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Dix lunes
6 janvier 2012

Pas touche !

3458656069_18418e186bDe passage à la maternité, une de mes collègues et amies m’interpelle, elle souhaite me parler d’une patiente… Nous nous éloignons un peu du brouhaha des "transmissions" accompagnant le changement de garde.
Elle m’interroge sur une jeune femme dont j’ai suivi la grossesse
«- Elle était comment ?
 - Euh, comment ça comment ? Elle était… normale ! Mais pourquoi ta question ? »

Présente à l'accouchement, elle a accompagné longuement cette mère qui ne souhaitait pas de péridurale.
Postures, étirements, bain… La dilatation avance tranquillement. Puis le travail change de cadence, les contractions s'intensifient. La mère se plaint de son dos. Espérant la soulager, la sage-femme commence à la masser.
Un cri « Ne me touchez pas ! » interrompt son geste.
Pensant que son massage n’est pas adapté, elle tente, avant la prochaine contraction, de savoir comment procéder « Plus fort ?  Moins fort ? Plus haut ? Plus  bas ? ».
Mais la jeune femme se fâche «Ne me touchez pas, pas du tout, ni là ni ailleurs !»

Elle se plie évidemment à son désir, restreint les examens au strict minimum et se limite à guider de quelques mots la phase de poussée. Le bébé naît sans autre intervention de sa part. C’est la mère qui l’accueille dans ses mains.

Après la naissance, elle est chaleureusement remerciée par les parents. Mais elle reste préoccupée  - quelle maladresse a-t-elle commise pour se faire ainsi repousser ? - et me charge de transmettre sa question.

Lors du suivi post natal, la mère revient sur son accouchement. Elle en garde un merveilleux souvenir et évoque l’accompagnement de la sage-femme, très à l’écoute, très présente, respectueuse, en un mot  parfaite … 
Je m'autorise à glisser :
«- Tu lui as dit que tu ne voulais pas qu'elle te touche ?  
- Ah oui, je lui ai dit ça. Elle me tenait la main, elle me massait le dos, elle caressait mon bras et moi je ne supportais pas…
- Pour ton premier, la sage-femme ne te touchait pas ?
- Ah si, c’était pareil,  MAIS J'AVAIS PAS OSE LE DIRE ! »  
 


Cette histoire m’est revenue après  la lecture d’un billet de Jaddo. Lors des échanges qui ont suivis (sur Twitter), je soulignais combien souvent les sages-femmes sont dans cette présence très physique.
L’accouchement court-circuite les mots. L‘échange avec une femme en plein travail - et sans péridurale - passe bien moins par la parole que le regard, le souffle et le toucher ;  main posée, main tenue, massage… Cette façon d'être avec les femmes m'est restée coutumière, même en dehors de l'accouchement.

Et du coup, je m'interroge sur mon possible envahissement...




En ce début d'année, je tente un autre mode de communication en créant un compte FB "Dix lunes et un peu plus". Le moyen de partager plus d'informations et d'aborder aussi d'autres sujets qui me tiennent à coeur (droit des femmes, accès aux soins, politique de santé...)

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Commentaires
J
AZ, j'ai pensé à toi en lisant le commentaire et je n'ai pas été surprise en voyant ton pseudo en bas de page ;)
A
Je voudrais dire cela: je suis d'accord avec celles qui disent que les sages-femmes - les soignants en général - ne peuvent pas deviner, et que, si on ne veut pas être touché, on peut le dire. Seulement, quelquefois, on ne le peut pas, justement: je suis autiste, très légère, je peux vivre quasi-normalement, j'ai 3 enfants et j'ai toujours refusé d'être signalée à la MDPH. Je travaille, j'ai un mari...rien ne se voit...ou presque. Je dois "préparer" tous mes rdv médicaux; me "passer dans la tête" ce qui va arriver, ce qui est possible,probable....et alors que je peux en parler derrière mon écran jamais je ne pourrai dire à quelqu'un qui me touche de ne pas le faire. Or, un accouchement est beaucoup moins prévisible qu'un vaccin chez chez le généraliste qui va me toucher le bras et c'est tout . Avec les années j'ai appris à ne plus hurler de panique quand on m'approche, ça ne veut pas dire que la panique n'est pas là. Et puis comme le disait un des commentaires, le soignant "sait", et cette tradition est lourde: de la même façon je ne pouvais littéralement pas regarder mes échographies: que dire à un gynéco qui vous lance "Ben si ça commence comme ça, il va être heureux le bébé:"? Même si j'avais pu le faire, il m'avait déjà jugée a priori. Comment refuser de toucher la tête de son bébé entre ses jambes, de le prendre nu et gluant dans ses bras? Celles qui peuvent faire ces gestes ont de la chance, je les envie. Moi j'ai bien senti que j'étais dans le camp des mauvaises mères, et on m'a de fait envoyé le psy. Mais je ne pouvais pas dire pourquoi je ne pouvais pas le faire.<br /> <br /> Je ne juge pas, mais c'est un peu regrettable, et je trouve bien que la question du toucher soit évoquée ici.<br /> <br /> ET PS pour répondre en deux mots à 10 lunes: ce qui bloque c'est le geste que je n'ai pas su prévoir, le reste passe à peu près. Et quand on accouche, il s'en passe des trucs pas prévus ;)...Je crois que dans mon cas cela se serait mieux passé si les soignants m'avaient annoncé tout ce qu'ils allaient faire, puis m'avaient laissée les instants nécessaires pour "digérer" (c'est d'ailleurs en partie ce qui s'est passé pour mon 2ème, et ce fut le "moins pire" de mes accouchements). Mais je suis consciente que ce n'est pas possible.<br /> <br /> Et désolée pour le pavé.
S
Bien sûr on a toutes une bouche pour dire ce que l'on veut ou pas. Mais celle ci est parfois fermée par notre conditionnement. Notamment, le suivi de grossesse pour ma fille, ponctué des touchers vaginaux à chaque visite, sage-femme puis la stagiaire, puis le déclenchement, ponctué de touchers vaginaux, sage-femme puis la stagiaire, décollement des membranes hyper douloureux, césarienne, visite post-natale avec son toucher vaginal, gyneco puis le stagiaire. A chaque fois, on m'a demandé mon accord pour commencer (sans forcément expliquer, faut pas rêver), à chaque fois j'ai accepté, conditionnée par ma bonne éducation, et par l'enchainement des actes. Bref, j'avais abdiqué ma liberté de décider. Alors, je confirme que vous avez raison de vous interroger sur la nécessité de toucher, d'autant que l'on se situe dans un contexte si proche de la sexualité, de la construction de l'identité de mère. La clef est peut être dans le commentaire qui dit que le toucher doit être fait 'pour elle'. Demander à la mère si 'elle veut' qu'on la touche, se demander si cela lui sert à elle!?<br /> <br /> Deuxième grossesse, à chaque visite prénatale, à chaque question 'je vous examine', je réponds 'je n'y tiens pas'. Parfois, le gyneco accepte et explique même à la sage-femme qu'il va mesurer la hauteur uterine par dessus le jean, bref que ni lui ni moi n'avons besoin d'un contact, parfois le gyneco m'explique l'intéret de me faire prendre conscience de mon périnée, et j'accepte l'examen. Pendant l'accouchement à domicile, très long, j'accepte les touchers vaginaux de ma sage-femme car ils me servent à me rassurer sur la progression, j'accepte volontiers ses massages, je cherche parfois le contact de sa main. Transfert en maternité, je renoue avec le "pas assez", une sage-femme absente qui ne passe qu'en coup de vent quand j'appelle avec la sonnette pour me jeter un 'c'est normal, faut attendre', qui alterne avec le "trop", la sage femme qui revient après un délai arbitraire pour me faire pousser en gardant 2 doigts dans mon vagin. Je hurle qu'elle arrête de me toucher. Elle me réponds 'pas de soucis, je pose juste mes doigts à l'entrée'. J'ai eu beau pleurer, elle n'a jamais compris que je ne voulais pas du tout être touchée, une question de survie de mon intimité à ce moment là, peut être une sur-réaction liée à la première naissance. La 'punition' ne s'est pas fait attendre, les spatules et tous ces gens qui prennent possession de mon corps.<br /> <br /> <br /> <br /> Alors, oui, continuez à vous poser des questions, à chaque femme que vous rencontrez, pour qu'elle n'aie pas besoin de s'en poser pendant les années qui suivront.
M
Comme Kaline, je n'ais pas souvenir des gestes de la sage femme durant mon accouchement. Pas qu'ils aient ete inexistants, pas qu'ils aient ete trop présents mais juste que la sage femme a reussi a etre dans ce qu'il fallait quand il fallait. <br /> <br /> <br /> <br /> JE n'avais pas besoin de plus, ni de moins, c'etait comme il fallait. :)
S
En lisant ton billet, 10 lunes, je souris car je me rappelle le travail pour ma fille où je beuglais à mon mari "maaaaaasssseeeeeuuuu" entre les contractions et "arrêeeeeeete" pendants celles-ci... J'ai aussi envoyé un cinglant "me touchez pas" à la sf... qui n'a pas eu l'air choquée, elle était habituée aux accouchements naturels. Complètement dans ma bulle, j'aurais été incapable d'y mettre les formes!
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