Quelques journées passées avec une amie, sage-femme elle aussi, exerçant à domicile...
Fin de matinée, entre deux consultations, un appel : elle vient de perdre les eaux.
Une route sinueuse nous amène chez eux. Elle n'a que peu de
contractions, tourne et vire dans la maison, en attente. Son compagnon
s'occupe en cuisine et nous propose de partager leur repas. On parle de
tout et de rien, du temps qu'il fait, du bébé à venir, de l'ainé
justement parti 24 heures chez des amis.
Deux heures s'écoulent au même rythme que le liquide amniotique, tranquillement.
Cela laisse le temps d'envisager d'autres visites.
Quelques virages plus loin, une maison joyeuse. Une mère s'y
repose, son nouveau-né d'hier auprès d'elle... Autour d'un café, on
parle de tout et de rien, du bébé, de cette autre naissance qui
s'annonce dans la maison presque voisine, du temps qu'il fait... Tout
va bien.
Autres virages, autre famille. L'enfant a deux semaines et son père
demande à être rassuré sur sa croissance. La petite est potelée et les
seins de sa mère lourds de lait. Allez, on la pèse pour faire plaisir
au papa... ça lui fait plaisir. Vous prendrez bien quelque chose ? On
parle de tout et de rien.
Retour dans la première maison en fin d'après midi. Les contractions
sont un peu plus présentes, pas encore suffisamment ; quelques granules
sont proposés pour aider le travail à s'installer. Il faut se donner le
temps.
C'est l'heure du repas et le papa nous invite à nouveau autour d'un plat de pâte. La soirée est douce.
Les
heures passent, les contractions s'installent, trop pour repartir, pas
assez pour que ça avance vraiment. Chacun tente alors de se reposer un
peu
Une heure. Un son modulé... les contractions sont maintenant bien là.
Elle marche, prend un bain, en ressort... une musique qu'elle n'entend plus tourne en boucle sur la platine.
Petit
café pour tous sauf elle, déjà dans un autre monde, isolée, il n'est
plus temps d'autre chose que d'accoucher... Elle accompagne chaque
contraction d'une psalmodie, quelques mots, toujours les mêmes, comme
un mantra. Le son va crescendo puis redescend. Accrochée au chambranle
d'une porte, elle s'étire et se balance.
Plus tard, elle s'est accroupie, la tête du bébé juste là, posée sur
le périnée. Le père pleure déjà... Aucun mot, aucune "consigne", juste
la confiance, notre certitude à tous qu'elle sait «faire», sa
tranquille assurance en son corps agissant.
Le bébé glisse dans un souffle.
C'est une fille, elle porte un nom d'étoile.
Je sors sur la terrasse, le ciel est bleu profond.
La douceur de la nuit.
La vie
Vraie
PS : afin de ne pas nourrir la vindicte des
détracteurs de la naissance à domicile, je tiens à préciser que la
surveillance « technique » du travail a eu lieu. Mais les gestes sont
si mesurés, retenus, dans le respect de ce que vit la femme, soucieux
de ne pas la déranger... qu'ils en deviennent presque invisibles.