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Dix lunes
24 décembre 2012

Tout simplement

 

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Elle arrive à pas lents. Deux hommes l'accompagnent et la soutiennent quand elle s'immobilise le temps d'une contraction. Je lui ouvre la porte de la salle de naissance ; ils entrent tous les trois. 

Chaque femme vient avec qui elle veut et le nombre d'accompagnant n'est pas limité. Mais quand d'autres personnes que le père sont présentes, il s'agit généralement d'une ou plusieurs femmes, amie, sœur, mère. Un zest déconcertée, je m'affaire à des gestes anodins, tension, monitoring. J'annonce ensuite avec un peu d'emphase que je vais réaliser un toucher vaginal... Aucun des deux hommes ne fait mine de s'éclipser.

Je cherche son regard, attendant une indication, une demande implicite ; mais elle est déjà en train de se dévêtir. L'examen confirme qu'elle est en travail. Je vais l'accompagner jusqu'à la naissance.

Le trio fonctionne harmonieusement. Les deux hommes sont tout aussi présents, tout aussi attentifs à ses besoins. L'un lui masse le dos quand l'autre caresse ses cheveux, l'un rajoute de l'eau chaude quand l'autre fait clapoter l'eau du bain sur son ventre. 

Lorsqu'elle accouche, ils se placent de part et d'autre du lit. Ils l'encouragent lors des poussées et s'émerveillent ensemble. L'enfant posé sur le ventre maternel est accueilli par les caresses de trois paires de mains.

Je sors de la pièce pour les laisser découvrir tranquillement le nouveau-né. Dans mes quelques minutes de solitude, je me tracasse de la suite. Je dois proposer au père de donner le bain... mais qui est le père ? Jamais il n'a été désigné.

Un peu plus tard, c'est à la cantonade que j'interroge "Et maintenant, qui va donner le bain ? " sans oser regarder personne... 

C'est elle qui me tire d'affaire. "Ils vont le donner tous les deux, dit-elle, puis elle les présente, désignant successivement l'un, mon mari, puis l'autre, le père du bébé".

 

©Photo  Janicskovsky

 

PS : A demain...

 

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9 septembre 2012

Entravées

 

 

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Il y a quelques semaines (mois ?) passait une série documentaire intitulée «Médecins de demain». Parmi les internes filmés, l’une d’elle débutait son semestre en obstétrique.

La caméra la suit partout dans le service et se retrouve très logiquement en salle d’accouchement. Une sage-femme y installe une femme, évidemment allongée, évidemment en position gynécologique, évidemment avec les jambières (sorte de gouttières dans lesquelles se posent les mollets). Jusque-là – et avec un certain mauvais esprit - on peut considérer cela comme très "normal" … Si vous en êtes étonnés, je vous renvoie à cette enquête du Ciane « Respect des souhaits et vécu de l’accouchement » qui montre combien la marge de progression est grande.

Mais un petit geste supplémentaire apparaît plus choquant encore ; une fois les jambes posées dans les gouttières, la sage-femme les bloquent en les entourant d’une bande de velcro… pas serrée la bande hein.. mais suffisante pour empêcher la mère de se retirer des jambières. 

Ca m'a rappelé mes débuts.
Dans le CHU qui hébergeait mes études, l’installation des femmes était réglée au millimètre. Les jambières existaient déjà, assortie d'une sangle en cuir épais terminée par une boucle de métal, sorte de "ceinture à mollets" venant immobiliser les jambes. Deux bracelets de la même matière enserraient les poignets, bras le long du corps. Ils laissaient juste à la femme la mobilité nécessaire pour pouvoir attraper et tirer sur deux axes de métal, respiration bloquée pendant que la sage-femme l'encourageait en s’époumonant (allez- y-allez-y-encore-encore-encore).

Les quatre membres étaient donc attachés. Barbare n’est-ce pas ?

Mais lorsque le chef de service nous honorait de sa présence, cette installation devait se compléter d'épaulettes. Ces  plaques de cuir rigide venaient, de chaque côté du lit, bloquer le haut du dos. Ainsi, aucun mouvement de recul n'était possible.  

Fesses au bord du vide, membres liés, épaules fixées, cuisses écartées, la femme était livrée à la toute puissance obstétricale.

Et si cette toute puissance s'exerçait dans le souci de préserver la santé physique de la mère et de l'enfant, personne ne se souciait du vécu de la femme ainsi soumise.

 

 

©Photo

5 décembre 2012

Résolution

 

7951256460_98a47b64ff_bElle raconte une longue poussée, une heure lui semblant interminable, à la fin d’un long travail, à la fin d'une longue nuit. 

Elle insiste sur l’inutilité de ses efforts, sur son impossibilité à faire mieux… Mais précise qu'elle n'en garde pas un mauvais souvenir. Et quand j'insite un peu, souhaitant lui laisser l'espace du regret ou de la plainte, elle affirme vigoureusement que non, que c’est surtout pour l’équipe qui l'accompagnait que c’était long - "Ils baillaient" - mais elle, finalement non, vraiment, ça allait.

Nous poursuivons la consultation centrée sur la nécessité d'une rééducation périnéale. Je pose de nombreuses questions afin de dépister les possibles dysfonctionnements, ses éventuelles "mauvaises" habitudes.

J'en arrive à "Est ce que vous poussez pour uriner ? "
Sa réplique m'enchante.
Oeil malicieux et sourire taquin "Ah non ! Depuis mon accouchement, j’ai décidé de ne plus jamais pousser !"

 

©Photo

9 décembre 2012

Chorégraphie

 

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Fin de la séance de préparation. Assis sur les tapis au sol, chacun commence à remettre ses chaussures. Selon la conception des modèles, le geste est plus ou moins aisé pour ces femmes en fin de grossesse.

Lui est déjà debout, prêt à partir. Manteau boutonné, écharpe nouée autour du cou, il attend que sa compagne ait terminé, peut-être un peu impatient d'aller fumer sa cigarette. C'est ce dont semble témoigner sa main gauche qui fébrilement fait pivoter un briquet jetable.

Gênée par son ventre plus que rond, elle peine à lacer ses souliers et sollicite son assistance.

Il répond à voix trop haute "Tu veux que je t'aide ? Ben lève la jambe ma chérie… "  sans amorcer le moindre geste.

L'éclat de rire est général.
Confus, il s'agenouille à ses pieds pour se saisir délicatement des lacets.

 

©Photo

10 décembre 2012

Clairvoyance

 

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A l’examen du neuvième mois, son médecin lui prédit un accouchement facile et rapide.

Elle le raconte avec un immense sourire lors de la dernière séance de préparation, visiblement rassurée par ce pronostic venant contredire ses expériences passées.

Je souligne prudemment la différence entre un constat clinique favorable lors d'une consultation et la prédiction. Personne n’est en mesure d'annoncer avec précision le déroulement d'une naissance. 

Le jour J, l’accouchement traîne en longueur, suffisamment pour que la sage-femme appelle le médecin de garde."Heureuse" coïncidence, le médecin est celui rencontré à la dernière consultation. Très gentiment, il s'excuse d'avoir pronostiqué à tort un travail rapide.

Elle, fatiguée, forcément déçue de retrouver la lente progression coutumière à ses accouchements précédents, fâchée d’avoir été trop rassurée, vexée de lui avoir fait confiance, lui lance :
"Lola, elle l’avait bien dit que vous vous trompiez tout le temps ! "

Ce n’était pas tout à fait ce que j’avais dit...
Mais mes oreilles ont sifflé fort ensuite !

 

©Photo april-mo

 

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3 septembre 2012

Co-ordonnés !

 

2531170178_fd427ef48e_oJe me suis fait une ordonnance.

L'occasion ne s'en était jamais présentée. Pendant mes grossesses, les médications traitant l'épineux problème de la constipation occupaient la presque totalité de notre liste de produits autorisés. Cette liste s'est ensuite bien allongée... mais je n'étais plus enceinte. Et le temps que nous obtenions le droit de prescription des contraceptifs, d'abord en post natal puis à toutes les femmes, la question ne se posait plus vraiment pour moi ; encore raté !

Mais "grâce" à une infection urinaire, le sortilège a été brisé. Après avoir sans succès tenté de feinter les bactéries, j’ai cédé et rédigé une ordonnance à mon nom, signée de mon nom. N'étant pas enceinte, j'étais à la limite de mes droits de prescription ; le pharmacien a fait gentiment semblant de ne pas le remarquer.

Tout ça pour dire que vite fait, bien fait, une fois décidée, j’avais mon antibiothérapie-monodose-goût-orange dans l’heure.

Insignifiante tranche de vie...
...qui n’est là que pour souligner cette évidence : sans mon diplôme de sage-femme, j’aurais dû patienter un peu plus, le temps de consulter mon médecin traitant.

Rien de plus normal si ce n’est que dans certains coins de France, le "un peu plus" peut s'allonger considérablement. Débordé ou éloigné, le médecin généraliste devient parfois denrée rare voire quasi mythique. Les solutions envisagées pour pallier l'éloignement sont de contraindre les jeunes médecins à s’installer en campagne. Dans le bourg, on a fermé l’école, la poste, l’épicerie et la boulangerie mais les jeunes médecins, eux, devraient aller prendre racine. Comme on peut s'en douter, leur enthousiasme est modéré… Quant au surmenage, rien n'est proposé pour y remédier.

Pourtant des solutions se profilent, pas celles des énarques, celles pensées par des médecins, généralistes pour la plupart, réunis par la magie du net mais surtout par une pensée commune ; des gens de terrains, des qui aiment leur métier, leurs patients, qui défendent l’accès aux soins pour tous et souhaitent favoriser l'exercice de la médecine dite de ville (pour la différencier de la médecine hospitalière) en trouvant des réponses respectant les besoins des malades et des professionnels.

Loin de toute utopie, ils proposent des solutions concrètes et budgétées. 

Elles sont à lire et soutenir ici !

Et vous les retrouverez sur les blogs des 24 médecins généralistes signataires :

AnthologiaLe Blog de BoréeLe Bruit des sabotsEn attendant H5N1Stétho, marmots, dodo et autres petits bobosCuisine, médecine et toute cette sorte de chosesBulle de vie, Bulle de survieJournal de bord d'une jeune généraliste de Seine-Saint-DenisLe Blog du docteur V.AtouteDocteur Couine - femme médecinLe Blog d'un interne en médecine généraleLe Fils du Dr SachsBehind the MaskLe Blog de dzb17H TEXNH MAKPHFarfadocPromenade de SantéSous la BlouseLes carnets d'un médecin de montagneGranadilleJuste Après Dresseuse D'OursSommatinoroots1 Bouffée matin et soir

©Photo

13 décembre 2012

Garde à vous

 

5249624713_5f4aed5030_bElle raconte la naissance de son ainé. Sa première surprise a été de bien tolérer les contractions. Elle imaginait la tempête, ce n'est qu'une brise marine. Elle passe un long moment chez elle, certaine que son enfant est en route mais convaincue de n'être qu'aux prémices de l'accouchement. Puis le vent se renforce et les incite à partir pour la maternité.

La seconde surprise est d'apprendre qu'il n'est plus temps de poser une péridurale. La dilatation est complète, l'enfant déjà bien engagé. Elle n'a pas du tout anticipé cette situation et se sent très démunie.

Clinique privée oblige, son obstétricien est appelé. Entre temps, la sage-femme présente cherche à la rassurer. Tout se passe bien. Elle va mettre au monde sans tarder ce bébé qui ne demande qu'à naître, déjà presque posé sur le périnée. D'ailleurs, si elle le veut bien, en prenant juste un peu d'air, en soufflant doucement, il va avancer tranquillement...

Peine perdue. Sa panique va croissant ; cette douceur ne lui convient pas, ne la contient pas.

Puis le médecin arrive et elle décrit combien son autorité l'a rassurée. "Quand j’accouche, faut me donner des ordres simples. La sage-femme me parlait gentiment. Le gynéco a été plus efficace : INSPIREZ, BLOQUEZ POUSSEZ ! "

 

©Photo VSELLIS

14 décembre 2012

Agenda

 

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Elle a délaissé tout suivi gynécologique depuis la pose de son stérilet il y a quatre ans et s'en préoccupe à nouveau. Motivée par l'expérience d'une amie venant de subir une conisation, faire un frottis lui apparaît soudain comme une quasi urgence.

Je cherche à lui trouver une plage horaire correspondant à ses disponibilités. Plutôt le jeudi ou le vendredi parce qu'elle ne travaille pas, plutôt assez vite car elle est inquiète, plutôt le matin car son enfant est à l'école, mais pas trop tôt car il faut l'y déposer...

Je propose une première date qui ne lui convient pas. Une autre qui tombe pendant ses règles. Une autre encore. Elle hésite, je l’entends feuilleter les pages de ce que j’imagine être son agenda. Elle marmonne pour elle même "Ce jour-là, j’ai déjà dentiste", hésite encore et dans un gros soupir, confirme "D'accord pour ce vendredi là, ce sera la journée des rendez-vous chia..."

Gentiment elle tente de se rattraper. Sa phrase se termine dans un chuintement indéterminé.

 

©Photo ale © colour

 

 

18 août 2012

Ce fessier que nous ne saurions voir

 

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Elle est en début de travail, virevolte, plaisante, sourit... Ses pas légers l'amènent à à la baignoire. Elle en ressort bien plus tard, se drape dans un paréo. Les contractions montent en puissance. Son souffle se force, ses mots se raréfient. Encore un peu de temps. Elle est agenouillée, appuyée sur le ballon, face au mur. Le paréo la gêne. Elle le dénoue, l'arrache presque, le lance un peu plus loin et se retourne vers nous, l'oeil malicieux, "d'habitude, je n'aime pas montrer mes fesses".

Ce seront ses derniers mots avant la naissance. A la vague suivante, elle est seule au monde, souffle long, regard dans le vague. Nous prenons garde de ne pas la déranger. Le besoin de pousser s'impose à elle. Toujours pas de mot, elle sait, son corps sait. L'enfant apparaît rapidement sur le périnée. Un bref rappel presque murmuré pour lui demander de souffler plus doucement. Elle redresse son bassin, maintenant plus à quatre pattes qu'à genoux. Un dernier son rauque au passage des épaules. Sa main vient chercher l'enfant qui glisse hors d'elle. Je l'accompagne entre les cuisses maternelles.
Puis elle s'allonge et une grande serviette chaude vient la couvrir, protégeant la chaleur de leur peau à peau.

 

Depuis la fin de mes années d'études, je n'ai pas connu de maternité imposant une tenue aux parturientes. Les femmes choisissent de se couvrir... ou pas. Cela dépend souvent de l'évolution du travail. Plus il est avancé, plus le vêtement devient détail futile. La femme qui accouche est seule à son monde. 

Si cette nudité choisie ne dérange personne, la nudité imposée est une atteinte à la dignité. La chemise ouverte dans le dos reste pourtant un gimmick de l'hospitalisation. Une pétition dénonçant cette petite maltraitance ordinaire circule sur le net. Lancée il y a quelques jours, elle est largement relayée par les médias - un sujet de société à glisser entre les massacres syriens, la canicule et le marronnier des week-ends embouteillés - a retenu l'attention de Marisol Touraine. Succès immédiat, elle a déjà dépassé les 11000 signatures. 

C'est à votre tour !

 

PS : je suis la retardataire de service. Cette pétition lancée par Farfadoc a déjà été relayée par de nombreux blogs. Ne manquez pas les dessins du Dr Couine  qui a listé les billets parus sur ce thème.

 

©Photo

 

 

20 décembre 2012

Pied marital...

 

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La maternité de mes débuts était de taille humaine. De la taille qui n’existe plus. Une à deux naissances avaient lieu chaque jour. Cette cadence assez tranquille nous permettait de travailler selon un rythme maintenant disparu. Chaque fin de semaine, la garde durait du samedi matin au lundi matin. Cela préservait un peu la vie sociale ; sans cette organisation, la petite équipe que nous étions aurait été sur le pont tous les week-end.

L’ambiance familiale permettait certaines libertés. Les conjoints - l’équipe était exclusivement féminine en dehors de l’obstétricien - les conjoints donc étaient conviés à partager le repas du dimanche midi afin de rompre la longue absence. Tous ne le faisaient pas mais certains sacrifiaient au rite.

C’est à cette occasion que j'ai assisté à ce dialogue d’anthologie :
Toisant son homme juste arrivé dans la tisanerie où nous prenions nos repas, ma collègue - qui ne l'avait pas vu depuis plus de 24 heures - l’interpelle  : « Mais tu n’as pas changé de chaussettes ! »
Ce degré d’intimité conjugale me laissait déjà sans voix.
Mais la réplique m’a achevée.
« Ben tu me les avais pas préparées ! »

 

….

 

©Photo nualabugeye

 

21 décembre 2012

Kamasutra

 

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La biberonnerie résonne de rires joyeux. Nous sommes de corvée de stérilisation. Les goupillons s’agitent dans l’eau savonneuse, les marmites se remplissent, l’eau commence à bouillir… C’est une des premières activités du matin, juste après avoir fait le tour des chambres pour servir le petit déjeuner.

La sonnerie du téléphone me fait lâcher un instant le goupillon. A l’autre bout du fil, une petite voix fluette. Elle a eu ses règles ce matin alors qu’elle a arrêté la pilule le mois dernier. Elle s’inquiète déjà de ne pas être enceinte et je m’emploie à la rassurer.

Derrière moi, les copines manient les marmites. Ca cause et ça rigole.

Mais la petite voix n’est pas vraiment apaisée. Il y a autre chose qui la tracasse. « Après avoir fait l'amour, ça coule » et je sens combien elle craint de laisser s’évader les précieux spermatozoïdes.

J’affirme l’inutilité de mettre les pieds au mur après l’amour.

Ma réponse alerte les collègues… J'entends derrière moi les rires qu'elles tentent d'étouffer. Ma seule protection est de ne pas me retourner. 

Elle m’interroge encore sur les positions les plus à même de favoriser la fécondation.
Ce qui m’entraine dans des questions et des descriptions pour le moins surprenantes quand énoncées entre deux lavages de biberons à 8h du matin.

Mes collègues auront la délicatesse de se contenir jusqu’à ce j’ai raccroché.

 

©Photo Nir Sanay

25 décembre 2012

Treize à la douzaine

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La fac qui accueille cette journée d'information sur les professions médicales a fermé ses portes pour le temps du repas. Nous somme priés d’abandonner nos stands pendant deux heures.

C’est ainsi que je me retrouve à errer au hasard des rues piétonnes… Une vitrine attire l’œil. Joyeuse, colorée, chamarrée, elle expose des ustensiles de cuisine et des éléments de décoration pour la maison.

L'apercevant de l’autre coté de la rue, un petit bonhomme traverse en courant pour venir écraser son nez sur la vitre.

Je le pense déçu de ne pas trouver les jouets qu’il devait imaginer de loin.

Mais il reste en contemplation et quand son père prend sa main pour poursuivre la promenade, il résiste
-"Papa, attend papa ! On pourrait entrer !
- Il n’y a rien d’intéressant pour toi dans ce magasin.
Mais le petit garçon insiste : Mais si, papa, mais si, on pourrait acheter des …des…. des fourchettes ! "

Et ça a l'air de lui faire vraiment plaisir !

 

©Photo

 

Le calendrier de l'Avent, c'est 24 cases, mais comme je ne sais pas compter, j'avais un 25ème billet. Suis heureuse d'avoir tenu mon pari en postant chaque jour (en y engloutissant l'ensemble de mes anecdotes joyeuses. Faudrait pas m'en vouloir si je n'écrivais que du sombre en 2013 !)

Comme j'ai pu vérifier qu'annoncer m'engage, voici la suite du programme :
Le prochain défi est prévu tout début janvier - le 1er si tout va bien - Un jeu d'écriture avec d'autres blogueurs sages-femmes.
Suivra ensuite un petit billet "promo" sur notre métier que j'espère vous voir largement relayer.

Merci à tous pour vos encouragements. Joyeux Noël !

 

25 novembre 2012

Fuir

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Fin de visite à domicile. En sortant de l'immeuble, le soleil est radieux et les oiseaux chantent. C'est un quartier résidentiel, quasi désert en milieu de journée. 

Plus loin dans la rue, des éclats de voix ; en contrebas, un couple gesticule. L'espace d'un instant, j'imagine une bruyante complicité amoureuse. Puis un cri, déchirant ; la femme s'enfuit en courant, poursuivie par son "compagnon".  

Le temps de manoeuvrer pour quitter un parking étroit, je la vois s'engouffrer dans une rue adjacente et la perds de vue. Je croise un homme seul, vociférant, poings serrés. Un peu plus loin, sous un abris de bus, une bande de jeunes juste sortis du lycée voisin. Loin du brouhaha désordonné habituel, ils encerclent une jeune femme en pleurs. J'apprendrai plus tard qu'ils se sont interposés et ont mis l'homme en fuite.

Je m'arrête, propose mon aide... Terrorisée à l'idée de se retrouver seule, elle bondit dans la voiture,  et s'effondre sur le siège passager. Je farfouille à la recherche d'un sachet de mouchoirs et démarre pour l'éloigner de son agresseur. Nous roulons au hasard en attendant qu'elle puisse me dire où l'emmener.

Entre ses sanglots, elle commence à raconter. Il a crié puis frappé ce matin et, parce qu'elle tentait de fuir les coups, l'a poursuivie hors de l'appartement... Ce n'est pas la première fois. 

Elle retrace le cercle habituellement décrit de la violence conjugale, tension/agression/déni/rémission. Il est si malheureux après, si gentil. Comme souvent, elle s'accuse ; c'est de sa faute à elle, parce qu'elle ne trouve pas de travail et qu'ils n'ont pas d'argent. Alors ça l'a énervé ce matin qu'il n'y ait plus de café...

Elle ne sait pas où aller, ne connaît personne. Amoureuse, elle a tout quitté,  famille, amis, études, pour le suivre.

Si j'aborde systématiquement le sujet en consultation  - Avez vous subi des violences dans votre vie ?- dans l'ambiance feutrée du cabinet, la brève hésitation, le léger mouvement de tête ou même le oui franc n'ont pas cette terrible présence. Ici, sa joue tuméfiée et les sillages du rimmel sont d'une toute autre réalité. Je rassemble mes esprits pour tenter quelques paroles sensées, rappeler que personne n'a le droit de l'insulter, de la frapper, que c'est interdit par la loi...

Que puis-je faire pour elle ?  Je lui propose d'aller porter plainte. Elle refuse. J'évoque une main courante, pour au moins laisser une trace de ce qui vient de se passer et parviens à la convaincre.

Dès qu'il comprend l'objet de la plainte, le gendarme qui la reçoit appelle à ses cotés une collègue feminine. Ils sont attentifs, patients, font preuve de beaucoup d'humanité, de douceur dans leurs questions.

Je témoigne rapidement et m'apprête à m'en aller. D'autres visites m'attendent. Elle a expliqué qu'elle n'avait pas d'argent pour rejoindre sa famille. Je lui laisse les quelques euros que j'ai sur moi.
Quelques euros pour me dédouaner de ne pas faire plus, de me sauver sous prétexte de travail.

Je retrouve le soleil et le chant des oiseaux, à la fois soulagée et honteuse de l'être. 

 

 

Fédération Nationale Solidarité Femmes

 

 

©Photo

 

3 février 2013

Dangereux surbooking

 

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Un décès vient entacher la réputation de la maternité de Port Royal. Un déclenchement semblant différé faute de place dans le service qui se solde par la mort in utero de l’enfant. 

Je ne me risquerai pas à commenter des faits à travers la lecture qu'en donnent les médias. Je remarque simplement que pour les apparentes mêmes raisons - service débordé - il y avait eu l'an dernier un autre incident.

Si comme on me le soulignait très justement, la mise en cause à quelques mois d’intervalle de Port Royal n’est au final qu’un effet d’optique, le surmenage des équipes, apparaissant à l’origine des deux accidents médiatisés, est hélas commun à la plupart des "grosses" maternités.

Le problème est que le nouveau Port Royal nous est vendu comme un must permettant de conjuguer qualité des soins, humanité et confort. C’est ce que l’on pouvait lire il y a un an (8 février 2012) sur le blog célébrant l’ouverture. "Maternité de type III assurant une sécurité médicale maximale, pour toutes les grossesses (...) au sein d’une maternité repensée, plus confortable, plus accueillante"...

Ainsi, le must en matière d'organisation des soins omet une composante indispensable, la disponibilité de ceux qui sont censés les prodiguer.

L'obstétrique est une discipline médicale particulière ; le plus souvent, la médecine n'a pas réellement à intervenir. L'accouchement reste un acte physiologique et tout se passe généralement bien même avec une équipe peu disponible. Ce "bien" n'est pourtant qu'un minimum :  la mère et l'enfant quitteront la maternité en bonne santé.  La politique sanitaire actuelle se fiche du vécu des parents, de la déshumanisation de la naissance, du manque d'accompagnement... les personnels sont en effectif suffisant pour faire tourner un établissement, inutile de financer de nouveaux postes.

Mais les décrets de périnatalité qui régissent certains de ces postes omettent  qu'un service peut être quasi vide à un moment pour se remplir soudainement ensuite, que les situations pathologiques ne se distillent pas régulièrement au fil des heures mais peuvent se concentrer brutalement.

Alors oui, la plupart du temps, même sans cette attention que nous nous devons de porter à chacune des femmes présentes, l'accouchement se termine "bien". Mais de temps à autre, le manque de disponibilité conduit à méconnaître des pathologies débutantes et à devoir- dans le meilleur des cas - rattraper sur le fil des situations en train de basculer.

Comme ce rapport de l'Igas le rappelle "... Les indicateurs prénataux se situent à un niveau moyen, comparé aux performances des autres pays développés. La diminution de la mortalité périnatale est moins rapide que dans les autres pays européens. La France est également régulièrement citée pour ses mauvais résultats en matière de mortalité maternelle, même si les dernières données disponibles montrent une amélioration dans ce domaine".

Le regroupement des maternités n’est concevable que si les équipes s’étoffent en proportion. Or, sous le fallacieux prétexte des économies d'échelle, les regroupements se soldent systématiquement par une perte de postes et de lits. Le pire est que ce n'est pas forcément source d'économies. On pouvait lire en juillet dernier dans Libération "L’expérience enseigne que les processus de fusion sont en eux-mêmes sources de surcoûts ou de dysfonctionnements". 

 

Alors, on fait quoi ?

On continue à concentrer les naissances, à les industrialiser pour mieux rentabiliser locaux et personnel, à fermer les yeux sur les incidents évitables ?

Ou on réfléchit autrement, en permettant aux femmes qui le souhaitent d'accoucher - en l'absence de contre-indication - en maternité de proximité* ou en maison de naissance**, ce qui aurait  le double bénéfice de répondre aux attentes des parents tout en désengorgeant les services de haute technicité.

On continue à morceler les soins ou l'on restaure une continuité de l'accompagnement, plus sécurisante et plus efficiente, en utilisant une ressource décidément méconnue : les compétences des sages-femmes.

Il y a des sages-femmes au chômage, il y a des sages-femmes disponibles, il y a des sages-femmes motivées pour proposer autre chose que le soin minimal que le manque d'effectifs leur impose.

Cerise sur le gâteau, ces prises en charges sont à la fois sécures et économiques.

Alors, on attend quoi ?!

 

 

* Voir par exemple la fermeture de la maternité de Vire 

**Une nouvelle proposition de loi sur l'expérimentation des MDN, déposée par Mme Muguette Dini, sénatrice (UDI), devrait être examinée le 28 février prochain.

 

©Photo

 

22 décembre 2012

Bouclier

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Dans sa famille, ça ne se fait pas. C'est en résumé l'argumentaire qu'elle m'oppose quand j'évoque pour la première fois avec elle la question de l'allaitement maternel. Du coup, elle ne s'est jamais vraiment posée la question ; elle va faire "comme tout le monde". Et puis, ça ne doit pas être agréable d'avoir le bébé au sein et puis c'est surement douloureux et puis le biberon c'est bien plus pratique...  

Je ne cherche pas à la convaincre, mais tente cependant d'entrouvrir la porte à une autre façon de faire. Je lui présente la possibilité d'une "tétée de bienvenue", soulignant que cela ne l'engage à rien mais que peut-être, elle pourrait découvrir à cette occasion l'envie de poursuivre un allaitement... ou pas. Nous évoquons ce moment de la naissance où son bébé sera posé sur elle, en peau à peau, la compétence des nouveau-nés à aller chercher le mamelon nourricier. 

Les deux autres femmes du groupe ont choisi d'allaiter. Le sujet est donc régulièrement évoqué. Elle semble maintenant tentée par cette première mise au sein.

Quand je la retrouve après la naissance, c'est au biberon qu'elle nourrit son enfant. Je m'autorise à demander "Et la tétée de bienvenue ? Tu as essayé ? "

Elle rétorque avec énergie "Ah ça non ! Il risquait pas d'arriver à téter, j'avais gardé mon soutien-gorge ! "

 

©Photo 

 

11 décembre 2012

Mon poussin !

 

3158417292_268a14c8d7_bIls reviennent de la seconde échographie. Comme souvent, la position foetale n'était pas optimale et le praticien peinait à observer / vérifier /mesurer tout ce qui se doit de l'être lors de cet examen.  

Tant peiné qu'il renonce. Reposant sa sonde avec un sourire un peu contraint, il annonce aux parents que décidément non, il ne parvient pas à voir tout ce qu'il doit voir. Il leur propose d'aller faire un petit tour et de revenir dans une heure. En attendant que ce bébé fasse preuve de bonne volonté, il va prendre les patients suivants.

Ce n'est pas tout à fait ainsi que le couple a prévu de passer son après-midi mais quand il faut... Ils vont docilement marcher dans les rues enguirlandées pour revenir à l'heure dite.

Il y a comme une impression de déjà vu quand elle s'installe dans la petite salle quittée un peu plus tôt. Les mêmes gestes pour enlever son manteau, le poser sur la chaise, relever son pull, baisser son pantalon... la même giclée de gel glacé accompagnée de la même annonce rituelle "C'est un peu froid".

L'échographiste, tout en s'inquiètant de savoir si la promenade a été bonne, s'empare de la sonde, la pose sur le ventre rebondi et s'exclame " Mais il a pas bougé l'animal ! "

C'est à ce moment que le père interrompt son récit détaillé pour remarquer ironiquement... "C’est déjà un peu difficile de m’imaginer papa alors que j'arrive même pas à me représenter le bébé mais franchement, le qualificatif d’animal, ça m'aide pas !".

 

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17 décembre 2012

Comme sur des roulettes

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J'enchaine bus, TGV et couloirs du métro. En route pour tenir un stand dans une rencontre de sages-femmes, je transporte une lourde documentation, trop contente d'inaugurer ma valise à quatre roulettes. Elle m'économise bien des efforts, excepté dans les nombreux escaliers du métro parisien...

La rame arrive et je m'y engouffre. Il reste de la place sur les strapontins. Je m'y effondre sans grâce, ravie de récupérer pendant quelques stations avant d'affronter les prochaines marches.

Assis en face de moi, deux hommes, teint mat, barbe longue, front ceint de grands turbans. Des sikhs me semble-t-il. Leurs visages sont fermés, presque sévères. J'ai lancé un demi sourire resté sans réponse. De toute façon, j'ai accepté la règle parisienne, on ne sourit pas dans le métro pour ne pas passer pour une infâme provinciale, pire une touriste...

Ma valise toute neuve est posée devant moi. Le métro repart avec son habituel petit "coup de rein". Sauf que d'habitude, ma valise à deux roulettes ne bronche pas.

A quatre roulettes, elle s'élance à toute vitesse avant que je puisse réagir.  Mon voisin d'en face a juste le temps de tendre le bras pour l'intercepter avant qu'elle ne traverse tout le wagon.

En repoussant la valise vers moi, ça y est, il rigole franchement ! 

 

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19 décembre 2012

Références...

 

6933072460_70381330b2_bElle est une mère heureuse et aimante mais l'implication physique de la maternité lui a été pesante. Elle garde un souvenir contraint de sa grossesse et de son accouchement ; se sentir ainsi soumise au bon vouloir de son corps  ! 

Le temps a passé. Avec bonheur, elle évoque pèle mêle le retour des bonnes nuits  "Ca change du biberon de deux heures du matin, hein ! ", rebondit sur sa ligne retrouvée "J’ai enfin pu virer mes fringues de femme enceinte" affirme que "C’est sur, je risque pas d’oublier ma pilule " et fait l’apologie de l’enfant unique, tradition familiale qu’elle a bien l’intention de respecter…

En me quittant un peu plus tard, elle lance "Au fait hier, j’ai vu un reportage sur les vêlages, j’ai pensé à toi "... 

 

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5 mai 2013

Fiction ?

 

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Journal de 20 heures, 5 mai 20xx

"La caisse nationale d’assurance maladie et le ministère de la santé viennent de confirmer conjointement ce que la rumeur laissait entendre depuis plusieurs mois : la profession de sage-femme va être supprimée.

Lors de la conférence de presse, ministre de la santé et directeur de l’assurance maladie se sont montrés très convaincus : un soignant en moins, ce sont des économies en plus. De fait, dans beaucoup de lieux, l’une ou l’autre des fonctions des sages-femmes sont déjà assurées par un autre professionnel. Il ne s’agit que de généraliser ces exceptions à l'ensemble du territoire. Ils ont d’ailleurs énuméré les nombreux praticiens concernés, diététicien, échographiste, généraliste, gynécologue, infirmier, kinésithérapeute, obstétricien, pédiatre, psychologue, puériculteur…"

 

Afin d'organiser la disparition des sages-femmes, le "parcours maternité" a été verrouillé. Des protocoles stricts encadrent l'action des professionnels afin de diminuer les coûts tout en assurant une prise en charge statistiquement optimale.

Rationaliser les soins est devenu un mot d'ordre. Un rendez-vous mensuel unique est  prévu avec un gynécologue. Toute consultation supplémentaire se fait aux urgences et reste à la charge de la patiente si elle est déclarée injustifiée. Afin de gérer les lits au mieux, les accouchements sont programmés dans la trente sixième semaine de grossesse. Les femmes ne restent ensuite hospitalisées que 24 heures. 

C’est à tout cela qu’elle pense dans la salle d’attente bondée du gynécologue.

Comme chaque mois, elle est accueillie par une  infirmière. Une différente presque à chaque fois. Tension, bandelette urinaire, questionnaire standard avec des cases à cocher... en moins de cinq minutes, c’est bouclé et l'infirmière part déjà s’occuper d'une autre patiente, dans un des box voisins.

Pieds dans les étriers, elle attend l’arrivée du médecin. Il la salue brièvement, jette un oeil sur le questionnaire (toutes les croix dans la colonne de droite = RAS ), procède à un rapide toucher vaginal, fait gicler du gel sur son abdomen et, s’emparant de la sonde échographique, confirme que la grossesse évolue. Rendez-vous dans un mois… Elle aurait aimé le questionner sur les tiraillements qu’elle ressent dans le bassin, les tensions de son utérus, ses insomnies, les larmes qui arrivent parfois sans prévenir… mais il est déjà reparti, la laissant gluante de gel. Son temps est compté et des grossesses pathologiques l'attendent. L'infirmière revient, lui tend quelques feuilles de papier pour essuyer son ventre, essaye vainement de la rassurer : "Inutile de vous inquiéter, le médecin a dit que tout allait bien".

Elle se rhabille, secrétaire, ordonnances standardisées pour le labo, pour l'écho, chèque, programmation du rendez-vous suivant… 

Elle a consulté deux fois aux urgences, une première fois pour "rien", et son compte bancaire a été délesté d'une somme rondelette, une seconde pour une infection urinaire évoluant depuis plusieurs jours, la facture de sa première visite ayant certainement majoré sa "patience". En consultation, elle n'avait pas osé évoquer les premiers symptômes, habituée à entendre que toutes ses plaintes faisaient partie du cortège normal de la grossesse. Mais la gêne s'est transformée en brûlure, son utérus s'est mis à se contracter douloureusement et le médecin des urgences a du l'hospitaliser quelques jours, en ronchonnant sur ce lit que l'on aurait pu éviter d'occuper si elle avait su s' inquiéter plus tôt.

A la date programmée pour la naissance, elle est convoquée à la maternité. L'infirmière installe le monitoring, la perfusion, le scope, l'oxymètre et le brassard à tension automatique. L’anesthésiste fait une brève incursion pour poser la péridurale, avant qu'elle n'ait ressenti la moindre contraction. C'est plus rassurant et de toute façon, elle aura son bébé dans la journée ; soit le travail avance, soit on lui fera une césarienne. Pas question d'embouteiller le service en reportant la naissance au lendemain.

Tous les appareils sont reliés à des écrans de contrôle visibles dans chaque bureau de consultation. L’obstétricien n’a qu’à jeter un œil de temps en temps. De toute façon, des alarmes électroniques sophistiquées signalent toute anomalie. Un nouvel appareil, le colpomètre permet d’évaluer la dilatation sans que le médecin ait à se déplacer.

Toute cette technologie l’impressionne. Elle a bien suivi la préparation virtuelle mais le logiciel ne pouvait prendre en compte ni ses ressentis ni ses angoisses. Pour faire passer le temps, elle regarde la télévision, surfe un peu. La connexion wifi lui permet de rester en lien avec ses amis. Elle ne sait pas vraiment ce qui va se passer. Elle photographie  les écrans des machines et transmet les photos sur facebook en espérant qu’une de ses copines saura la renseigner.

L'infirmière est revenue. Le col est complètement dilaté et l’obstétricien a donné la consigne de pousser. Elle s'applique mais tous ses efforts lui semblent vains. Il est tellement irréel de penser qu'elle va bientôt accueillir son bébé. Le médecin a quitté sa consultation pour finir l’accouchement et son absence se doit d’être brève. Avec cette nouvelle organisation, le taux de forceps a explosé mais tout  le monde le dit, c'est mieux comme ça, les femmes n'ont plus à se fatiguer à pousser. Pourtant, elle se sent si lasse une fois son tout-petit né.

Deux heures plus tard, elle est dans un lit pour l'hospitalisation réglementaire de 24 heures. On lui a expliqué que l’infirmière s’occupera d'elle  et la puéricultrice de son bébé. Ses mamelons sont douloureux et elle se demande à qui en parler, c'est de ses seins qu'il s'agit mais l’allaitement concerne son petit. Grâce à l'écran multimedia, elle envoie un petit message sur Doctissimal, comme une bouteille à la mer...

Le lendemain, elle rentre chez elle. Elle a encore beaucoup de questions, mais heureusement, de nombreux sites peuvent lui donner toutes les informations nécessaires.

Dans les semaines suivantes, elle revoit souvent la puéricultrice car son bébé pleure beaucoup, l’infirmière car l'épisiotomie lui fait mal, le  généraliste pour une crise hémorroïdaire, puis le gynécologue pour un nouvel examen et une prescription de contraception - elle n'a pas eu le temps de lui dire que  pour le moment, la contraception était le cadet de ses soucis- et enfin le kiné qui assure sa rééducation. 

Tous les soignants rencontrés l’ont rassurée. Sa santé et celle de son enfant sont  PAR-FAI-TES !  Elle a l’impression qu'aucun ne peut comprendre ce qu'elle traverse. 

Elle se sent triste, s'inquiète d'un rien, attend chaque rendez-vous avec impatience, en ressort toujours un peu déçue. Elle a déposé des petits bouts de son histoire, de ses émotions, de ses douleurs, de ses questions auprès de chacun. Mais comment reconstruire le puzzle ?

Elle interroge sa mère "Maman, c'est si compliqué à vivre tout ça. La grossesse, l'accouchement et maintenant je me sens tellement perdue avec mon bébé. Toi, comment tu faisais ?"

Sa mère a souri et a simplement répondu, "Moi ? Mais moi, j’avais une sage-femme"...

 

 

Le 5 mai célèbre la Journée Internationale de la Sage-femme. Partout dans le monde, des femmes deviennent mères, des enfants naissent. Leur santé nous tient à coeur, de même que leur bien-être émotionnel. Partout dans le monde, les conditions entourant cet événement peuvent être difficiles, chacune à leur échelle.
L'International Confederation of Midwives souligne le rôle essentiel des sages-femmes auprès des femmes.
Pour appuyer l'appel de l'ICM, dix blogueuses et blogueurs sages-femmes ont imaginé un monde où leur profession n'existerait pas...

A lire chez :

Bruit de Pinard 
Ella 
Ellis Lynen
Jimmy Taksenhit 
Knackie
Marjeasu 
Miss Cigogne 
NiSorcièreNiFée 
SophieSageFemme 

 

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1 janvier 2013

Prête moi ton blog

 

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Quatre sages-femmes, des univers différents, des expériences multiples, réunies par leur métier et leur envie de l’écrire.
Quatre blogueurs qui ont choisi de débuter l’année en jouant.
La règle : chacun a tracé les grandes lignes d’une situation qu'il avait vécue. Et nous avons ensuite tenté de nous approprier les histoires des autres.
Vous trouverez donc sur chacun de nos blogs quatre versions – évidemment reconstruites à partir de nos propres expériences - de l’histoire que nous avions proposée. 16 récits !
A vous de jouer à en retrouver les auteurs respectifs (réponse dans quelques jours)

Je m’associe à JimmyKnackie et Sophie pour vous souhaiter une excellente année 2013 !

 

 

Version 1

Elle passe la porte de mon cabinet, le regard fuyant. Elle vient pour sa première séance de rééducation périnéale. Elle qui m’avait habituée à plus de verve pendant sa grossesse me surprend. Assez vite, elle m’avoue qu’aujourd’hui est son premier jour de sortie depuis l’accident, le premier qu’elle s’accorde un peu pour elle.

Pierre-François, son fils, a été hospitalisé la semaine dernière, une vilaine bronchiolite. Elle a eu peur, très peur. Et puis… c’était forcément de sa faute, elle n’a pas su protéger son petit. Elle s’en veut.

Je pourrais lui parler du VRS, un méchant microbe qui parfois, la bise venue, vient emporter les petites bronches autrefois saines. Partir dans le scientifique, le cartésien et lui démontrer qu’objectivement, non, ce n’est pas de sa faute.

Mais, je la connais d’avant, elle ne me croirait pas totalement et la culpabilité d’une mère est plus animale qu’une simple équation mathématique. Elle se déshabille alors, nous commençons la rééducation.

Entre herses, grotte et marguerite, nous parlons. Je la félicite. Ses muscles se tétanisent sous mes doigts. Elle veut faire les choses bien. Petit à petit, je la laisse faire de plus en plus seule. Réassurance. Un maître mot. Pour une première séance, elle est douée. Je lui fais remarquer.

Son fils n’est pas là aujourd’hui, son père le garde. D’ailleurs son enfant ne sort plus par crainte de la maladie. Je soupçonne quelque part cette femme de se sentir libérée loin de son enfant. Peut-être se met-elle trop la pression ? Veut-elle être trop parfaite en tant que mère ?

Tant de questions qui ne se règleront pas en une séance de rééducation périnéale. A la fin de la consultation j’insiste alors pour qu’on se revoie prochainement, et peut-être avec Pierre-François cette fois ci. Elle est réticente. J’insiste alors plus fermement. Elle accepte du bout des lèvres.

Elle noircira alors les pages de mon agenda durant de longues semaines avec la notation « rééducation » et en d’autres circonstances on aurait pu se demander ce que je voulais tant à son périnée mais ces moments, intimes, loin de sa vie de mère normale, servaient essentiellement à la discussion.

Un jour, elle n’est plus venue. N’en ressentait-elle plus le besoin ? J’aime à le croire. Peut-être alors n’y suis-je pas complètement innocente.

 

Version 2

Aujourd’hui elle vient sans son bébé à sa séance de rééducation. D’habitude elle vient avec lui. Elle s’assoit, gênée. Elle a l’air fatiguée, d’avantage que la dernière fois qu’on s’est vues, il y a une dizaine de jours d’après mon agenda. Je risque une question sur l’absence du bébé aujourd’hui.

« Il a été hospitalisé en pédiatrie la semaine dernière. Une bronchiolite, j’ai eu si peur! Les aérosols, l’oxygène, la perfusion, les traitement, la surveillance, le personnel qui change et le pédiatre qui a dit que c’était dû au VRS, un virus très fréquent l’hiver. C’est vrai, ça? », me demande-t-elle?
J’ai juste le temps d’acquiescer par un brillant « hmmm » empathique que son monologue qui doit sortir reprend déjà. Elle écrase une larme de temps en temps au coin de son œil.

«C’est dangereux alors, de sortir le bébé avec tous ces microbes qui trainent! Mon petit, tout petit bébé, même si il est né à terme et qu’il a presque quatre mois, je ne le sors plus, plus question. Trop peur de tous ces microbes, que les gens répandent partout. D’ailleurs, plus question non plus de recevoir la tante Paulette ou les copines qui passent à la maison, ils peuvent avoir le virus de la bronchiolite, le VRS, là. D’ailleurs celles avec leurs gosses qui ont la goutte au nez, là, c’est pareil, non? Les gens ne comprennent pas qu’ils peuvent donner la bronchiolite au petit».

Petite pause, elle réfléchit, trop courte pour que je trouve une réponse.

«Il est sorti depuis et il va mieux, et puis normalement les bébés allaités ne sont pas malades, comment ça se fait que ça tombe sur moi, hein? Qu’est-ce que je fais de travers? Pourquoi? Le bébé tellement gêné qu’il ne peut plus respirer, j’ai eu si peur…»

Elle respire, moi aussi. Je lui souris, tente de lui glisser que je la comprends, son inquiétude de nouvelle mère. Qu’elle est une bonne mère qui a fait ce qu’il fallait. Ça me rappelle bien des peurs pour un des miens, même si je n’en dis rien. Que c’est une réaction bien normale face à la maladie de son enfant.

Trop tard. Elle ne m’écoute déjà plus. Elle est déjà repartie dans ses pensées, perdue dans sa culpabilité. J’aimerais lui dire que son inquiétude va passer, mais comment? Il faut qu’on commence la séance, au fait, et je n’ai toujours pas trouvé comment la réconforter.

 

Version 3

Mon joyeux « Comment se sont passées les fêtes ? » tombe plus qu’à plat. Son sourire était timide, ma question libère ses larmes.

Les fêtes, elle les a en partie passées en pédiatrie, aux côtés de son bébé hospitalisé pour une bronchiolite. Voix tremblante, regard voilé, elle détaille les perfusions, le scope, l’oxygène, les écrans, les alarmes. Elle a vu son enfant au plus mal, a imaginé le perdre. Les explications de l’équipe ne la rassuraient pas et leurs apartés la plombaient plus encore.

Quelques jours d’angoisse qui la poursuivent toujours. Son bébé est un rescapé, quasi ressuscité.

Ce qui la ronge maintenant, c’est d’avoir failli à sa mission de mère, n’avoir pas su, n’avoir pas pu protéger son enfant de la maladie.

Que cela soit dit, elle ne faillira pas une seconde fois ! Elle ne sort plus son bébé de la maison, ne s’autorise elle-même à s’absenter que pour l’indispensable, refuse toute visite. Le monde extérieur n’est que danger mortel. Elle construit leur solitude pour mieux isoler son petit de tout miasme. Absurde muraille de chine qui lui pèse cependant moins que sa culpabilité.

Je note que notre rendez-vous était clas sé dans les indispensables. Je doute de l’urgence d’une rééducation périnéale.
Prenons le temps de parler un peu.

 

Version 4

Elle arrive seule, en regardant ses pieds, pour sa visite post-natale. Je sens un malaise et je commence ma consultation comme d’habitude, avec des questions ouverte pour essayer de lui faire lever les yeux. Elle réponds doucement mais avec une voix un peu éteinte.

Elle me raconte une grossesse qui s’est bien passée, un accouchement normal avec quelques remarques sur la péridurale et sur ses premiers jours en suite de couche. Elle dort mal, a quelques problèmes avec sa contraception. Une question sur son bébé la met en larme.

Je lui tends un mouchoir et j’attends. Son garçon est hospitalisé depuis une semaine en pédiatrie et je suis la première personne qu’elle voit en dehors de son mari depuis la consultation aux urgences. Elle ne sort plus, ne voit plus personne ; elle a refusé deux fois que sa soeur vienne la voir en prétextant un emploi du temps chargé et des rendez-vous. Je sens un poids quitter ses épaules et ses pleurs se tarissent.

Selon elle tout est de sa faute, elle n’aurait pas dû prendre le bus avec son bébé ou l’emmener voir sa famille. Elle a des souvenirs difficile de la respiration sifflante de son bébé, sa toux. Elle s’est sentie désarmée, prise au dépourvu dans son rôle de mère. Au fur et à mesure elle me dévoile cette toile qui l’enserre et qui n’attends qu’un coup de ciseaux. Je la rassure, je tente de lui expliquer. C’est difficile et cela prendra du temps.

Je lui donne un rendez-vous de rééducation et je la raccompagne à la porte. Dans la salle d’attente elle se retourne et elle lève les yeux vers moi.

 

Réponses : Saluons les deux perpiscaces qui sont Sage-mum et Foligou, les seules à avoir cité dans l'ordre : Knackie, Sophie, moi et Jimmy. 

 

 

 

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17 juin 2013

Vitesse excessive

 

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Ils viennent de passer à table, leur fille ainée juste couchée. Un moment tranquille à partager dans l'attente de la naissance qui ne devrait plus tarder. Ils prévoient de finir les derniers aménagements de la chambre le week end prochain. Elle le taquine sur les aléas du montage de l'armoire en kit et se tracasse un peu que tout ne soit pas prêt en désignant son ventre plus que rond…

Soudain, un léger "plop", la sensation du liquide chaud et la petite flaque qui s'arrondit à ses pieds. Elle vient de perdre les eaux.

Très vite, tout s'accélère. Attraper la valise, réveiller la grande pour la déposer chez des grands-parents. Dans la voiture les vagues montent et refluent sans réelle pause entre deux.

A l'arrivée en salle de naissance, le rythme s'élève encore d'un cran. Le col est totalement dilaté, il est temps de pousser. Elle n'en sent pas encore le besoin mais s'exécute, puisque c'est le moment… La poussée se révèle laborieuse, bien plus que la première fois. L'équipe envisage à voix haute la possibilité d'un forceps. Cela, elle n'en veut pas. Convoquant toute son énergie, elle met son enfant au monde.

Un pleur et déjà il s'apaise, posé sur le ventre maternel. Les soignants s'affairent encore un peu, vérifiant que tout va bien puis se retirent quelques minutes, les laissant découvrir leur tout-petit dans l'intimité.

Cela, c'est le récit lissé qu'elle répète à chaque visiteur venant se pencher sur le berceau en s'extasiant d'une naissance si facile.

A "sa" sage-femme, elle ose confier sa déception. Cette naissance éclair a un goût de trop peu ; pas le temps de réaliser, de sentir, d'attendre, d'imaginer, de rêver… 

Pour son homme aussi, tout a été très, trop, vite. Ils peinent l'un comme l'autre au souvenir des premiers instants ; une fois seuls, ils ont repris leur conversation sur le montage de l'armoire ; comme poursuivant une discussion interrompue par un incident sans importance.

Une naissance tellement rapide qu'ils n'ont pu réaliser que leur enfant était né.

Et ce bref moment d'apparente indifférence revient les miner chaque fois qu'un proche s'écrie "A peine deux heures, mais quelle chance vous avez ! "

 


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30 janvier 2013

Voyage en terre inconnue

 

279840333_4ccb62d3ba_bJamais je n’aurais pensé me retrouver un jour dans les bureaux luxueux - cuir, verre, acier et moquette épaisse – d’une banque située sur les Champs Elysées. Les hasards de la vie m’ont désignée volontaire pour y accompagner une de mes collègues et amie, responsable associative, que la dite banque avait contactée pour envisager un partenariat avec notre profession.

Nous sommes donc très dignement reçues par de multiples agents d’accueil à la politesse un brin sirupeuse. Passage obligatoire de nos sacs - mon sac à dos détonne un peu - aux rayons X. Je vois avec quelque inquiétude mon ordinateur s’éloigner lentement sur le tapis roulant. Le gardien en uniforme cherche à me rassurer, "Pas de souci, c’est comme quand on prend l’avion". Quand j’annonce que je ne le prends jamais (à chacun ses phobies …), il peine à masquer sa surprise. Comment peut-on vivre sans ??

Une hôtesse en tailleur aux couleurs de la compagnie nous accompagne ensuite dans une enfilade de couloirs ouatés. Notre interlocuteur désigné nous accueille dans son élégant bureau en nous servant un café tiède et fadasse ; bien la peine de naviguer dans les hautes sphères de la finance !

Il annonce d’emblée qu’il va nous présenter son groupe. Nous voilà parties pour une bonne demi-heure de monologue sur sa World Company, l’ISF et les niches fiscales. Plus il parle et plus je m’étonne qu’il ait pu penser que les sages-femmes soient une "cible" intéressante. Il se réjouit de sa clientèle premium, nous adresse un clin d’œil appuyé en précisant qu’il n’y a pas de plombiers dans sa banque, insiste en ajoutant qu’ils n’oseraient jamais entrer dans leurs si beaux locaux.

Je n’ose pas prendre de notes et reste concentrée pour mémoriser ce moment d’anthologie. Heureusement, car cela m'aide à contenir la colère et le fou rire qui se bousculent à l’audition de ce discours satisfait. Pour faire bonne mesure, un mot sur trois est en anglais et fait appel à des notions financières totalement insoupçonnées… Je retiens à la volée mass affluent et booming .

Il poursuit en se disant très intéressé par notre profession appelée à se développer dans les années à venir. C’est la seule bonne nouvelle de cet entretien ; ils ont visiblement mené leur petite enquête et tablent sur l’expansion des sages-femmes dans un avenir proche.

Il envisage de sponsoriser nos réunions, nous fait miroiter les nombreux avantages de sa banque, souligne que le conseil patrimonial est gratuit -si nous avons la modique somme d'un million d’euros à placer ! - évoque encore une fois les plombiers qui ont un carnet de chèque au credit x alors que les cartes bleues et chéquiers de  son entreprise ont quand même plus de classe…

Il nous propose ensuite des crédits à l’installation et semble bien déçu en découvrant que non, toutes les sages-femmes n’achètent pas un appareil d’échographie. Notre monitoring annoncé entre 3000 et 5000 euros semble le décevoir.  Même en y ajoutant le reste du matériel, l’ameublement, la voiture, l’équipement informatique et un gros carton de spéculum, nous n'atteignons pas les plusieurs centaines de milliers d’euros qu'il escomptait.

Le sketch a assez duré ! Je lui demande s'il est bien renseigné sur nos revenus. Il évoque des bénéfices moyens de 50 à 60  "kilo euros"….  Je souligne qu’il parle là de chiffre d’affaire et qu’il faut au minimum le diviser par deux pour évaluer nos bénéfices réels.

Il se tasse un peu sur sa chaise ; il vient de perdre son temps avec des "pauvres"…

Pour faire bonne figure, il poursuit encore quelques minutes, cessant d’évoquer tout sponsoring pour nous proposer généreusement qu'un commercial vienne présenter - gracieusement souligne t-il ! - les avantages de sa banque lors de nos réunions.

La messe est dite.

Il nous raccompagne très poliment jusqu’à la porte. Les trottoirs des Champs Elysées sont noirs de monde. Je m’engouffre dans la bouche de métro la plus proche.
Retour à la vraie vie.

 

PS :  je note quand même qu'il s’est  humanisé pendant quelques minutes, sortant  de son rôle lisse et glacé pour évoquer l’IVG, la difficulté croissante pour y accéder et la place que les sages-femmes devraient y prendre.

 

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17 février 2012

Fragile

 

2409012938_c6729e3679_zTatoués, percés, crêtés, ils ne passent pas inaperçus. 

Ils attendent leur premier enfant avec bonheur, s'émeuvent des premières sensations, imaginent les mois à venir, s'interrogent sur leur compétence parentale. Habituelles réflexions partagées par de nombreux couples.  

Pourtant... réactions un peu vives, critiques à peine voilées, au fil des mots se révèle leur totale défiance vis à vis du monde médical.  

L’un comme l’autre ont une santé fragile, l’un comme l’autre se heurtent à un système de soin qu'ils ressentent comme brutal. Ils dénoncent une médecine indifférente et riche en préjugés.

Si elle a cessé de fumer depuis le début de sa grossesse, lui n’y parvient pas. Ce serait pourtant nécessaire. Un asthme sévère l’amène régulièrement aux urgences. Une fois soulagé, il en ressort avec un traitement, les consignes d'un suivi régulier et d'arrêt du tabac. Tous conseils qu'il s'empresse de ne pas suivre.

Le dernier pneumologue, consulté il y a plusieurs années, lui aurait annoncé qu'il mourrait trop vite de l’action conjuguée de son asthme et de son tabagisme… Provocation volontaire pour le faire réagir et le mettre en face de choix essentiels ? Lui l’a entendu comme une fin de non-recevoir.

Du pré au post natal, notre chemin commun durera une année. J'ai très naïvement espéré le convaincre de mieux se soigner, cherchant le spécialiste qui l'accueillerait sans jugement abrupt, espérant que l'accompagnement respectueux de la grossesse restaurerait sa confiance dans le milieu médical.

Peine perdue.

Il néglige tout suivi, consentant à se rendre aux urgences lorsqu'une crise plus grave le met à bout de souffle...
Il n'a pas trente ans et ne peut monter des étages sans faire étape à chaque pallier.

 

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23 juin 2012

Money

 

6012147519_d43bdd5ea5_bIl y a quelques mois, je découvrais avec indifférence le concept de "babyplanners". Puis un nouvel article est venu piquer ma curiosité. Une visite s'imposait...

Ici, la liste des prestations "offertes" débute par de très banales séances photos. Viennent ensuite massage de la mère - non médical est-il souligné -  et massage du bébé par une "formatrice diplômée".

Sourions devant "l'architecte d'intérieur" en pensant à tous ces couples qui concoctent avec amour un nid douillet pour leur enfant en délaissant le neuf et le clinquant. Avant, les parents faisaient fièrement visiter une chambre fleurant bon les solvants et vernis industriels, maintenant, ils achètent des meubles sur le "Bon coin", les repeignent à la peinture bio et bricolent un tapis d'éveil en patchwork maison... Que viendrait faire dans cette intimité chaleureuse une pensée extérieure, même si elle optimise les centimètres carrés et assortit parfaitement les couleurs du rideau à celles du tapis de jeu ?

De la même manière les faire-part conçus avec amour sur le PC familial, illustrés, bande-dessinés, découpés ou coloriés par les ainés ont plus de charme que la mise en page impeccable d'un professionnel habilité à choisir les couleurs layettes de circonstance.

On enchaine avec le shoping personnalisé... Les parents seraient décidément de ravissants idiots incapables de choisir ce qui conviendra à leur bébé ?

Vient la rubrique événementielle avec "la baby shower", mode venue des Etats-Unis toujours prompts à inventer de nouveaux rites propres à faire dépenser quelques sous. La salutaire soirée entre copines où l'on se défoule en se racontant bonheurs et "horreurs" plus ou moins tues de la maternité n'a pourtant besoin de personne pour s'organiser. Faut juste de bonnes, de vraies amies et ça, ça ne se vend pas...  

De même, que vient faire un professionnel dans la conception d'un anniversaire alors que le net nous dévoile tous les jours de superbes productions faites maison, avec dedans toute la tendresse d'un parent créant le bateau en chocolat ou la maison des bonbons qui marquera dignement l'événement.

La liste de naissance est une proposition plus clas sique - et superflue - mais le détail qui tue, c'est le "personal shopper", en anglais évidemment ; acheteur, ça ferait moins chic...

Voilà donc une série de prestations plus ou moins inutiles et prétentieuses venant priver les couples d'activités les aidant à imaginer et concrétiser leur parentalité prochaine.
Tout cela ne valait surement pas un billet d'humeur.

Mais dans la longue liste de propositions, certaines apparaissent plus utiles ; j'ai nommé les "consultations thématiques à domicile ou en groupe". Au programme : alimentation, soins, sommeil du nouveau-né, retour au domicile, nouveaux repères, paternité.
Tous sujets éminemment intéressants... et abordés en préparation à la naissance ! Préparation qui traitera bien d'autres thèmes utiles aux futurs parents. Cout : de 15.90 à 39.75 € la séance (selon le type de séance et le nombre de participants) remboursés par la sécurité sociale dans la limite de 8 séances...

Parce que 100 € à domicile, 75 € en groupe... ça sent la chasse aux gogos en quête de branchitude.

Après, vous faites bien comme vous voulez hein...

 

PS : si vous avez un peu d'argent à placer dans un projet, allez vous balader sur ce lien qui propose de participer au financement d'un documentaire sur l'accouchement à domicile. La courte bande annonce donne envie d'en voir plus.

 

©Photo 


26 janvier 2013

Bleu arc en ciel

 

4457769273_413402f318_zCette maternité est une petite structure et la sage-femme de garde assure toutes les fonctions en parallèle, consultation, préparation, salle de naissance et hospitalisation. Comme les couples y sont suivis dès le début de la grossesse, cela fait autant d’occasions de se croiser, se rencontrer, apprendre à se connaître et nouer une vraie relation.

Avec ces parents, la rencontre fut particulièrement riche et forte. Je les ai accompagnés avec plaisir tout au long des neuf mois, le hasard a gentiment fait que je sois de garde au moment de la naissance et leur séjour a fini de sceller une vraie complicité.

A l’occasion du second anniversaire de leur petit, je les découvre tous les trois au détour d’un couloir. Nos retrouvailles sont joyeuses. Nous évoquons les deux années si rapidement passées, la découverte de la parentalité, son cortège de joies et d’inquiétudes, le premier sourire, la première dent, la première fièvre, la première chute, les premiers mots…

Leur fils commence à s’impatienter ; tire leurs mains, s’aventure à explorer quelques tiroirs du bureau, consent à crayonner une feuille blanche pour nous accorder un peu de temps puis revient se blottir dans leurs bras.

Il  a de magnifiques yeux bleus. Je me surprends à observer ceux de ses deux parents pour y retrouver l'hérédité de ce bleu saturé. Je souris de mon absurdité.

Une sonnette me rappelle à mes devoirs. Il faut retourner dans le service.
Je les regarde s’éloigner. Solidement accroché à leurs bras, il saute et rit à chaque envol.

Arrivées au bout du couloir, elles se retournent ensemble pour me saluer gaiement d'un grand signe de la main.

 

©Photo

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