, dilatation, position fœtale se devaient d'être consignés au fur et à mesure.
Tels les carottages permettant de remonter le temps, la grille semblait décompter chaque épisode sans possibilité d’échappatoire. Gare à l'équipe qui aurait laissé un espace de plus de 20 centimètres entre la mention du début de la poussée et celle de l'heure de la naissance.

Pourtant, peu de femmes parvenaient à respecter le délai imposé. Nous aurions assisté à une farandole de forceps pour "efforts expulsifs inefficaces" sans le stratagème mis en place par les sages-femmes. Elles laissaient l’accouchement se dérouler à son rythme. Puis, une fois l’heure de naissance connue et dument notée sur le graphique, elles comptaient avec application 20 centimètres en arrière pour inscrire « début des efforts expulsifs ».

Souci louable du bien-être maternel qui a cependant conduit des myriades de futurs médecins à se persuader qu’une expulsion normale ne dure pas plus de 20 minutes.
Délai leur semblant parfaitement réaliste puisque confirmé à chaque staff…

20 novembre 2010

Feuilleton ...

Pour ceux qui ne suivraient pas les débats parlementaires avec passion et assiduité ( ! ), sachez que l'article 40 a finalement été adopté jeudi par la Commission mixte paritaire.
Il devrait donc être définitivement voté par l'Assemblée nationale puisqu'il avait passé le premier "tour".

L'expérimentation des maisons de naissance n'ayant pas grand chose à voir avec le financement de la sécurité sociale, reste à voir ensuite si un recours sera déposé devant le Conseil constitutionnel. Il peut être reproché à ce devenu fameux article 40 d'avoir été intégré au PLFSS.

Si tout va bien, nous n'aurons plus alors qu'à défendre, centimètre par centimètre, l'espace de liberté qui pourrait être conféré aux parents y accouchant et aux sages-femmes y exerçant.

Je dois dire qu'au vu des interventions de "nos" élus, je manque quelque peu d'optimisme...


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