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Dix lunes

28 avril 2012

Chronique de la haine ordinaire

 

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La maternité en attente de nouveaux locaux est vétuste. Juste deux salles de naissance et un bloc opératoire. Pas de salle de garde. Le bureau des sages-femmes se résume au dessus d'un antique chariot au blanc piqueté de rouille servant à faire les "soins". Entre deux tournées de chambre, il est remisé à côté des spéculums en métal qui trempent dans le liquide de désinfection.

Pas de néonatalogie, évidemment ; juste un incubateur, dans la seule salle de naissance disposant des branchements nécessaires.

Ladite salle est occupée par une jeune femme noire qui vient de mettre au monde son premier enfant.

Dans la couveuse, derrière elle, ce n’est pas son bébé que l’on surveille mais celui né un peu plus tôt dans la salle voisine. Il va bien.

Evidemment, il aurait été plus simple d'inverser les salles de naissance mais la nécessité de recours à la couveuse ne s'est révélée qu'à la fin de l'accouchement, bien trop tard pour déménager tout le monde.

Le papa du bébé mis en surveillance vient d'arriver. Il n'a pas assisté à la naissance et souhaite voir son enfant. Rien de plus légitime...

Dans la salle où nous surveillons son bébé, la jeune femme vient d' accoucher ; impossible de la ramener dans sa chambre tout de suite. Je viens donc lui demander l’autorisation de faire entrer le père. Elle accepte avec chaleur, s'excusant presque d'occuper les lieux.

La salle est rapidement rangée. La maman réinstallée, recouverte d'un drap. Son petit tête paisiblement. Je peux inviter l’homme à entrer.

En franchissant la porte, il jette un œil à la jeune accouchée qui l’accueille en souriant. Sans la saluer, il s’approche de la couveuse, contemple un instant son enfant puis lance de façon suffisamment distincte pour que personne dans la salle ne puisse douter des paroles prononcées  "J’espère qu’elle ne va pas déteindre sur lui ".

Je l’ai viré.


Tout rapport avec les débats actuels ne serait que pure intention.

 

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21 avril 2012

Sans dessus dessous

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Elle est en position "mains - genoux", expression rencontrée des années plus tard dans un article sur les postures d’accouchement ; la formulation "à quatre pattes" devait apparaître trop triviale au rédacteur…
 
Elle est ainsi parce qu'elle l’a souhaité, non parce que je le lui ai proposé. Malgré pas mal de naissances accompagnées en position autre que gynécologique,  je n'ai pas encore expérimenté cette variante. Pour être honnête, j'aurais préféré faire mes armes sur une situation plus banale. Son bébé se présente en "occipito-sacré", visage dirigé vers le pubis maternel, à l’inverse donc de la position habituelle.

Elle est médecin et cela m'aide certainement à accepter sa totale liberté de mouvement… C’est comme un contrat entre nous, une responsabilité partagée.  Prévenue de mon inexpérience, elle accepte de me faire confiance. De mon coté, je sais pouvoir m'appuyer sur ses ressentis, sur la force tranquille qui la guide depuis le début du travail.

De la phase d'expulsion ne me restent que de confus souvenirs de projections géométriques. Du fait de la position maternelle, mes repères anatomiques sont inversés ; je passe mon temps à retourner mentalement femme et enfant pour pouvoir m’appuyer sur mes critères habituels, tiraillée entre mon souci de "m'y retrouver" pour m’assurer que tout évolue bien et celui de ne pas atteindre sa sérénité. Il me faut être à l’écoute, rassurante, alors que mes neurones surchauffent en élaborant d’improbables schémas…

Et puis tout s’apaise. Le petit arrive sur le périnée et si la position de la mère m’est inhabituelle, celle de la tête fœtale redevient banalement rassurante.

Je l'encourage à souffler doucement pour laisser le périnée tendu s’ouvrir un peu plus, encore un peu plus. La tête apparaît dans un premier jaillissement de liquide, le reste du corps suit dans un bruit de succion. Je n’ai qu’à tendre les mains pour accueillir l’enfant, le glisser entre les cuisses maternelles. Elle se redresse à genou et le serre dans ses bras, triomphante.

Un gros bébé, une position foetale réputée plus agressive pour le périnée, et pas une égratignure…

J’en serais presque fière si la petite voix de ma conscience ne me chuchotait que tout le mérite en revient à la mère.

 

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15 avril 2012

Propagande

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Tiphanie, étudiante sage-femme à Bruxelles m'a signalé cette vidéo sobrement intitulée  "Mon accouchement avec ou sans anesthésie".

Le titre laisse à penser qu'avantages et inconvénients respectifs des deux "options" vont nous être exposés. En fait, sous de faux airs d'impartialité, la démonstration vise à emporter la conviction du spectateur, accoucher sous péridurale est un must.

L'analgésie péridurale est une technique suffisamment répandue pour que l'on ne s'offusque pas de la voir présentée sous son meilleur jour. Mais quid de l'objectivité annoncée par le titre ? Le message méritait d'être décortiqué.

Tiphanie travaillait dans le marketing avant de se tourner vers les études de maïeutique. Son éclairage et son aide m'ont été plus que précieux, merci à elle !

Décryptage

L'avis autorisé : Dans toute communication persuasive, un des éléments essentiels est d'avoir un personnage d'autorité à qui l'auditoire peut accorder toute sa confiance. L' auteur du film,Roland Desprats, qualifié dans cet article "d'homme des péris" *, est accueilli par "Ah mon sauveur!" lorsqu'il arrive auprès d'une femme en travail.

L'obstétricienne est un autre personnage d'autorité appelé à énoncer sa vérité, de façon magnifiée (technique de communication persuasive) "Grâce à la rachianesthésie, la maman peut vivre pleinement son accouchement même par césarienne [...] avoir l'enfant directement sur son ventre alors qu'il vient de naître, sans douleur. [...] Elle peut vivre pleinement son accouchement." (répété). Ces premiers commentaires suivent une naissance par césarienne, situation où les avantages de l'anesthésie loco régionale sont indéniables.

Plus tard, "C'est vrai qu'il y a un tout petit peu plus d'extractions instrumentales [avec la péridurale], mais de façon très faible. Donc si on met dans la balance l'avantage de la péridurale par rapport à ses inconvénients, il y a quand même beaucoup plus d'avantages à réaliser une péridurale."
Et encore : "Il n'y a absolument aucun inconvénient [à la péridurale], il n'y a pas d'augmentation de la durée du travail, -ce n'est pas ce que dit cette étude - il n'y a vraiment que des avantages à la péridurale".
La redondance des mots avantages/pas d'inconvénient appuie encore le discours.

L'effet moutonnier (faire adhérer à une thèse en soulignant qu'elle est massivement partagée)
Au début du reportage, on peut entendre la voix off énoncer "4000 femmes accouchent ici chaque année, 90% d'entre elles bénéficient de la péridurale, un pourcentage légèrement supérieur à la moyenne nationale".
L'effet de masse est bien présent avec ce chiffre de 90% de femmes qui bénéficient d'une péridurale ; le choix de ce verbe n'est pas non plus anodin .

La peur (levier essentiel dans toute communication persuasive).
"La douleur de l'accouchement peut parfois être inhumaine". Mais pas d'inquiétude, pour la douleur comme pour toute complication, la péridurale est LA solution."Une anesthésie est souvent nécessaire pour assurer la sécurité de la mère et de l'enfant".

L'histoire d'Andrea, qui souhaite accoucher sans péridurale, vient à point nommé illustrer "l'inhumanité" de cette douleur. Juste après l'accouchement qualifié de "génial, merveilleux" par la maman césarisée sous rachi anesthésie, la voix off annonce qu'Andréa est entrée en travail. On ne voit alors qu'une porte fermée.
On entend successivement des cris, suffisamment puissants pour traverser la porte close, la voix off "un accouchement comme elle l'avait souhaité, un accouchement sans péridurale" et enfin "AIE, AIE, AIE", provenant de la salle de naissance. Cette caricaturale succession  cris /commentaire /cris, appelle une désapprobation complice de l'auditoire (autre technique de communication)  "C'est bien fait pour elle".

Impression confortée par une  phrase d'Andréa : "Ca fait mal, si ça avait duré, j'aurais pris la péridurale"
Même les paroles de la sage-femme revenant gentiment la féliciter "Vous avez poussé tout doucement, pourtant ce n'est pas facile quand on a mal de gérer la poussée" sont une critique implicite ; quand on n'a pas mal, donc sous péridurale, on contrôle mieux sa poussée...

Le témoignage (très utilisé en communication pour persuader un auditoire du bien-fondé d'une idée). 
Géraldine, qui a choisi d'avoir une péridurale, arrive confiante et souriante. La sage-femme explique que son col n'est pas dilaté. Puis le travail s'intensifie. "Au moment de la contraction, j'ai pas de comparaison, on ne peut pas se contrôler, c'est tout le corps qui souffre" paroles appuyées par les images de son visage crispé ; et son mari d'ajouter "de la voir souffrir comme ça...vivement la péridurale parce que là, ça fait un quart d'heure que ça dure, c'est dur pour moi aussi !" La succession des deux phases suggère que confiance et sourire sont incompatibles avec un travail efficace...

Les questions purement rhétoriques du médecin en salle de césarienne reposent également sur la technique du témoignage "Est-ce que vous avez ressenti quoi que ce soit de l'acte chirurgical ?", "Vous avez eu le plaisir et la joie d'avoir votre enfant en présence de votre mari ?" Les bonnes réponses de la femme sont saluées par un discret mais bien réel "Voilà !" du médecin.

Sur vingt-huit minutes de reportage, seulement trois sont consacrées à l'accouchement sans péridurale. Appel à l'autorité, effet moutonnier, recherche de complicité avec l'auditoire, peur et témoignages sélectionnés...  Tous les ingrédients d'une communication réussie sont présents. Remarquons également l'émotion nettement plus visible chez les femmes sous anesthésie que chez Andréa. 

Si tous les bénéfices de la péridurale sont détaillés, aucun n'est évoqué pour les femmes faisant un autre choix.
C'est toute la différence entre une information éclairée et un message publicitaire...

 

 * à l'humour en bandoulière... (sic)

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6 avril 2012

Dédale

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Nous nous rencontrons sous le fallacieux prétexte d'une rééducation périnéale. Nos premiers échanges le montrent d’évidence, elle se contrefout de son périnée.

Elle se voit basculer dans une phobie envahissante - en lien avec des grossesses antérieures mal vécues - phobie qui vient peu à peu diriger tous les moments de sa vie. Elle souhaite rencontrer un des psychologues de l’hôpital mais, planning surchargé oblige, la secrétaire doit la rappeler. Son périnée n'est qu'un prétexte pour parvenir à rencontrer quelqu'un.

Je ne peux, je ne sais pas l’aider.
Ce que j'annonce dès notre première rencontre, expliquant que ma compétence de sage-femme ne correspond pas à son besoin. Mais, dans l'attente de sa consultation hospitalière, elle demande à me revoir. J’accepte l’intérim. 

Nous nous revoyons donc une seconde fois, puis une troisième. Cela fait presque un mois qu’elle attend l'appel du secrétariat. Je tente d’appuyer sa demande en essayant à de nombreuses reprises de joindre le service. Le téléphone sonne presque toujours dans le vide. Sinon, c’est pour tomber sur un répondeur annonçant les heures d’ouverture, horaires correspondant parfaitement à ceux de mes appels. Et pas de possibilité de laisser un message. Je cherche à feinter en joignant l’accueil de l’hôpital (à quelques mètres du service), stratégie totalement vaine. « Oui c’est le bon numéro, oui y devrait y avoir quelqu’un, non je ne peux rien faire de plus… »

Elle revient. Elle ne dort presque plus, envahie par des pensées angoissantes, des cauchemars… Je suis inquiète car incapable d'évaluer la gravité de sa situation. La consultation tant attendue devient urgente. 

Le service reste injoignable et, hors de l'hôpital, mon "réseau" habituel est inopérant. Je n'ose l'orienter vers un libéral car elle n’a pas les moyens de régler une consultation. Certains la recevraient certainement mais je ne veux ni exploiter leur bonne volonté, ni mettre cette patiente d’une honnêteté scrupuleuse en difficulté. Les psychiatres du secteur sont eux aussi débordés. Un de mes correspondants appelé à l’aide me glisse l’idée des urgences psychiatriques… je tente.

Recherche sur les pages jaunes. Pas de numéro urgence psy indiqué. Je contacte le standard de l’hôpital ; faut joindre les urgences adultes me dit-on, sans me les passer. Nouvel appel aux urgences. Je fais l'erreur de m'annoncer comme sage-femme et la standardiste me bascule d’autorité sur les urgences  maternité.

Nouveau coup de fil, nouvelle attente, nouveau standard. Je m‘applique à mieux présenter la situation en taisant mon identité professionnelle. Cette fois, on semble me transférer vers le service ad hoc mais je suis accueillie par une petite musique suivie du rituel message "Le poste de votre correspondant est momentanément indisponible. Nous vous prions de bien vouloir renouveler votre appel ultérieurement".

Re-standard, qui me passe enfin le bon poste. Je déroule toute l’histoire sans reprendre mon souffle. Enfin, un très charmant infirmier psy comprend ma demande et me confirme que ma "stratégie" est la bonne. 

Ouf !

Cela fait juste 55 minutes que je suis au téléphone…

 

PS : Reçue longuement aux urgences, sa demande auprès d'un psychologue a été appuyée et le rendez-vous obtenu rapidement. Quelques entretiens plus tard, je la retrouve déjà soulagée et plus souriante. Happy end.

 

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1 avril 2012

Pas de fumet sans feu

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Cet article paru le 29 mars dans le Monde a fait du bruit dans le landerneau des sages-femmes. Ces propos évidemment mal compris et mal interprétés les avaient quelque peu révoltées.

Odile Buisson a souhaité préciser sa pensée :

En aucun cas, je n'ai souhaité  porter atteinte, ni à la profession de sage-femme, ni à l'autonomie des femmes.

Loin de toute position corporatiste, je souhaitais alerter sur les difficultés d’accès à la contraception et au suivi de prévention, pourtant gages de la sécurité sanitaire des femmes françaises. Cette fonction, longtemps tenue par des gynécologues médicaux aux compétences sous employées, est sans aucun doute du ressort des sages-femmes (comme des médecins généralistes). Examen gynécologique, bilans biologiques et frottis cervico-vaginal sont en effet des pratiques banales pour les sages-femmes puisqu'elles s’inscrivent très habituellement dans le cadre du suivi de grossesse. 

En aucun cas, je ne suggèrais que les sages-femmes outrepassent leurs compétences. Elles réalisent lors de leurs consultations un interrogatoire soigneux permettant de dépister les éventuels facteurs de risques; si tel est le cas, elles réadressent les patientes vers le médecin. Ce temps consacré au dépistage et à l’information est autant de temps libéré pour les consultations déjà chargées des spécialistes.

Par ailleurs, attribuer la longévité des françaises à l'existence de notre spécialité était un raccourci hasardeux. Rien ne permet de démontrer la corrélation entre ces deux facteurs. Pour preuve, la gynécologie médicale est très peu présente en Espagne et l'espérance de vie des espagnoles est pourtant supérieure à celle des françaises.

Comme je le soulignais, les femmes sont des citoyennes à part entière. Chacune d'elle est en droit de choisir d'être suivie par une sage-femme ou un médecin, d'accoucher avec ou sans péridurale, d'allaiter ou non son enfant. Ces décisions lui appartiennent pleinement. Et notre role de soignant n'est ni d'influencer, ni de dénigrer leur choix mais de les accompagner.

Je m’attache comme l’ensemble des praticiens médicaux, à exercer au sein d’un réseau où tous les acteurs de la santé se complètent et se coordonnent, dans le souci partagé de répondre aux attentes et aux besoins des citoyennes de première classe que sont les femmes…

En ce dimanche premier avril, je remercie Odile Buisson d'avoir pris le temps de cette salutaire mise au point.

 

PS : pour celles et ceux qui douteraient  de la véracité des paroles rapportées, je vous renvoie à la date de publication et à l'illustration de ce billet...

PS bis : on me rapporte aujourd'hui que certains s'interrogent encore sur la réalité de ces propos. Je confirme donc le message implicite du PS précédent : poisson d'avril !!!


Quand l'article d'Odile Buisson est paru, nous avons été nombreux(ses) à réagir. Très vite, au fil d'échanges sur Twitter, est venue l'idée d'une réponse groupée. 

Ce texte s'inscrit dans une démarche partagée avec la Poule Pondeuse et Souristine  ; chaque texte est individuel et rédigé en fonction de nos sensibilités personnelles. 
Néanmoins, femmes, médecin, sage-femme, nous partageons toutes une certaine idée de ce que pourrait (devrait?) être le suivi des femmes et la prise en charge de la naissance en France.


 

 

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23 mars 2012

Maternité danger !

3719454599_7b04df600b_zLa nouvelle maternité de Port Royal a ouvert ses portes il y a un mois.

Fruit du regroupement deux maternités, ces nouveaux locaux devraient voir naître 6000 enfants chaque année.

Une communication soigneuse a précédé son ouverture. Mi février, journalistes et blogueuses  étaient invités à visiter la plus grande maternité d'Ile de France (de métropole ? ).

Vous pouvez retrouver l'ensemble des commentaires sur le blog de la maternité... Ils sont unanimement élogieux, saluant des équipements de pointe, des locaux agréables et spacieux - un  peu moins pour le centre d'orthogénie - et la prise en charge de tous les aspects de la santé féminine, de la PMA à la ménopause en passant bien évidemment par l'obstétrique.

Plan de com réussi pour faire oublier l'image d'usine à bébé que certains dénonçaient déjà.

Un bémol cependant souligné par de nombreuses blogueuses, Port-Royal semble laisser de coté toute velléité d'accouchement plus "naturel". Si ballons, tabourets de naissance et autres suspensions peuvent un jour venir compléter l'équipement, il sera plus difficile d'ajouter des baignoires. Ce matériel pourtant peu coûteux n'a pas été prévu.

Mais évitons de chipoter, la sécurité est plus importante que ces outils de "confort". Et rien n'a été négligé dans la conception de cette maternité de niveau III. Leur blog le souligne "Véritable centre de référence et d'excellence des Hôpitaux Universitaires Paris Centre (AP-HP), Port Royal offre le confort et la sécurité d'une maternité moderne et d'une expertise médicale de pointe, en plein coeur de Paris". 

Rien n'a été négligé sauf peut-être la dotation en personnel. La CGT le dénonçait dans un communiqué dès l'ouverture, Port Royal, c'est 30% de personnel en moins pour 20% d’activité en plus...

En tant de crise, faut préserver l'argent public. Les têtes pensantes ont sûrement imaginé que le matériel dernier cri pallierait facilement un personnel clairsemé. Un peu moins d'humanité certes mais une sécurité garantie...

Pourtant, moins de personnel c'est moins d'humanité et moins de sécurité.
La preuve vient d'en être donnée un mois à peine après l'ouverture.

L'histoire ressemble à une mauvaise blague. C'est le Canard Enchainé* de cette semaine qui le raconte. Au moment de la naissance, faute de mains pour l'accueillir**, un bébé a chuté au sol. Les sages femmes étaient toutes occupées avec d'autres patientes et la sage-femme qui prenait cette mère en charge a été appelée par un obstétricien pour gérer une hémorragie. La mère a accouché seule et son bébé est tombé d'une hauteur de un mètre !

Ce sont les cris de la mère qui ont alerté le personnel. Le bébé, bien évidemment soumis à une batterie d'examens, "devrait sortir avec sa mère" dit l'article du Canard. Espérons que cela soit sans séquelle.

La direction incrimine un accouchement "plus rapide que prévu" et le "positionnement du lit" (cf les tables d'accouchements en photo sur les blogs, les femmes sont comme souvent en position gynécologique avec les fesses au bord du vide)...

Bien sur, faut trouver un responsable ; il semble tout désigné.
Toujours selon le Canard, "la sage-femme qui, sur ordre du chirurgien, a du laisser la paturiente pour courir au bloc va être convoquée par la direction".

 

 

* l'article n'est pas disponible sur le net
** n'ayant pas d'autres infos que celle du journal, je ne peux expliquer pourquoi la maman ne l'a pas attrapé elle même, peut-être parce qu'elle était sous péri et n'a pas senti son bébé descendre, peut être parce que ses mouvements étaient gênés par brassard à tension et perfusion.

 

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21 mars 2012

Mère Nature !

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Nous connaissions l'accouchement physiologique, l'accouchement eutocique, l'accouchement normal, voilà que l'on découvre l'accouchement naturel. J'attends avec impatience l'accouchement certifié bio par Ecocert.

Ainsi l'accouchement naturel comporte trois  phases, dilatation, expulsion, délivrance...  Serais-je dans l'erreur en pensant que c'est le cas de tous les accouchements ?

Puis vient cet élogieux paragraphe / mères moins fatiguées /enfants moins angoissés / relations de meilleure qualité / sorties plus rapide / moins de complications... qui dessine en creux une terrible et abusive image de l'accouchement "médicalisé".

La démonstration est un peu courte. Si la surmédicalisation a des effets iatrogènes, personne ne souhaite pour autant s'en remettre  aveuglément à dame nature. Un accouchement peut se compliquer et l'intervention du médical sera alors bienvenue.

Mais pour que tout le monde s'y retrouve - faut faire consensuel cocotte -les baffes sont équitablement distribuées, une  à droite, une à gauche. L'accouchement naturel ça se paye, on a mal et si y a des complications, y a pas de matériel ! Autant dire que ces pauvres femmes sont livrées à elles-mêmes... C'est ballot quand on sait que le  "matériel nécessaire" - mot générique pouvant recouvrir un large univers, du forceps au bloc opératoire en passant par la baguette magique - est dans la salle d'à coté.

Enfin, les sages-femmes penseraient la naissance dénaturée parce que médicalisée. Oui nous sommes nombreuses à déplorer la protocolisation qui s'impose à chaque femme et l'oblige à accoucher non comme elle le souhaite mais comme la médecine en décide. Oui l'hypermédicalisation nous éloigne de la réalité physiologique de la naissance. Mais qui oserait penser que la césarienne est un acte inutile, que toute péridurale est superflue ?

De la mesure ! Comme toujours, les extrèmes sont néfastes. Certes, les 99% de péri, les 40 % de césariennes revendiquées par certaines maternités effraient. Mais je serais tout aussi effrayée si l'on imposait que toute femme accouche "naturellement" dans son foyer.

La médecine actuelle nous permet de prévenir, de dépister... c'est ainsi que nous pouvons accompagner les femmes, en fonction de leur désirs et de leur réalité médicale.

Tout traitement univoque - qu'il soit naturel ou hypertechnicisé - serait, comme l'article cité, dénué de sens.

 

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12 mars 2012

Aveuglément ?

 

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"Naissance sans violence" oblige, les nouveau-nés passent quelques minutes sur le ventre maternel avant d'être replongés dans une eau tiède. En guise de baignoire, un berceau de plexiglas ; la matière transparente permet un éclairage indirect du plus bel effet sur les clichés que les parents ne manquent pas de nous demander de prendre.

Les mêmes berceaux se retrouvent dans les chambres. Leur pied télescopique permet de les ajuster à la position maternelle. Un petit réglage et le bébé est à bonne hauteur ; nous sommes habituées à jouer de la molette.

Pour une raison ignorée de tous, en salle de naissance, les berceaux sont réglés au plus bas niveau. Si bas que nous nous inquiétons à chaque fois de la fatigue paternelle - en 1980, le rôle du père est défini : il baigne  l’enfant - Il  est de bon ton de lui proposer de le relayer si la position lui devient trop inconfortable. Evidemment, aucun ne souhaite laisser sa place mais nous avons ainsi le sentiment de nous montrer à l’écoute...

Annonce du bain, petite phrase prévenant qu’il faudra rester penché, une autre précisant que nous pourrons si besoin prendre la suite… Ce triptyque est prononcé rituellement par mes collègues pendant toute ma phase d’observation, lorsque je "double" d’autres sages-femmes pour tenter de m’approprier les savoir-faire et savoir-être de l'équipe.

Une fois jugée capable de voler de mes propres ailes, après chaque naissance, j'annonce moi aussi le bain, évoque inconfort et possible relais…

Jusqu'au jour où un père, peut-être moins impressionné par l'univers médical, s'autorise une question: "Mais la petite molette sur le pied, à quoi sert-elle ?"  Grace à cette judicieuse remarque, plus aucun homme ne s’est cassé le dos devant une baignoire trop basse.

Vieille de 30 ans, cette anecdote me reste en mémoire, témoin malicieux de nos routines.

En situation d'urgence, ces routines, alors rebaptisées protocoles, sont salutaires car garantes de notre efficacité.
Mais au quotidien, dans ce nécessaire ajustement avec une femme, un couple, leur histoire, leurs attentes ; que penser d'habitudes si bien ancrées que nous en oublierions de réfléchir ?

Souhaitons que cela ne concerne que le réglage des berceaux…

 

NB du 14 03 : Comme de nombreux commentaires soulignent que le bain du nouveau-né dès la naissance n'est pas une excellente idée ; je précise que je suis bien d'accord mais que cette histoire à 30 ans...

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8 mars 2012

15 minutes chrono

 

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En cette journée de la femme, je me la coule douce en publiant ce texte reçu récemment, à la fois ravie par l'humour distancié de son auteure et saisie par l'implacable efficacité du médecin ainsi portraituré. Hommage.

Chère 10lunes, à la suite des liens que tu as postés sur Facebook, je ne résiste pas à te faire la liste de ce qu’un médecin a réussi à me faire en 15 minutes, du bonjour dans la salle d'attente à ma sortie. De telles capacités laisseraient presque rêveuse. 

  • Création du dossier, avec tous les antécédents 
  • Déshabillage
  • Toucher vaginal - sans prévenir
  • Examen au spéculum - sans prévenir
  • Frottis - sans prévenir
  • Testing du périnée : j’ai bien essayé de me venger, mais elle a du avoir peur de se faire écraser les doigts et ne m’a même pas laissé le temps de lui montrer l’étendue de mes talents
  • Examen des seins
  • Prise de la tension - après le reste des hostilités - ben oui c’est plus rigolo de la faire monter avant !
  • Pesée
  • Rhabillage
  • Discussion autour du DIU* par rapport à mon contexte médical 
  • Prescription
  • Passage de la carte vitale et rédaction du chèque

J’ai même eu le temps d’insister pour une pose de DIU sans attendre le retour de couches.

Il faut dire que ça faisait bien 5 minutes que je lui avais parlé de mes cycles rares et irréguliers et de mon allaitement toujours en cours. C’est qu’à l’aube de fêter mes 2 ans d’aménorrhée**, j’aimerais avoir l’assurance d’une contraception efficace histoire de ne pas prolonger les mois sans règles pour d’autres raisons….

Enfin, excusons-la, elle pensait que mon allaitement était, je cite, « symbolique » (?!?)

Sinon, on va supposer que j'ai un mari fidèle, partenaire unique et stable de ma vie sexuelle et qu'il n'est donc nul besoin de questionner une nécessité de dépistage IST. Et que mes vaccinations anti-rubéole et autres sont à jour.

Tiens, au passage, je penserai à coller un post-it entre mes jambes pour la pose du DIU : "Lubrifiant, par pitié".

Bref, j’étais dans un état certain de sidération en arrivant sur le trottoir, et pleine d'étonnement de ne pas me retrouver avec le slip sur la tête...

Il se trouve qu’en tant que professionnelle de santé moi-même, j’essaie de choisir mes praticiens avec soin et que le parcours de ce médecin m’avait fait espérer, outre la compétence, écoute et douceur. Je n'ai pas été déçue…

 

*DIU : dispositif intra utérin (dénomination actuelle du stérilet)
** aménorrhée = absence de règles


©Photo

4 mars 2012

Farniente

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Réunion de professionnels de la périnatalité. Le débat s'oriente sur les protocoles qui s'imposent chaque jour plus aux équipes de maternité.

Plusieurs sages-femmes défendent une prise en charge sur mesure, souhaitant que les dits protocoles ne s'appliquent qu'en cas de pathologie avérée.
Elles soulignent ensuite combien nos prises en charges standardisées nous éloignent des processus physiologiques, se  défient de l'enchainement de nos actes, insistent sur la nécessité de mesurer nos gestes.

Un des obstétriciens présents s'interroge sur la définition de la physiologie.
S'en suit un échange animé. Un accouchement sous péridurale est-il physiologique ? La rupture artificielle de la poche des eaux rentre-t-elle dans la définition ? La perfusion d'ocytocine ? Et le monitoring continu ? Chacune des situations faisant le quotidien des salles d'accouchement est analysée. Sans surprise, la façon dont chacun les classe se révèle à géométrie très variable.

Certaines sages-femmes sont pourtant catégoriques. Le respect de la physiologie passe par l'abstention de toute intervention. Lorsqu'un accouchement évolue normalement, leur fonction relève bien plus l'accompagnement vigilant que des actes. 

Paraissant sincèrement étonné, un des médecins s'écrie «Vous ne posez pas de perfusion, vous ne rompez pas la poche des eaux ? Mais qu'est-ce que vous faites alors ? » ...

 

 

 

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