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Dix lunes
21 août 2009

« Docteur T et les femmes »

Sorti en 2001, c’est un film que l’on peut se permettre de ne pas connaitre…

Il relate la vie d’un gynéco américain, quinquagénaire grisonnant et musclé ( séduisant ?) dont le cabinet aux ravissantes secrétaires reçoit moult femmes de tous âges prêtes à se battre pour passer sur sa table d’examen - en présence d’une assistante, nous sommes au pays du sexuellement correct !

En résumé : il est beau, riche,  célèbre et entouré d’une nuée de femmes dans son travail comme en privé, mais sa vie est, au final, peu satisfaisante. 

Par la magie du cinéma, le docteur T blasé et lassé de tout, se trouve propulsé au fin fond du désert mexicain, dans un hameau perdu, au moment d’un accouchement… Celui-ci se passe mal mais le bon docteur intervient, sauvant du même coup la mère, l’enfant et sa propre vie en quête de sens.  Happy end.

Nous n’étions que quelques dizaines de spectateurs.

On entend les cris de la mère. Le docteur T entre dans la cabane, la femme est allongée, en sueur, épuisée. Les visages sont graves.
Dans la salle, on observe, on commente et on soupire.

Le médecin approche, tend les mains
A l’écran, le film passe brusquement de la fiction à de vraies images de naissance.
Je le comprends quelques secondes avant le reste des spectateurs et guette leurs réactions.

Entre les cuisses maternelles, on aperçoit juste le sommet du crane
L’atmosphère a changé de densité.

La tête se dégage, l’enfant nait et crie
L’émotion est perceptible, le silence respectueux.

Et je quitte la salle forte de cette précieuse certitude : même dans ce multiplexe sans âme, la naissance conserve un peu de son caractère sacré.

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20 août 2009

Symbole

Elle a eu une césarienne…
C’était plus ou moins envisagé. Un bébé resté en siège qui n’a pu descendre malgré la tentative d’accouchement par voie basse.
L’intervention se passe sereinement, le père est présent. Il est invité à suivre son enfant dans la salle où les premiers soins lui seront donnés.

Le nouveau-né, tout emmitouflé de champs opératoires, est déposé sous une lampe chauffante. « Voulez vous couper le cordon ?» Le lien bleu nacré s’étire entre les deux pinces venues le « clamper ».  On lui tend une paire de ciseaux.

Son enfant vient de naitre. Dans cette émotion neuve, sans poser de question, il acquiesce et coupe, réalisant ce geste présenté comme symbolique du « rôle » paternel, le tiers séparateur.

Un mois plus tard, me racontant cela, il se questionne : « Ce bout de cordon, d’un coté il était raccordé au bébé, mais de l’autre ? »
Bien obligée de répondre  « à rien ».  Difficile évidemment de proposer au père de venir séparer l’enfant de sa mère au cœur de l’utérus. C’est le chirurgien qui réalise la section. Le cordon restant était long et le père l’a simplement raccourci.

Lui restent le symbole, la modestie du geste… et le sentiment d’avoir été un peu floué.

19 août 2009

L’écran

Elle est enceinte de cinq mois et s’impatiente : « j’ai hâte d’être à la prochaine écho pour retrouver notre bébé ». Ainsi, l’enfant qu’elle porte dans son ventre et dont elle ressent les mouvements lui apparait-il plus présent sur l’écran.

J'entendais un échographiste dénoncer  l’emprise de la technique sur l’imaginaire parental en illustrant ainsi son propos : « ils repartent avec regret en jetant un dernier coup d’œil sur l’écran, comme s’ils laissaient leur bébé là, avec nous »

Dans l’album de famille, le premier cliché n’est plus celui du jour de la naissance mais la première image échographique. Et lorsqu’il s’agit d’une image 3D, le visage figé évoque, malgré l'impression sépia qui tente de faire illusion, la pierre sculptée plutôt qu’une vie à naitre .

Comment ce dialogue subtil entre une femme et son enfant à venir, les petites « bulles d’air », les premiers frôlements perceptibles, les premiers coups sous la main du père peuvent ils faire le poids face à l’image ?

Contrepartie des progrès techniques, les parents s’éloignent de ce qui n’appartient qu’à eux, leur propre ressenti. Cet enfant à rêver s’invite dans le concret. 
Les avancées médicales se payent cash.

18 août 2009

Déni

Elle est enceinte de 7 mois, se trouve dans une situation professionnelle complexe.
Elle appelle sa caisse d’assurance maladie pour se renseigner sur son droit aux indemnités maternité.
A l’autre bout du fil, on lui demande de préciser son nom et son numéro de sécurité sociale.

Elle le fait bien volontiers.
La réponse tombe, sans appel : «  vous n’êtes pas enceinte »

D’autres formulations étaient possibles, votre grossesse n’est pas enregistrée, votre dossier n’est pas à jour… non. L’administration toute puissante sait.
Elle n’est pas enceinte et son ventre rond n’y fait rien… puisqu’on vous le dit !
A la demande de sa péremptoire interlocutrice, elle devra, outre le certificat que je lui fournis, envoyer une déclaration sur l’honneur pour attester de sa grossesse.

17 août 2009

A la maison

Quelques journées passées avec une amie, sage-femme elle aussi, exerçant à domicile...

Fin de matinée, entre deux consultations, un appel : elle vient de perdre les eaux.

Une route sinueuse nous amène chez eux.  Elle n'a que peu de contractions, tourne et vire dans la maison, en attente. Son compagnon s'occupe en cuisine et nous propose de partager leur repas. On parle de tout et de rien, du temps qu'il fait, du bébé à venir, de l'ainé justement parti 24 heures chez des amis.
Deux heures s'écoulent au même rythme que le liquide amniotique, tranquillement.
Cela laisse le temps d'envisager d'autres visites.

Quelques virages plus loin,  une maison joyeuse. Une mère s'y repose, son nouveau-né d'hier auprès d'elle... Autour d'un café, on parle de tout et de rien, du bébé, de cette autre naissance qui s'annonce dans la maison presque voisine, du temps qu'il fait... Tout va bien.

Autres virages, autre famille. L'enfant a deux semaines et son père demande à être rassuré sur sa croissance. La petite est potelée et les seins de sa mère lourds de lait.  Allez, on la pèse pour faire plaisir au papa... ça lui fait plaisir. Vous prendrez bien quelque chose ? On parle de tout et de rien.

Retour dans la première maison en fin d'après midi. Les contractions sont un peu plus présentes, pas encore suffisamment ; quelques granules sont proposés pour aider le travail à s'installer. Il faut se donner le temps.
C'est l'heure du repas et le papa nous invite à nouveau autour d'un plat de pâte. La soirée est douce.
Les heures passent, les contractions s'installent, trop pour repartir, pas assez pour que ça avance vraiment. Chacun tente alors de se reposer un peu

Une heure. Un son modulé... les contractions sont maintenant bien là.
Elle marche, prend un bain, en ressort... une musique qu'elle n'entend plus tourne en boucle sur la platine.
Petit café pour tous sauf elle, déjà dans un autre monde, isolée,  il n'est plus temps d'autre chose que d'accoucher... Elle accompagne chaque contraction d'une psalmodie, quelques mots, toujours les mêmes, comme un mantra. Le son va crescendo puis redescend. Accrochée au chambranle d'une porte, elle s'étire et se balance.

Plus tard, elle s'est accroupie, la tête du bébé juste là, posée sur le périnée. Le père pleure déjà... Aucun mot, aucune "consigne", juste la confiance, notre certitude à tous qu'elle sait «faire», sa tranquille assurance en son corps agissant.
Le bébé glisse dans un souffle.

C'est une fille, elle porte un nom d'étoile.

Je sors sur la terrasse, le ciel est bleu profond.
La douceur de la nuit.
La vie
Vraie

PS : afin de ne pas nourrir la vindicte des détracteurs de la naissance à domicile, je tiens à préciser que la surveillance « technique » du travail a eu lieu. Mais les gestes sont si mesurés, retenus, dans le respect de ce que vit la femme, soucieux de ne pas la déranger... qu'ils en deviennent presque invisibles.

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16 août 2009

Six ans

Je m’apprête à « l’examiner », en jargon professionnel, un TV : toucher vaginal. Pour une fois, le vocabulaire médical n’édulcore pas la réalité du geste, il s’agit bien de toucher. Cet examen  si souvent subi par les femmes n’est pas tout à fait banal.  J’attends donc qu’elle y soit prête et lui demande son autorisation.

Sa réponse fuse, trop rapide « je n’aime pas ça mais faut bien » et m’alerte… Non, « faut pas », nous pouvons faire autrement, différer, reporter …  Je le lui rappelle.

Un triste sourire insiste pour m’autoriser.

Dans son attitude, plus qu’une simple réticence.
Faute de consentement, j’attends.

Puis une toute petite phrase, presque murmurée « ça vient de mon enfance ».
Je sais déjà qu’il s’agît là plus que d’une simple appréhension…
J'enlève mon gant
Je l’écoute

Et elle pleure sur ses six ans agressés, la mémoire perdue puis revenue au travers de cauchemars, l’incrédulité des adultes, la mauvaise volonté policière, les quinze années passées à porter cela, mais tout va bien.

C’est de sa faute car elle était belle et pourtant, elle ne s’est jamais trouvée belle. Évidemment, il est bien trop dangereux d’être belle !

C’est de sa faute car elle doit payer des atrocités commises dans une vie antérieure ; comment expliquer sinon qu’on ait pu lui faire subir cela, à elle petite fille ?

C’est de sa faute mais tout va bien…

Doucement j’arrive à la convaincre qu’elle a le droit de chercher l’apaisement, que l’on peut l’y aider.
Elle acquiesce d’une inclinaison de tête.
Ce fragile accord est précieux.

15 août 2009

Maisons de naissance et faux-semblants

France Inter, hier matin 8 h, les infos du creux de l’été…

          Les transfuges du PS tentent de sauver les apparences  et feignent de tousser à l’annonce du ralliement des Villieristes à Sarko.

          Le pseudo redémarrage de l’économie… Nouvel avatar de la méthode Coué « ça va aller, ça va aller ça va aller ça… » 

          Les élections gabonaises sous un angle plutôt restreint : la compagne de l’un des candidats réside en France.

Puis:
« Un projet de décret qui risque de faire réagir : Dans le cadre du projet de loi de finance de la sécurité sociale pour 2010, la DHOS fait la promotion de ce que l’on appelle les maisons de naissance : du début de la grossesse jusqu’à leur accouchement, les femmes pourront y être accueillies dans un cadre moins médicalisé que l’hôpital. Responsable du processus entier : la sage-femme.
Ce projet est parti d’un constat : en France, les futures mamans n’ont pas le choix, elles doivent accoucher à l’hôpital, le plus souvent sous anesthésie péridurale. »

Vient l’annonce de l’interview d’« un » sage-femme (présenté par la journaliste comme «accoucheur» !  Sexisme quand tu nous tiens…)

«Ces maisons de naissance sont un espace de liberté supplémentaire pour WB, accoucheur.»
Il a du en dire beaucoup plus mais seules deux de ses phrases passent à l’antenne :   
Dans la première,  la  motivation à choisir une maison de naissance serait l’envie de se passer de péridurale sans être sure d’y parvenir…
Dans la seconde,  le suivi global est ainsi défini : « la sage-femme s’occupe de tout ».

Cet éclairage est plus que court,  très éloigné des réalités.  A l’inverse d’une demande de prise en charge par quelqu’un qui s’occuperait de tout, la première motivation des femmes est de pouvoir être pleinement actrice de leur accouchement.

La journaliste reprend : "la sage-femme aura donc dans les futures maisons de naissance toute la responsabilité de la grossesse d’une femme".

Pas de quoi s’étonner !  Nombres de femmes ne sont suivies « que » par les sages-femmes, au sein des maternités, en PMI ou en libéral. Les sages-femmes sont par leur formation les praticiens de référence de la grossesse normale. Cette évidence peine hélas à faire son chemin médiatique.

La journaliste poursuit : "et pendant l’accouchement, il n’y aura (avec une inflexion dans le ton pour bien marquer  cette absence qui confine au désert médical …) pas d’obstétricien mais une seconde sage-femme".

Pas de quoi s‘offusquer ! La grande majorité des accouchements se passent sans obstétricien et sont accompagnés par une unique sage-femme.

Le bulletin se conclura sur la réaction du président du syndicat des gynécologues -obstétriciens : « Nous ne sommes pas pour une prolifération - il s'agit de naissance ou du H1N1 ??? - des maisons de naissance mais pour une maison de naissance dans des structures hospitalières, au même niveau que la maternité.  Donc s’il y a le moindre problème, on ne perd pas de temps et la patiente peut être transférée dans la maternité de référence.»

Pourquoi exiger la proximité immédiate d’une maternité alors qu’il s’agit de grossesses normales, correctement suivies et accompagnées par une professionnelle ?
On aimerait que le président du Syngof s’émeuve pareillement des fermetures d’établissements mettant nombre de familles très à distance d’une maternité ;  les médias relatent très régulièrement la si ravissante anecdote du bébé né avant d’arriver sur le site "autorisé" initialement prévu …

La sécurité justifie t-elle vraiment l’exigence de totale proximité ? En  filigrane se dessine le désir de soumettre des parents en mal d’indépendance et les sages-femmes ayant l’insolence de les soutenir.

L’ersatz de maison de naissance que l’on cherche à nous vendre n’est pas un espace de liberté !

Les infos se termineront sur les quarante ans de Woodstock.
Free-ee-ee-dom….

14 août 2009

Pas ce soir chérie

Faire l’amour en fin de grossesse est réputé « murir » le col de l’utérus et favoriser le démarrage de l’accouchement…

Dans son neuvième mois, ronde et impatiente, elle explique avec un demi-sourire : « c’est ceinture ». Elle voudrait bien mais lui ne veut pas.

Pourquoi ? Par crainte de faire mal au bébé, de se sentir observé, parce qu’il imagine ne plus avoir la place, trop de place, parce qu’une femme enceinte est intouchable, quasi sanctifiable, parce qu’il ne reconnait plus ce corps tout en rondeurs et qu’il y perd repères et désir….

Non…
Il fait une croix sur sa libido car il craint de déclencher l’accouchement.
En ce moment, il a trop de boulot, ça tomberait mal.

13 août 2009

Désemparé

Elle est en travail depuis plusieurs heures… le vit bien… centrée, recentrée sur ses perceptions, silencieuse, à l’écoute d’elle-même, cherchant la meilleure adaptation possible au cheminement de son enfant  …
Elle bascule et ondule au rythme du travail utérin.
Sereine
… mais muette.
Pas de place pour les mots, l’impérieuse nécessité de n’être qu’à elle-même.

A ses cotés, il est agité, désemparé, aussi anxieux qu’elle est sereine.
Il en arrive à réclamer pour elle une péridurale.
Elle quitte son silence pour préciser qu’elle n’en veut pas.
Il insiste.
Elle persiste, secoue la tête avec exaspération.
Il revient à la charge, quémandant mon soutien.
Et comme je souligne son refus, il rétorque furieux : « Vous voyez bien qu’elle n’est pas en état de décider !»


Si !

12 août 2009

Les débuts

Il y a longtemps, un peu trop longtemps à mon goût …

Je suis à l’école de sage-femme, en première année. Après des stages plus ou moins calamiteux dont l’un dans un presque mouroir trompeusement nommé service de dermatologie, j’accède au graal obstétrical, la salle d’accouchement… 

La novice se doit de servir de petite main docile au reste de l’équipe. Il nous faut gagner notre place à coup de vidage de bassin, lavage de seringues et talquage de doigtiers (ça se confirme, c’était il y a bien longtemps). Nous sommes également chargées d’accueillir les « entrées » - nom générique désignant toute femme susceptible d’accoucher se présentant à la porte -  le rituel d’accueil manque quelque peu de chaleur : analyse d’urine et rasage de la vulve au coupe-chou.

Après m’être acquittée des diverses tâches qui me sont dévolues, je suis enfin autorisée à pénétrer dans une salle carrelée de blanc à l’éclairage puissant. Sur un lit articulé plutôt étroit, une femme est allongée, les cuisses écartées et recouvertes de champs bleus. Elle pousse, dirigée par une très énergique sage-femme : inspirez/ bloquez/ poussez/allez-y/ALLEZ-Y/ALLEZ-Y !

Une masse de cheveux noirs commence à apparaitre, avançant et reculant au rythme des efforts maternels… Mon cœur bat plus fort… J’ai toujours souhaité devenir sage-femme - une vocation ? - et pour la première fois…

Mais une voix claironne : « une entrée ! ». Une main me désigne pour aller accomplir les rites déjà cités, pipi, rasage … Je tente de négocier avec la propriétaire de la main quelques précieuses minutes de sursis qui me sont dédaigneusement refusées. Je dois quitter la pièce. Le bébé sera né depuis longtemps quand j’en aurai terminé.

Quelques heures plus tard, nous terminons notre service et je laisse exploser colère et amertume, pleurant sur cette première naissance que l’on m’a volée…
Mes amies ont tenté de me consoler : «des accouchements, tu en verras d’autres».

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