Elisabeth Badinter a raison
«Pour quelles raisons avez-vous choisi ce métier ?» m'avait-on demandé lors de ma première journée d'étudiante sage-femme.
Sans hésitation «Pour servir la cause des femmes!»
Les racines de cette motivation sont sans doute à chercher dans ma propre naissance. Ma mère accouchant prématurément, en l’absence de mon père, une équipe malmenante, une douleur submergeante, une panique intense maitrisée par une anesthésie générale. Je suis née par forceps du ventre d’une femme terrifiée et absente.
Quelques années plus tard, accompagnée par une des équipes pionnières de "l’accouchement sans douleur", elle a pu vivre une autre naissance, joyeuse et sereine.
Tout est dit.
Je sais l’importance de l’accompagnement, du respect, de l’empathie.
Je sais la puissance des femmes qui mettent au monde.
Je sais la force qu’elles en retirent lorsqu’elles traversent cette épreuve en toute sécurité, physique mais aussi affective.
Je sais que de l’humanité nait le meilleur, de l’indifférence peut naitre le pire.
Je sais que l’analgésie peut se révéler indispensable et salvatrice mais aussi devenir l'instrument de la contrainte. On peut si facilement soumettre un corps qui ne sent rien.
Une cadre de maternité expliquait doctement lors d’une intervention auprès des étudiants «La péridurale c’est pratique, elle permet de faire pousser les femmes quand ça arrange l’équipe».
N’en déplaise à Elisabeth Badinter, la péridurale n’est pas forcément un outil de libération, l’allaitement pas forcément celui de l’asservissement.
Je me bats pour toutes les femmes, celles qui veulent être mères et celles qui ne le veulent pas, celles qui désespèrent d’être enceintes et celles qui veulent interrompre leur grossesse, celles qui allaitent et celles qui biberonnent, celles qui souhaitent materner longuement et celles qui désirent retourner à leur travail.
Je revendique le droit des femmes à décider de leur vie, sans avoir à renoncer à leur liberté parce qu’elles ont choisi la maternité.
Je revendique que les hommes soient à leur cotés, ni dominants ni soumis.
Pourtant,
Elisabeth Badinter a raison, nous ne sommes pas gouvernées par nos hormones et réduire l’amour d’une mère pour son petit à quelques échanges d’ocytocine et autre prolactine relève d'une analyse sommaire voire humiliante.
Elisabeth Badinter a raison, le risque est réel pour une femme d’aliéner sa liberté en quittant la vie professionnelle, même de façon temporaire, pour se consacrer à son enfant.
Elisabeth Badinter a raison, en ces temps de crise économique, certains pourraient s'empresser de renvoyer les femmes à leur foyer sous de faux prétextes.
Mais elle se trompe de cible. C'est la société qu'il faut réformer, non la maternité.
C’est aujourd’hui la journée de la femme mais 24 heures, c’est un peu court pour refaire le monde...