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Dix lunes
16 décembre 2011

Tirs groupés

 

Les sages-femmes libérales sortent de l'ombre et cette exposition semble contrarier certains autres praticiens. Plutôt que de penser nos prises en charge comme complémentaires, quelques réactions évoquent fortement la bataille de territoire.

Ainsi, sur Impact-santé, la FMF s'exprime par la voix de son président, le Dr Hamon, qui qualifie le Prado "de scandale de la fin de l’année et évoque un risque sanitaire puisque seule une équipe de soins pluridisciplinaire est en mesure de repérer des situations à risques comme les déprimes post-partum"

Confier le suivi des accouchées et de leurs enfants aux sages-femmes est donc un risque sanitaire ? C'est bien embêtant puisque cela se passe ainsi depuis ... des lustres !
Par ailleurs, le Dr Hamon invente un nouveau concept, la "déprime" du postpartum. Nous connaissons le blues du post partum (ou babyblues), épisode bref, sans gravité et qui ne demande qu'un accompagnement empathique pour aider à le traverser, et la dépression du post partum, réelle pathologie à prendre en charge médicalement... mais qui se révèle à quelques semaines de l'accouchement. La sortie de maternité avancée ou retardée de quelques jours n'y change rien.
A l'inverse, le dépistage de ces situations passe par un accompagnement prolongé dans le temps, souvent assuré par... les sages-femmes ! Nous revoyons les mères pour leur allaitement, les questions liés aux soins du nouveau-né, la rééducation périnéale... elles évoquent avec nous leur fatigue et leurs difficultés... toutes occasions qui permettent de faire le point en amont ou en aval de la consultation postnatale, de se préoccuper d'un épisode dépressif et de mettre en route le réseau médical pour une prise en charge adaptée. Complémentaires vous dis-je.

Sur Egora, autre article sur les transferts de compétences qui évoque l'extension récente (20 octobre) de nos droits de prescription en listant "antibiotiques, contraceptifs, homéopathie, anti-inflammatoires non stéroïdiens, anti-sécrétoires gastrique". 

Faut-il rappeler aux rédacteurs que notre compétence en matière de contraception date de 2004 pour le postpartum et 2009 pour le suivi gynécologique.  C'est une compétence certes récente mais qui n'a pas été modifiée par cet arrêté sur les médicaments. Feindre de la découvrir permet à nouveau de s'en offusquer... et de quelque peu se ridiculiser.  "...Ceci dans le but notamment d’améliorer le suivi de la contraception des femmes et des jeunes filles. «On se demande quand les sages-femmes les rencontrent», ironise le Dr Michel Combier, le président de l’Unof . C'est vrai ça, quand est-ce qu'une sage-femme peut bien rencontrer les femmes et les jeunes filles ? Au quotidien, parce qu'elles s'adressent à nous.

Dans le même article "(les sages-femmes) « ont renoncé à la prescription de l’IVG médicamenteuse, ce qui signifie qu’elles ont conscience de leurs limites ».
A ma connaissance, nous n'avons renoncé à rien, le projet de loi présenté par la députée Bérangère Poletti a été écarté sous la pression des lobbies anti avortement. Cette proposition d'expérimentation ne concernait pourtant que les sages-femmes hospitalières et de fait, les sages-femmes exerçant dans les CIVG sont déjà impliquées dans cette prescription.

Leur accorder la possibilité de prescrire une contraception « ne serait pas sans risques, alors que le sujet « très sensible », justifie une prise en charge longue, surtout auprès des adolescentes".
La contraception est un sujet sensible, merci de le souligner ! Nous le savons, prenons le temps de débattre avec les femmes du moyen contraceptif qui leur sera le plus adapté et les revoyons aussi souvent, aussi longtemps que nécessaire. En obstétrique comme en gynécologie, nos compétences concernent les situations exemptes de pathologie et nous passons le relai quand ce n'est pas ou plus le cas. Nous ne prétendons pas faire mieux mais aussi bien que les médecins avec souvent la possibilité d'y consacrer plus de temps.

Enfin, dans le Quotidien du médecin "Les professionnels de santé ont découvert le PRADO ces derniers jours et ils s’offusquent de n’y avoir pas été associés. «À J +2, les femmes et les enfants sont fragiles et on les éjecte des maternités alors que le retour clas sique à domicile est de 4 à 5 jours », s’insurge le Dr Jean-Paul Hamon, président de la FMF".
Il semble ignorer les contingences hospitalières. La tarification à l'activité impose aux établissements de faire "tourner" au maximum leurs lits. La durée de séjour se réduit depuis plusieurs années sans prise en charge à domicile. Officialiser un tel suivi est plutôt un progrès.

« Nous sommes pris pour des pions », s’insurge pour sa part le Dr Alice Touzaa, du Syndicat des gynécologues médicaux". Pourtant, le suivi postnatal immédiat ne concerne pas les gynécologues médicaux qui, à ma connaissance, ne se déplacent pas à domicile. Loin de moi l'idée de le leur reprocher. C'est encore une fois le constat de notre complémentarité, constat que le SGM a décidément ( voir ici et ici) du mal à accepter.

Je suis plus que lassée de ces incantations sécuritaires chaque fois qu'il est question des compétences des sages-femmes. Comment espérer parvenir à collaborer efficacement quand les uns se défient autant des autres ?

 

PS : contrairement à ce que ce billet pourrait laisser penser, ma position sur le Prado reste la même. J'affirme l'intérêt d'un suivi cohérent de l'ante au postnatal et déplore que l'accompagnement du retour à domicile ne soit pas encore (expérimentation à venir) lié à celui de la grossesse.


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Commentaires
1
Non Catherine. Les femmes avaient droit à ce suivi avant. Mais l'information ne leur était pas souvent donnée et c'est principalement celles qui avaient rencontré une sage-femme libérale pendant leur grossesse qui faisaient appel à elles lors du retour à domicile.<br /> <br /> La seule vraie différence entre hier et aujourd'hui, c'est l'information systématique.
C
La grossesse et l'acouchement n'étant par principe pas des maladies, il est absurde de croire que "toutes" ont fait leur 4/5 jours : celles qui le souhaitent ou le peuvent sont virées depuis des lustres entre 24 et 48 heures de présence, pour la visite du pédiatre le 3ème jour révolu, voir avec la pédiatrie<br /> <br /> La révolution du système actuel, c'est que maintenant elles ont droit à un suivi, ce qui n'était pas le cas avant, tout juste la visite de la puéricultrice si c'était le premier, pour un second minot ou plus, fallait le demander<br /> <br /> et je parle de vécu
1
Soyons attentifs à ne pas généraliser nos expériences ; les besoins des femmes sont multiples et les réponses à leur apporter se doivent de l'être également..<br /> <br /> Pour répondre à Alice Touzaa : Certes, je me suis appuyée sur une phrase unique citée par le QDM mais c’est d’abord l’accumulation de nombreuses phrases, articles, communiqués de presse de gynécologues médicaux et gynécologues obstétriciens mettant en cause les sages-femmes ces derniers mois que je souhaitais dénoncer. Je n’évoque pas des expériences vécues et parcellaires, mais nos places respectives et l’articulation de nos professions. Articulation trop souvent niée …<br /> <br /> Mais parlons du Prado. Comme je le disais en fin de billet, ma position n’a pas changé. <br /> Oui le Prado doit être le projet de la femme et organisé bien avant l’accouchement. C’est pour cela que les sages-femmes ont demandé et obtenu que soit expérimenté un "Prado bis" avec un accompagnement initié dès l’entretien précoce.<br /> Oui deux visites c’est bien peu. C’est pour cela que je soulignais le suivi que nous assurions les semaines suivantes, bien au-delà du Prado ou de la consultation postnatale.<br /> Oui plusieurs regards peuvent être souhaitables, c’est pour cela que nous travaillons en réseau, avec des médecins, psychologues, PMI, etc… D’où l’importance de la qualité des relations établies avec tous ces interlocuteurs.... <br /> <br /> Je ne me fais aucune illusion. Le Prado n’est pas mis en place pour améliorer la qualité des soins mais pour raccourcir à terme la durée de séjour et les sages-femmes sont désignées volontaires par l’assurance maladie.<br /> Mais nous étions volontaires avant ! Ce qui dérange les syndicats, ce n’est pas le concept d’accompagnement au retour à domicile mais de voir l’assurance maladie réinventer cette prise en charge postnatale alors que nous l'assurions déjà et que l’énergie dépensée dans cette usine à gaz pourrait utilement être employée ailleurs…<br /> <br /> Pour conclure, oui les intervenants en périnatalité se doivent de travailler ensemble pour le plus grand bien des femmes et des enfants. Cela ne passe t-il pas aussi, d'abord par la reconnaissance de nos compétences respectives ?
C
Ma sœur a fait appel à une sage-femme pour l’accouchement de ses trois enfants mis au monde les sept dernières années. Ils sont tous les trois en bonne santé et elle est quant à elle en pleine forme également. L’aspect personnel d’un accouchement avec une sage-femme est beaucoup plus attirant que celui à la chaine d’un hôpital.
A
Désolée que vous vous laissiez abuser par une phrase sortie de son contexte par un journaliste, alors que je m'exprimais en mon nom propre et non au titre du SGM (syndicat des gynécologues médicaux). Même si je fais de la gynécologie médicale, je suis également une obstétricienne qui a arrêté la pratique des accouchements depuis 10 ans, après 20 ans d’exercice.<br /> <br /> Dans mes propos, il n'y avait pas de remise en cause de la profession de sage-femme, que je connais bien, et de sa place dans l'accompagnement de la grossesse et des suites de couches normales.<br /> Je vous propose que nous ne généralisions pas à partir d’expériences certes vécues mais parcellaires, bloqué(e) dans des blessures qui ne nous concernent personnellement ni les uns ni les autres.<br /> Dans le même article, il y avait également un encadré avec les propos de la sage femme qui travaille dans le même centre médical que moi et qui ont été un peu mieux retranscrites.<br /> <br /> Ce qui m'indispose dans le projet PRADO, c'est qu'un conseiller de CPAM, qui, comme on le sait, a des compétences médicales, décide sur des critères, non négociés, à ma connaissance, avec la profession, de qui est éligible à une sortie précoce de maternité. Dans les Bouches du Rhône, le collectif de sages femmes s'est lui aussi ému des conditions de ce projet et a refusé de signer le contrat.<br /> <br /> Pourquoi?<br /> On pourrait penser que ce projet de sortie précoce pourrait être celui de la femme, construit, muri dans sa faisabilité et organisé tout au long de sa grossesse, dans le cadre de son suivi, de sa préparation à la naissance avec l'équipe gyn-obs, sage femme et médecin, généraliste et/ou pédiatre dans le but de faciliter l'établissement du lien mère-enfant, qui comme chacun le sait est un chemin que toutes les cultures accompagnent.<br /> Cette sortie précoce, je l'envisage, la propose aux femmes dont j'assure le suivi.<br /> <br /> PRADO dans les BOUCHES DU RHONE c'est un conseiller qui passe à la maternité, décide qui est éligible, choisi une sage femme dans une liste à sa disposition (au mépris d'une relation de confiance déjà établie avec une autre...). La sage femme s'engage à aller voir la femme dans les 48h. En moyenne 2 visites sont programmées dont la 2ème à 30€. Tout le monde sait que ces visites sont "courtes" (c'est de l'humour!)<br /> J'appelle cela être considéré(e)s comme un pion, qui n'a pas de désir, de personnalité propre pour des critères économiques avant tout et pas dans l'intérêt des femmes et des enfants.<br /> A quoi sert l'entretien du 4ème mois, le suivi...<br /> Les difficultés et/ou perturbations du lien mère-enfant ne sont peut être pas à classer en noir ou blanc. Certes contribuer à entourer, à renforcer l'estime de soi, à soutenir la femme et son entourage est essentiel, le plus souvent suffisant mais pas toujours.<br /> 2 visites c'est court.<br /> Plusieurs "regards", formes d'accompagnement peuvent être parfois souhaitable: les psychologues, l'expérience, tout le travail de coordination parfois nécessaires ne serviraient donc à rien. Un partage des difficultés d'accompagnement non plus?<br /> Qui n'a jamais rencontré des moyens de défense organisés, des situations qui laissent la sage femme (ou tout praticien) à la porte de la problématique. En tant que praticien, c'est ces situations qu'il m'importe de savoir repérer, accompagner (pas forcément moi personnellement).<br /> La frontière entre le normal, le difficile, la frontière avec le pathologique et le franchement pathologique serait tout le temps si facile? Le suivi au long court, depuis presque 30 ans des femmes, me permet de dire pas toujours mais c'est vrai que c'est nous, médecins, qui voyons les cas difficiles voire pathologiques. C'est peut être ce recul et cette expérience qui me permettent d'être critique sur ce projet.<br /> <br /> Le projet PRADO ne tient aucun compte de tout le travail précédent, de tous les réseaux (informels) qui existent déjà.<br /> Je voudrais plaider plutôt pour un travail en concertation et en coordination, depuis parfois le désir de grossesse jusqu'au suivi de l'enfant, centré sur la femme, l'enfant et leur famille, par des praticiens, praticiennes successives et conjointes en fonction de leurs ressources et de leur expérience, à leur niveau de compétences, plutôt que par un projet de la CNAM, non concerté avec l'ensemble des professionnels impliqués dans la périnatalité.<br /> <br /> PRADO pour moi c'est une manifestation du primat de l'économique sur l'humain, l'humain considéré comme une machine. UN PION.
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