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Dix lunes
28 avril 2010

Prendre date

En septembre 2003, l’article L 6122-18 du code de la Santé Publique ouvre la possibilité "d’expérimentations relatives à l'organisation et à l'équipement sanitaires". L'occasion est ainsi donnée d'explorer une nouvelle proposition, les maisons de naissance.

Ce même mois de septembre 2003, la "Mission périnatalité" recommande l’ouverture de maisons de naissance «en nombre suffisant afin que leur évaluation ait une puissance statistique suffisante pour pouvoir conclure sur leur efficience».

En novembre 2004, le "Plan périnatalité 2005-2007" reprend les conclusions de la Mission et annonce «ces maisons de naissance constituent un moyen de diversifier l’offre de soins pour les grossesses physiologiques tout en reconnaissant la compétence des sages-femmes dans la prise en charge des femmes concernées».
Ne nous réjouissons pas trop fort, la seule mesure évoquée est «l’élaboration de textes permettant cette expérimentation» et le calendrier prévu manie le flou avec dextérité «l’expérimentation pourrait commencer dès parution des textes»

Il faut ensuite attendre un an pour que le ministère de la santé convoque, en novembre 2005, une commission comprenant différents représentants des professionnels de santé, des usagers, des maternités et de l’administration. Plusieurs réunions auront lieu jusqu’en décembre 2006 pour élaborer un cahier des charges encadrant le fonctionnement de ces futures structures.
La balle est alors dans le camp de la DHOS qui doit finaliser le cahier des charges pour la parution, courant 2007, d'un décret en conseil d'Etat. Ce décret est attendu pour lancer un appel à projets permettant l'ouverture de plusieurs maisons de naissance pour une expérimentation prévue sur trois ans.

Pourtant, le 22 juillet 2007, un article de Sandrine Blanchard, dans le Monde, indique  «le projet de Maison de Naissance est renvoyé aux calendes grecques»
La DHOS, immédiatement questionnée, assure qu’il n’est est rien.

Mais l'année se termine sans que rien ne se passe...

En janvier 2008, un cahier des charges, toujours annoncé comme "document de travail", est enfin proposé. Il réussit l'exploit de faire l’unanimité contre lui !
Les opposant à l’expérimentation le trouvent trop permissif.
Les partisans le jugent trop restrictif. Par ailleurs, de nombreuses questions ne sont pas réglées. Nul ne sait comment ces projets seront financés et assurés, ni quel sera leur statut juridique. Simples points de détails…

Lors d’une rapide présentation devant la commission nationale de la naissance, en juin 2008, constat est fait que le consensus reste à trouver. Une seconde phase de concertation est alors annoncée.

Depuis… rien !

En aout 2009, une dépêche de l’AFP annonce que l’expérimentation débutera en 2010. Le fameux décret serait en «cours d’écriture» et devrait être adopté lors de la loi de financement de la sécurité sociale. Cette loi, parue en décembre 2009, ne fait aucune mention des maisons de naissance.

Le dernier épisode en date est la fermeture de la fenêtre d’expérimentation. Elle expirait ce dimanche 25 avril. Rien n'indique cependant que cela est définitif, une ordonnance similaire avait déjà été publiée en avril 1996, un nouveau texte pourrait venir proroger la phase de test.

Officiellement, les maisons de naissance sont toujours en projet, aucune annonce de la DHOS n'est venue préciser que l'expérimentation était abandonnée. Le décret serait-il encore en cours de rédaction ? Autant d'application dans la lenteur serait risible s'il n’y avait les attentes déçues des parents et le découragement des professionnels face à une mauvaise volonté politique évidente.

Le village gaulois se refuse à prendre modèle sur ses voisins européens et campe sur ses positions. En France, les maisons de naissance, évoquées dès novembre 1998 par Bernard Kouchner (alors secrétaire d'Etat à la Santé), tanguent depuis de fausses promesses en silences piteux… et ne sont toujours pas autorisées.

PS : Certains projets tentent malgré tout d’exister ici ou en se faufilant entre les mailles des textes de lois, au prix d'une énergie démesurée, dans un équilibre fragile entre la volontés des uns, parents et sages-femmes, et les contraintes imposées par les autres, maternités partenaires.

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25 avril 2010

Réinventer l’eau chaude…

 

La Caisse Nationale d’assurance maladie communique et c’est pour le moins irritant…

Expérimentez, nous discuterons ensuite ! Il nous est demandé de tester une nouvelle organisation sans concertation préalable sur sa mise en place.

Le même article à quelques mots près, accompagnés de la même illustration bateau est sorti dans plusieurs rédactions régionales. Ce que l’on veut nous faire passer pour de l’information n’est en fait que de la communication institutionnelle. La CNAM cherche ainsi à forcer la main des sages-femmes libérales des trois départements concernés qui ont décidé  - avec le soutien de leurs syndicats - de boycotter l’expérimentation.

En effet, de nombreuses questions se posent :
- pourquoi introduire un nouvel intervenant dans le suivi déjà très morcelé de la maternité ?
- est-il vraiment nécessaire qu’une «conseillère de l’assurance maladie» se déplace pour «remettre à la mère une liste de sages-femmes pour lui permettre de faire son choix » ! La liste des sages-femmes libérales est déjà disponible dans le premier annuaire venu. Sur quels éléments pourrait-elle choisir, cette jeune mère en instance de retour à la maison ?
- comment devons nous comprendre que cette même conseillère «organise la première visite de la sage-femme»? Ne sommes-nous pas des professionnels de santé responsables, en capacité d’organiser au mieux nos visites en fonction des besoins de l’ensemble de nos "patientes" (pardon pour ce terme convenu)? Faudrait-il délaisser subitement les unes parce que les autres nous sont désignées par l’assurance maladie ?

Je ne souligne là que des points de détails. Ce qui irrite réellement les sages-femmes, c'est que l'on veuille ainsi les cantonner à l’après naissance pour pallier les problèmes de lits et de budgets hospitaliers. Le titre de l'article ose annoncer un «accompagnement personnalisé», mais cette expérimentation omet un point essentiel, le suivi sera d’autant plus personnalisé, d'autant plus confortant qu’il se fera dans la continuité d’un travail amorcé en amont, bien avant l'accouchement.

Rappelons que ce qui nous est présenté ici comme une nouveauté révolutionnant le retour à la maison existe depuis longtemps et que la seule innovation consiste en l’intervention d’une conseillère.

Comment se passer de cet intermédiaire superflu ? Rencontrer une sage-femme libérale dès le début de la grossesse, lui livrer ses besoins, ses craintes, ses attentes pour se sentir en confiance, entendue et soutenue tout au long des neufs mois.
La suite apparait alors parfaitement simple ; la prévenir de la sortie de la maternité et poursuivre dans son salon la relation débutée auparavant. Lui présenter fièrement son enfant, avoir le temps d’évoquer l’accouchement, prendre ainsi du recul sur les éventuels passages difficiles, savourer le récit des beaux moments, pouvoir la questionner sans se sentir jugée, évoquer ses peurs sans être infantilisée, être accompagnée dans ses premiers pas de mère. 

Quelques jours ou quelques semaines plus tard, ce sera avec la même sage-femme que l'on pourra rassurer le compagnon qui peine à trouver sa place, apaiser les craintes sur la jalousie des ainés, évoquer la vie du couple …

Nul besoin d’un nouvel intermédiaire pour aller à la rencontre de familles souhaitant notre visite.

Il est vrai que d’autres parents ayant tout autant besoin de notre soutien ne feront pas cette démarche. Mais je prétends que ce n’est pas le passage d’une quelconque conseillère parachutée à la maternité qui dénouera ces situations et permettra d'accueillir nos visites com

3 avril 2010

Sage-femme je suis !

Evoquer la profession de sage-femme par le biais d’une professionnelle de sexe féminin doit apparaitre d’une triste banalité. Les hommes sont encore très minoritaires (moins de 2% selon le dernier rapport de la DREES)  mais ce sont eux que l’on nous présente.

Il ne s’agit donc pas de s’intéresser à notre métier mais au fait qu’il soit exercé par un homme, mal rasé de surcroit, précision destinée sans doute à souligner  sa virilité...
Il nous est par ailleurs indiqué qu'il a fait ce choix par défaut. Faute de grives urgentistes ou pédiatriques, va pour des merles ! A croire que les promotions d’étudiants sages-femmes débordent de futurs médecins recalés.

Formée à une époque où les études étaient réservées aux femmes, j’ai d'abord pensé que ce métier ne devait être exercé que par elles. Non que je dénie aux hommes la possibilité d’être attentifs, doux, respectueux ou empathiques… (n’en jetons-plus ! ) mais parce qu’il me semblait que l’accompagnement de l’accouchement passait par une proximité physique, une intimité, un partage des ressentis, une complicité qui ne pouvait exister que par la similitude des corps.

J’ai depuis compris cette évidence, la façon d'exercer résulte du parcours, de l'histoire, de la personnalité de chacun. Hommes et femmes peuvent offrir autant et aussi bien. Comme il est si élégamment écrit dans l’article : «Au-delà du sexe, c'est la personnalité» !

Mais je rugis lorsque cette différence de sexe nous est présentée comme un atout. Ainsi les hommes seraient plus doux, les femmes, sous prétexte qu’elles connaissent l’organe (!!), plus brutales. Ces simplifications m’irritent. Je pourrais au contraire objecter qu’une femme sera plus délicate car mieux à même de comprendre ce que l’on ressent quand des doigts étrangers viennent sans ménagement fouiller la profondeur d'un corps.
La douceur et le respect n’existent pas par essence, fut-elle sexuée, mais par notre façon d’être et de concevoir notre métier.

Ce qui n’apparait pas sur le net est la fin de cet article (oui, j’ai de bons informateurs).
Le journaliste précise que notre nom «désigne celle qui sait des choses sur la femme qui accouche.(sic) On ne dit donc pas sage-homme mais homme sage-femme ou maïeuticien pour faire savant».
Cette affirmation mérite quelques mots d'explication ; alors que personne ne semble s’offusquer de Mme la ministre ou Mme la professeur, Mr le sage-femme écorchait les oreilles de certains. L’académie française s’est donc piquée de les nommer maïeuticiens (la maïeutique désignait l’art de l'accouchement, Socrate, fils de sage-femme, a ainsi nommé l’art d’accoucher les esprits). Peut-être gênés par cette immodeste filiation, d’autres ont proposé "mailloticien", en référence, plus sobre, à l’emmaillotage des bébés…

Depuis, le terme de maïeutique s'est banalisé puisqu'il désigne à nouveau l'art des sages-femmes. Il était en effet disgracieux d'utiliser le néologisme "sage-femmerie" en copiant nos consœurs britanniques, "midwives" qui déclinent leur nom en "midwifery". Nous suivons donc des études de maïeutique pour devenir... sages-femmes !

Il n’empêche, le mot de sage-femme est employé - semble-t-il - depuis le Moyen-Age. Cet empressement à rebaptiser les praticiens masculins, pourtant très minoritaires, me semble plus que suspect. Il y a dans le contraste entre maïeuticien et sage-femme quelque chose qui opposerait la haute compétence de l'un à l'ignorance pragmatique de l'autre. Dérangeant.

De grâce, préservons le nom riche de sens de notre métier. Messieurs les sages-femmes, vous y avez toute votre place.

 

8 mars 2010

Elisabeth Badinter a raison

«Pour quelles raisons avez-vous choisi ce métier ?» m'avait-on demandé lors de ma première journée d'étudiante sage-femme.
Sans hésitation «Pour servir la cause des femmes!»

Les racines de cette motivation sont sans doute à chercher dans ma propre naissance. Ma mère accouchant prématurément, en l’absence de mon père, une équipe malmenante, une douleur submergeante, une panique intense maitrisée par une anesthésie générale. Je suis née par forceps du ventre d’une femme terrifiée et absente.
Quelques années plus tard, accompagnée par une des équipes pionnières de "l’accouchement sans douleur", elle a pu vivre une autre naissance, joyeuse et sereine.

Tout est dit.

Je sais l’importance de l’accompagnement, du respect, de l’empathie.
Je sais la puissance des femmes qui mettent au monde.
Je sais la force qu’elles en retirent lorsqu’elles traversent cette épreuve en toute sécurité, physique mais aussi affective.
Je sais que de l’humanité nait le meilleur, de l’indifférence peut naitre le pire.
Je sais que l’analgésie peut se révéler indispensable et salvatrice mais aussi devenir l'instrument de la contrainte. On peut si facilement soumettre un corps qui ne sent rien.

Une cadre de maternité expliquait doctement lors d’une intervention auprès des étudiants «La péridurale c’est pratique, elle permet de faire pousser les femmes quand ça arrange l’équipe».

N’en déplaise à Elisabeth Badinter, la péridurale n’est pas forcément un outil de libération, l’allaitement pas forcément celui de l’asservissement.

Je me bats pour toutes les femmes, celles qui veulent être mères et celles qui ne le veulent pas, celles qui désespèrent d’être enceintes et celles qui veulent interrompre leur grossesse, celles qui allaitent et celles qui biberonnent, celles qui souhaitent materner longuement et celles qui désirent retourner à leur travail.

Je revendique le droit des femmes à décider de leur vie, sans avoir à renoncer à leur liberté parce qu’elles ont choisi la maternité.
Je revendique que les hommes soient à leur cotés, ni dominants ni soumis.

Pourtant,
Elisabeth Badinter a raison, nous ne sommes pas gouvernées par nos hormones et réduire l’amour d’une mère pour son petit à quelques échanges d’ocytocine et autre prolactine relève d'une analyse sommaire voire humiliante.

Elisabeth Badinter a raison, le risque est réel pour une femme d’aliéner sa liberté en quittant la vie professionnelle, même de façon temporaire, pour se consacrer à son enfant.

Elisabeth Badinter a raison, en ces temps de crise économique, certains pourraient s'empresser de renvoyer les femmes à leur foyer sous de faux prétextes.

Mais elle se trompe de cible. C'est la société qu'il faut réformer, non la maternité.
C’est aujourd’hui la journée de la femme mais 24 heures, c’est un peu court pour refaire le monde...

12 février 2010

Liberté, égalité, confraternité

Dans un billet récent, j’épinglais les propositions de coaching en rappelant que les sages-femmes sont là pour répondre aux besoins des couples. Dans son commentaire, Emilie s’interroge  «où sont-elles ? Je la cherche encore, ma sage-femme, pour m'accompagner chez moi pour la naissance de mon 4ème enfant... pourtant, j'ai des contacts, des ressources... je suis sage-femme !!!»

Effectivement, il est souvent difficile de trouver une sage-femme qui accompagne les accouchements à domicile …elles sont moins d’une centaine en France.

Pourquoi n’y a-t-il que 3% des libérales à proposer cet accompagnement ?

Pourquoi une pratique banale dans certains pays (Pays-Bas 30 %), en croissance dans d’autres (Royaume Uni : 1.9% en 2001, 2.7% en 2008, développement soutenu par le ministère de la Santé) est-elle aussi peu répandue en France ?

Il y a bien évidemment la question des assurances. Saluons ce grand écart légal : d’un coté l’obligation faite aux sages-femmes d’être assurées pour leurs actes (ce qui n’a rien de scandaleux en soi), de l’autre le refus des assureurs, tous prêts à nous signer un contrat… à condition d’en exclure l’accouchement à domicile !

Une démarche menée en 2009 par l’association nationale des sages-femmes libérales auprès du bureau central de tarification a rappelé les assureurs à leurs devoirs. Le BCT est tenu de nous trouver une assurance et il l’a fait .... mais pour la somme totalement prohibitive de 19000 €  alors que ¾ des sages-femmes libérales gagnent moins de 35 000€/an (et qu’un accouchement à domicile est généreusement tarifié 313 € par la sécurité sociale; forfait comprenant l’accouchement et les visites des 7 jours suivants).

Notre conseil de l’ordre, fort soucieux de légalité, rappelle chaque sage-femme à cette obligation en soulignant que l’absence d’assurance peut entrainer une amende de 45 000 € !
Mais il reste sourd à nos demandes de démarches concertées auprès des pouvoirs publics pour faire avancer le dossier (rappelons que les obstétriciens bénéficient d’une prise en charge partielle de leurs primes d’assurance par la sécurité sociale).

Cependant, si l’absence d’assurance peut dissuader les sages-femmes d'accompagner les naissances à la maison, la principale raison se trouve ailleurs, dans le regard porté sur cette pratique par le monde médical. Si l’opprobre n’était pas jeté sur l’accouchement à domicile, s’il était accepté de tous, banalisé, intégré à l’offre de soin au sein des réseaux de périnatalités, alors tout serait différent.

La sécurité de cette pratique est assurée par une "sélection" des femmes prenant en compte leurs antécédents et le déroulement de leur grossesse, par le respect strict de la physiologie, par la sécurité physique et psychique apportée par l'accompagnement global mais aussi par la possibilité d’un recours à un plateau technique. Pas d'angélisme ! Certains accouchements débutés à la maison nécessitent un transfert en maternité.  Mais dans ce cas, l’accueil fait aux sages-femmes – par d’autres sages-femmes ! - est trop souvent calamiteux.
L’une sera soupçonnée de ne pas être diplômée, l’autre verra son dossier épluché et photocopié, celle-la sera contrainte de rester à la porte de la maternité…
Les rumeurs les plus folles circulent, les réputations se tissent, hors de toute vérité.

Cet ostracisme décourage une majorité de sages-femmes tentées par l’accompagnement global. Elles  savent qu’aucune erreur, aucun oubli, aussi minimes soient-ils, ne leur seront pardonnés.
Pire encore, le moindre incident sera, malgré les études internationales démontrant le contraire, attribué au choix du domicile. Coupables a priori !

A force de défiance, plus aucun dialogue n’est possible. Les sages-femmes souhaitant défendre une autre obstétrique sont tour à tour taxées d’inconscience, d’incompétence, de sectarisme… et les équipes redoutent le transfert d’une femme en cours d’accouchement, convaincues par avance d’avoir à assumer et réparer les erreurs de leurs consœurs, forcément fautives.

Pourtant, d’autres passages de relais font partie du quotidien des équipes obstétricales… d’un établissement à un autre plus équipé pour certaines grossesses difficiles, d’un praticien à l’autre lorsqu’une femme est suivie « en ville » puis adressée à la maternité pour les dernières consultations, ou très banalement, lors du changement de garde au cours d’un accouchement.

Pourquoi cette évidence du travail en réseau, de la complémentarité des différents acteurs devient-elle subitement inconcevable lorsqu’il s’agit de naissances prévues à la maison ?

Sages-femmes à domicile, en petite maternité, en grande structure, nos combats sont les mêmes ! Apprenons à collaborer, avec des outils différents, pour des situations obstétricales différentes, dans le respect du travail de chacune.

Alors, les libérales pourront sereinement transférer vers les maternités des parents arrivant en confiance, certains d’être bien accueillis et accompagnés par d’autres praticiennes tout aussi soucieuses de leur bien être.

Alors un couple ne  se sentira plus abandonné ou trahi lorsqu'une naissance prévue au sein du foyer devra se terminer sur un plateau technique.

Alors les femmes pourront choisir leur lieu d’accouchement, en acceptant en conscience les limites et contraintes de ce choix.

Alors les sages-femmes exerceront réellement, totalement leur métier.

Toutes ensembles, toutes ensembles, toutes…

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31 janvier 2010

Le syndrome de Stockholm

Une sage-femme travaillant en clinique privée relatait fièrement avoir été félicitée par le gynécologue pour sa compétence…
… ladite compétence résidant dans le fait d’avoir, à coup d’accélérateur et de frein (lire synto/péri), fait accoucher les trois patientes de la nuit dans la même demi-heure afin que le médecin ne se dérange qu’une seule fois.

Ainsi, certaines sages-femmes, malmenées par la surcharge de travail, les protocoles, le découpage des taches, n’ont d’autres solutions pour le supporter que de renier leurs convictions en adhérant à une organisation des soins plus soucieuse de rentabilité que d'humanité.

Comment sinon résister à cette pression insidieuse qui ne prend en compte que les actes effectués au détriment de toute velléité d'accompagnement, où le médico-légal dicte nos attitudes et uniformise nos prises en charge ?

Au nom de l'efficacité, mes consœurs se retrouvent devant un ordinateur à remplir avec application un dossier pléthorique. En face d’elles trônent les écrans de contrôle des différentes salles de naissance ; d’un coup d’œil, elles peuvent y vérifier que le rythme fœtal est correct, que les contractions sont régulières.

Un rapide passage en salle permet de s’assurer que la femme va bien. Inutile de s’attarder, elle est sous péridurale, coupée de ses sensations. Les différents bip et l’horloge électronique murale décomptent les minutes. Parfois, pour aider la mère à patienter, on lui proposera un peu de lecture, comme chez le coiffeur, le temps que la couleur prenne.

La sage-femme est avenante, elle répond avec gentillesse aux questions des parents, mais ils en posent peu. Depuis le début de la grossesse, on instille dans leurs esprits la certitude de leur incompétence, en opposition au savoir et à la toute puissance médicale. Ils s’en remettent à la médecine avec une docilité quasi craintive.

Notre métier perd son sens. La sage-femme n’est plus que l’ouvrière qualifiée de la chaine de montage /démoulage des nouveau-nés. Pour améliorer le rendement de l’usine, optimiser le travail, les déclenchements sont légions. Il est si facile lors de la dernière consultation de s’engouffrer dans le «j’en ai marre !» immanquablement prononcé en réponse au rituel «comment allez-vous ?». Pourquoi ne pas abréger un peu cette fin de grossesse ? Provoquer la naissance permettra d’organiser au mieux le planning du conjoint, la garde des ainés… et la gestion des salles d’accouchement.

L’ouvrière qualifiée enchaine ; bonjour - installer la femme - vérifier le dossier - poser le monitoring – brancher le brassard à tension - perfuser - appeler l’anesthésiste - le "servir" pour la pose de la péridurale - confier la pompe à la mère afin qu’elle gère le dosage de l’analgésie - pousser le synto - surveiller le rythme cardiaque fœtal - rompre la poche des eaux - vérifier l’avancée de la dilatation - pousser encore le synto si ce n’est pas le cas - constater la dilatation complète - laisser descendre plus ou moins le bébé en fonction de la disponibilité du médecin - installer la mère en position gynécologique - braquer le scialytique sur son sexe.
Préparer le matériel, compresses et ciseaux à épisio à portée de main - faire pousser –«inspirez, bloquez poussez, tirez sur les barres ! Monsieur, soutenez sa tête !» - appeler l'obstétricien qui arrivera pour cueillir l'enfant sur le périnée maternel - entendre «merci docteur» alors qu’il n’est passé que cinq minutes …
Ne pas oublier de tenir le dossier - préciser la dilatation - l’engagement - la position - la couleur du liquide - le rythme des contractions - le débit du syntocinon…
Tendre les ciseaux «voulez-vous couper le cordon Monsieur ?» - vérifier que le cordon a bien deux artères et une veine - attendre la délivrance - vérifier le placenta - pousser un peu le synto pour qu’elle ne saigne pas.
Rouler tous les champs en papiers dans la cuvette sous le lit et repartir terminer le dossier. N'oublier aucun item, finir de tracer les courbes du partogramme, ajouter l’examen du nouveau né, l'Apgar, le poids et le périmètre crânien…

Féliciter la mère - s’attendrir une seconde sur l'enfant - débrancher la perfusion, retirer le cathéter.
Faire une toilette rapide et aider la mère à enfiler un slip sur de larges couches. La faire se glisser sur un brancard roulé à coté de la table d’accouchement, indiquer la chambre où elle doit être recouchée, dire au revoir en la félicitant encore une fois, poser le dossier au pied du lit, sourire au «merci pour tout» qu'elle prononce enfin.

Répéter cela en passant d’une salle à l’autre, d’une femme à l’autre. Juste le temps de rentrer- sourire - toucher vaginal – un coup d’œil sur le monitoring, un autre sur la perfusion, un dernier sur le pousse seringue - sortir et rentrer dans la salle suivante - retourner en salle de garde pour consigner tout cela sur informatique en essayant de ne pas confondre les dilatations, les heures et les poids de naissance.

Les sages-femmes sont en souffrance. Certaines se rebellent et tentent de faire bouger les choses de l’intérieur, bel effort trop souvent couronné d’insuccès devant le poids mêlé de la hiérarchie, de l’économie et du médico-légal.

D’autres fuient vers une activité libérale souhaitant retrouver leur libre arbitre et l’humanité qui est cœur de notre métier.

D’autres enfin restent, parce qu’elles n’ont pas d'alternative, pas l’envie, ou que la sécurité du salariat leur importe. Quelques soient leurs raisons, elles souffrent.

Et n’ont d’autre choix que d’adhérer à ce qui nous révolte pour ne pas y laisser leur peau.

17 janvier 2010

Point de vue bis

Dans le vécu d’un accouchement, ce n’est pas tant la réalité des actes que l’accompagnement qui en est fait qui importe. "Bien accompagnée, on peut vivre sereinement…"  Mon ellipse a manqué de clarté mais c’est pourtant cela que je voulais souligner. Un accouchement difficile peut être transfiguré par une présence attentive, une naissance aisée peut devenir cauchemardesque parce que mal accompagnée.

Cette jeune femme souhaitait accoucher le plus naturellement possible. Elle y avait longuement réfléchi, s’y était préparée. Il n’était pas dans ses attentes de vivre l’enchainement péri/synto/forceps/épisio. Il n’était pas dans les projets de l’équipe de le lui imposer. Les circonstances ont fait que cela est devenu nécessaire et chacun s’y est adapté.
C’est aussi de la responsabilité des sages-femmes que d’aider et soutenir une femme devant renoncer à l’idéal projeté pendant la grossesse.

Il est vrai que certains établissements pêchent par une surmédicalisation systématique (une étudiante me racontait récemment avoir entendu une sage-femme s’alarmer «comment veux tu qu’elle arrive à pousser, elle n’est pas sous synto ?»)
Mais ne nous leurrons pas, la nature ne fait pas toujours bien les choses et l’intervention du médical peut s’avérer indispensable. Toute assertion inverse confinerait à l’irresponsabilité.

Il faut cependant souligner que le recours à la péridurale modifie la physiologie de l’accouchement. Dans le récit précédent, l’enchainement des actes n’est peut-être pas étranger à la demande d’analgésie.

Quand bien même, faudrait-il exiger le sacrifice des mères lorsqu’elles se sentent dépassées ? De quel droit  imposer à une femme de supporter ce qui lui devient insupportable ?

Il n’y a pas de réponse unique, pas d’accouchement idéal, pas de comportement maternel à modéliser. Chaque histoire est singulière. Chacune mérite toute notre attention et notre absence de jugement.

Ne tombons pas dans les travers du monde médical imposant trop souvent ses certitudes sans nuance. Rien n’est plus dangereux que la conviction de savoir ce qui est bon pour l’autre.

 

10 janvier 2010

Coachée bis

Je déroge à la règle d'un seul message quotidien pour répondre aux commentaires du billet précédent, qui me demandent de me positionner sur les doulas. J'ai pour l'occasion ressorti de mes cartons un courrier adressé à une doula en 2008.

Les échanges entre sages-femmes et doulas sont quasi inexistants, la position des sages-femmes à votre égard oscillant le plus souvent entre indifférence et hostilité … Vous avez pris la peine d’adresser un courrier à l’ensemble des sages-femmes libérales de la région et votre volonté d’ouvrir le dialogue appelle une réponse.

L’apparition des doulas  vient questionner la profession de sage-femme. J’ai coutume de dire que c’est une mauvaise réponse à une très bonne question, celle du manque d’accompagnement proposé aux parents. En disant cela, je ne veux pas défendre la corporation des sages-femmes mais une éthique professionnelle que je porte depuis toujours et qui s’est précisée au fil des années.

Vous évoquez un soutien personnalisé durant la grossesse, l’accouchement et le post-natal. C’est exactement ce que les sages-femmes exerçant en libéral offrent.
Pourquoi introduire un nouvel élément dans cette relation ?  Je ne sais pas précisément ce que vous proposerez aux parents mais sur les sites de doulas, les thèmes évoqués correspondent au travail de la sage-femme.  Pourquoi vouloir nous déposséder d’une partie essentielle de notre métier, l’accompagnement ? La profession de sage-femme ne se résume pas à une succession d’actes techniques. Elle tire sa richesse de la « prise en charge » multiple, médicale psychologique et sociale, d’une femme mais aussi d’une famille. Les sages-femmes ayant choisi l’exercice libéral l’ont fait pour cela, pour disposer du temps et de l’espace nécessaire à cette présence.

Il y a par ailleurs un paradoxe à voir les doulas accompagner les femmes en salle de naissance  (ce que je défends cependant car je veux voir respecté le droit des parents à choisir) quand cette place est refusée aux sages-femmes libérales.
Vous le savez peut-être, aucune maternité de la région n’accepte de nous ouvrir son plateau technique…reste le choix de l’accouchement à domicile mais cette décision nous oblige à travailler sans assurance et sous la pression constante de tous les opposants. J’admire celles qui ont l’énergie et le courage de choisir cette option. Cet  engagement est bien plus qu’un choix d’exercice professionnel, c’est un choix de vie … Après beaucoup d’hésitations, je n’ai pas fait ce choix. Mais nous espérons voir s’ouvrir la possibilité d’une prise en charge globale avec la maternité X. Nous travaillons actuellement à faire avancer cette idée.

En attendant cette ouverture, nous sommes présentes dans le pré et le post natal. En assurant suivi de grossesse, préparation à la naissance, suites de couche à domicile, suivi de l’allaitement, suivi du nourrisson, rééducation périnéale, nous offrons une réelle continuité d’accompagnement aux parents.  Nous sommes par ailleurs joignables en permanence, même en dehors des heures d’ouverture du cabinet.

Effectivement, au sein des maternités, temps et disponibilité manquent cruellement. Mais l’alternative « doula » aboutirait à morceler encore l’accompagnement et réduirait les sages-femmes à n’être que des techniciennes. Un des combats de la profession est  « une femme/une sage-femme » parce que nous savons nos rapports avec les couples ne peuvent se résumer à l’apport de compétences médicales.

Il existe bien un terrain non superposable aux nôtres : celui de la prise en charge du quotidien. Ce rôle, autrefois dévolu aux familles, n’est plus assuré. C’est me semble t-il dans cette présence, apportant soutien affectif mais aussi logistique que les doulas peuvent rejoindre et compléter le travail des sages-femmes.

Un dernier point reste à évoquer,  celui de vos tarifs ; il est normal que vous soyez rémunérée pour un travail, mais cela me pose question si le même travail peut être effectué par une sage-femme et pris en charge par l’assurance maladie…

Vous le devinez, ce sujet est pour le moins épidermique… J’ai  tenté de poser  calmement mes interrogations mais peut-être le coté épidermique transparaitra-t-il quand même, pardonnez moi. Je suis de toutes mes forces attachée à la profession que j’ai choisie par vocation il y a plus de 30 ans. Je me bats pour qu’elle redevienne ce qu’elle n’aurait jamais du cesser d’être,  pour qu’elle soit au service des parents.

6 janvier 2010

Mauvaise journée

Consultation "bis" pour une jeune femme dont je suis la grossesse. A l'examen du sixième mois, le bébé me semblait petit. Nous avions convenu de refaire le point deux semaines plus tard, comptant sur le repos - et les irrégularités de la croissance fœtale - pour que tout rentre dans l'ordre.  Mais la hauteur utérine reste en dessous de la "norme" et ma perception clinique d'un petit bébé persiste. Je préfère contacter la maternité qui prendra le relai pour la fin de la grossesse afin qu’elle soit reçue plus rapidement pour un contrôle échographique.
Trouver un poste qui ne sonne pas occupé, patienter, exposer l’histoire à la secrétaire qui me passe un autre service,  réexpliquer à une autre personne qui m’annonce qu’elle n’est pas la sage-femme,  résumer à nouveau le dossier à la sage-femme qui va en discuter avec l’interne…  Longue succession de gens charmants et débordés qui ne m’en veulent même pas d’ajouter un peu de pression à leur journée déjà chargée. 
La mienne ne vaut pas mieux; entre le téléphone et la rédaction d'un résumé du dossier pour la maternité, j’ai 30 bonnes minutes de retard.

… Et l’insatisfaction d’avoir consacré du temps à organiser le relai plutôt qu’à prendre soin de cette jeune femme, évidemment préoccupée par ma demande d’examen complémentaire.

La maman suivante va bien, heureusement. Mais sa petite a subi de douloureux reflux gastriques, d'abord négligés par le corps médical avant qu'un traitement ne soit finalement proposé et ce bébé enfin apaisé. Sa mère aimerait revenir sur ces premières semaines difficiles.  Un coup d’œil sur la montre m’impose d’aller à l’essentiel. Nouvelle insatisfaction.

La suivante a repris le travail et a plus envie d’évoquer sa difficulté à se séparer de son enfant que de rééduquer son périnée ; nous ne pourrons pas faire les deux et je m’entends le lui préciser.

Un coup de fil pour une "baisse de lait"; les fêtes familiales sont de véritables guet-apens. Chacun y va de son commentaire sur ce bébé qui n’a aucun rythme/tête tout le temps/ ne dort pas assez/ ne quitte pas les bras /semble bien capricieux...  atteintes récurrentes à la confiance difficilement acquise de jeunes parents qu'il me faut prendre le temps de restaurer.

Les rendez-vous se succèdent, ponctués de nombreux coups de fils et d'une consultation urgente à ajouter pour rassurer une autre mère inquiétée par des sensations inhabituelles.
La sonnette de la porte d’entrée scande mes retards accumulés.

En fin de journée, le groupe venu en préparation à la naissance patientera trop longtemps en salle d'attente pour trouver ensuite une sage-femme cherchant ses mots, perdant le fil de sa pensée, interrompue par un dernier appel de la jeune femme adressée le matin pour bilan complémentaire  qui a passé tout son après midi à la maternité. Après moult examens, on lui a confirmé que son enfant était petit mais cependant dans les normes. Tout va bien.

Pas pour moi qui repart avec l’inconfortable sentiment de n’avoir rien fait de bon…

31 décembre 2009

Juvénile

Il y a tout juste 30 ans…

Je suis de garde pour la nuit du 31. Mon premier réveillon passé avec la responsabilité d’un service. C’est une petite maternité et je suis la seule sage-femme présente.

Une femme est en travail. Elle est arrivée avec une amie. Son compagnon, retenu par des obligations professionnelles, doit la rejoindre prochainement.
Elle accueille sereinement ses contractions. Après l'habituel bilan d'entrée confirmant que la naissance s'annonce pour la nuit, je l'installe dans sa chambre. Je promets de repasser la voir bientôt et poursuis mes visites aux accouchées.

La soirée s’étire. En traversant le couloir, je croise un homme en grande conversation avec ma collègue auxiliaire de puériculture. Il s’interroge sur l’année de naissance de son bébé, avant ou après minuit ?
Devinant sans peine qu'il est le compagnon de « mon » entrée, je m’arrête quelques instants pour répondre à sa question. Ma blouse rose me semble un passeport suffisant et si je réponds à ses interrogations avec assurance, prévoyant une naissance en début d’année prochaine (!), je ne juge pas utile de me présenter comme la sage femme de garde...

Je repars terminer les visites du soir. Je suis déjà trop loin pour l’entendre mais ma collègue me le racontera dans un grand éclat de rire ; dès que j'ai le dos tourné, il lui témoigne sa surprise « elle a l’air de s’y connaitre, la petite qu’à des boutons ! »

Effectivement j’avais à peine 21 ans et ma peau - hélas - attestait de ma jeunesse.

J’imagine son trouble lorsqu’il a compris que la « gamine » qu’il avait croisée était la sage-femme et qu’elle assumerait seule le suivi de l’accouchement !

Qui s’est déroulé sans aucun problème et à l’heure annoncée.

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