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Dix lunes
6 septembre 2011

Gardez-moi de mes amis !


Le projet d’ouverture (2ème article affiché) d’un centre de naissance aquatique devrait être une excellente nouvelle (cependant teintée d’une réserve ; la propension de certains à vouloir imposer un modèle unique. Accoucher dans l’eau, accroupie, en chantant ou que sais je encore ne sont pas des méthodes. Ce sont des options envisagées avant, parfois reniées pendant, mais surtout transformées, conjuguées au gré des multiples ressentis et émotions du travail).

Mais saluons la bonne volonté de tous ceux qui souhaitent élargir le paysage obstétrical et proposer des alternatives à l’accouchement dirigé (péridurale /rupture poche des eaux /hormones de synthèse) si cher à nombre de nos maternités.

Pourtant, une phrase de ce communiqué de presse m’irrite : "A l'inverse des maisons de naissance (...) le centre de naissance aquatique proposera pour chaque naissance la présence du gynécologue obstétricien, augmentant ainsi la sécurité de l'accouchement. "
Ainsi, lors de naissances physiologiques - accoucher dans l’eau et hors maternité ne peut s’envisager qu’à cette condition- la présence d’un obstétricien améliorerait la sécurité ? Plus que ne le ferait une sage-femme ? Intrinsèquement sécurisant ?!

Soit l’accouchement est physiologique et l'obstétricien n’apporte rien, soit il bascule dans la dystocie - rappelons qu'il est de la compétence de la sage-femme de le diagnostiquer - et les compétences de l’obstétricien sont liées aux actes qu’il peut poser… au sein d’un plateau technique et donc après transfert.

Tout à son souci de défendre son projet, le Dr Richard caresse la faculté dans le sens du poil en brandissant l’argument de l’ultra sécurité sans craindre pour cela de tirer sur les déjà bien mal en point maisons de naissance...

Il y a une dizaine d’années, j’avais assisté à la présentation d’un de ses films devant un public plus qu’acquis à une prise en charge "détechnicisée" de la naissance physiologique. Cette fois là aussi, en présentant le bassin qu’il avait conçu, Thierry Richard souhaitait se prémunir de toute critique des partisans de l’obstétrique "traditionnelle". Le prototype de sa baignoire à palan était une improbable création hésitant entre la froideur technique du Métropolis de Fritz Lang et les gadgets dérisoires de l'Oncle de Jacques Tati. Le concept semble avoir été amélioré depuis mais la démonstration vidéo (N°1) me laisse toujours aussi perplexe.

Une seconde vidéo est également disponible sur le site, celle d’une naissance dans cette fameuse baignoire expérimentale. Afin de démontrer l’innocuité du procédé pour l’enfant, le praticien repousse les mains de la mère venant chercher son petit juste né et le maintient sous l’eau. La camera révèle le visage détendu du nouveau-né ; aucune inquiétude de ce coté là... Mais comment ne pas regretter que cet enfant, au lieu de se trouver blotti contre sa mère, soit retenu par des mains gantées de caoutchouc épais face à la paroi vitrée du bassin.

Thierry Richard est à coup sur passionné et convaincu. Mais il dessert ce qu’il veut défendre.
La naissance physiologique a pourtant déjà assez à faire avec ses opposants pour ne pas devoir en plus se protéger de ses partisans…



PS 1 : ce communiqué de presse relèverait-il de l'effet d'annonce ? Trop de réglementations contraignantes empêchent la création de lieux alternatifs. Le centre aquatique aura du mal à y échapper.

PS 2 : le programme électoral, lisible sur la même page - sobrement intitulée "la page du président" - risque de finir d'ôter toute crédibilité au projet.

 

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13 octobre 2011

Cherchez l’erreur…


Ces derniers temps, la presse abonde (tout est relatif) d’articles dithyrambiques sur de nouvelles maternités reconstruites, remodelées, recolorées… Dénoncer l’hypertechnicisation de la naissance semble devenir de bon ton. Réjouissons-nous de voir les médias s’enthousiasmer pour des naissances plus "naturelles", vécues dans d’agréables salles d’accouchement peuplées de ballons et de "lianes" pour le confort de la mère.
Ainsi cet article sur la maternité de Montfermeil.

Si je ne doute pas de la bonne volonté des sages-femmes travaillant dans ce service, je doute fortement de celle de la direction imposant un système "de centralisation des monitorings (...) que l’équipe médicale de la maternité peut ainsi suivre à distance".

Parce que l’équipe médicale, entendons nous bien, ce sont les sages-femmes. Jamais vu un obstétricien rivé devant un écran pour décompter les contractions ou calculer le rythme de base du cœur fœtal et analyser ses variations. Cette surveillance est assurée par les sages-femmes qui, lorsqu’elles détectent une anomalie, la signalent au médecin. En cas de doute celui-ci, compulsant plus ou moins attentivement l’accordéon de papier quadrillé de vert pale ou l’écran de contrôle, vient confirmer le diagnostic.

Il n'y a pas de poste de spécialiste "es analyse du rythme cardiaque fœtal", la centralisation de l’ensemble des enregistrements ne dégage donc en rien l’équipe de ce travail.
Cette organisation vient simplement souligner que le slogan "Une femme / une sage-femme" est vide de sens pour les administratifs.

Aux yeux des décideurs, la sage-femme fera tout aussi bien son boulot - et de façon plus rentable - en surveillant du coin de l’œil ce qui se passe dans les autres salles tout en étant auprès d’une femme… Si tant est que l'on peut réellement se consacrer à l'une en restant en permanence attentif aux autres.

Toute femme ayant vécu un accouchement en comptant sur ses propres ressources sait les phases de découragement où l'on se sent totalement dépassée. Le recours à la péridurale est alors une tentation envahissante. Dans ces moments de doute, l'accompagnement rassurant de la sage-femme peut tout changer ; le niveau de la douleur s’abaisse, celui de la confiance remonte... et c’est reparti. Mais comment repartir sans soutien ?

Les lits ronds et roses, les ballons ronds et bleus, les écharpes roses et douces ne sont que poudre aux yeux si les équipes ne sont pas en nombre suffisant. La douleur et le stress se payent cash et le risque est de voir pulluler des statistiques démontrant l'inanité des ces équipements car les taux de péridurale et d'intervention restent inchangés...

Alors, oui à des maternités design, confortables et colorées mais pas sans sages-femmes DISPONIBLES !

 

 

16 décembre 2011

Tirs groupés

 

Les sages-femmes libérales sortent de l'ombre et cette exposition semble contrarier certains autres praticiens. Plutôt que de penser nos prises en charge comme complémentaires, quelques réactions évoquent fortement la bataille de territoire.

Ainsi, sur Impact-santé, la FMF s'exprime par la voix de son président, le Dr Hamon, qui qualifie le Prado "de scandale de la fin de l’année et évoque un risque sanitaire puisque seule une équipe de soins pluridisciplinaire est en mesure de repérer des situations à risques comme les déprimes post-partum"

Confier le suivi des accouchées et de leurs enfants aux sages-femmes est donc un risque sanitaire ? C'est bien embêtant puisque cela se passe ainsi depuis ... des lustres !
Par ailleurs, le Dr Hamon invente un nouveau concept, la "déprime" du postpartum. Nous connaissons le blues du post partum (ou babyblues), épisode bref, sans gravité et qui ne demande qu'un accompagnement empathique pour aider à le traverser, et la dépression du post partum, réelle pathologie à prendre en charge médicalement... mais qui se révèle à quelques semaines de l'accouchement. La sortie de maternité avancée ou retardée de quelques jours n'y change rien.
A l'inverse, le dépistage de ces situations passe par un accompagnement prolongé dans le temps, souvent assuré par... les sages-femmes ! Nous revoyons les mères pour leur allaitement, les questions liés aux soins du nouveau-né, la rééducation périnéale... elles évoquent avec nous leur fatigue et leurs difficultés... toutes occasions qui permettent de faire le point en amont ou en aval de la consultation postnatale, de se préoccuper d'un épisode dépressif et de mettre en route le réseau médical pour une prise en charge adaptée. Complémentaires vous dis-je.

Sur Egora, autre article sur les transferts de compétences qui évoque l'extension récente (20 octobre) de nos droits de prescription en listant "antibiotiques, contraceptifs, homéopathie, anti-inflammatoires non stéroïdiens, anti-sécrétoires gastrique". 

Faut-il rappeler aux rédacteurs que notre compétence en matière de contraception date de 2004 pour le postpartum et 2009 pour le suivi gynécologique.  C'est une compétence certes récente mais qui n'a pas été modifiée par cet arrêté sur les médicaments. Feindre de la découvrir permet à nouveau de s'en offusquer... et de quelque peu se ridiculiser.  "...Ceci dans le but notamment d’améliorer le suivi de la contraception des femmes et des jeunes filles. «On se demande quand les sages-femmes les rencontrent», ironise le Dr Michel Combier, le président de l’Unof . C'est vrai ça, quand est-ce qu'une sage-femme peut bien rencontrer les femmes et les jeunes filles ? Au quotidien, parce qu'elles s'adressent à nous.

Dans le même article "(les sages-femmes) « ont renoncé à la prescription de l’IVG médicamenteuse, ce qui signifie qu’elles ont conscience de leurs limites ».
A ma connaissance, nous n'avons renoncé à rien, le projet de loi présenté par la députée Bérangère Poletti a été écarté sous la pression des lobbies anti avortement. Cette proposition d'expérimentation ne concernait pourtant que les sages-femmes hospitalières et de fait, les sages-femmes exerçant dans les CIVG sont déjà impliquées dans cette prescription.

Leur accorder la possibilité de prescrire une contraception « ne serait pas sans risques, alors que le sujet « très sensible », justifie une prise en charge longue, surtout auprès des adolescentes".
La contraception est un sujet sensible, merci de le souligner ! Nous le savons, prenons le temps de débattre avec les femmes du moyen contraceptif qui leur sera le plus adapté et les revoyons aussi souvent, aussi longtemps que nécessaire. En obstétrique comme en gynécologie, nos compétences concernent les situations exemptes de pathologie et nous passons le relai quand ce n'est pas ou plus le cas. Nous ne prétendons pas faire mieux mais aussi bien que les médecins avec souvent la possibilité d'y consacrer plus de temps.

Enfin, dans le Quotidien du médecin "Les professionnels de santé ont découvert le PRADO ces derniers jours et ils s’offusquent de n’y avoir pas été associés. «À J +2, les femmes et les enfants sont fragiles et on les éjecte des maternités alors que le retour clas sique à domicile est de 4 à 5 jours », s’insurge le Dr Jean-Paul Hamon, président de la FMF".
Il semble ignorer les contingences hospitalières. La tarification à l'activité impose aux établissements de faire "tourner" au maximum leurs lits. La durée de séjour se réduit depuis plusieurs années sans prise en charge à domicile. Officialiser un tel suivi est plutôt un progrès.

« Nous sommes pris pour des pions », s’insurge pour sa part le Dr Alice Touzaa, du Syndicat des gynécologues médicaux". Pourtant, le suivi postnatal immédiat ne concerne pas les gynécologues médicaux qui, à ma connaissance, ne se déplacent pas à domicile. Loin de moi l'idée de le leur reprocher. C'est encore une fois le constat de notre complémentarité, constat que le SGM a décidément ( voir ici et ici) du mal à accepter.

Je suis plus que lassée de ces incantations sécuritaires chaque fois qu'il est question des compétences des sages-femmes. Comment espérer parvenir à collaborer efficacement quand les uns se défient autant des autres ?

 

PS : contrairement à ce que ce billet pourrait laisser penser, ma position sur le Prado reste la même. J'affirme l'intérêt d'un suivi cohérent de l'ante au postnatal et déplore que l'accompagnement du retour à domicile ne soit pas encore (expérimentation à venir) lié à celui de la grossesse.


4 septembre 2009

Errance urbaine

Vendredi. Je suis d’astreinte ce week-end pour tout le secteur. La maternité me demande de passer voir un bébé qui a été ré-hospitalisé pour ictère et perte de poids. Il sort samedi à condition que je passe le voir le lendemain… Je note l’adresse et peste intérieurement, c’est loin !

Samedi. Vérification du trajet sur le net : voie express, sortie X, à gauche rue A, à gauche rue B, à droite rue C, facile ! J’appelle les parents pour leur indiquer mon heure de passage le lendemain dès 9 h, un peu matinale pour un dimanche mais j’ai plusieurs visites à faire.

Dimanche. La voie express défile et je m’inquiète d’arriver en avance, ce ne serait pas très courtois.
Sortie de la voie express, un rond-point,  à gauche, je suis dans l’avenue A, à quelques kilomètres de leur domicile - Je vais vraiment arriver trop tôt ;  pourvu que j’ai un bouquin dans mon sac pour patienter un peu  -  Je poursuis ma route en cherchant la rue B, toujours à gauche, qui ne devrait pas tarder. Mais ? ! Confiante, je suis allée trop loin et ne suis plus dans la A.  Il faudrait faire demi-tour.  Quelques voitures me dépassent à vive allure en profitant du peu de circulation matinale. Ces bolides et les chicanes du couloir de bus compliquent les manœuvres et m’imposent de poursuivre jusqu’au prochain rond point pour repartir en sens inverse…

Je cherche toujours la rue B et roule trop doucement. Un grand coup de klaxon me fait sursauter. Au hasard,  je tourne à droite, pensant ne plus être très loin du but. Il est 9 h, bonne nouvelle,  je ne serai pas en avance !  Ma quête de la rue B reste infructueuse et je finis par me ranger sur le coté. Je déplie le plan, tente de me repérer puis de mémoriser le trajet à faire. A la prochaine à droite je tournerai  dans la rue E qui me ramènera vers la B. Je repars, confiante. A tort. Je tourne à droite comme prévu et nouvelle surprise, je suis dans la rue F ! C'est alors que me revient le souvenir d'une errance dans ce même quartier il y a quelques mois - les plans, sur le net comme sur le papier, sont erronés. 

Après de longues minutes de recherche et quelques autres demi-tours hasardeux, je trouve enfin la rue C … que j’ai commencé par manquer car il ne s'agit pas vraiment d'une rue mais plutôt d'un immense parking entourant un groupe d’immeubles.

Je suis dans la place. Je roule au ralenti en cherchant le numéro 7. Les yeux rivés aux façades des immeubles, j’évite de justesse une voiture en train de manœuvrer. Je ne trouve que des numéros pairs !

Un peu plus loin, un autre parking entourant d’autres immeubles. Les nombres impairs doivent être là.  Mais je ne vois pas comment y accéder en voiture. Qu’à cela ne tienne, il est bientôt 9h30, et mon retard s'accroit. Je prends tout mon matériel sous le bras et traverse le terre-plein à pied. J’arrive au pied de la première tour, c’est la 43, la suivante est la 45 !

Je me résigne à appeler les parents pour demander leur aide; cela fait 10 minutes que j’erre dans ce parking. En sortant la fiche pour composer leur téléphone, je relis l’adresse, immeuble 16, 7ème étage ! Quelle idiote ! J’ai inversé les deux chiffres.  J'ai bien vu le bâtiment 16, situé à l’autre bout du premier parking. Je ne reprends pas la voiture, il serait encore plus long de manœuvrer et de trouver une place. Je me dépêche.

Enfin l’immeuble, la porte, l’ascenseur. Je l’appelle… il met un temps infini à descendre  (les étages sont nombreux). J’entre, cherche le bouton 7… il n'existe pas !  je ne vois que des nombres pairs. Il y avait deux ascenseurs dans le hall d'entrée, je ressors. Gagné, sur le mur un panneau, que je n’avais évidemment pas vu, indique au dessus de chaque cabine «étages pairs» «étages impairs». Le second ascenseur arrive avec une auguste lenteur, la porte s’ouvre, j’entre et je peux enfin appuyer sur le bouton 7.

7ème étage, une enfilade de porte.  Aucun nom mais des chiffres notés sur les chambranles.  Je dois aller au 76. En sortant de la cabine, je trouve successivement les  portes 79, 78, 77, rien n’est noté sur la porte suivante. Logiquement c’est la bonne ! Pas de sonnette, je frappe.  Pas de réponse ; se seraient-ils lassés de m’attendre ?
Un doute quand même, la poignée n’est pas la même que dans le reste du couloir. Je tente de la tourner, bingo, j’ai trouvé l’escalier ! La porte 76 est un mètre plus loin. Je frappe, on m’ouvre !

Enfin.

Ils sont d’une gentillesse exquise.  Je m’excuse pour mon arrivée tardive. Ils ont les yeux cernés. Le petit leur a fait passer une mauvaise nuit. On s’installe, on discute, j’examine le bébé, le pèse.  Tout va bien, il a repris du poids, est bien tonique. Je rassure.
Comme il cherche à téter, je propose de le mettre au sein et aide la mère à s’installer. Le père, très gentiment, offre de me préparer un café. Je décline, je ne veux pas abuser. J’ai honte de mon retard et du sommeil dont je les ai privés.  La tétée se termine, je vais  prendre congé et leur souhaite une journée reposante.

Avec un immense sourire, le papa répond "oui, c’est vrai, c’est dur en ce moment, je fais ramadan"

Je les ai fait lever trop tôt. Ils sont fatigués, la journée s'annonce très chaude, c’est le matin et rien ne doit toucher ses lèvres avant la nuit et il m’a malgré tout proposé un café !

Il insiste pour que je prenne un gâteau.

Exquis, c’est le mot qui convient.

2 novembre 2009

Altérité

Encore étudiante, je suis en stage au « bloc obstétrical » d’un grand centre hospitalier.
La communauté maghrébine est importante et beaucoup de femmes venant accoucher ne parlent pas ou très mal le français.
Elles sont prises en charge de façon standard par des équipes déjà très occupées et peu enclines à faire l’effort de les comprendre.

Elles ont bien du mal à rester allongées sur la table mais cette position leur est imposée. De temps en temps, une plus rebelle que les autres profite de notre absence pour détacher les fils de son monitoring et s’accroupir au sol.
Il ne vient à l’idée de personne de respecter son choix et la femme est rapidement réinstallée comme la médecine moderne (fin des années 70) l’exige.

A la fin de l’accouchement, le respect n’est toujours pas de mise. Afin que les femmes cessent de pousser - pour laisser la sage-femme réaliser le sacro saint dégagement de la tête - on leur pince le nez, geste surprenant censé les stopper dans leur élan.

Choquée par l’inhumanité de cette prise en charge, j’apprends quelques mots d’arabe. Très peu, juste de quoi amorcer un semblant de communication : « Bonjour, ça va, pousse, un peu, beaucoup, ne pousse plus, merci, fille, garçon, petit, gros, tout va bien, au revoir.… » Avec ma minable douzaine de mots au compteur, leurs notions de français, les gestes et les regards, on y arrive. Le but n’est pas de soutenir une conversation mais de faire un pas vers ces femmes. Et puis, je sais leur demander de cesser de pousser, plus besoin de les pincer…

Un peu de chaleur humaine.
Ce que l’hôpital laisse de coté en ne prévoyant pas de recours à un interprète.
Ce que mes futures consœurs sages-femmes ne cherchent plus à offrir, lassées et démotivées par ce quotidien difficile.

Un soir, une femme arrive en larme, expliquant avec ses mains et ses quelques mots de français qu’il est trop tôt pour accoucher, qu’elle n’est enceinte que de 6 mois. La sage-femme, au vu de son ventre conséquent, ne la croit pas et laisse l’accouchement se faire. Un peu plus tard, nous verrons naitre non pas un mais trois bébés, grands prématurés qui ne survivront pas.

Je ne sais si, en écoutant ce que disait cette femme,  nous aurions pu faire mieux - la médecine était moins performante qu’actuellement - mais nous n’avons même pas essayé…
Résultat conjoint d’une communication difficile et d’une certaine arrogance du « savoir » médical.

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17 janvier 2010

Point de vue bis

Dans le vécu d’un accouchement, ce n’est pas tant la réalité des actes que l’accompagnement qui en est fait qui importe. "Bien accompagnée, on peut vivre sereinement…"  Mon ellipse a manqué de clarté mais c’est pourtant cela que je voulais souligner. Un accouchement difficile peut être transfiguré par une présence attentive, une naissance aisée peut devenir cauchemardesque parce que mal accompagnée.

Cette jeune femme souhaitait accoucher le plus naturellement possible. Elle y avait longuement réfléchi, s’y était préparée. Il n’était pas dans ses attentes de vivre l’enchainement péri/synto/forceps/épisio. Il n’était pas dans les projets de l’équipe de le lui imposer. Les circonstances ont fait que cela est devenu nécessaire et chacun s’y est adapté.
C’est aussi de la responsabilité des sages-femmes que d’aider et soutenir une femme devant renoncer à l’idéal projeté pendant la grossesse.

Il est vrai que certains établissements pêchent par une surmédicalisation systématique (une étudiante me racontait récemment avoir entendu une sage-femme s’alarmer «comment veux tu qu’elle arrive à pousser, elle n’est pas sous synto ?»)
Mais ne nous leurrons pas, la nature ne fait pas toujours bien les choses et l’intervention du médical peut s’avérer indispensable. Toute assertion inverse confinerait à l’irresponsabilité.

Il faut cependant souligner que le recours à la péridurale modifie la physiologie de l’accouchement. Dans le récit précédent, l’enchainement des actes n’est peut-être pas étranger à la demande d’analgésie.

Quand bien même, faudrait-il exiger le sacrifice des mères lorsqu’elles se sentent dépassées ? De quel droit  imposer à une femme de supporter ce qui lui devient insupportable ?

Il n’y a pas de réponse unique, pas d’accouchement idéal, pas de comportement maternel à modéliser. Chaque histoire est singulière. Chacune mérite toute notre attention et notre absence de jugement.

Ne tombons pas dans les travers du monde médical imposant trop souvent ses certitudes sans nuance. Rien n’est plus dangereux que la conviction de savoir ce qui est bon pour l’autre.

 

27 mars 2010

Tête à quoi ?

Lu sur famili.fr : Accouchement : quand peut-on reprendre les rapports sexuels ?
Explications du Pr Bruno Carbonne, chef du service gynécologie-obstétrique à l'hôpital Saint-Antoine à Paris :
Pendant deux à trois semaines après une naissance, ils sont déconseillés : le col est encore ouvert avec un risque d'infection. Et rares sont les femmes qui ont la tête à « ça » ! Les lochies, pertes de sang et de sérosités, sont encore très abondantes... De plus, la zone du vagin est douloureuse, surtout après une épisiotomie ou une déchirure. Un mois est un délai «raisonnable» !

Parole masculine n’envisageant les relations sexuelles qu’à travers leur versant pénétrant…
Crainte de l’infection, fantasme du pénis triomphant, forcément démesuré, venant franchir un col encore béant...

Le professeur délivre de sentencieuses affirmations à d’infortunés couples supposés suspendu à son savoir. Omnisciente et toute puissante, la faculté s’autorise à juger du bon moment de la reprise des rapports sexuels.

Il nous est affirmé que «les femmes n’ont pas la tête à ça». Effectivement, la libido est rarement au plus haut dans les semaines suivant une naissance. Faut-il pour autant parler à la place des intéressés ? Ne serait-il pas plus clair, plus respectueux, et bien moins intrusif de souligner que reprendre une activité sexuelle suppose d’en avoir l'envie, tout simplement.

Vient ensuite cette description minutieuses des pertes féminines. Qu’en des termes choisis ces choses là sont dites ! L'on comprend bien à le lire qu’aucun homme ne pourrait - ne devrait ! - avoir envie de s’approcher d’un corps dont s’écoulent en abondance sang et sérosités.

Enfin Mesdames sachez que votre vagin sera douloureux et que vous n’échapperez surement pas à l’épisiotomie sinon à la déchirure…

Non, aucun délai n'est raisonnable

J'entends cette jeune accouchée racontant avec émotion ses retrouvailles avec la sexualité deux semaines après la naissance de son enfant, les gestes doux de son compagnon, attentif, devinant sa crainte de ne pas retrouver les sensations de ce corps traversé par un enfant, dévoué à son plaisir.
Acte d’amour.

Ne nous mêlons pas de définir la sexualité des couples. Seuls comptent leur désir et leur attention l’un à l’autre.

8 juin 2010

Captives

Un arrêté listant les contraceptifs oraux pouvant être renouvelés par prescription d'un infirmier ou délivrés par les pharmaciens sur présentation d'une ordonnance à la validité expirée vient de paraitre.
Pardon pour cette peu élégante introduction mais je souhaite être précise. En terme plus clairs, les femmes se retrouvant à court de pilule pourront être dépannées de quelques plaquettes, le temps de prendre rendez-vous et d'obtenir l'ordonnance ad hoc.
Même si l'on ne peut nier une certaine imprévoyance - quoi de plus prévisible en effet que la fin d'une plaquette de 21 ou 28 comprimés - permettre aux distraites de ne pas interrompre leur contraception ne se discute pas.

Le vertueux Ordre des médecins s'en indigne pourtant ! Dans son communiqué, les termes choisis "risque", "prise en charge dégradée" fustigent sans nuance cette nouvelle disposition. Voici à nouveau brandi l'étendard de la mauvaise qualité des soins. Le risque principal pour les femmes ne serait-il pas de devoir recourir à l'IVG ?

« Le texte réglementaire ne prévoit aucune obligation pour le pharmacien ou l’infirmier d’inscrire sur l’original de l’ordonnance la date et la durée du renouvellement ainsi que de le signer». La formulation laisse à penser qu'une femme pourrait se voir éternellement délivrer ses plaquettes à condition d'avoir disposé, un jour, d'un premier laissez-passer.

Pourtant un texte, cité dans l'arrêté, encadrant le renouvellement d'un traitement chronique par les pharmaciens a été publié en 2008. Il y est clairement précisé que ce renouvellement ne peut avoir lieu qu'une seule fois, au vu de l'ordonnance, en le mentionnant sur celle-ci et avec le plus petit conditionnement disponible. Les femmes ne peuvent donc espérer prolonger leur prescription que de un à trois mois. Il ne s'agit pas là de les détourner d'une consultation mais de leur laisser le temps d'obtenir un rendez-vous.

Heureuse surprise, ce même communiqué cite les sages-femmes, pour une fois associées aux médecins comme garantes d'une prescription de qualité. J'aurais aimé qu’il fasse preuve d'une pareille exigence lorsque les députés nous ont refusé la surveillance biologique de cette même contraception. Cet accès soudain de solidarité vise sans doute à ce que leur indignation paraisse moins corporatiste...

Pour finir, sous prétexte de s'assurer de l'innocuité du traitement, l'Ordre propose de noter la mention "non renouvelable" sur l'ordonnance afin de s'assurer de la bonne captivité de sa clientèle. Devons nous comprendre qu'il s’attache plus à la santé des cabinets médicaux qu’à celle des femmes ?

Heureusement, nombre de médecins ne se reconnaissent pas dans cette position et continueront à délivrer des ordonnances sans mention restrictive. Pour les femmes suivies par des praticiens moins conciliants, je rappelle que les sages-femmes assurent également le suivi gynécologique et la prescription contraceptive...

Les communiqués et autres articles concernant la santé des femmes ou l'exercice des sages-femmes se bousculent actuellement. Pas le temps de commenter l'un qu'il faut déjà se préoccuper du suivant. Situation intéressante mais qui m'éloigne de la rédaction d'autres textes témoignant de l’expérience quotidienne. Promis, j'y reviens dès que possible...

20 juillet 2010

Réparée

Deux mots suffisent à qualifier la belle atmosphère régnant dans cette maison, sereine et joyeuse.

Leur second enfant est né quelques jours plus tôt, dans l’intimité de leur foyer. Elle est en train de téter goulument, se détournant parfois du sein quelques secondes, comme intéressée par les bêtises du grand frère défiant l’autorité parentale. Bien vite, elle revient vers le mamelon et s’y arrime à nouveau.

Auparavant, une autre naissance, un autre lieu. Rencontre inaugurée par d’abruptes paroles «Vos contractions sont trop irrégulières pour annoncer l’accouchement, rentrez chez vous». Alors, elle ne sait plus croire ce quelle ressent, et lui ne sait plus comment l’aider. Leur confiance entamée ne sera pas restaurée par les intervenants suivants. S’enchainent un travail trop lent, le découragement, une péridurale, une poussée s'avérant laborieuse en l’absence de toute perception, puis un placenta récalcitrant, le père que l'on "invite" à sortir de la salle avec son enfant, la main du médecin fouillant l'utérus pour hâter la délivrance. Clap de fin, tout va bien.

Reste le souvenir anxieux de cette mécanique médicale si huilée qu’une fois en route, personne ne sait où elle s’arrêtera, un acte en entrainant un autre.
Et ce regret immense, son enfant a ouvert les yeux dans les bras de son père, attendant dans le couloir l'autorisation de retrouver sa compagne. La médecine a privé sa mère de ce premier regard. Blessure.

Les années sont passées. Ils ont beaucoup lu, beaucoup échangé, beaucoup réfléchi. Un nouvel enfant s’annonce et ils savent déjà qu’ils ne veulent pas risquer le même engrenage pour la naissance à venir. Tout naturellement, ils se tournent vers l’accouchement à la maison, trouvent la sage-femme qui les accompagnera tout au long de leur histoire.

Pas de réelle préparation sinon une confiance confortée à chaque rencontre dans leurs propres capacités. Aucune naïveté, aucune inconscience dans leurs démarches. Ils font le nécessaire pour pouvoir être accueillis en maternité si besoin, ouverture de dossier, consultation d’anesthésie, rendez-vous avec un obstétricien, l'un des trop rares à accepter sans ambigüité la naissance à la maison, considérant que son rôle est justement d’accueillir les parents quand la médicalisation s'impose.

Les mois s’écoulent, presque sereins. De fortes nausées, la fatigue, un sommeil échappé ; non, la grossesse n’est pas qu’un épanouissement, elle le sait et l’accepte. Elle n’est pas dans un projet idéalisé mais s'ancre dans le concret.

Les dernières semaines arrivent. Les premiers signes sont guettés, mais rien ne vient. Le temps s’écoule, se teintant au fil des jours de découragement puis de doute, le terme est maintenant dépassé.
Ils se rendent à la maternité pour une consultation, se conformant ainsi à l’accord passé entre leur sage-femme et l’obstétricien. Une autre sage-femme les accueille, charmante, mais qui déjà souhaite intervenir en décollant les membranes. Le médical s’invite avec aplomb et la mère ose à peine l’interroger. Il faut toute la conviction de son homme pour oser affirmer qu’ils n’en veulent pas. La sage-femme s’incline. L'écho de contrôle vient une dernière fois les malmener en annonçant un "petit" bébé. Qualificatif qui se révèlera erroné mais qui vient nourrir leur inquiétude. Pourquoi ne mesurons nous pas mieux l’impact de ce que nous énonçons ?

Mais leur confiance sera la plus forte. Elle accouche le lendemain, rapidement. Dès la première contraction, elle sait que le moment de la rencontre est enfin venu. Un travail rapide, "vautrée" sur un ballon, dans une position instable que son homme s’amusera à me mimer, une poussée instinctive. L'évidence. Ils plaisantent sur l’apparente inutilité de leur sage-femme «qui n’a rien fait d’autre que d’être là» et soulignent combien cette présence leur était indispensable pour avancer en toute sérénité.

La première naissance les avait mis à mal. Celle-ci leur donne une force nouvelle.

1 septembre 2009

Un ton plus haut

Service maternité, la vaste salle d’attente d’un grand centre hospitalier. Quelques bacs de fausses plantes vertes tentent vainement de délimiter de plus petits espaces. Les chaises de plastique inconfortables, soudées les unes aux autres, laissent peu de place pour étaler les rondeurs. Des magazines fatigués trainent sur des tables basses. Aux cotés des couvertures passées et déchirées s’étalent de riantes brochures sur les interdits de la grossesse, alcool, tabac, régime alimentaire…

Pas de lumière du jour. Ce sont les bureaux de consultations et les secrétariats disposés tout autour qui bénéficient de fenêtres. Au centre reste ce large espace à l’éclairage artificiel et la ventilation ronronnante.

De nombreuses femmes, quelques hommes aussi, s’ennuient en silence. 
Régulièrement, l’un des cabinets s’ouvre, un médecin s’avance, dossier à la main, et annonce le nom de la patiente suivante. Une femme se lève alors avec plus ou moins d’aisance et emmène son ventre rond jusqu’à la porte.

Parfois, personne ne réagit et il faut répéter l’appel.

L’un des médecins a opté pour une autre stratégie. Lorsqu’il ouvre la porte, il ne prend pas le risque d’être amené à répéter deux fois le même nom ; il le hurle et, à chaque fois, fait sursauter la salle.

Ce jeune couple vient pour son second rendez-vous. Heurté par cet accueil tonitruant, le père a prémédité sa riposte. Lorsque leur tour arrive, leur nom est  sans surprise crié à travers le hall.
Alors, il se lève d’un bond et hurle tout aussi fortement, «c’est nous» en s’avançant vers le bureau.

5 octobre 2010

Si l’académie de médecine le dit…

J’apprends donc que les maisons de naissance «ont été mises en place à titre expérimental».
Et dire que nous n’étions même pas au courant !
Pour les très optimistes ou les très crédules, je rappelle que la deuxième vague de concertation promise en 2008 par le ministère de la santé n’a jamais débuté*.
L’utilisation du passé est donc plus qu’abusif. Un futur riche d’espoir, un conditionnel réaliste auraient été honnêtes…

Je ne relèverai pas - enfin si ! - le paternalisme et le mépris transpirant dans ces quelques mots  « Pour certaines associations féminines particulièrement activistes, la femme doit pouvoir accoucher "comme elle veut et où elle veut"».  Activiste ? Devons nous encore aller bruler nos soutiens-gorges sur la place publique pour faire entendre le droit des femmes à décider pour elles-mêmes.

Approximations hasardeuses, suggestions anxiogènes, références erronées, affirmations sans preuve … en procédant ainsi, le professeur Henrion discrédite quelque peu la très officielle académie de médecine.

Il s'empresse de citer l’étude de Wax dont j’ai déjà parlé ici
Mais aussi
- « 60% des  hollandaises sont dirigées vers des services hospitaliers avant le terme » ; l’accouchement à domicile ne concerne effectivement que 30% des naissances. Est-ce toujours du à des raisons médicales ou à des choix personnels ?

- « Les transferts en cours de travail sont d'ailleurs redoutés, le risque de décès de l'enfant étant alors estimé à 1% ». D'où proviennent ces estimations ? Dans quelles circonstances ? Parce que des anomalies des contractions utérines ou de la dilatation, une difficulté d’engagement… ben c’est pas des urgences hein. On transfère sur un  plateau technique, un point c’est tout.

- «Ce n'est donc pas (…)un hasard si la mortalité périnatale qui était de 52 pour 1 000 en 1952 est désormais inférieure à 7 pour 1.000, selon les mêmes critères ». 52/1000 est le chiffre de la mortalité infantile (dans la première année)…Qu’il compare à la mortalité périnatale, corrigée à 11/1000 en 2007 (mais depuis 2002, l’on prend en compte dans ces données des enfants nés très prématurément ).
Données disparates s’il en est ! Ces chiffres indiquent une nette baisse. Mais est-elle à mettre sur le compte des conditions de naissance ou de l’amélioration des conditions de vie ?

Je n'extrais que quelques passages mais l'ensemble de l'article est du même acabit.

Comme le temps me manque et qu'un certain nombre de professionnels de la profession passent par ici…une folle idée m’est venue : demander votre aide ! Je suis preneuse de toutes les études référencées permettant de démonter point par point son intervention.
Si nous donnions tous ensemble une belle leçon de rigueur médicale à ce professeur ?

* Selon un communiqué de  l'APM (Agence de Presse Médicale) en date du 30/09/2010: L'avant-projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2011,  prévoit l'expérimentation des maisons de naissance

11 décembre 2010

Salve 1

Décidément, l’Académie de médecine s'intéresse beaucoup à l’obstétrique ces derniers temps. Un nouveau communiqué vient s'opposer à l'expérimentation des maisons de naissance avec des arguments… irrecevables.

Le premier concerne l’absence d’hospitalisation qui "peut générer des conséquences très graves tant pour la mère que pour l’enfant"
Rappelons que pour être suivie et accoucher en MDN, une femme doit être en bonne santé, présenter une grossesse normale, accoucher sans difficulté et à terme. De plus, mère et nouveau-né ne pourront quitter la MDN qu'après quelques heures de surveillance et l'assurance que l'un et l'autre vont bien.
Enfin, la sortie est préparée, ils sont entourés par famille ou amis qui veillent à leur bien être et peuvent faire appel à la sage-femme à tout moment ; sage-femme qui passera très régulièrement et au moins quotidiennement les jours suivants.
Tout cela me semble beaucoup plus sécuritaire que ce que vivent nombre de mères et de bébés quittant rapidement la maternité, sans suivi, sans garantie d’avoir un soutien à leur domicile et quels que soient leurs antécédents … Non ?

Mais nos académiciens s’inquiètent également du partage des responsabilités. "En cas de transfert vers le service de gynécologie obstétrique, qui sera considéré comme responsable, la sage femme ayant suivi la grossesse et le travail ou l’obstétricien ayant terminé l’accouchement par une pose de forceps ou une césarienne ? "
Je l'ai déjà écrit ici, cette situation est excessivement banale. Dans toutes les maternités, toutes les surveillances sont confiées aux sages-femmes, charge leur étant donnée de dépister les éventuelles complications pour les référer à l’obstétricien…
Est ce mon habituel mauvais esprit ou faut-il comprendre que c'est l'indépendance de sages-femmes exerçant leurs compétences de façon autonome qui est redoutée ?

Et que dire des "solutions" proposées ?

La création d’espaces physiologiques est une excellente idée qui aurait pu se développer depuis…une génération !
La maternité mutualiste de Nantes (je profite de l’occasion pour rappeler qu’il y a une pétition à signer ici) a par exemple ouvert ses portes en 1987 avec deux salles physiologiques, murs plaqués de bois, baignoire et bassin, matelas au sol et tabouret d’accouchement…  Rien n’est plus simple que de créer ces espaces. Mais cela ne suffit pas ; il faut aussi que l’équipe présente ait la disponibilité nécessaire pour accompagner les parents. La proposition de renforcer les effectifs est donc un corollaire indispensable.
Il faudra cependant faire remarquer à nos académiciens que la demande des couples est aussi celle d’une prise en charge globale, par des professionnels connus bien en amont de la naissance.

Quand à la suggestion d’ouvrir les plateaux techniques, j’hésite entre rire et pleurer… D’abord parce que c’est possible depuis 1991 mais que les établissements se montrent plus que réticents. Surtout parce que cela ne répond en rien aux deux objections soulevées dans le communiqué ; maison de naissance attenante ou plateau technique, la situation serait identique :
- l’accouchement en plateau technique se fait en ambulatoire ; aucune hospitalisation n'est prévue ensuite.
- quant au partage des responsabilités, il est encore plus flou puisque l'éventuel relai n'est même pas marqué par un changement de lieu.
Au final, la volonté ne serait-elle pas d'assujettir les sages-femmes, et à travers elles les femmes, à l’autorité des médecins ?
Compétentes : oui
Responsables : à 100%
Mais autonomes… Non !

Enfin je m’étrangle sur la mention "privée" ? Ainsi, ce type d’accompagnement ne mériterait pas d’exister dans le public. Est-ce une façon de botter en touche en libérant les hôpitaux de cette "contrainte" ou un service rendu au privé en lui procurant de nouvelles clientes ?
Dans le privé, ce ne serait soudain plus un problème de risque, ni de responsabilité, juste un problème de fric ? Je m’étrangle vous dis-je !

PS : 60 députés de l’opposition ont saisi le conseil constitutionnel le 1er décembre en demandant le contrôle de constitutionnalité de la loi de financement de la sécurité sociale 2011. L’article 40 ne semble pas ciblé particulièrement. A suivre...

22 mars 2011

Teasing !

Le magazine de la santé consacre cette semaine son "Sept minutes pour une vie" à la maternité de l'hôpital Lariboisière. Le contexte est celui de la restructuration - lire la fermeture - de maternités, obligeant les établissements qui subsistent à des prouesses pour accueillir l'ensemble des femmes enceintes.

Lors du premier épisode, une sage-femme facétieuse piège ses collègues en tendant un fil à travers le passage ...
Plus sérieusement, la maternité est saturée. Faute de place, une femme arrivant pour accoucher se retrouve allongée sur un brancard dans le couloir. Un semblant d'intimité lui est procuré par un paravent de toile gentiment amené par la sage-femme. Le manque de lit ne saurait justifier l'absence du rituel monitoring ; l'enregistrement a donc lieu derrière le paravent. Les prises ponctuent irrégulièrement les murs et l'appareil doit être branché de l'autre coté du couloir.
D'où ce fil électrique élégamment enjambé par les membres de l'équipe vaquant à leurs occupations...

En fin de reportage, les sages-femmes se réjouissent de n'avoir à décompter aucun incident dans la nuit malgré leur manque de disponibilité.

Dans ces moments fondateurs de la parentalité, la présence attentive d'une sage-femme est un acte de prévention tant médical que psychologique et social.
La périnatalité française s'organise couteusement autour du postulat de la pathologie et de la haute technicité. Elle concentre les naissances, morcèle les prises en charges, malmène parents et professionnels.
Elle doit être repensée.

Réservez votre journée du 12 mai !
 
 
Complément d'info : L'explication du transfert des accouchements des Lilas vers Lariboisière est quasi surréaliste du fait de sa brièveté. "Johanna aurait du accoucher aux Lilas mais le monte-charge qui mène aux salles d'accouchement est en panne". En fait, c'est l'ascenseur qui permet le transfert d'une femme de la salle d'accouchement au bloc opératoire qui était en panne. Pour des raisons de sécurité, la maternité a du interrompre son activité. Elle reprenait normalement ce lundi.

11 avril 2011

Une femme/une sage-femme

Les sages-femmes réclament les moyens d'exercer le métier qu'elles ont choisi.

Parce que les maternités sont surbookées et les personnels débordés.
Parce que l'hypertechnicité vient remplacer l'humanité d'une présence.
Parce qu'il n'existe pas de lieux dédiés à l'accouchement physiologique.
Parce que l'accompagnement global souhaité par les parents peine à exister.
Parce que tout maintenant doit se gagner de haute lutte.

Parents et professionnels manifesteront ensemble le 12 mai à Paris

Et il fera beau !

Toutes les informations ici

Je compte sur chacun d'entre vous pour faire largement circuler cet appel. Sans les parents, 20000 sages-femmes ne pèsent rien. Avec eux, elles peuvent tout !

26 septembre 2010

Ressuscité

A la naissance, leur enfant a crié, une fois.
Puis plus rien. Ce qu’elle résume en une phrase : « plus de son, plus d’image ».

Le bébé inerte est rapidement emmené par la sage-femme en salle de réanimation. Les parents restent seuls. Elle est rivée à son lit d’accouchement par les multiples tubulures délivrant diverses thérapeutiques et les appareils d'enregistrement poursuivant leur veille dans des clignotements silencieux. Lui est debout à ses cotés, pétrissant sa main dans l’attente de nouvelles.
Quelques minutes s’écoulent, forcément très longues.
Enfin, un médecin passe la tête par la porte entrouverte « Ne vous inquiétez pas, le cœur est reparti » et tourne les talons.

Ils sont à nouveau seuls. Cette annonce qui se voulait rassurante résonne pour eux bien autrement. Si le cœur est reparti, c’est qu’il s’était arrêté. Leur enfant est revenu du royaume des morts.

De retour chez eux, ils commencent cette nouvelle vie à trois dans l'angoisse, s’alarmant à chaque souffle à peine irrégulier, à chaque pleur difficilement consolable, à chaque phase de sommeil un peu prolongée… Combien de temps leur faudra-t-il pour reprendre confiance ?

20 mars 2011

Mot à mot

 

Cette magnifique jeune femme arrive avec un tout aussi magnifique enfant dans les bras. Son sourire est éclatant, celui de sa fille tout autant.

Heureusement que nous avons ce moyen de communication car la langue est une vraie barrière. Elle bredouille qu’elle parle très peu le français, hélas pas du tout l’anglais ; par contre l’allemand ou le russe lui iraient bien… Je sais dire merci en russe et mes années d’allemand remontent au lycée… va pour le français ! Au pire, on se débrouillera avec un traducteur en ligne.

Finalement son français n’est pas si mauvais. Je choisis mes mots,  parle lentement, accompagne mes paroles de nombreux gestes et mimiques… elle aussi. Un peu laborieux mais on y arrive.

A la fin de cette consultation, nous somme l’une et l’autre plutôt soulagées d’avoir pu nous comprendre.
Nous sommes en train de nous dire au revoir et je souris à sa petite fille qui me gratifie aussitôt d’un enthousiaste «areu »… que je répète évidemment ; comment résister aux tentatives de séduction d’un nourrisson ?

Le visage de sa maman s’éclaire : « Areu ? Areu ? Allemand, on dit aussi ! »


29 septembre 2009

Obsession

Ils viennent en consultation de terme dépassé pour la troisième fois mais c’est notre première rencontre.
Elle est souriante, prolixe, et un peu lassée de cette attente. La perspective du déclenchement ne l’enthousiasme pas mais elle semble malgré tout soulagée de l’ultimatum posé dans deux jours.
A ses cotés, silencieux, visage fermé, grand, maigre, costume gris, cravate grise et chemise blanche - en un mot austère - son homme.

Les prostaglandines contenues dans le sperme sont réputées pouvoir aider au démarrage de l’accouchement.
L’allure sévère du père me fait hésiter à évoquer cette « information ». Je me sermonne, on ne juge pas les gens sur leur apparence ! De plus,  son attitude peu amène est compréhensible, il est certainement inquiet pour sa compagne et fatigué de ces passages répétés à la maternité.

Je me lance  « parfois faire l’amour … »
Il me coupe «on n’arrête pas de nous le dire !» réduisant par sa voix lasse et son rictus amer l’équipe en général et moi en particulier à une assemblée d’obsédés sexuels.

19 octobre 2009

Subliminal

Dernières gardes avant d’obtenir mon diplôme et de voler de mes propres ailes.
Une des sages-femmes de la maternité accouchera cette nuit là, bien décidée à vivre la naissance à sa manière, sans l'intervention de l'équipe.
Lors de la poussée,  la sage-femme de garde et l'étudiante que je suis encore nous bornons à tenir le miroir lui permettant de contrôler elle-même la sortie de son bébé.
Demi-assise sur le lit, les pieds dans les étriers, elle guide son enfant, le regard rivé à l’image qui se reflète.  La tête apparait doucement, accompagnée par le souffle de sa mère plus ou moins appuyé pour maitriser le dégagement et préserver le périnée. Puis le petit fait son quart de tour, les épaules se placent dans le bon diamètre, encore une ou deux poussées et elle peut prendre son bébé sous les aisselles et l'attirer sur son sein.
Elle l’a mis au monde. Toute seule.

L’histoire fait le tour de la maternité en quelques heures. Il faut bien être sage-femme et sage-femme émérite pour pouvoir ainsi accoucher sans que nul ne touche à l’enfant, ne retienne sa tête, ne soutienne le périnée. Cette aventure est de l’ordre de l’exploit personnel, un Everest obstétrical…
Du haut de mon inexpérience, je m’extasie de concert…

Quelques semaines plus tard, je prends mon premier poste dans une maternité « alternative », respectueuse des femmes et confiante dans leurs compétences.

Je découvre une autre façon de travailler, d’accompagner, de respecter.
Je m’émerveille mais cherche ma place. J’ai été formée pour diriger, je dois apprendre à m’effacer. Installée entre les cuisses maternelles, un autoritaire « Madame ne poussez plus ! » nous laissait tout loisir de dégager la tête, geste "noble" s’il en était. Ici, les sages-femmes se placent de coté et ne guident que par quelques paroles. Nous n'agissons que si cela s’avère indispensable, rarement.

Loin de l’exploit de cette nuit hospitalière, simplement, les mères font naitre leur bébé elles-mêmes, sans que la sage-femme n' intervienne.

Cette simplicité ne se réduit pas aux dernières minutes de la naissance.  La confiance dans les ressentis maternels, le respect de l’autonomie modifient le déroulement - et le vécu - de tout l’accouchement.
A l’évidence, les femmes savent faire.

Ce qui était extraordinaire là-bas devient banal ici. Pourquoi ?
Les attitudes semblent similaires, les paroles encourageantes sont les mêmes. Mais il y a d'un coté la conviction de la compétence maternelle et de l’autre la défiance.
Rien n’est dit.
Mais le message passe.

C’est dans ce message subliminal qu’il faut chercher la source de l’incompréhension entre professionnels. Chacun est convaincu que seule sa façon d’exercer est possible. Chacun est conforté dans ses certitudes par son vécu quotidien.

Notre façon d’être dicte l’attitude des couples que nous accompagnons. 

24 septembre 2009

La (non) perche

« On m’a perché la poce des eaux… » Cette inversion du « che » et du « ce », elle la répètera trois fois au cours de son récit.
Et dans cette inversion, j’entends tout son besoin d’aide et d’une perche tendue.

Un service débordé.
Elle a eu affaire à des gens charmants, sincèrement désolés de ne pouvoir faire plus, faire mieux, s’en excusant.
Personne n'était disponible pour la rassurer sur la force de ses contractions, lui affirmer qu'elle était capable d'en venir à bout et la soutenir en restant à ses cotés.

Prise dans un conflit de loyauté, elle ne s’autorise même pas à critiquer l’inhumanité de ce non-accompagnement.

Pour ces heures difficiles, elle paie le prix fort, une dépression post natale prenant son origine dans la solitude vécue lors de l’accouchement.
Un trop plein d’émotions contradictoires venues la submerger sans personne pour la soutenir.

27 septembre 2009

Epanouissement garanti ?

C’est le premier enfant pour lui, le second pour elle.
Son premier accouchement a été  violent, mal soulagé par une péridurale manquant d'efficacité. La douleur était majorée par les hormones administrées en perfusion et l’immobilité imposée par l’analgésie.
Cette fois-ci, elle aimerait bien que cela se passe autrement mais annonce dès notre première rencontre avoir une trouille bleue.

Ils se sont déjà beaucoup informés sur les modes d’accouchements « naturels », la liberté de position, le bain, l’aide pouvant être apportée par les médecines douces, les possibilités offertes par les maternités de la région, etc…

Elle compte sur tout cela pour mieux vivre la naissance mais, ancrée dans le concret de son expérience précédente, ne balaye pas la possibilité d’un recours à la péridurale (qu’elle souhaiterait alors efficace…).

Lui, tout à sa vision idéale, assène : «accoucher sans péridurale, c’est quand même un épanouissement total pour la femme !»

Enthousiasme que je me sens obligée de tempérer quelque peu… afin qu’elle se sente libre de trouver son épanouissement où bon lui semblera.

14 novembre 2009

Arrogance

Nos amis les gynécologues doutent de la compétence des sages-femmes au point d’évoquer un « risque pour la santé publique » (à lire ici ...)

Quel est le motif d'une attaque aussi virulente ? Une proposition d'amendement venant corriger une curieuse anomalie dans un texte de loi.

Au mois de juillet dernier, la loi HPST est venue élargir les compétences des sages-femmes à la prescription de la contraception et au suivi gynécologique de prévention. Elargissement prévu à un « détail » près, nous pouvions prescrire une contraception orale mais pas son suivi biologique. En tout illogisme, celui-ci devait être demandé par un médecin.
Si la prescription de pilule est séparée de celle du bilan sanguin adéquat, comment s’assurer de l’absence de contre indication ? Des médecins se sont élevés contre nos nouvelles compétences mais personne n’a souligné cette incohérence, pourtant source potentielle d'une mauvaise prise en charge.
Ce silence pourrait laisser penser qu’il ne s’agissait pas de protéger la santé des femmes mais celle du porte monnaie des dits médecins craignant que nous venions marcher sur leur plates bandes… Je sais, j’ai parfois très mauvais esprit.

Par ailleurs, si « la prise en charge par les gynécologues médicaux de la contraception a permis de diviser par 4 la mortalité par cancer de l'utérus en 20 ans », c’est grâce à la généralisation du dépistage.
Les sages-femmes réalisent régulièrement examens des seins, frottis, touchers vaginaux, lors des consultations de grossesse ou du post-partum. Charge nous est donnée d’adresser la patiente à un médecin si nous suspectons une pathologie. Il s’agit donc de faire exactement la même chose en gynécologie que ce que nous pratiquons au quotidien en obstétrique, s’assurer de la normalité d’une situation, dépister les anomalies potentielles et savoir dans ce cas passer le relai au professionnel compétent.

Que nous nous devions d’être vigilantes, c’est évident.
Que la formation continue soit indispensable, bien entendu.
Que les pouvoirs publics se soucient plus de faire des économies que de préserver la santé des femmes, très certainement…

Mais dans certaines régions, obtenir un rendez-vous avec un gynéco prend souvent plusieurs mois et la prescription de pilule réalisée par le médecin traitant au détour d’une consultation pour un autre motif fait que l’examen gynécologique passe à la trappe.

Je m’offusque de lire que confier ce suivi de prévention aux sages-femmes ferait courir un risque pour la santé publique.

Le risque en santé publique, c’est cette arrogance médicale qui nous ravale au rang de simples matrones…
Et cette défiance qui pourrait nous pousser à dépasser nos limites de compétences par crainte de l’accueil qui nous sera donné lors d’une demande de relais.

Nous avons tous à gagner à travailler ensemble.
Mais y a des jours où c'est vraiment pas facile...

3 septembre 2009

Agenda

Il commence par expliquer qu’il est un homme très important et donc très occupé. Son planning est plus que chargé et il a libéré une journée afin d'être présent à l’accouchement.
C'est donc son agenda qui impose le déclenchement et détermine sa date.

Dès l’accueil, la sage-femme perçoit les réticences de la future mère. Mais de quel droit s’immiscer dans un choix qui appartient au couple ? Il n’y a pas de contre-indications médicales et le terme est suffisamment proche. Refuser l’intervention serait une prise de pouvoir toute aussi inacceptable que celle que cet homme exerce sur sa compagne. Que dire sans abuser de la position de soignant ?

Elle sonde doucement le terrain, tend quelques perches et profite de ses explications sur les modalités du déclenchement pour demander à la mère si elle s'y sent prête.
Sa réponse évasive vient enfin interpeler son compagnon : «Tu veux qu’on attende un peu ma chérie» ?
Soulagée, elle acquiesce avec enthousiasme.

La sage-femme se sermonne intérieurement pour son jugement aussi hâtif que négatif.
Mais il ajoute : «pas de problème, on va se donner un petit quart d’heure»

13 juillet 2010

Factuelle versus factice

A heure de l’EBM (Evidence Based Medecine = médecine basée sur des faits prouvés), nous sommes appelés à démontrer par des recherches la validité de nos théories.
Affirmer la sécurité de l’accouchement à domicile procède des mêmes règles. Une étude, publiée dans le Lancet en septembre 2009 a comparé plusieurs types d'accouchement : à domicile avec une sage-femme /en maternité avec une sage-femme /en maternité avec un médecin. Toujours en 2009, plus modestement, un mémoire de sage-femme a analysé les données provenant de 194 accouchements, pour moitié à domicile - données ANSFL 2006 -  pour moitié en structure. Ces travaux portaient évidemment sur des situations sans facteurs de risque particuliers. Ils ont démontré, entre autres bons résultats, l'équivalence en terme de santé fœtale entre suivi à la maison et en maternité.

Pourtant, le 1er juillet dernier, une publication  de « l’American Journal of Obstetrics and Gynecology » annonce une mortalité néonatale multipliée par trois lors des accouchements à la maison. Cela fait bien évidemment les choux gras de certains obstétriciens, trop heureux de pouvoir dénoncer la pratique des sages-femmes à domicile.

Mon anglais défaillant et mon incompétence en recherche me mettent en mauvaise posture pour critiquer cette meta-analyse (analyse de données provenant de plusieurs études). Heureusement d’autres, nettement plus qualifiés, associations professionnelles et Ciane sont en train de s’y atteler.

Au vu de leurs premiers commentaires, cette recherche manque pour le moins de rigueur. En effet, les études retenues ne devraient concerner que les accouchements répondant aux critères habituels du domicile (dit à bas risque) et distinguer les accouchements accompagnés par des professionnels de ceux non assistés. Par ailleurs, certaines études ont été incluses et d’autres rejetées sans que ces choix soient argumentés. Enfin, sont mêlées données récentes et datant de 30 ans (quasi la préhistoire de l’obstétrique)...

Ces premières remarques n’excluent en rien de découvrir d’autres failles lors d’analyses plus attentives mais elles permettent déjà de prendre quelques distances avec les résultats annoncés.
Les obstétriciens français s’en sont pourtant emparés gaillardement ! Dans un article paru le 4 juillet dans le Figaro, le Dr Marty, secrétaire général du Syndicat National des Gynécologues Obstétriciens de France commente "Cet excès de mortalité néonatale corrobore tout à fait l'impression des obstétriciens (...) d'être confrontés à des cas dramatiques qui pourraient être évités".
Je ne peux imaginer que le SYNGOF se base sur de simples impressions... c’est pas de l’EBM ça! J’en déduis donc qu’eux aussi disposent de chiffres : où sont-ils ?
L’ANSFL souhaite faire réaliser une étude d’envergure sur l’accouchement à domicile en France. Le préalable en est la réelle volonté de collaboration de l’ensemble des acteurs… Curieusement, personne ne semble pressé de répondre à cette proposition.

Il y a une dizaine d’année, une autre meta-analyse, celle de Hannah concernant l’accouchement par le siège, avait mis en émoi l’obstétrique française. Le quotidien du médecin écrivait à l’époque : "La césarienne divise par 3 à 4 les décès et pathologies graves du nouveau-né, sans intervenir sur le pronostic maternel". Cette étude, très controversée dès sa publication, comparait des pratiques disparates et omettait les critères de sélection de la voie basse. A peu de choses près, ce sont les mêmes biais que dans le travail de Wax. Les équipes françaises s'étaient immédiatement mobilisées pour réaliser leurs propres recherches, aboutissant à des conclusions inverses.

J’aimerais voir aujourd'hui la même exigence de qualité ! Mais tout est bon pour mettre à mal l'accouchement à la maison et de façon plus large la pratique indépendante des sages-femmes.
Le combat semble au final bien plus politique que scientifique.

1 août 2011

Patiente

 

C’est une habituée de la maternité. Elle y a mis au monde ses deux premiers enfants, avec la même sage-femme.
Cet heureux hasard semble vouloir se renouveler. Arrivée dans l'après-midi en tout début de travail - elle habite maintenant assez loin mais rien n’aurait pu la décourager de revenir accoucher là -  elle est à nouveau accueillie par Françoise.
Cette coïncidence semble la désigner comme la sage-femme de la famille, celle présidant quasi rituellement à l’élargissement du foyer.

Moi, je ne suis que la petite nouvelle, récemment arrivée dans cette équipe ancienne et soudée pour renforcer l’effectif… Mon diplôme tout neuf m’oblige à faire mes preuves et je double Françoise sur sa garde pour me familiariser un peu plus avec les habitudes du service.
Double invisible pour cette jeune femme, toute à sa joie de retrouver encore une fois « sa » sage-femme.…

Mais Françoise termine bientôt sa garde et le bébé, nous le savons, ne sera pas encore né. Nous annonçons à la mère que je serai seule sage-femme dans le service cette nuit. Françoise précise qu’elle reprend son poste à 7h30 le lendemain et lui promet de venir saluer le nouveau-né dès son arrivée.

Je suis maintenant la sage-femme de garde, un peu moins invisible mais toujours pas investie. La dilatation évolue doucement, tout doucement, très doucement… Les heures passent et les contractions s'espacent. Elle les tolère extrêmement bien, parvient à somnoler, voire à dormir, ne me demande que peu de présence et pas vraiment de soutien.

De temps à autre, j’entrouvre doucement la porte. Elle est allongée en chien de fusil sur le lit le plus éloigné, coté fenêtre ; son homme squatte le second lit de la chambre double où je les ai installés. A la lueur de la lampe de chevet, j’observe son visage. Si elle ouvre les yeux, j’entre pour prendre de ses nouvelles. Nous chuchotons dans la pénombre. J’écoute le cœur de son bébé qui galope tranquillement… Parfois, je l’examine pour évaluer l’avancée du travail.  Sa dilatation est d’une lenteur majestueuse, un centimètre gagné toutes les deux à trois heures…

J’évoque ici un autre temps, où l’on pouvait sans problème s’autoriser à laisser un travail avancer lentement si mère et enfant le toléraient bien…

Vers six heures du matin, elle est à huit centimètre et, pensant la naissance prochaine, je leur propose de s’installer en salle d’accouchement.

Le temps s’écoule encore sans que rien ne se passe sinon quelques contractions qu’elle accompagne d’un souffle toujours aussi paisible. Juste avant la relève, je fais un dernier point. Elle est à huit centimètre … et demi !

Peu après Françoise vient prendre son service. A peine arrivée, elle me demande comment s’est passé la naissance. Ses yeux s’écarquillent quand j’annonce que le bébé n’est toujours pas né. J’ajoute que je pense maintenant indispensable de booster cet utérus, à coup sur trop paresseux, avec de l’ocytocine.

Avant toute perfusion, Françoise souhaite revoir la maman. Elle entre dans la salle à sept heure trente.
L’enfant naît, sans aucune intervention, à peine dix minutes plus tard. L'arrivée de Françoise a "curieusement" coïncidé avec l'apparition de l'envie de pousser.

Toute la nuit, elle n’avait fait qu’attendre tranquillement, patiemment, que SA sage-femme revienne.

 

19 août 2009

L’écran

Elle est enceinte de cinq mois et s’impatiente : « j’ai hâte d’être à la prochaine écho pour retrouver notre bébé ». Ainsi, l’enfant qu’elle porte dans son ventre et dont elle ressent les mouvements lui apparait-il plus présent sur l’écran.

J'entendais un échographiste dénoncer  l’emprise de la technique sur l’imaginaire parental en illustrant ainsi son propos : « ils repartent avec regret en jetant un dernier coup d’œil sur l’écran, comme s’ils laissaient leur bébé là, avec nous »

Dans l’album de famille, le premier cliché n’est plus celui du jour de la naissance mais la première image échographique. Et lorsqu’il s’agit d’une image 3D, le visage figé évoque, malgré l'impression sépia qui tente de faire illusion, la pierre sculptée plutôt qu’une vie à naitre .

Comment ce dialogue subtil entre une femme et son enfant à venir, les petites « bulles d’air », les premiers frôlements perceptibles, les premiers coups sous la main du père peuvent ils faire le poids face à l’image ?

Contrepartie des progrès techniques, les parents s’éloignent de ce qui n’appartient qu’à eux, leur propre ressenti. Cet enfant à rêver s’invite dans le concret. 
Les avancées médicales se payent cash.

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