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Dix lunes
consultation
1 avril 2012

Pas de fumet sans feu

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Cet article paru le 29 mars dans le Monde a fait du bruit dans le landerneau des sages-femmes. Ces propos évidemment mal compris et mal interprétés les avaient quelque peu révoltées.

Odile Buisson a souhaité préciser sa pensée :

En aucun cas, je n'ai souhaité  porter atteinte, ni à la profession de sage-femme, ni à l'autonomie des femmes.

Loin de toute position corporatiste, je souhaitais alerter sur les difficultés d’accès à la contraception et au suivi de prévention, pourtant gages de la sécurité sanitaire des femmes françaises. Cette fonction, longtemps tenue par des gynécologues médicaux aux compétences sous employées, est sans aucun doute du ressort des sages-femmes (comme des médecins généralistes). Examen gynécologique, bilans biologiques et frottis cervico-vaginal sont en effet des pratiques banales pour les sages-femmes puisqu'elles s’inscrivent très habituellement dans le cadre du suivi de grossesse. 

En aucun cas, je ne suggèrais que les sages-femmes outrepassent leurs compétences. Elles réalisent lors de leurs consultations un interrogatoire soigneux permettant de dépister les éventuels facteurs de risques; si tel est le cas, elles réadressent les patientes vers le médecin. Ce temps consacré au dépistage et à l’information est autant de temps libéré pour les consultations déjà chargées des spécialistes.

Par ailleurs, attribuer la longévité des françaises à l'existence de notre spécialité était un raccourci hasardeux. Rien ne permet de démontrer la corrélation entre ces deux facteurs. Pour preuve, la gynécologie médicale est très peu présente en Espagne et l'espérance de vie des espagnoles est pourtant supérieure à celle des françaises.

Comme je le soulignais, les femmes sont des citoyennes à part entière. Chacune d'elle est en droit de choisir d'être suivie par une sage-femme ou un médecin, d'accoucher avec ou sans péridurale, d'allaiter ou non son enfant. Ces décisions lui appartiennent pleinement. Et notre role de soignant n'est ni d'influencer, ni de dénigrer leur choix mais de les accompagner.

Je m’attache comme l’ensemble des praticiens médicaux, à exercer au sein d’un réseau où tous les acteurs de la santé se complètent et se coordonnent, dans le souci partagé de répondre aux attentes et aux besoins des citoyennes de première classe que sont les femmes…

En ce dimanche premier avril, je remercie Odile Buisson d'avoir pris le temps de cette salutaire mise au point.

 

PS : pour celles et ceux qui douteraient  de la véracité des paroles rapportées, je vous renvoie à la date de publication et à l'illustration de ce billet...

PS bis : on me rapporte aujourd'hui que certains s'interrogent encore sur la réalité de ces propos. Je confirme donc le message implicite du PS précédent : poisson d'avril !!!


Quand l'article d'Odile Buisson est paru, nous avons été nombreux(ses) à réagir. Très vite, au fil d'échanges sur Twitter, est venue l'idée d'une réponse groupée. 

Ce texte s'inscrit dans une démarche partagée avec la Poule Pondeuse et Souristine  ; chaque texte est individuel et rédigé en fonction de nos sensibilités personnelles. 
Néanmoins, femmes, médecin, sage-femme, nous partageons toutes une certaine idée de ce que pourrait (devrait?) être le suivi des femmes et la prise en charge de la naissance en France.


 

 

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8 mars 2012

15 minutes chrono

 

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En cette journée de la femme, je me la coule douce en publiant ce texte reçu récemment, à la fois ravie par l'humour distancié de son auteure et saisie par l'implacable efficacité du médecin ainsi portraituré. Hommage.

Chère 10lunes, à la suite des liens que tu as postés sur Facebook, je ne résiste pas à te faire la liste de ce qu’un médecin a réussi à me faire en 15 minutes, du bonjour dans la salle d'attente à ma sortie. De telles capacités laisseraient presque rêveuse. 

  • Création du dossier, avec tous les antécédents 
  • Déshabillage
  • Toucher vaginal - sans prévenir
  • Examen au spéculum - sans prévenir
  • Frottis - sans prévenir
  • Testing du périnée : j’ai bien essayé de me venger, mais elle a du avoir peur de se faire écraser les doigts et ne m’a même pas laissé le temps de lui montrer l’étendue de mes talents
  • Examen des seins
  • Prise de la tension - après le reste des hostilités - ben oui c’est plus rigolo de la faire monter avant !
  • Pesée
  • Rhabillage
  • Discussion autour du DIU* par rapport à mon contexte médical 
  • Prescription
  • Passage de la carte vitale et rédaction du chèque

J’ai même eu le temps d’insister pour une pose de DIU sans attendre le retour de couches.

Il faut dire que ça faisait bien 5 minutes que je lui avais parlé de mes cycles rares et irréguliers et de mon allaitement toujours en cours. C’est qu’à l’aube de fêter mes 2 ans d’aménorrhée**, j’aimerais avoir l’assurance d’une contraception efficace histoire de ne pas prolonger les mois sans règles pour d’autres raisons….

Enfin, excusons-la, elle pensait que mon allaitement était, je cite, « symbolique » (?!?)

Sinon, on va supposer que j'ai un mari fidèle, partenaire unique et stable de ma vie sexuelle et qu'il n'est donc nul besoin de questionner une nécessité de dépistage IST. Et que mes vaccinations anti-rubéole et autres sont à jour.

Tiens, au passage, je penserai à coller un post-it entre mes jambes pour la pose du DIU : "Lubrifiant, par pitié".

Bref, j’étais dans un état certain de sidération en arrivant sur le trottoir, et pleine d'étonnement de ne pas me retrouver avec le slip sur la tête...

Il se trouve qu’en tant que professionnelle de santé moi-même, j’essaie de choisir mes praticiens avec soin et que le parcours de ce médecin m’avait fait espérer, outre la compétence, écoute et douceur. Je n'ai pas été déçue…

 

*DIU : dispositif intra utérin (dénomination actuelle du stérilet)
** aménorrhée = absence de règles


©Photo

12 février 2012

Limites de territoires

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C'est fatiguant à la fin... Après certains syndicats médicaux, ce sont maintenant des kinésithérapeutes qui nous prennent pour cible.

A l'origine de leur ire, une initiative de notre Conseil de l'ordre qui défend la possibilité pour les sages-femmes d'assurer la rééducation périnéale de femmes sans enfant*. 

De mon point de vue, cette revendication n'est pas une priorité. Ma seule réserve concerne les patientes vivant à distance de tout cabinet de kiné mais à proximité d'un cabinet de sage-femme. Eviter dans ce cas un long déplacement justifierait une dérogation (parfois déjà accordée par l'assurance maladie). Pour le reste, nous avons bien assez à faire avec les accouchées.

Je n'avais donc pas souhaité réagir au mécontentement compréhensible des kinés avant ce qui m'apparait comme une nouvelle attaque. Ainsi, les sages-femmes "phagocytent la rééducation du post partum" ?!  

Comme pour le suivi de la grossesse, je revendique le libre choix des femmes pour leur rééducation postnatale. C'est à elles de décider vers quel praticien elles souhaitent se tourner. Je déplore donc avec les kinés que la nomenclature les exclue de cette rééducation dans les trois mois suivant une naissance. Solidaire encore, je soutiens une cotation similaire de nos actes, en soulignant cependant que l'on ne peut comparer la rémunération d'un praticien se consacrant exclusivement à son patient à celle d'un autre prenant en charge plusieurs personnes simultanément (n'y voyez aucune inflexion corporatiste, ce bémol concerne nos deux professions... à des degrés différents.)

Mais nos amis viennent de se tromper de combat... Dans un courrier adressé à la caisse de Paris, le SMKRP écrit "En effet, il semblerait que certaines caisses primaires d'assurance-maladie remboursent des actes de rééducation fonctionnelle prescris (sic) par les sages-femmes. Cette information laisserait à penser que les sages-femmes prescrivent une rééducation qui n'entre pas dans leur domaine de  compétence".

Mauvais argument ! Lorsque nous prescrivons une rééducation périnéale, nous sommes à la fois aptes à la prescrire et à la réaliser. Il serait pourtant parfaitement abusif et irrespectueux des femmes comme de nos collègues kinés d'exiger que cette rééducation se fasse avec une sage-femme. 

A l'inverse, nous sommes  en conflit avec l'assurance maladie qui refuse de prendre en charge la rééducation abdominale postnatale si l'ordonnance est signée par une sage-femme et non par un médecin (cf cette action syndicale). Si la réalisation de cet acte n'est pas de notre compétence, sa prescription l'est et le soutien des kinésithérapeutes serait bienvenu.

Les sages-femmes assurent de plus en plus de suivi de grossesse et voient donc des patientes consultant pour sciatalgies, lombalgies... Le plus souvent, il s'agit d'une symptomatologie banale chez la femme enceinte, banale ne signifiant pas pour autant négligeable. Mais quelle que soit la situation, nous ne pouvons actuellement prescrire de traitements de kinésithérapie et sommes amenées à rediriger ces patientes vers un médecin. Cette double consultation est absurde ...

En dénonçant nos prescriptions, le SMKRP dénie aux femmes la possibilité de choisir leur praticien, leur complique l'accès à des soins remboursés parce qu'elles ont eu l'audace de ne pas s'adresser à un médecin, contribue à des dépenses superflues pour un système de santé déjà malmené. 

Et il énerve un tantinet les sages-femmes...

 

 * Les sages-femmes ne peuvent assurer la rééducation périnéale que chez les femmes ayant - un jour même lointain- accouché...  Cette restriction semble un peu dérisoire ; à 80 ans, les problèmes de prolapsus ou d'incontinence sont-ils à mettre sur le compte d'un accouchement vieux d'un demi-siècle ou de l'âge ?

 ©Photo


7 février 2012

Assimilé

 

5687574949_dc775e7b48_zElle est sage-femme, il exerce un métier très éloigné des contingences médicales et féminines. Ils habitent dans un petit bourg de province, quelques milliers d'âmes, une église, une école, un marché... Résidant là-bas depuis plusieurs années, tous les deux très actifs dans le réseau associatif, leurs enfants scolarisés dans la commune, ils connaissent tout le monde et tout le monde les connait.

Après avoir fait de nombreux remplacements dans les villes environnantes, elle décide de s'intaller comme sage-femme libérale dans son village. Déjà appréciée en tant que voisine, les femmes s'adressent à elle en confiance et très rapidement son cabinet ne désemplit plus.

En ville, elle retrouvait son anonymat dès la fin de ses consultations. Ici, c'est une toute autre histoire. Elle croise avec plaisir ses "patientes" à la sortie de l'école, prend des nouvelles du dernier-né, s'habitue à donner quelques conseils au hasard d'une rencontre à la boulangerie...

Lui découvre un nouveau statut. Identifié comme le "mari de la sage-femme", il se retrouve à recevoir certaines confidences dont il se serait bien passé. La dernière en date l'a laissé pantois. Il raconte mi amusé, mi gêné, comment cette dame un peu âgée l'a alpagué au marché devant l'étal des primeurs pour lui annoncer "Faudra que je vienne voir vot' dame, parce que quand j' tousse, j' fais des gouttes dans ma culotte."


©Photo

 

31 janvier 2012

Spontanée

 

4690504255_b1a1a09879_zSon accent chante mais son regard est voilé de larmes… Elle s’inquiète de tout, échafaude de nombreuses et hasardeuses hypothèses, soumet sa vie à de multiples rituels censés porter chance à son futur enfant. Elle s’angoisse du trop ou du trop peu de ses mouvements, de son ventre très rond mais pas encore assez, des aliments quelle mange et de ceux qu’elle boude, des douleurs ressenties et des risques de leur traitement, de ses nuits d'insomnie ou de son sommeil de plomb...

Et plus encore elle s’angoisse ce que son angoisse fait vivre ainsi à son futur bébé.

Ces questionnements incessants ne sont que la partie émergée d’une histoire complexe dont elle livre quelques bribes lors de notre première rencontre. Je sais déjà qu’il me faudra la guider vers d’autres soignants et d’autres compétences pour l’aider à sortir de cette nasse de symptômes et pensées qui l’envahissent et l’encerclent.

Pour le moment, il me faut bien faire quelque chose pour qu’elle se sente accompagnée, pour qu’elle puisse déposer un peu de son si lourd fardeau.

Alors, je reprends avec elle l’ensemble des symptômes évoqués, tentant pour chacun de valoriser l’extrême attention qu’elle porte à son bébé.

Au milieu d’une phrase, elle me coupe et s’exclame « Ah ça me fait du bien ce que vous me dites ! », puis elle se lève avec élan et, se penchant vers moi, me claque une grosse bise sur la joue.

 

©Photo

 

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22 janvier 2012

Déplacée

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Au téléphone, une jeune femme inconnue souhaite une consultation.

Quelques questions pour décrypter les motifs de sa demande. Elle vient d'accoucher de son premier enfant. Son bébé a deux semaines, va bien, elle aussi. A sa sortie de maternité, "on" lui a cependant demandé de faire surveiller son épisiotomie.

Elle ne sait pas ce qui se passe, n'a pas mal, ne pense pas avoir eu de problème particulier mais "on" lui a conseillé de contacter une sage-femme.

Nous ferons donc la consultation demandée.

Puis elle précise "faudra venir chez moi ".

-"Vous avez des difficultés pour vous déplacer ?
- Non
- Vous n’avez pas de voiture ? (les transports en commun sont calamiteux dans ma ville)
- Si
- Pourquoi avez vous besoin d'une visite à domicile ?
- Parce que c’est noté sur l’ordonnance..." *

Petit exposé didactique pour expliquer que venir au cabinet nous permet de faire un examen dans de meilleures conditions, que le rendez-vous est plus facile à caser dans notre emploi du temps et que de plus cela fait gagner quelques sous à la sécu … Je sens bien que je la contrarie mais j'insiste.

Elle se résout dans un -très gros-  soupir à faire l'apparent -très gros - effort de se déplacer.

Reste à trouver le moment du rendez vous. Je propose un créneau le surlendemain.
Ca ne va pas être possible, ce jour là, elle rend visite à sa famille.


* Note à mes collègues de maternité : nul besoin de prescription pour une consultation de sage-femme !


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17 janvier 2012

Dites 23 !

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Un carabin est en train de se tailler une solide réputation chez les sages-femmes. Je tiens à soutenir sa célébrité naissante ; le "Dr Kenny" mérite d’être connu.

Avec une déconcertante modestie, il affirme pouvoir apprendre bien plus en une année que ce que les sages-femmes étudient en cinq ans, célébrant au passage ses propres capacités d’apprentissage "rapides et efficaces " (sic), mettant en doute notre aptitude à assimiler l’immensité de son savoir, même en nous y collant vingt ans…

Il conclut en soulignant qu'il est tout aussi ridicule de vouloir remplacer des médecins par des vétérinaires (selon la surprenante suggestion d’une élue Dijonnaise) que les médecins par des sages-femmes… 

Au final, ce Dr Kenny ne mérite pas que l’on s’attarde sur ses propos. Peut-être éprouverons nous juste quelque inquiétude sur sa capacité à établir un dialogue empathique et respectueux avec ses futurs patients. Mais rassurons-nous, il a choisi d’être chirurgien, ses patients seront muets puisqu’endormis.

J’en déduis qu’il a conscience de ses limites !

 

Revenons au fond du débat. La discussion sur ce forum d'étudiants en médecine a pour titre  «Les sages-femmes seront payées comme les généralistes»

Et c’est bien là que le bât blesse. «Pourquoi faire neuf années d’études si on peut gagner la même chose en en faisant cinq ?».

Un accord avec l'assurance maladie vient d’être signé par nos syndicats. La consultation sage-femme passera de 17 et 19 € à 21 € … en septembre 2012, et à 23 € en septembre 2013. 23 €, c'est précisément le tarif actuel de la consultation du médecin généraliste. L’annonce de cette revalorisation plonge le monde médical dans un certain émoi.

Serons nous payés pareil pour faire la même chose ?

La sage-femme se préoccupe principalement de physiologie et de prévention. La maternité est son domaine, elle maîtrise parfaitement son suivi, les complications potentielles, ce qui est tolérable ou pas, ce qui doit être surveillé ou pas. Elle peut traiter l’infection urinaire ou la mycose vaginale, corriger une anémie, prescrire des substituts nicotiniques… Cependant, en cas de pathologie suspectée ou avérée, elle se doit de passer le relais au médecin compétent, généraliste ou spécialiste.

L’atout du généraliste, c’est qu'il connaît globalement sa patiente parce qu'il la suit au long cours.

L'atout de la sage-femme, c’est aussi la globalité, mais cette fois-ci "transversale". Elle prend en charge la femme comme le nouveau-né, se préoccupe de la sexualité comme de la jalousie d'un aîné. Elle assiste le quotidien, soins du cordon ou préparation d’un biberon, surveille  la cicatrisation d'un périnée ou traite une lymphangite. Elle écoute les pleurs du baby blues ou l'ambivalence du désir d'enfant, rééduque un périnée ou pose un stérilet.

C’est cette compétence à s’occuper des petits maux comme des grands moments de la maternité et de la vie féminine qui fait sa spécificité.

Médecin ou sage-femme, il ne s'agit pas de faire mieux ou moins bien mais de prises en charge complémentaires. Tout est d'abord affaire de choix, celui des femmes ! (choix parfois contraint, faute de médecins disponibles...)

Nos professions doivent être pensées comme partenaires plutôt que concurrentes.

Reste une réalité : les consultations de sages-femmes sont longues, le temps nécessaire à la transversalité. En y passant trente à soixante minutes, même si le tarif annoncé semble le même, nous serons toujours bien moins payées que les généralistes.

Leur honneur est sauf !

 

NB : Pour mieux comprendre à quel "salaire" réel correspondent les chiffres, je vous invite à lire ce qu'en dit très honnêtement le Dr Borée

 

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20 décembre 2011

Larmes

 

L'ovale perçant la face supérieure du parallélépipède cartonné laisse s’échapper des volutes de fin papier blanc.
La boite de mouchoirs me nargue au rythme accéléré de son épuisement...

Est-ce le changement de saison, la pluie qui s’invite sans discontinuer depuis plusieurs jours ou la simple occasion d'une oreille attentive ? Ces femmes et ces hommes viennent pour de multiples raisons mais au final, chacun se met à pleurer

Elle pleure sur son accouchement gâché par une sage-femme blasée, annonçant avec indifférence que ce sera trop tard pour la péridurale, levant les yeux au ciel à ses plaintes, détournant le regard à ses demandes de soutien. Elle a puisé dans le souvenir heureux de la naissance précédente la force de pousser son enfant dans cette salle d’accouchement froide et sans âme.

Il pleure sur son fils ainé, ex adorable bambin plombant l'ambiance familiale depuis l’arrivée du second. Ses colères incessantes provoquent chez son père une irritation croissante. Il ne le reconnaît plus, mais surtout ne se reconnaît pas dans des élans de violences qu'il a du mal à contenir. En filigrane, une plus sombre histoire, celle de sa propre enfance.

Elle pleure sur son rêve évanoui. Après deux accouchements plus que physiologiques, instinctifs, juste accompagnés par des sages-femmes discrètes et attentives, elle découvre le monde de la pathologie. Sa santé s’est entre temps dégradée et nécessite un suivi rapproché. Elle alterne consultations avec de multiples spécialistes, examens de contrôles, bilans sanguins, échographie et autres réajustements de ses traitements. Chaque rendez vous hospitalier vient sonner un peu plus fort le glas d’une naissance naturelle. Ce bébé viendra au monde au son des bip scandant la bonne évolution du travail. Et s'ils en comprennent la nécessité, elle pleure sur cette dernière naissance qui va lui échapper, il pleure de la voir si triste.

Il pleure sur leur amour fusionnel disparu, sur sa compagne happée par leur enfant. Il lui semble qu'il n'a plus de place et cherche désespérément, tel un ainé jaloux, à attirer son attention.

Elle pleure sur cette grossesse longtemps attendue, tant rêvée après deux fausses couches. Mais tout se révèle si difficile; les kilos s‘installant et déformant son corps, le manque du tabac, les week end festifs écourtés par la fatigue, l’insouciance perdue, la libido effondrée, les tensions avec un compagnon supportant mal les changements liés à la grossesse. Si loin de l'épanouissement promis.

Tapies dans le placard, d'autres boites cartonnées attendent leur tour.

 

16 décembre 2011

Tirs groupés

 

Les sages-femmes libérales sortent de l'ombre et cette exposition semble contrarier certains autres praticiens. Plutôt que de penser nos prises en charge comme complémentaires, quelques réactions évoquent fortement la bataille de territoire.

Ainsi, sur Impact-santé, la FMF s'exprime par la voix de son président, le Dr Hamon, qui qualifie le Prado "de scandale de la fin de l’année et évoque un risque sanitaire puisque seule une équipe de soins pluridisciplinaire est en mesure de repérer des situations à risques comme les déprimes post-partum"

Confier le suivi des accouchées et de leurs enfants aux sages-femmes est donc un risque sanitaire ? C'est bien embêtant puisque cela se passe ainsi depuis ... des lustres !
Par ailleurs, le Dr Hamon invente un nouveau concept, la "déprime" du postpartum. Nous connaissons le blues du post partum (ou babyblues), épisode bref, sans gravité et qui ne demande qu'un accompagnement empathique pour aider à le traverser, et la dépression du post partum, réelle pathologie à prendre en charge médicalement... mais qui se révèle à quelques semaines de l'accouchement. La sortie de maternité avancée ou retardée de quelques jours n'y change rien.
A l'inverse, le dépistage de ces situations passe par un accompagnement prolongé dans le temps, souvent assuré par... les sages-femmes ! Nous revoyons les mères pour leur allaitement, les questions liés aux soins du nouveau-né, la rééducation périnéale... elles évoquent avec nous leur fatigue et leurs difficultés... toutes occasions qui permettent de faire le point en amont ou en aval de la consultation postnatale, de se préoccuper d'un épisode dépressif et de mettre en route le réseau médical pour une prise en charge adaptée. Complémentaires vous dis-je.

Sur Egora, autre article sur les transferts de compétences qui évoque l'extension récente (20 octobre) de nos droits de prescription en listant "antibiotiques, contraceptifs, homéopathie, anti-inflammatoires non stéroïdiens, anti-sécrétoires gastrique". 

Faut-il rappeler aux rédacteurs que notre compétence en matière de contraception date de 2004 pour le postpartum et 2009 pour le suivi gynécologique.  C'est une compétence certes récente mais qui n'a pas été modifiée par cet arrêté sur les médicaments. Feindre de la découvrir permet à nouveau de s'en offusquer... et de quelque peu se ridiculiser.  "...Ceci dans le but notamment d’améliorer le suivi de la contraception des femmes et des jeunes filles. «On se demande quand les sages-femmes les rencontrent», ironise le Dr Michel Combier, le président de l’Unof . C'est vrai ça, quand est-ce qu'une sage-femme peut bien rencontrer les femmes et les jeunes filles ? Au quotidien, parce qu'elles s'adressent à nous.

Dans le même article "(les sages-femmes) « ont renoncé à la prescription de l’IVG médicamenteuse, ce qui signifie qu’elles ont conscience de leurs limites ».
A ma connaissance, nous n'avons renoncé à rien, le projet de loi présenté par la députée Bérangère Poletti a été écarté sous la pression des lobbies anti avortement. Cette proposition d'expérimentation ne concernait pourtant que les sages-femmes hospitalières et de fait, les sages-femmes exerçant dans les CIVG sont déjà impliquées dans cette prescription.

Leur accorder la possibilité de prescrire une contraception « ne serait pas sans risques, alors que le sujet « très sensible », justifie une prise en charge longue, surtout auprès des adolescentes".
La contraception est un sujet sensible, merci de le souligner ! Nous le savons, prenons le temps de débattre avec les femmes du moyen contraceptif qui leur sera le plus adapté et les revoyons aussi souvent, aussi longtemps que nécessaire. En obstétrique comme en gynécologie, nos compétences concernent les situations exemptes de pathologie et nous passons le relai quand ce n'est pas ou plus le cas. Nous ne prétendons pas faire mieux mais aussi bien que les médecins avec souvent la possibilité d'y consacrer plus de temps.

Enfin, dans le Quotidien du médecin "Les professionnels de santé ont découvert le PRADO ces derniers jours et ils s’offusquent de n’y avoir pas été associés. «À J +2, les femmes et les enfants sont fragiles et on les éjecte des maternités alors que le retour clas sique à domicile est de 4 à 5 jours », s’insurge le Dr Jean-Paul Hamon, président de la FMF".
Il semble ignorer les contingences hospitalières. La tarification à l'activité impose aux établissements de faire "tourner" au maximum leurs lits. La durée de séjour se réduit depuis plusieurs années sans prise en charge à domicile. Officialiser un tel suivi est plutôt un progrès.

« Nous sommes pris pour des pions », s’insurge pour sa part le Dr Alice Touzaa, du Syndicat des gynécologues médicaux". Pourtant, le suivi postnatal immédiat ne concerne pas les gynécologues médicaux qui, à ma connaissance, ne se déplacent pas à domicile. Loin de moi l'idée de le leur reprocher. C'est encore une fois le constat de notre complémentarité, constat que le SGM a décidément ( voir ici et ici) du mal à accepter.

Je suis plus que lassée de ces incantations sécuritaires chaque fois qu'il est question des compétences des sages-femmes. Comment espérer parvenir à collaborer efficacement quand les uns se défient autant des autres ?

 

PS : contrairement à ce que ce billet pourrait laisser penser, ma position sur le Prado reste la même. J'affirme l'intérêt d'un suivi cohérent de l'ante au postnatal et déplore que l'accompagnement du retour à domicile ne soit pas encore (expérimentation à venir) lié à celui de la grossesse.


12 novembre 2011

Partenaires multiples *

 

"- Allo ? C’est pour prendre un rendez-vous.
- Pour quelle raison ?  (selon leur motif, les rendez-vous demandent de bloquer plus ou moins de temps, se programment à distance ou nécessitent un créneau rapide).
- Ben je voudrais un rendez-vous avec une sage-femme ! "

Jusque là tout va bien. Mais quand je tente de lui faire préciser ses besoins…
Elle est enceinte de six mois, suivie par son médecin traitant depuis le début de sa grossesse. Il lui a prescrit les bilans habituels et les échographies.
- "A chaque consultation, il prend ma tension et regarde mes jambes, mais il fait rien sinon ! "
Elle a aussi rencontré une sage-femme à la maternité "qui m'a posé plein de questions mais qui m'a rien fait non plus ".**
Enfin, ses rendez-vous pour la préparation à la naissance sont déjà programmés dans cette même maternité.

Je peine à trouver ma place...

Oui mais elle aurait bien voulu voir un gynécologue.
Et comme je précise que sage-femme et gynécologue sont deux professions différentes.
Ca tombe bien, elle voudrait aussi être suivie par une sage-femme !

Reprenons…

 

* Google mon ami, le titre s'est imposé. Pardon aux quelques visiteurs qui vont s'égarer ici.

** Le "rien", c'est l'absence de toucher vaginal. Pratique inutile et facilement anxiogène en systématique - "Sa faible valeur pronostique entraine un grand nombre de faux positifs et négatifs" (note de cadrage HAS sur mesure échographique de la longueur du col) - mais tellement intégrée par les femmes qu'elles s'étonnent et s'inquiètent que ce geste invasif leur soit épargné quand leur grossesse se passe bien.  

 

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